Test Blu-ray / Comme des chiens enragés, réalisé par Mario Imperoli

COMME DES CHIENS ENRAGÉS (Come cani arrabbiati) réalisé par Mario Imperoli, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Piero Santi, Annarita Grapputo, Paola Senatore, Cesare Barro, Luis La Torre, Gloria Piedimonte, Mario Farese, Silvia Spinozzi…

Scénario : Mario Imperoli, Piero Regnoli

Photographie : Romano Albani

Musique : Mario Molino

Durée : 1h38

Année de sortie : 1976

LE FILM

Dans la Rome des années 1970, trois amis, Tony, Rico et Silvia, étudiants exemplaires, surmontent leur ennui en laissant libre cours à leurs bas instincts. Braquages, torture, viols et meurtres constituent leur quotidien, tandis que le commissaire Muzi et sa collègue Germana cherchent à les démasquer. Tony, le cerveau de la bande, est le fils d’un homme riche et influent, lui-même corrompu. Se croyant intouchables, le jeune homme et ses complices sont entraînés dans une spirale infernale à laquelle seul Muzi pourra mettre un terme.

« Si vous n’aimez pas la réalité sur une certaine jeunesse d’aujourd’hui, alors ce film n’est pas fait pour vous ! S’il vous déplaît d’apprendre que vous non plus n’êtes peut-être pas des parents modèles, laissez tomber ce film ! »

Au cours des années 70, l’Italie subit les revendications politiques des Brigades Rouges et vit ce que l’on appellera plus tard ses « années de plomb » . Reflet social, le cinéma va exprimer cette violence dans une vague de polars urbains âpres et cruels. Fortement inspirés par des films comme L’inspecteur Harry (1971), Un justicier dans la ville (1974) ou encore French Connection (1971), les réalisateurs Enzo G. Castellari, Fernando Di Léo, Umberto Lenzi, et bien d’autres, vont faire mettre en images violence, vengeance et justice. Franco Nero, Tomás Milián, Fabio Testi, ou Maurizio Merli, vont camper les flics, voyous, mafieux, escrocs ou justiciers, pour le plus grand bonheur des spectateurs. A l’heure où certaines villes italiennes sont ratissées par certains gangs organisés et les petits commerçants pillés de toutes parts, Comme des chiens enragés Come cani arabiati agit comme un véritable défouloir dans les salles de cinéma en 1976.

Le film est réalisé par Mario Imperoli (1931-1977), cinéaste rare qui n’aura tourné que huit longs métrages en quatre années. Il fait d’abord ses classes en tant que journaliste, puis devient scénariste en signant l’histoire et en produisant L’interrogatorio (1970) de Vittorio De Sisti. Puis il passe lui-même derrière la caméra avec des histoires érotiques aux titres explicites, Mia moglie, un corpo per l’amore (1973), La Lycéenne découvre l’amour (1974), Le Dolci zie (1975), Couples impudiques (1975). Avec Comme des chiens enragés, Mario Imperoli prend le train en marche et signe son premier poliziesco. Si par la suite, le réalisateur reviendra au film érotique avec Quella strana voglia d’amare (1977), il terminera sa carrière sur un autre thriller, Canne mozze. Mais son film le plus célèbre auprès des amateurs de films Bis, reste incontestablement Comme des chiens enragés.

Ce thriller violent n’a sans doute pas l’audace de Big Racket d’Enzo G. Castellari, mais n’en demeure pas moins un reflet de l’Italie d’alors et n’a rien perdu de sa férocité aujourd’hui. Co-écrit par le prolifique Piero Regboli (Deux salopards en enfer, L’Avion de l’apocalypse, La Collégienne en vadrouille), Come cani arrabbiati n’est pas un film aimable et n’a pas peur de choquer à travers des séquences particulièrement violentes envers les femmes notamment. Sur un montage sec et nerveux d’Otello Colangeli, on suit cette enquête policière qui possède pas mal de points communs avec l’excellent San Babila : Un crime inutile de Carlo lizzani, sorti la même année. Une description frontale de la violence qui animait les rues des grandes villes italiennes (d’ailleurs le film s’inspire d’un fait divers réel), des crimes réalisés par des fils de bonne famille alors en lutte contre leurs pères, les institutions et les prostituées qui constituent des cibles faciles et qu’ils trucident à la pelle. C’est également là que l’on voit l’impact d’Orange mécanique de Stanley Kubrick sur une génération de cinéastes puisque la scène finale n’est pas sans rappeler celle où Alex et ses compagnons prennent d’assaut une maison en pleine nuit, tabassent son propriétaire et violent sa femme.

Véritable tour de force et polar prenant, Comme des chiens enragés vaut également pour la beauté insolente et le talent de Paola Senatore, sans doute le plus beau rôle du film et qui en profite pour ravir les yeux de ces messieurs lors de scènes dénudées disons très émouvantes. C’est du vrai et excellent cinéma italien d’exploitation.

LE BLU-RAY

Comme des chiens enragés est savamment pris en charge par Le Chat qui fume. Ce combo Blu-ray/DVD est disponible dans un Digipack 3 volets glissé dans un superbe surétui cartonné liseré bleu et au visuel on ne peut plus attractif. Edition limitée à 1000 exemplaires. Le menu principal est animé et musical.

Un seul supplément sur cette édition, l’interview de Claudio Bernabei (31’30), assistant-réalisateur de Mario Imperoli sur Comme des chiens enragés. Claudio Bernabei se souvient de sa rencontre avec le réalisateur sur L’interrogatorio de Vittorio De Sisti et le couvre d’éloges en disant « Imperoli n’était pas quelqu’un de bien, mais de très très bien […] gentil, poli, jamais autoritaire, sans doute parce qu’il était devenu réalisateur sur le tard ». L’assistant-réalisateur se penche plus longuement sur le film qui nous intéresse en parlant du fait divers à l’origine du scénario, des années de plomb en Italie, le tout ponctué par de nombreuses anecdotes de tournage.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

Le Chat qui fume nous gratifie d’un master HD (1080p, AVC) impressionnant, présenté dans son format original 2.35 (16/9, compatible 4/3). La propreté de la copie est indéniable, la restauration ne fait aucun doute, les contrastes sont beaux, le cadre fourmille de détails, même si le piqué demeure aléatoire. Le grain est très bien géré (sans doute plus prononcé sur les séquences sombres), l’ensemble stable sans bruit vidéo, les couleurs concoctées par Romano Albani (Inferno, Phenomena) sont agréables pour les mirettes, souvent rutilantes. Le charme opère et l’on (re)découvre Comme des chiens enragés avec ses partis pris esthétiques originaux.

Le film de Mario Imperoli est présenté dans sa version intégrale et seulement en version originale. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place aux ambiances naturelles, ainsi qu’à la musique de Mario Molino.

Crédits images : © LE CHAT QUI FUME / Rewind SRL / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / Chats rouges dans un labyrinthe de verre, réalisé par Umberto Lenzi

CHATS ROUGES DANS UN LABYRINTHE DE VERRE (Gatti rossi in un labirinto di vetro) réalisé par Umberto Lenzi, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Martine Brochard, John Richardson, Ines Pellegrini, Andrés Mejuto, Mirta Miller, Daniele Vargas, George Rigaud, Silvia Solar, Raf Baldassarre…

Scénario : Umberto Lenzi, Félix Tusell

Photographie : Antonio Millán

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h32

Année de sortie : 1975

LE FILM

Lors d’un voyage organisé à Barcelone, un groupe de touristes américains est attaqué par un tueur en série vêtu de rouge qui égorge les jeunes femmes puis leur arrache l’œil gauche. Alors que l’enquête policière patine, l’un des leurs, le publiciste Mark Burton, est soupçonné d’être le maniaque. Bien décidé à prouver son innocence, il décide d’enquêter avec l’aide de sa maîtresse, une certaine Paulette Stone.

Umberto Lenzi (1931-2017) est l’exemple typique du réalisateur qui a su suivre la mode, les goûts et les préférences des spectateurs, en passant successivement du film de pirates (Mary la rousse, femme pirate, Les Pirates de la Malaisie) au péplum (Maciste contre Zorro, Hercule contre les mercenaires) dans les années 1960, puis du giallo (Le Tueur à l’orchidée, Spasmo) au poliziottesco (Brigade spéciale, La Rançon de la peur, Le Cynique, l’Infâme et le Violent) dans les années 1970, pour terminer sa carrière dans le genre épouvante (La Secte des cannibales, L’Avion de l’apocalypse). Un cinéaste prolifique, diplômé du Centro Sperimentale di Cinematografia, avec plus de 60 films à son actif réalisés en 35 ans de carrière. Chats rouges dans un labyrinthe de verreGatti rossi in un labirinto di vetro apparaît tout juste au milieu de sa carrière.

