LES YEUX DANS LES TÉNÈBRES (Eyes in the Night) réalisé par Fred Zinnemann,disponible en DVD le 4 décembre 2018 chez Artus Films
Acteurs : Edward Arnold, Ann Harding, Donna Reed, Stephen McNally, Katherine Emery, Allen Jenkins, Stanley Ridges, Reginald Denny…
Scénario : Baynard Kendrick, Guy Trosper, Howard Emmett Rogers d’après le roman Odor of Violets de Baynard Kendrick
Photographie : Charles Lawton Jr., Robert H. Planck
Musique : Lennie Hayton, Daniele Amfitheatrof
Durée : 1h17
Date de sortie initiale: 1942
LE FILM
Norma Lowry sollicite l’aide de son ami le détective non voyant Duncan Maclain car elle vient d’apprendre que l’un de ses ex-prétendants courtise sa belle-fille âgée de 17 ans. Lorsque ce dernier est retrouvé assassiné, Norma devient la principale suspecte de ce crime. Avec l’aide de Friday, son fidèle chien, Duncan va mener une enquête débouchant sur une obscure affaire d’espionnage.
Les Yeux dans les ténèbres – Eyes in the Night est l’un des premiers longs métrages de Fred Zinnemann (1907-1997), mais aussi son second à sortir en 1942, la même année que L’Assassin au gant de velours– Kid Glove Killer. D’origine autrichienne, le cinéaste né à Vienne, fait ses études de cinéma à Paris. A la fin des années 1920, il décide d’aller tenter sa chance à Hollywood. Il devient assistant costumier, fait quelques apparitions devant la caméra, notamment dans À l’ouest rien de nouveau de Lewis Milestone (1930), puis il devient aide-opérateur. Il gravit petit à petit les échelons. Il passe ensuite assistant-réalisateur auprès de Berthold Viertel et de George Cukor. Sans être crédité, il participe à la mise en scène du film à sketches Les Hommes le dimanche auprès de Robert Siodmak et Edgar G. Ulmer. Il signe alors le scénario des Révoltés d’Alvarado (1936), qu’il coréalise au Mexique aux côtés d’Emilio Gómez Muriel. Suivront de nombreux courts-métrages et des documentaires, sur lesquels Fred Zinnemann se fait la main jusqu’en 1942 où ses deux vrais premiers longs métrages sortent sur les écrans. Celui qui nous intéresse, Les Yeux dans les ténèbres, est un petit polar fort sympathique, certes désuet, mais qui conserve encore un charme fou et qui se distingue par son personnage principal, un détective privé non-voyant, expert en autodéfense (et en lutte), secondé par son incroyable chien (une vraie performance à part entière de la part du berger allemand) et un assistant un peu fou prénommé Marty. L’ombre d’Alfred Hitchcock plane une fois de plus sur ce thriller méconnu, mais qui devrait faire le bonheur des cinéphiles.
En 1942, Duncan « Mac » Maclain, un détective privé aveugle, se fait aider par son assistant Marty et par son chien Friday. Une amie, Norma Lawry, lui demande d’intervenir pour mettre fin à la liaison entre Barbara, sa belle-fille, et un acteur bien plus âgé qu’elle, Paul Gerente, son ancien amant. Lorsque celui-ci est assassiné, l’enquête de « Mac » le mène jusqu’à un réseau d’espionnage nazi.
Deux fois lauréat de l’Oscar du meilleur réalisateur pour Tant qu’il y aura des hommes – From Here to Eternity (1954) et pour Un homme pour l’éternité – A Man for All Seasons (1967), Fred Zinnemann entre définitivement par la grande porte du cinéma via le film noir. Le metteur en scène du Train sifflera trois fois – High Noon (1952) s’en sort haut la main avec une réalisation rigoureuse, un vrai sens du cadre, un rythme maîtrisé et tendu, ainsi qu’une solide direction d’acteurs. Film court (77 minutes montre en main), Les Yeux dans les ténèbres vaut surtout pour l’interprétation de son acteur principal, Edward Arnold, vu chez Frank Capra (Vous ne l’emporterez pas avec vous, Monsieur Smith au sénat), William Dieterle (Tous les biens de la terre), Vincente Minnelli (Ziegfeld Follies) et bien d’autres cinéastes de génie. Si son nom reste obscur, sa bonhommie, sa voix grave et son immense talent ne passent jamais inaperçus.