Ce giallo traditionnel s’inscrit dans la droite lignée du genre avec son lot de crimes réalisés par un tueur ganté et filmés en caméra subjective. Ce qu’il y a d’original ici, c’est que le film est tourné quasi-intégralement à Barcelone, sous un soleil radieux, loin des villes froides et angoissantes, habituellement le terrain de jeu traditionnel des tueurs masqués transalpins. Les victimes trépassent presque au milieu de la foule sur La Rambla, en plein jour. A côté de ça, Chats rouges dans un labyrinthe de verre n’a rien de vraiment miraculeux ou d’original, mais reste un bon moment pour les amateurs d’un genre qui connaissait déjà une sérieuse baisse de régime en 1975.

Des vacanciers venus du Vermont parcourent les routes en car lors d’un voyage organisé en Espagne. Au cours d’une escale à Barcelone, une jeune femme du cru est assassinée. Quand on la découvre, l’oeil gauche énucléé, l’image saisissante renvoie les touristes à un crime identique commis un an plus tôt à Burlington. Bientôt, c’est l’une des américaines qui succombe sous les coups du maniaque. Pour le commissaire Tudela, le groupe de touristes est forcément lié aux crimes. Mark Burton, quant à lui, commence petit à petit à soupçonner que sa femme puisse être la coupable. Insaisissable, le tueur continue à frapper…

Soyons honnêtes, les indices laissés par le metteur en scène (également coscénariste) et Félix Tusell sont tellement énormes que l’on parvient à deviner l’identité du maniaque au bout d’une demi-heure. Une fois cette découverte faite, le but est donc de s’amuser à voir comme il/elle parvient à donner le change à ses petits camarades et surtout de savoir pourquoi il/elle s’en prend à eux ainsi. Et pourquoi cet œil crevé systématiquement ?

Umberto Lenzi n’est heureusement pas un amateur derrière la caméra. Son film se suit sans déplaisir, grâce à un montage plutôt nerveux, une belle photo ensoleillée, une visite carte-postale de la ville, ainsi que des meurtres assez brutaux ou inattendus comme lors de la séquence du train-fantôme. Si la musique est signée Bruno Nicolai, son omniprésence agace en revanche prodigieusement. Le thème revient constamment alors que Lenzi aurait gagné en tension en laissant certains moments reposer uniquement sur les bruitages et les cris.

Du point de vue interprétation, la frenchie Martine Brochard (Polices parallèles de Sergio Martino) tire aisément son épingle du jeu, ainsi que l’argentin George Rigaud (Les Rendez-vous de Satan de Giuliano Carnimeo) dans la peau d’un prêtre au regard perçant, sans oublier le charme sexy d’Ines Pellegrini (vue dans Les Mille et Une Nuits de Pier Paolo Pasolini) et la tronche cramée aux UV – sorte de rejeton de Donald Trump et de Valentino – d’Andrés Mejuto dans le rôle du commissaire chargé de l’enquête (à une semaine de la retraite) qui aimerait bien mettre la main sur le tueur avant d’aller pêcher la truite. Le reste du casting, dont le falot John Richardson et les acteurs en majeure partie espagnols, co-production oblige, marque peu les esprits.

Malgré ses points faibles, Chats rouges dans un labyrinthe de verre, ou Eyeball pour son exportation, conserve son charme désuet. Nous sommes ici en plein cinéma d’exploitation et le réalisateur ne s’en cache pas. Tout est fait ici pour attirer le chaland, pour lui faire acheter un billet de cinéma et Umberto Lenzi n’était sûrement pas le dernier à vouloir faire rentabiliser son ticket au spectateur venu là pour être diverti. Gatti rossi in un labirinto di vetro est une œuvre généreuse, parfois maladroite certes, mais animée par une envie de bien faire et de faire plaisir à une audience toujours partante pour quelques émotions fortes.

LE BLU-RAY

Chats rouges dans un labyrinthe de verreGatti rossi in un labirinto di vetro est le second giallo édité par Le Chat qui fume en novembre 2018. Ce superbe combo Blu-ray/DVD, proposé sous la forme d’un Digipack 3 volets avec étui cartonné, est disponible en édition limitée à 1000 exemplaires.Le menu principal est animé et musical.

Nous commençons les suppléments par un entretien d’Umberto Lenzi, décédé en octobre 2017 (23’). En introduction, un carton indique que cette interview dévoile plusieurs fins des gialli du réalisateur comme Paranoia (1970), Spasmo (1974) et bien sûr Chats rouges dans un labyrinthe de verre. Umberto Lenzi indique que son giallo avait tout d’abord été pensé dans le but de sortir un ami metteur en scène de la faillite, le cinéaste étant prêt à faire le film gratuitement. Ensuite, le réalisateur aborde le film qui nous intéresse en revenant sur les conditions de tournage à Barcelone, sur l’explication du titre, sur le casting, sur la musique de Bruno Nicolai et sur l’évolution du travail du metteur en scène.

Après Olivier Père, Jean-François Rauger, Fathi Beddiar et Philippe Chouvel, c’est au tour du journaliste Francis Barbier du site DeVilDead.com de nous donner la liste de ses trois gialli préférés (14’), vus sous « l’angle du plaisir ». Non seulement l’invité du Chat qui fume indique quels sont ses gialli de prédilection, Le Chat a neuf queues de Dario Argento, La Dame rouge tua sept fois d’Emilio Miraglia et La Queue du scorpion de Sergio Martino, mais Francis Barbier dresse également en parallèle l’histoire du genre dans les années 1970, avec ses codes, son évolution et sa fin.

Ne manquez pas la délicieuse rencontre avec la comédienne Martine Brochard (17’). Douce, accueillante et chaleureuse, l’actrice revient sur sa carrière en mettant en parallèle son parcours professionnel et sa vie personnelle. De ses débuts en tant que danseuse dans les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier, en passant par ses premiers pas devant la caméra dans Baisers volés de François Truffaut, jusqu’à son arrivée en Italie, Martine Brochard est visiblement très heureuse d’évoquer ses plus belles rencontres. Elle y raconte également à quel point « le cinéma italien était grisant » et évoque le tournage de Chats rouges dans un labyrinthe de verre, son personnage dans le film ainsi que sa collaboration avec Umberto Lenzi qu’elle a toujours aimé et admiré. Les anecdotes de tournage s’enchaînent, souvent teintées d’émotion. La comédienne est également ravie de constater que ces films intéressent aujourd’hui autant si ce n’est plus les spectateurs, surtout les plus jeunes. Notons également que Martine Brochard réalise une petite présentation de Chats rouges dans un labyrinthe de verre juste lors du lancement du film.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.

L’Image et le son

La copie est très propre, lumineuse et les couleurs profitent de cette élévation en Haute-Définition. Malgré tout, nous dénotons divers fourmillements, le piqué est peu acéré et la gestion des contrastes est parfois aléatoire. Celle du grain est en revanche bien gérée, certaines séquences sortent du lot (toutes celles tournées en extérieur) et le bilan est au final positif.

Seule la version originale aux sous-titres français est imposés est disponible. L’omniprésente musique de Bruno Nicolai est bien délivrée avec une ardeur souvent étonnante, tandis que les dialogues, entièrement réalisés en post-synchronisation sont également dynamiques. Un léger souffle se fait entendre, mais l’ensemble est clair, net, précis.

Crédits images : © LE CHAT QUI FUME / Variety / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Rendez-vous de Satan, réalisé par Giuliano Carnimeo

LES RENDEZ-VOUS DE SATAN (Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?) réalisé par Giuliano Carnimeo, disponible en combo Blu-ray/DVD chez Le Chat qui fume

Acteurs :  Edwige Fenech, George Hilton, Paola Quattrini, Giampiero Albertini, Franco Agostini, Oreste Lionello, Ben Carra, Carla Brait, George Rigaud…

Scénario : Ernesto Gastaldi

Photographie : Stelvio Massi

Musique : Bruno Nicolai

Durée : 1h35

Année de sortie : 1972

LE FILM

Deux jeunes femmes sont assassinées coup sur coup dans le même immeuble appartenant à l’architecte Andrea Antinori. Ce dernier, en échange d’une séance photo pour une campagne de publicité, propose à deux mannequins, Jennifer et Marylin, de venir s’y installer. Tandis que Jennifer, au passé trouble, échappe de peu aux assauts du tueur, les soupçons de la police se portent sur Andrea, devenu son amant…

Les gialli fleurissent sur les écrans depuis quelques années déjà quand le réalisateur Anthony Ascott, aka Giuliano Carnimeo (1932-2016) entreprend le sien, lui qui était habituellement cantonné au western. Depuis Six femmes pour l’assassin de Mario Bava sorti en 1964, puis l’avènement de Dario Argento avec son Oiseau au plumage de cristal (1970), moult ersatz ou autres chefs d’oeuvre du genre ont vu le jour. Alors comment se démarquer du tout-venant ? Giuliano Carnimeo, loin d’être un manchot derrière la caméra comme il avait déjà pu le démontrer avec Le Fossoyeur (1969) et Bonnes funérailles, amis, Sartana paiera (1970), tous deux avec le mythique Gianni Garko, a toujours su s’entourer de solides collaborateurs. Pour Les Rendez-vous de Satan, son unique thriller, le cinéaste s’associe à nouveau avec le scénariste Ernesto Gastaldi, qui avait déjà signé pour lui deux westerns, Le Fossoyeur et Una nuvola di polvere… un grido di morte… arriva Sartana (1970).

A la barre, Luciano Martino produit Giuliano Carnimeo pour la troisième fois, le fidèle Bruno Nicolai tient la baguette, tandis que le chef opérateur Stelvio Massi signe une fois de la plus la photographie. Tous ces talents combinés donnent naissance au giallo Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?, sorti en France sept ans plus tard sous le titre accrocheur bien qu’improbable, Les Rendez-vous de Satan, qui surfait de manière opportuniste sur la vague Exorciste. Ajoutez à cela la présence en haut de l’affiche de la sublime et sexy Edwige Fenech, qui donne cette fois encore la réplique au comédien George Hilton après L’Étrange Vice de madame WardhLo strano vizio della Signora Wardh et Toutes les couleurs du viceTutti i colori del buio réalisés par Sergio Martino, et vous obtenez un pur film d’exploitation vraiment bien troussé qui mérite largement le détour.

En moins de 24 heures, deux jeunes femmes sont sauvagement assassinées dans un immeuble luxueux. Peu après, la propriétaire des lieux, Andrea, invite deux mannequins, Jennifer et Marilyn, à emménager dans le bâtiment, souhaitant en retour qu’elles posent pour une campagne de publicité. Mais Jennifer est très vite harcelée par le tueur en série. Alors que tous les soupçons se portent sur Andrea, Jennifer tente de démasquer le meurtrier avant qu’elle ne devienne la prochaine victime. Les suspects sont nombreux : son ancien époux membre d’une secte sexuelle, une voisine lesbienne, le fils difforme d’une vieille veuve ou encore l’architecte et propriétaire de l’immeuble qui ne supporte pas la vue du sang. Qui est le coupable ?

D’entrée de jeu, Giuliano Carnimeo parvient à marquer Les Rendez-vous de Satan de sa griffe. A l’aide d’une caméra portée, le cinéaste donne à son film une respiration, un côté organique, qui suit les personnages, court avec eux, s’essouffle même en cadence lors des séquences agitées. Le cadre happe l’audience à l’aide de contre-plongées, de renversements à 180°, la mise en scène vit, pulse, tandis que la photo cotonneuse à la palette chromatique volontairement effacée et aux sources luminescentes ravit les yeux. Il n’en fallait pas plus pour que les spectateurs se laissent porter par cette histoire, classique du genre, mais représentative de l’efficacité d’un scénariste chevronné (La Queue du scorpion, Plus venimeux que le cobra). S’il n’est finalement pas difficile de deviner qui est le véritable tueur dans ce whodunit transalpin, Les Rendez-vous de Satan va à l’essentiel. Tous les ingrédients du giallo sont là, largement influencés par le chef d’oeuvre matriciel de Mario Bava, tant certaines scènes y font écho de façon troublante, ne serait-ce que dans l’apparence du tueur.

Outre l’indéniable maîtrise formelle qui dynamise constamment un script respectant le cahier des charges, l’un des autres points forts des Rendez-vous de Satan est la composition de Bruno Nicolai, aux accents forcément « morriconiens », une plus-value qui n’a rien d’anecdotique et qui participe à la véritable identité du film. Enfin, nous l’avons mentionné plus haut, Edwige Fenech est l’une des principales attractions de Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ?. A l’instar de Barbara Bouchet, l’actrice âgée ici de 24 ans hypnotise par sa beauté sauvage héritée de sa mère sicilienne, son regard félin et ses courbes affriolantes. Elle démontre une fois de plus qu’elle était bien plus qu’une redoutable créature, ici dans la peau d’une jeune femme en détresse. George Hilton (Deux salopards en enfer, L’Adorable corps de Deborah) qui s’éloignait des westerns qui l’ont rendu populaire est ambigu à souhait, Paola Quattrini apporte cette touche mutine, innocente et coquine aux côtés d’Edwige Fenech, tout comme Carla Brait, l’atout blaxploitation, Giampiero Albertini (le commissaire) et Franco Agostini (l’inspecteur) livrent quelques touches d’humour bienvenues, sensiblement décalées et surtout très réussies.

Mine de rien, sans en avoir l’air, Les Rendez-vous de Satan enchaîne les petites scènes élégantes (cadrage stylisé), violentes (la scène du meurtre au scalpel dans l’ascenseur fait penser à Pulsions huit ans avant), sexy (on se rince l’oeil comme il faut), drôles (le flic philatéliste, l’inspecteur maladroit), angoissantes (la séquence de la baignoire), avec une réelle virtuosité, sans aucun temps mort, jusqu’à la révélation finale. D’ailleurs, l’épilogue reste aujourd’hui bien étrange et peu importe si le spectateur comprend ou pas sa signification. Perché quelle strane gocce di sangue sul corpo di Jennifer ? est un très bon cru qui se déguste et s’apprécie toujours autant plus de 45 ans après sa sortie en Italie.

LE BLU-RAY

Edition limitée tirée à 1 000 exemplaires pour Les Rendez-vous de Satan, nouveau giallo à atterrir dans l’escarcelle du Chat qui fume. Le DVD et le Blu-ray reposent tranquillement dans un Digipack 3 volets avec étui cartonné, avec d’un côté Carla Brait dans une de ses démonstrations scéniques (qui rappelle Perle Noire contre James Bond dans Les Diamants sont éternels), et de l’autre Edwige Fenech recouverte d’iris. Nous en avons déjà parlé, mais il est toujours bon de saluer le superbe travail du graphiste Frédéric Domont, qui livre une fois de plus un objet à se damner. Le menu principal est animé sur la musique de Bruno Nicolai. Enfin, le film de Giuliano Carnimeo est proposé dans sa version intégrale.

En ce qui concerne les suppléments, l’éditeur est allé à la rencontre du comédien Jorge Hill Acosta y Lara alias George Hilton (21’). Alors qu’il s’apprêtait à fêter ses 84 ans en 2018, l’acteur né en Uruguay revient dans un premier temps sur sa carrière et son succès dans le western, et explique avoir voulu sortir de ce carcan. Il cite volontiers les films L’Adorable Corps de Deborah et La Queue du scorpion, qui lui ont permis de montrer qu’il pouvait aisément passer à un autre genre, pour montrer ses capacités d’adaptation. Ensuite, George Hilton évoque sa rencontre avec le réalisateur Giuliano Carnimeo sur le western Django arrive, préparez vos cercueils, tout en louant son talent de metteur en scène. En ce qui concerne Les Rendez-vous de Satan, il parle des prises de vues effectuées à Gênes, partage quelques souvenirs de tournage (l’affrontement final), évoque ses partenaires (dont sa grande amitié et ses diverses collaborations avec Edwige Fenech) et indique qu’il n’a jamais compris l’épilogue du film !

Les mêmes questions ou presque sont posées à l’actrice Paolo Quattrini (12’). Cet entretien est plus court puisque l’intéressée déclare avoir du mal à se souvenir du film qui nous intéresse. A part le fait qu’elle se trouve excellente dans Les Rendez-vous de Satan, qu’elle avait revu pour l’occasion, la comédienne n’a effectivement pas grand-chose à dire de plus, si ce n’est que la ville de Gênes tient une place importante dans sa vie.