Les Yeux dans les ténèbres est adapté du roman The Odor of Violets de Baynard Kendrick, l’un des opus de la saga consacrée au capitaine Duncan Maclain, un détective privé devenu aveugle à la suite d’une blessure de guerre, déjà incarné au cinéma en 1938 par Ken Taylor dans The Last Express d’Otis Garrett. Suite au succès des Yeux dans les ténèbres, Edward Arnold reprendra son rôle en 1945 dans The Hidden Eye de Richard Whorf. L’autre « Mac » du film est en réalité un MacGuffin, ce prétexte cher à Alfred Hitchcock qui reste mystérieux dans Les Yeux dans les ténèbres, mais qui attire néanmoins la convoitise d’une bande de nazis dissimulés dans la foule (valet, dramaturge) et notamment ici auprès d’une famille aisée. Une invention semble être très prisée par les méchants de l’histoire.
Riche en rebondissements, Eyes in the Night est une très belle découverte, la photo est sombre à souhait et reflète « le royaume » de Duncan Maclain à plusieurs reprises et quelques touches d’humour – avec l’assistant maladroit de Mac – viennent ponctuer cette intrigue d’espionnage bien ficelée, originale et encore très divertissante aujourd’hui.
LE DVD
La collection Classiques s’agrandit chez Artus Films avec l’arrivée dans les bacs des Yeux dans les ténèbres. La jaquette est élégante, le menu principal fixe et musical.
Un aperçu des autres titres disponibles dans la même collection est proposé comme supplément.
L’Image et le son
Pour ceux qui s’en souviennent, le master 1.33 – 4/3 des Yeux dans les ténèbres rappelle un peu le Ciné Vieux de Grolandsat. Si la copie est stable, elle reste très souvent marquée par des griffures, des points, des tâches et des raccords de montage toutes les vingt minutes. La gestion des contrastes est totalement aléatoire, les noirs bouchés et la définition des séquences sombres laisse franchement à désirer. Ajoutez à cela des décrochages sur les fondus enchaînés, un piqué émoussé, un manque flagrant de détails sur les gros plans et un grain étonnamment lissé. Bref, ce DVD n’a rien de miraculeux, mais a au moins le mérite d’exister et nous permet de découvrir ce bon petit film de Fred Zinnemann.
Point de version française sur cette édition, alors que le doublage existe bel et bien. L’écoute est souvent parasitée par quelques menus craquements, des échanges plus sourds et des fluctuations. La piste Dolby Digital Mono 1.0 fait ce qu’elle peut et en dépit d’un bruit de fond persistant se révèle au final suffisante. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
GUNGALA, LA PANTHÈRE NUE (Gungala, la pantera nuda) réalisé par Ruggero Deodato,disponible en DVD le 4 décembre 2018 chez Artus Films
Acteurs : Kitty Swan, Micaela Pignatelli, Angelo Infanti, Jeff Tangen, Alberto Terrani, Giancarlo Sisti, M. Piero Buzzi, Luigi Scavran…
Scénario : Romano Ferrara, Guido Leoni
Photographie : Claudio Ragona
Musique : Alessandro Brugnolini, Luigi Malatesta
Durée : 1h25
Date de sortie initiale: 1968
LE FILM
Une compagnie d’assurance, dirigée par une riche famille anglaise, charge un groupe d’aventuriers de retrouver une jeune héritière, dont l’avion s’est écrasé dans la jungle quelques années auparavant. Laissée pour morte, orpheline et ayant grandi au milieu de la nature, l’enfant abandonné est devenue « Gungala », la déesse blanche, évoluant aux côtés de sa fidèle panthère et devenue reine d’une tribu de guerriers. Avant d’approcher la sauvageonne, les aventuriers vont devoir la défendre contre une tribu d’indigènes africains, dirigés par un prince arabe cruel, voulant dérober le diamant qu’elle porte autour de son cou. L’un des explorateurs, Morton, tombe immédiatement amoureux de la sublime Gungala au grand détriment de sa petite amie, Julie, qui va tout faire pour se débarrasser de cette rivale…