Enfin, c’est au tour du journaliste Francis Barbier du site DeVilDead.com de prendre la parole pour une analyse indispensable des Rendez-vous de Satan (33’). Comme un panneau l’indique en introduction, ce module contient des spoilers et n’est donc à visionner qu’après avoir vu le film. Comme il en l’habitude, Francis Barbier croise habilement le fond (le thème de l’homosexualité notamment) et la forme (les partis pris, la photographie) du film de Giuliano Carnimeo en revenant sur ce qui fait de ce giallo son caractère propre que l’on doit à son réalisateur, à son chef opérateur, à son compositeur, à son producteur et à son scénariste. Quelques séquences du film sont passées au scalpel (c’est le cas de le dire), tout comme le travail du metteur en scène et sur le cadre. Le casting n’est évidemment pas oublié, tout comme l’épilogue troublant (Francis Barbier donne sa propre interprétation) et enfin la sortie et le succès du film en Italie.

L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces des Rendez-vous de Satan et de La Saignée.

L’Image et le son

Nous avons déjà testé une quinzaine de titres édités par Le Chat qui fume. Force est d’admettre que nous nous trouvons devant l’un de leurs plus beaux Blu-ray. Le cadre large, superbe, regorge de détails aux quatre coins et ce dès la première séquence. Si le générique est évidemment plus doux, la définition reste solide comme un roc, la stabilité est de mise et le grain original flatte constamment la rétine. La propreté de la copie est irréprochable, à part peut-être quelques pétouilles bleutées à la 52e minute, mais ce serait vraiment chipoter. La palette chromatique profite de cet upgrade avec des teintes jaunes, rouges et bleues revigorées. Les séquences diurnes en extérieur bénéficient d’un piqué pointu et d’une luminosité inédite. Ajoutez à cela des noirs denses, une magnifique patine seventies, quelques éclairages luminescents et vous obtenez donc l’une des plus belles éditions HD de l’éditeur.

Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono 2.0 ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la sublime musique de Bruno Nicolai. A titre de comparaison, elle demeure la plus dynamique et la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono 2.0 est tout aussi dynamique, malgré un léger souffle et un rendu plus artificiel. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale. Les scènes coupées réintégrées ici et non doublées, passent directement en version originale sous-titrée.

Crédits images : © LE CHAT QUI FUME / Variety / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Les Sorcières du bord du lac, réalisé par Tonino Cervi

LES SORCIÈRES DU BORD DU LAC (Le Regine) réalisé par Tonino Cervi, disponible en DVD aux Editions Montparnasse le 3 janvier 2018

Avec :  Silvia Monti, Ray Lovelock, Ida Galli, Haydée Politoff, Gianni Santuccio, Guido Alberti…

Scénario : Tonino Cervi, Benedetto Benedetti

Photographie : Sergio D’Offizi

Musique : Angelo Francesco Lavagnino

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1970

LE FILM

Les Sorcières du bord du lac, également connu sous le titre Les Sorcières, ou bien encore Adorables et atroces créatures, Queens of Evil pour son titre international et Le Regine et/ou Il Delitto del Diavolo en version originale, est un pur film d’exploitation transalpin, une série B réalisée par Antonio Cervi aka Tonino Cervi. Né en 1929 et mort en 2002, fils de l’acteur Gino Cervi (Peppone dans la saga don Camillo) et père de la sublime Valentina Cervi (Portrait de femme, Rien sur Robert), le cinéaste et scénariste reste peu connu en France, mais Les Sorcières du bord du lac (1970), mis en scène deux ans après son premier coup d’essai Cinq gâchettes d’or (coécrit par Dario Argento), demeure son film le plus célèbre. Considéré comme la version « adulte » du conte Hansel et Gretel, ce petit film surfe alors sur le succès du cinéma de genre qui remplit les salles et le tiroir-caisse des producteurs. Une vraie curiosité.

David (Ray Lovelock) est un hippie se réclamant libre et indépendant dans une société mercantile qui ne respecte plus ses propres valeurs. Afin de ne pas s’enraciner, il a pris pour habitude de voyager sans véritable but, sur sa moto, à travers tout le pays. Une nuit, il s’arrête afin de porter secours à ce qui s’avère être un riche homme d’affaires (Gianni Santuccio). Ce dernier, même s’il accepte son aide, lui fait la morale à propos de convictions dénuées de propositions et d’alternatives sociétales, qu’il juge somme toute immatures. Après que sa roue ait été changée, l’homme repart. A ce moment-là, David s’aperçoit que son pneu a été crevé. Son sang ne fait qu’un tour, il répare sa bécane pour rattraper l’homme. Arrivé à sa hauteur, l’homme, dans un moment d’inattention, s’écrase contre un arbre et meurt sous les yeux de David. Ce dernier prend peur et s’enfuit immédiatement. Plus loin, un barrage de police l’oblige à prendre un chemin à travers les bois. Il arrive devant une étrange cahute et se réfugie dans une grange. Le lendemain, il se réveille et rencontre les propriétaires de cette habitation. Trois sœurs, Bibiana (Ida Galli), Liv (Haydée Politoff) et Samantha (Silvia Monti) l’accueillent chaleureusement. David se retrouve petit à petit hypnotisé par ces trois séduisantes jeunes femmes, pour lesquelles il éprouve une attirance physique. Voulant néanmoins retrouver la route et sa liberté, David va avoir de plus en plus de mal à se détacher de ses trois hôtesses. Un soir, le riche propriétaire d’un château caché au fond des bois, organise une fête.

Les Sorcières du bord du lac joue sur l’attente et parvient à créer un étrange suspense. Si le titre dévoile immédiatement le pot aux roses, il faudra attendre la dernière bobine pour que les trois sœurs passent à l’action et dévoilent réellement leur véritable nature. Tonino Cervi est malin et économise ses cartouches en instaurant une ambiance étrange et éthérée, en privilégiant les séquences oniriques. Le metteur en scène joue sur l’étrangeté et le décalage des décors comme cette cabane banale en extérieur, qui renferme en réalité un intérieur ultra-moderne et cosy. Comme David, le spectateur tombe également sous le charme des trois hôtesses interprétées par Silvia Monti (Le Cerveau, Journée noire pour un bélier), Ida Galli (Le Guépard, Le Jardin des délices, Le Corps et le Fouet) et la française Haydee Politoff (La Collectionneuse, L’Amour l’après-midi). Les trois comédiennes s’amusent à jouer les nymphes fatales.

Malgré des baisses de rythme, Les Sorcières du bord du lac possède encore un charme fou, ne manque pas d’originalité (tout comme de petites séquences érotiques soft), laisse passer son message (rejet des vieilles mœurs, touche de féminisme) et a tout pour plaire aux amateurs de cinéma Bis.

LE DVD

Le DVD des Sorcières du bord du lac, disponible aux Editions Montparnasse, repose dans un superbe slim Digipack au visuel très attractif. Le menu principal est animé et musical.

Une galerie de photos (de tournage et d’exploitation) est disponible en guise de supplément.

L’Image et le son

C’est une surprise, Les Sorcières du bord du lac débarque dans les bacs en France sous l’égide des Editions Montparnasse. Le master proposé est élégant et très bien restauré. La propreté est indéniable, tout comme la stabilité. Le grain original ainsi que le format respecté 1.85 (16/9) créent un confort de visionnage évident, les couleurs ne manquent pas de classe, la gestion des contrastes est solide. La copie trouve un équilibre jamais pris en défaut et la clarté est de mise sur les séquences en extérieur. Si l’on excepte les visages un peu rosés des comédiens, les partis pris esthétiques de la photographie légèrement ouatée du chef opérateur Sergio D’Offizi (Cannibal Holocaust, La Longue nuit de l’exorcisme) sont savamment conservés et trouvent ici un très joli écrin.

Les Editions Montparnasse présente Les Sorcières du bord du lac en version originale aux sous-titres français imposés et placés trop haut sur l’image, ainsi qu’en version française. Pour les deux pistes, le confort acoustique est suffisant et propre. Cependant, la version originale l’emporte du point de vue délivrance des dialogues, effets annexes et surtout sur la restitution de la musique d’Angelo Francesco Lavagnino. Le doublage français s’accompagne d’un souffle chronique.

Crédits images : © Editions Montparnasse / DFL.DVD /  Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Longue nuit de l’exorcisme, réalisé par Lucio Fulci

LA LONGUE NUIT DE L’EXORCISME (Non si sevizia un paperino) réalisé par Lucio Fulci, disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 juillet 2017 chez Le Chat qui fume

Acteurs : Florinda Bolkan, Barbara Bouchet, Tomás Milián, Irene Papas, Marc Porel, Georges Wilson, Antonello Campodifiori, Ugo D’Alessio

Scénario : Lucio Fulci, Roberto Gianviti, Gianfranco Clerici

Photographie : Sergio d’Offizi

Musique : Riz Ortolani

Durée : 1h48 (version intégrale)

Date de sortie initiale : 1972 (Italie), 1978 (France)

LE FILM

Début des années 70, dans le sud de l’Italie, un petit village de montagne est plongé dans la terreur : de jeunes garçons se font mystérieusement assassiner et la police semble avoir du mal à identifier le meurtrier. Les pistes sont nombreuses, mais aucune ne semble réellement aboutir. Alors que les affrontements deviennent de plus en plus violents entre les habitants, certains sont désignés comme coupables et d’autres n’hésitent pas à faire justice eux-mêmes. Pendant ce temps, les crimes odieux continuent.

Lucio Fulci (1927-1996), qui se destinait d’abord au monde de la médecine, décide de se tourner vers le cinéma et intègre le Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome, en suivant les cours de Michelangelo Antonioni et de Luchino Visconti. Il devient l’assistant du réalisateur Marcel L’Herbier pour Les Derniers Jours de Pompéi en 1950. Mais c’est avec le cinéaste Steno, de son vrai nom Stefano Vanzina, que Fulci fait réellement ses premières classes. Il s’agit de comédies, principalement avec Totò, aux titres aussi évocateurs que Totò et les femmes, L’uomo, la bestia e la virtù, Où est la liberté. Progressivement, Lucio Fulci devient scénariste et signe Une fille formidable de Mauro Bolognini, Un Americano a Roma de Steno avec l’immense Alberto Sordi. Il passe enfin derrière la caméra en 1959 avec I Ladri, une comédie interprétée par… Totò. La boucle est bouclée. Dans les années 1960, Lucio Fulci enchaîne moult comédies avec le duo célèbre en Italie, Franco Franchi et Ciccio Ingrassia. Si le succès est au rendez-vous, il commence sérieusement à vouloir changer son fusil d’épaule et démontrer qu’il est capable de réaliser autre chose que des comédies. Il signe un western avec Franco Nero (Le Temps du massacre, 1966), une comédie policière intitulée (Au diable les anges, 1967), un drame (Liens d’amour et de sang, 1969). Mais le véritable tournant s’opère en 1969 avec le giallo Pervertion Story – La Machination (Una sull’altra).

Si Dario Argento et Mario Bava sont fréquemment annoncés comme étant les réalisateurs phares du giallo, ce genre italien de film d’exploitation, cocktail de cinéma d’horreur, de film policier et d’érotisme soft, il est grand temps aujourd’hui de réhabiliter Lucio Fulci, jusqu’ici surtout défendu par les amateurs de cinéma de genre. Un an après l’onirique, poétique, sensuel, cruel, oppressant, kafkaïen Le Venin de la peurUna lucertola con la pelle di donna, et la même année que sa comédie érotique Obsédé malgré lui, Lucio Fulci signe un de ses films les plus célèbres, La Longue nuit de l’exorcismeNon si sevizia un paperino, Don’t Torture a Duckling (titre international), ou bien encore Les Poupées de sang au Québec. S’il est souvent considéré comme un giallo, ce film (le préféré de son auteur) s’en démarque puisque tous les codes du thriller urbain sont ici transportés dans le sud de l’Italie, dans un petit village perdu et pittoresque, avec ses peurs, ses traditions et ses superstitions, devenu le théâtre d’une série de meurtres dont les victimes sont tous des enfants. Alors que l’enquête piétine, la tension monte au sein de la petite communauté. Andrea Martelli (Tomás Milián, impeccable et sobre), un journaliste venu écrire sur l’affaire, décide de suivre ses propres pistes. Il doit surmonter les idées reçues des habitants du bourg qui soupçonnent Patrizia (Barbara Bouchet), une jeune femme de la ville aux moeurs légères, avant de se tourner vers l’idiot du village puis la sorcière et sauvageonne Maciara (Florinda Bolkan).

S’il n’atteint pas la force de l’hypnotique Venin de la peur, on reste néanmoins sans voix devant la beauté de la mise en scène de ce thriller stylisé qu’est La Longue nuit de l’exorcisme, photographié avec virtuosité par le chef opérateur Sergio d’Offizi et bercé par la partition toujours inspirée du maestro Riz Ortolani. Le réalisateur considérait d’ailleurs lui-même La Longue nuit de l’exorcisme comme son meilleur film et probablement celui qui a le plus marqué les cinéphiles. Avec une folle liberté artistique et créatrice, le cinéaste ne se gêne pas pour déjouer les attentes des spectateurs, souvent conditionné à un mode de narration classique. Etude sur la culpabilité, le déni, la frustration sexuelle, les désirs refoulés, La Longue nuit de l’exorcisme, totalement inédit en France depuis 30 ans, est devenu culte dans le monde entier. Véritable film choral, on y croise pêle-mêle les acteurs Marc Porel, George Wilson, Tomas Milian, Florinda Bolkan, Barbara Bouchet et Irene Papas pour ne citer que les plus célèbres. Cette incroyable brochette de comédiens se donnent la réplique dans une intrigue à la croisée d’Agatha Christie et de Stephen King, où chaque personnage semble avoir quelque chose à cacher et devient donc suspect.

Lucio Fulci va loin, très loin pour instaurer une ambiance réellement dérangeante, entre meurtres en série d’enfants et nudité frontale. A ce titre, la scène où la sublime Barbara Bouchet apparaît complètement nue devant un gamin de dix ans troublé par ses charmes, a choqué la critique et les spectateurs, au point que la comédienne et Lucio Fulci ont été traîné en justice et accusés de corruption de mineur ! Le cinéaste avait été obligé d’expliquer que l’enfant n’avait jamais tourné en présence de Barbara Bouchet, mais remplacé par une doublure, en l’occurrence un homme de petite taille filmé de dos, quand les deux personnages sont présents sur le même plan. Ce parfum de scandale a évidemment contribué au succès du film, tout comme l’incroyable et éprouvante séquence du lynchage de la sorcière, incarnée par Florinda Bolkan, par les pères de famille ayant perdu un enfant. Symbole des croyances ancestrales et traditionnelles du sud de l’Italie, cette sorcière, coupable parfaite puisqu’il faut bien attribuer les meurtres à quelqu’un, est immédiatement perçue comme étant la responsable. Le décalage entre la chanson légère et la brutalité des hommes s’acharnant sur cette femme avec une violence inouïe, glace les sangs encore aujourd’hui, tout comme son épilogue avec l’appel à l’aide au bord de la route, la main tendue vers les automobilistes alors en route vers des vacances bien méritées. Ou comment l’indifférence des hommes est tout aussi violente que des coups de chaînes.

La Longue nuit de l’exorcisme est un film de mise en scène, d’atmosphères, multipliant les fausses pistes, qui ne cesse de surprendre par son opposition entre la beauté sèche des paysages de la région des Pouilles et la noirceur de crimes particulièrement morbides, et ce jusqu’au dénouement inattendu qui n’épargne personne, adultes comme enfants. Redoutablement pessimiste et sombre, La Longue nuit de l’exorcisme montre des enfants déjà corrompus, que rien ni personne ne peut sauver. A moins de les empêcher de sombrer encore plus en devenant adulte. C’est un des motifs du tueur de ce film incroyable et intemporel qu’est La Longue nuit de l’exorcisme.

Bien que le film soit sorti en Italie en 1972, la France devra attendre 1978 pour le découvrir dans une version censurée et au titre surfant de façon éhontée sur le chef d’oeuvre de William Friedkin, puisqu’il n’y a aucun exorcisme réalisé dans le film de Lucio Fulci. Avec l’acharnement des passionnés du genre, Non si sevizia un paperino est devenue une œuvre phare du cinéma d’exploitation.

LE BLU-RAY

Attendu comme le Messie par les fans de Lucio Fulci, La Longue nuit de l’exorcisme arrive enfin dans les bacs grâce aux bons soins du Chat qui fume. Cette édition limitée à 2000 exemplaires (le plus gros tirage de l’éditeur à ce jour) prend la forme d’un magnifique combo Digipack à trois volets – illustrés de portraits tirés du film – composé du Blu-ray (film + intégralité des suppléments), du DVD (film + première partie des suppléments) et d’un troisième disque (deuxième partie des suppléments). Le tout est glissé dans un fourreau cartonné liseré rouge sang, au visuel élégant et très attractif. La Longue nuit de l’exorcisme est présenté en version intégrale dans un nouveau master HD. C’est une édition évidemment incontournable pour les passionnés du bis italien, décidément servis comme des rois par Le Chat qui fume.

Quatre heures de suppléments ! QUATRE !!! Autant vous dire que Le Chat qui fume a mis le paquet (de clopes) afin de combler toutes les attentes des cinéphiles !

On commence par le témoignage de la comédienne Florinda Bolkan (28’), qui reçoit chaleureusement chez elle dans le sud de l’Italie. Il est beaucoup question de Lucio Fulci, que l’actrice décrit comme étant un homme « un peu fourbe, très spécial, un vrai diable mais qui parvenait à le dissimuler ». Florinda Bolkan évoque les tournages successifs du Venin de la peur et de La Longue nuit de l’exorcisme, en s’attardant évidemment sur ce dernier et pour lequel elle aborde longuement son personnage, ainsi que sa préparation. La comédienne se souvient entre autres d’un tournage sur lequel elle s’est beaucoup amusée. Ce module se clôt par la redécouverte de la plus célèbre séquence du film, celle du lynchage de la sorcière. Florinda Bolkan accepte de visionner cette scène, qu’elle n’avait pas revue depuis la sortie du film, et souffre littéralement avec/pour son personnage.

Pour l’entretien avec Barbara Bouchet (18’30), l’éditeur reprend l’introduction et la conclusion de l’interview présente sur l’édition HD d’A la recherche du plaisir. Par ailleurs, on craint de se retrouver face au même module, mais la comédienne évoque bel et bien le tournage de La Longue Nuit de l’exorcisme, son premier thriller, dans lequel elle désirait faire quelque chose de différent. Cet entretien est un peu décevant, dans le sens où Barbara Bouchet évoque surtout des histoires de cul entre Tomás Milián et Irène Papas (et comment elle-même a récupéré le mec de la comédienne grecque), plutôt que de véritables souvenirs de tournage. Quelques mots sur ses partenaires (de jeu cette fois) et surtout sur Lucio Fulci, sans oublier le scandale provoqué par la fameuse scène où elle se tient nue et provocante devant un enfant.

Né en 1934, Sergio D’Offizi est le directeur de la photographie de Cannibal Holocaust, Le Marquis s’amuse et bien évidemment de La Longue nuit de l’exorcisme. Durant un entretien fleuve de 48 minutes, le chef opérateur aborde sa rencontre avec Lucio Fulci et ne tarit pas d’éloges à l’encontre de cet « excellent réalisateur, qui connaissait tous les métiers du cinéma […] qui avait quelques défaillances avec les acteurs […] pas méchant, mais qu’il fallait savoir prendre […] mais dont le caractère l’a empêché d’être vraiment reconnu ». Tout d’abord, Sergio D’Offizi mentionne son association avec le cinéaste. Puis, le directeur de la photographie parle du casting (un Tomás Milián très introverti, sérieux et professionnel), des lieux de tournage, des partis pris esthétiques et du jeu sur les contrastes, tout en partageant d’autres souvenirs.

Nous passons ensuite à l’interview du monteur Bruno Micheli (27’), qui en réalité était l’assistant de sa sœur monteuse Ornella durant quasiment toute sa carrière, y compris sur La Longue nuit de l’exorcisme. C’est donc à son tour de se pencher sur ses débuts au cinéma (un enfant de la balle, fils du caméraman Mario Micheli, fidèle technicien de Roberto Rossellini), son travail auprès de sa sœur Ornella, sa rencontre avec Lucio Fulci (« qui n’intervenait jamais dans la salle de montage ») et l’importance du son dans le cinéma de genre. Il faut attendre 20 minutes pour que Bruno Micheli parle de La Longue nuit de l’exorcisme, mais ce rendez-vous, qui se termine sur une note amère où l’assistant monteur regrette que Lucio Fulci ait décidé du jour au lendemain de stopper leur collaboration, ne manque pas d’intérêt.

Le Chat qui fume va faire plaisir aux fans de Lucio Fulci, puisque cette section propose ensuite une très longue interview audio de Lucio Fulci, divisée en deux temps (43’). En août 1988, le journaliste italien Gaetano Mistretta écrit au cinéaste italien pour lui poser des questions sur sa vie et ses films. Lucio Fulci enregistre ses réponses sur cassettes audio et lui envoie. L’interview a été partiellement publiée dans le magazine Darkstar le 2 août 1988, ainsi que dans le livre Spaghetti Nightmares publié en 1996. Si le montage de photos et de vidéos laisse quelque peu à désirer, l’écoute s’avère heureusement passionnante. Lucio Fulci est très prolixe sur l’ensemble de ses films, déclare aimer les jeunes qui s’intéressent au fantastique, genre peu pris au sérieux dans son pays mais porté par l’amour des passionnés en France (il salue d’ailleurs son ami Christophe Gans du magazine Starfix), tout en donnant de nombreuses indications sur son parcours (assistant de Steno), ses passions (Proust), ses premières mises en scène, le succès ou l’échec de ses œuvres, tout en évoquant sa rivalité avec Dario Argento. Sur ce point, Lucio Fulci indique « Dario ne m’aime pas et je ne sais pas pourquoi. S’il pense que je ne vaux rien, qu’il m’ignore ! Mais il me déteste. Non, il ne me déteste pas, il ne déteste personne? Il n’aime que lui. Il répétera sans cesse ce qu’il a déjà fait. C’est un artisan qui se prend pour un artiste, contrairement à Alfred Hitchcock. C’est un habile réalisateur, mais un exécrable scénariste ». S’il se jette parfois des fleurs et pousse quelques petits coups de gueule (« Je n’aime pas Shining, Stanley Kubrick est bien trop bon pour faire des films d’horreur »), on se rend compte que même après la maladie et une succession de bides commerciaux depuis 1982, Lucio Fulci – qui préparait le téléfilm La Casa nel tempo – était toujours animé par la passion de son métier. A ce titre, le réalisateur en profite pour dire que La Mouche de David Cronenberg apparaît pour lui comme étant un tournant décisif pour le cinéma d’horreur.

Spécialiste et auteur de Lucio Fulci – le poète du macabre, écrit avec Jean-François Rauger, mais aussi rédacteur en chef du site luciofulci.fr, Lionel Grenier nous propose une bonne présentation, analyse et critique de La Longue nuit de l’exorcisme (19’30). Il replace le film dans la carrière du maître, évoque le casting, les conditions de tournage, les intentions et partis pris, les lieux de tournage, les thèmes abordés, la polémique autour de la séquence de Barbara Bouchet nue face à l’enfant. Dans un second temps, il se penche davantage sur l’aspect psychologique tout en mêlant le fond et la forme, notamment sur la scène du lynchage de la sorcière qui a nécessité trois jours de tournage. Si cette intervention, qui contient de très nombreux spoilers, paraît parfois trop récitée et monocorde, c’est ici, avec l’intervention suivante, que vous en apprendrez le plus sur La Longue nuit de l’exorcisme.

Ne manquez donc pas la présentation de La Longue nuit de l’exorcisme par Olivier Père (23’). Le journaliste, critique de cinéma, directeur général d’Arte France cinéma et directeur cinéma à Arte France propose une longue et passionnante analyse du film de Lucio Fulci, en croisant habilement le fond avec la forme. Sans aucun temps mort, Olivier Père aborde les partis pris du cinéaste, les thèmes, les intentions, les motifs récurrents, les séquences les plus célèbres, tout en replaçant le film dans l’oeuvre de Lucio Fulci.

Critique de cinéma et directeur de la programmation de la Cinémathèque Française, Jean-François Rauger s’intéresse à son tour à La Longue nuit de l’exorcisme (16’). Si certains de ses propos font écho avec ce qui a déjà été entendu précédemment, il serait dommage de ne pas accorder un petit quart d’heure à cette analyse. Jean-François Rauger se penche surtout sur les thèmes et les motifs, ainsi que sur la dimension sociale du film et la figure de chacun des personnages. Rauger se souvient également de la découverte du film – « un peu à part dans le cinéma de Lucio Fulci, mais logique dans son parcours » – à sa sortie, au Brady, ainsi que de sa violence.

Déjà présent sur l’interactivité de Tropique du cancer, le scénariste Fathi Beddiar revient à son tour sur La Longue nuit de l’exorcisme (22’30). Pour lui, Lucio Fulci approfondit les thèmes déjà abordés par Elio Petri dans À chacun son dûA ciascuno il suo en 1967. Grand passionné du cinéma italien et du giallo en particulier, Fathi Beddiar est visiblement heureux de parler de Lucio Fulci et de La Longue nuit de l’exorcisme, qu’il affectionne tout particulièrement. Il aborde les thèmes, le folklore méditerranéen, la réalité sociale, la figure de la sorcière et de l’assassin, sans oublier une fois de plus la séquence « incroyablement dangereuse » de Barbara Bouchet qui a fait grincer les dents d’un côté et émoustiller les autres.

L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces d’A la recherche du plaisir, Opéra, Sanctuaire et Le Retour des morts-vivants.

N’oublions pas le livret de 24 pages, constitué d’affiches et de photos d’exploitation, uniquement réservé aux acheteurs de ce titre sur le site du Chat qui fume.

L’Image et le son

Un peu plus d’un an et demi après Le Venin de la peur, c’est au tour de La Longue nuit de l’exorcisme d’atterrir dans l’escarcelle du Chat qui fume, en version intégrale, en DVD et en Blu-ray (1080p) ! Ce nouveau master restauré HD 2K comble toutes les espérances. Non si sevizia un paperino bénéficie d’un superbe transfert, qui respecte le grain original, très bien géré, y compris sur les nombreuses séquences sombres. La définition est solide comme un roc et les flous constatés sont d’origine. Après un générique marqué par un bruit vidéo et des teintes fanées, le master (16/9 compatible 4/3) trouve un équilibre fort convenable et restitue les très beaux partis pris esthétiques du directeur de la photographie Sergio D’Offizi (Cannibal Holocaust). Sombre et poisseuse, mais aussi lumineuse et solaire, l’atmosphère trouble et troublante du film trouve un nouvel écrin en Haute-Définition, les contrastes sont élégants et même si les noirs manquent parfois de concision, la copie affiche une propreté ainsi qu’une stabilité jamais prises en défaut. Les séquences diurnes sont lumineuses à souhait avec un piqué plus acéré et des détails plus flagrants sur le cadre large. De quoi combler les fans et faire de nouveaux adeptes !

La Longue nuit de l’exorcisme est présenté dans sa version intégrale. De ce fait, certaines séquences qui n’avaient jamais bénéficié de doublage français, passent automatiquement en italien sous-titré dans la langue de Molière. Propre et dynamique, le mixage italien DTS HD Master Audio Mono ne fait pas d’esbroufe et restitue parfaitement les dialogues, laissant une belle place à la musique de Riz Ortolani. Elle demeure la plus riche du lot. La version française DTS-HD Master Audio Mono, au doublage typique de l’époque, apparaît tout aussi vive, même si évidemment moins naturelle. Le changement de langue est verrouillée à la volée et les sous-titres français imposés sur la version originale.

Crédits images : © Madusa Distribuzione . Le Chat qui fume / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Chronique du DVD / La Dernière orgie du IIIeme Reich, réalisé par Cesare Canevari

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LA DERNIERE ORGIE DU IIIeme REICH (L’ultima orgia del III Reich) réalisé par Cesare Canevari, disponible en DVD le 4 octobre 2016 chez Artus Films

Acteurs : Adriano Micantoni, Daniela Poggi, Maristella Greco, Fulvio Ricciardi, Antiniska Nemour, Caterina Barbero

Scénario : Cesare Canevari, Antonio Lucarella

Photographie : Claudio Catozzo

Musique : Alberto Baldan Bembo

Durée : 1h32

Date de sortie initiale : 1977

LE FILM

Pendant la guerre, la jolie Lise est envoyée dans un camp de concentration. Le commandant du camp, Conrad Von Starke, succombe à son charme et commence à entretenir une relation de maître à esclave avec elle. Capable d’endurer la souffrance, Lise subit les jeux de domination du SS de plus en plus cruels et sadiques. Quelques années après la fin de la guerre, les deux retournent dans le camp, afin de se remémorer ainsi des souvenirs troubles et malsains.

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Amis du cinéma déviant, bonjour ! La Dernière orgie du IIIème Reich est un des films « emblématiques » du sous-genre du film d’exploitation décrié appelé nazisploitation. Au début des années 1970, le cinéma Bis italien a trouvé un nouveau filon suite aux succès des Damnés de Visconti, de Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini, de Portier de nuit de Liliana Cavani et de Madame Kitty de Tinto Brass. Pour le meilleur pour les producteurs, mais surtout pour le pire pour les spectateurs et les critiques. En 1975, Ilsa, la louve des SS de Don Edmonds avec la très « émouvante » Dyanne Thorne dans le rôle principal pose les bases de ce genre éphémère, très vite récupéré par les italiens à qui rien ne fait peur. Toutefois, La Dernière orgie du IIIème ReichL’Ultima orgia del III Reich, également connu en France sous le titre Des filles pour le bourreau ou bien encore Bourreaux SS, fait partie du dessus du panier et s’avère un film tout à fait réussi dans le (sous) genre.

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Réalisé par Cesare Canevari (1927-2012), metteur en scène de Moi, Emmanuelle (1969), Parties déchaînées (1976) et surtout de Matalo, son chef d’oeuvre réalisé en 1970, cet opus n’est pas aussi irresponsable ou en roue libre comme pouvait l’être par exemple Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich). On y retrouve les mêmes éléments indispensables, autrement dit des scènes sulfureuses durant lesquelles des nazis sont montrés en train de torturer leurs victimes, commettre des actes criminels, des viols, dans des décors souvent dépouillés supposés refléter des camps de concentration. Quelques années après la Seconde guerre mondiale, Conrad von Starke (Adriano Micantoni) arpente les ruines d’un camp d’extermination. Il doit y rencontrer Lise Cohen (Daniela Poggi), une ancienne détenue, qui jadis par son témoignage, a permis à Conrad d’échapper à la peine capitale. Ils font l’amour, et des souvenirs reviennent en mémoire à Lise, à l’époque où Conrad, officier SS, traitait Lisa comme son esclave sexuelle.

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Après une citation de Nietzsche en introduction, le film déroule tranquillement son récit. Une caméra embarquée dans une voiture place le spectateur à la place du mort, tandis que certains témoignages en voix-off, visiblement issus du Procès de Nuremberg, présentent les personnages Conrad Von Starker et de Lise. Le premier a été le bourreau de la seconde, prisonnière juive qui a subi toutes les brimades possibles et imaginables, mais la déclaration de Lise a blanchi Von Starker, qui échappe alors à la prison. Il a pu être réintégré dans la société, mais le souvenir de Lise demeure encore vif. Les deux ont visiblement décidé de se revoir, sur les lieux mêmes qui ont vu naître leur étrange relation.

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La Dernière orgie du IIIème Reich se compose de flashbacks et enchaîne les scènes érotiques et surtout d’humiliations. Certaines séquences sont largement déconseillées aux âmes sensibles, notamment une prisonnière suspendue et trempée dans de la chaux vive, ou bien encore celle – absolument repoussante – du banquet, à base d’aliments issus des corps des prisonniers exterminés, ici un fœtus. Même chose pour la scène de l’orgie qui s’ensuit qui voit les hôtes flamber au cognac une prisonnière en guise de dessert, avant de copuler près du corps calciné.

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La nazisploitation est un sous-genre tellement étrange et glauque, malsain, vicieux et provocateur, mais qui n’a aucune autre prétention que de « divertir » les spectateurs. La Dernière orgie du IIIème Reich ne laisse pas indifférent et n’est sûrement pas un navet, grâce à une solide interprétation, et encore moins un nanar avec une mise en scène tendue et appliquée, une partition soignée d’Alberto Baldan Bembo et une photographie inspirée de Claudio Catozzo.

LE DVD

Le DVD de La Dernière orgie du IIIème Reich, édité chez Artus Films, repose dans un boîtier Amaray classique. La jaquette, estampillée Guerre et barbarie, est très attractive avec un visuel clinquant. Le menu principal est fixe et musical.

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Aucune présentation de La Dernière orgie du IIIème Reich au programme ! Néanmoins, les spectateurs désireux d’en savoir plus sur le genre de la nazisploitation, pourront se reporter sur celle de Christophe Bier présente sur le DVD de Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich).

En revanche, Artus Films propose une fin alternative (5’) durant laquelle – ATTENTION SPOILERS – Lise se relève après avoir assassiné Von Starker. Elle laisse le corps aux bons soins de l’homme aux tics aperçu au début du film, et sort en regardant la cheminée du camp qui crache une fumée noire.

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Cette section se clôt sur un diaporama de photos et d’affiches d’époque et de plusieurs bandes-annonces.

L’Image et le son

Le master 1.77 d’origine (16/9 compatible 4/3) est correct. Du moins le confort de visionnage est suffisant malgré des points blancs, de nombreux fourmillements, des griffures et autres rayures verticales. Les couleurs sont fanées, certains plans flous, mais étrangement, l’état de la copie accentue le malaise distillé par le film.

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La version française est sourde, ou au contraire parfois trop aigüe au point d’irriter les tympans. La piste italienne s’en sort bien mieux avec une plus grande clarté des voix et des effets annexes. Certains passages au doublage perdu passent directement en version originale sous-titrée en français.

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Crédits images : © Artus Films / Captures : Franck Brissard

Chronique du DVD / Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich), réalisé par Luigi Batzella

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HOLOCAUSTE NAZI (ARMES SECRETES DU IIIe REICH) réalisé par Luigi Batzella, disponible en DVD le 4 octobre 2016 chez Artus Films

Acteurs : Macha Magall, Gino Turini, Edilio Kim, Xiro Papas, Salvatore Baccaro

Scénario : Luigi Batzella, Lorenzo Artale

Photographie : Ugo Brunelli

Musique : Giuliano Sorgini

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Les Nazis recherchent les partisans réfugiés dans les montagnes. Pour obtenir des informations, ils séquestrent les femmes des villages alentour, qui sont faites prisonnières dans un camp, dirigé par la SS Ellen Kratsch. Cette dernière mène en parallèle une expérience scientifique, et a créé un monstre hybride mi-homme mi-singe, qu’elle garde en cage. Afin de les faire parler, elle n’hésite pas à lui donner les filles en pâture.

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Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) fait partie de cette douzaine de films issus du sous-genre du film d’exploitation décrié, appelé nazisploitation. Au début des années 1970, le cinéma Bis italien racle les fonds de tiroir pour lancer un nouveau courant et les succès des Damnés de Visconti, de Salò ou les 120 Journées de Sodome de Pasolini, de Portier de nuit de Liliana Cavani et de Madame Kitty de Tinto Brass vont lancer quelques idées auprès d’« irresponsables ». La nazisploitation est un courant cinématographique sulfureux dans lequel des nazis sont montrés en train de torturer leurs victimes, commettre des actes criminels, des viols, dans des décors souvent dépouillés supposés refléter des camps de concentration. En 1975, Ilsa, la louve des SS de Don Edmonds avec la très « émouvante » Dyanne Thorne dans le rôle principal pose les bases de ce genre éphémère. Si cette production canadienne sera précédée de deux suites, Ilsa, gardienne du harem en 1976 et Ilsa, la tigresse du goulag en 1977, les italiens plongent tête baissée et vont alors produire quelques longs métrages à ne pas mettre devant tous les yeux. Horreurs nazies (Sergio Garrone, 1976), La Dernière orgie du IIIème Reich (Cesare Canevari, 1977) débarquent sur les écrans, ainsi que Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich).

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Egalement connu sous son titre original La Bestia in Calore, mais également sous The Beast in Heat, Horrifying Experiments in the Last Days of the SS ou SS Hell Camp, Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) est un fleuron du genre qui ne peut laisser indifférent. Même s’il s’agit du côté déviant du déviant, jusqu’au-boutiste, c’est avant tout une expérience de cinéma à part entière. Entre la série B et la série Z, Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) pousse tous les curseurs du mauvais goût à fond, à croire que le réalisateur Luigi Batzella (1924-2008), ici sous le pseudonyme Ivan Kathansky, a voulu livrer un des films les plus repoussants. Certes le film est réservé à un public averti et quelques séquences sadiques mettent toujours mal à l’aise aujourd’hui, mais l’ensemble est franchement ridicule et vulgaire. C’est surtout le cas de la bête du titre original « interprétée » par Salvatore Baccaro et son visage déformé par la maladie constamment filmé en gros plan. Pour les amateurs du Bis, Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) est évidemment un film inconfortable, laid, cruel, complètement crétin et inconscient, avec les atrocités nazies montrées de manière frontale. D’un autre côté, il y a aussi un côté « comics » pour adultes avec sa violence graphique hallucinante, qui n’a pas pour prétention de se montrer « réaliste », d’autant plus par l’expérience centrale du film.

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Les corps apparaissent nus, violentés, fouettés, rongés, meurtris, on y coupe des pénis (hors-champs), on électrocute des vagins (plein cadre), les femmes SS aussi savent être des boute-en-train quoi ! C’est le cas du Dr. Ellen Kratsch, interprétée par Macha Magall, qui rit à gorge déployée devant ses victimes, qui se fout à poil pour mieux les impressionner et qui est surtout contente d’avoir créé une redoutable (rires) bestiole mi-homme mi-primate, constamment assoiffée de sexe. Afin de bien conduire son expérience, la SS Kratsch enferme quelques donzelles fraîchement arrêtées dans la cage de ce surexcité, dont les grimaces éhontées entraînent inévitablement les rires.

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Luigi Batzella (Pour Django les salauds ont un prix, Les Vierges de la pleine lune) explose les frontières du mauvais goût, tout comme la musique de Giuliano Sorgini (Le Massacre des morts-vivants de Jorge Grau) qui met mal à l’aise dès les premières notes. On passe constamment du rire nerveux (les croix gammées apparaissent souvent à l’envers, la mise en scène part en vrille, l’ombre de la caméra apparaît) à l’écoeurement. On ne sait qu’en penser, on s’ennuie pas mal avec cette histoire de résistance, de sabotages et de fusillades dans les Abruzzes aussi rythmée qu’un épisode de Derrick et composée de nombreux stock-shots notamment du film Quand explose la dernière grenade du même réalisateur, mais impossible de rester de marbre devant un tel long métrage !

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LE DVD

Le DVD d’Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich), édité chez Artus Films, repose dans un boîtier Amaray classique. La jaquette, estampillée Guerre et barbarie, est très attractive avec un visuel clinquant. Le menu principal est fixe et musical.

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Acteur vu chez Jean-Pierre Mocky, réalisateur, historien de cinéma et critique de cinéma, Christophe Bier propose une formidable et indispensable présentation d’Holocauste nazi (Armes secrètes du IIIe Reich) (33’). Bien plus passionnant que le film lui-même, cet exposé sur le sous-genre dit de la nazisploitation est brillant du début à la fin. Les titres alternatifs et l’historique de ce courant cinématographique ainsi que ses œuvres les plus célèbres sont d’abord passés en revue par Christopher Bier, qui en vient ensuite au film qui nous intéresse, considéré comme une œuvre culte en Italie et un des films les plus fous du genre. Au-delà de l’aspect « divertissant », notre interlocuteur indique y trouver du fond, notamment l’échec de la virilité et la régression totale de l’homme.

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Cette section se clôt sur un diaporama de photos et d’affiches d’époque et de plusieurs bandes-annonces.

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L’Image et le son

Le premier plan annonce la couleur. Le générique sur fond de croix gammée est tremblant, instable, poussiéreux avec des couleurs complètement fanées. Si cela s’améliore après, le teint des comédiens reste cireux, les raccords de montage subsistent, les tâches et points également. Les stock-shots se voient comme le nez au milieu de la figure avec un grain plus accentué et une gestion des contrastes encore plus aléatoire. Sur les plans «empruntés », les teintes paraissent même parfois en N&B. Le format original 1.77 (16/9 compatible 4/3) est respecté et l’état du master participe à cette sensation de malaise, comme un « documentaire » qui aurait été retrouvé après la Seconde Guerre mondiale.

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La version française s’accompagne d’un étrange écho sur les dialogues. De plus quelques grésillements se font entendre tout du long. La piste italienne s’en sort bien mieux avec une plus grande clarté des voix et des effets annexes. Certains passages jamais doublés en français passent directement en version originale sous-titrée en français.

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Crédits images : © Artus Films / Captures : Franck Brissard