Attention revoilà Gungala !!! Qui ça ? Mais vous suivez ou pas ? Gungala, cette jeune sauvageonne, héroïne de Gungala, la vierge de la jungle ! Sorti en 1967, Gungala, la vergine della giungla aura attiré suffisamment de spectateurs coquinous dans les salles pour que les producteurs décident de prolonger les aventures de cette demoiselle innocente qui court les fesses à l’air dans la savane. Exit le réalisateur Romano Ferrara, qui avait pourtant commencé les prises de vue de ce second chapitre ! Jugé trop incompétent, et sans doute trop pervers puisqu’il voulait filmer sa jungle girl en train de se masturber entourée de ses amis les animaux, un certain Ruggero Deodato (né en 1939) est appelé à la rescousse. Agé de 29 ans, le jeune homme affichait alors un palmarès impressionnant en tant qu’assistant-réalisateur auprès de Roberto Rossellini, Sergio Corbucci, Antonio Margheriti, Riccardo Freda et Mauro Bolognini. Un impressionnant C.V. qui a permis à Ruggero Deodato de convaincre la production après quelques essais filmés, le tout réalisé devant les yeux de Romano Ferrara qui voyait sa création lui échapper. La différence est notable entre les deux épisodes. Sous le pseudo de Roger Rockfeller, Ruggero Deodato fait preuve d’un réel savoir-faire derrière la caméra. Mieux filmée, Gungala, la panthère nue – Gungala, la pantera nuda est une suite réussie.
Si l’histoire reste malgré tout complètement anecdotique, au moins, le réalisateur est parti avec son équipe filmer quelques séquences en Afrique avec son actrice Kitty Swan dans un souci d’authenticité. Le générique donne le ton. Dans de magnifiques décors naturels, l’actrice toujours à moitié à oilp, court et batifole avec au loin le Kilimandjaro, le vrai. Certes, pas mal de séquences restent tournées en studio, mais le cinéaste parvient à nous faire ressentir le continent où se déroule le récit, plus rythmé que sur le premier. L’ensemble est aussi moins niais, y compris lorsque Kitty Swan, mieux dirigée ici, se déplace sans l’utilisation du ralenti et d’un solo de harpe.
Gungala, la panthère nue est également bien photographié. Le chef opérateur Claudio Ragona (Confession d’un commissaire de police au procureur de la République de Damiano Damiani) soigne ses partis pris et le film reste agréable à regarder cinquante ans après. Alors certes, Gungala, la panthère nue est un tout petit film de série B, mais les artisans qui sont à l’oeuvre soignent leur boulot. La musique d’Alessandro Brugnolini et Luigi Malatesta possède ce petit goût suranné et joue avec les codes du cinéma d’aventure d’antan. Dans ce sens, Ruggero Deodato se coule plus dans le moule du divertissement rétro proche des Tarzan avec Johnny Weissmuller. Il filme son héroïne autrement que Romano Ferrara, qui la réduisait la plupart du temps à une playmate dont chacune de ses apparitions était prétexte pour la cadrer à hauteur des seins. Ici, en dépit de séquences complètement barrées comme celle où la sauvageonne devient pour ainsi dire un top-model mitraillé de photos par un aventurier devant une carcasse d’avion, Gungala existe et apparaît beaucoup plus à l’écran, passe de liane en liane, en réalité des cordes de gymnase, mais ce n’est pas bien grave. Elle est également plus rattachée aux animaux, avec un chimpanzé par ci, un éléphant par là, une panthère toujours à proximité.
Ruggero Deodato, futur spécialiste de l’horreur (Cannibal Holocaust) fait ses classes avec tous les moyens techniques et financiers mis à sa disposition, avec le goût du travail bien fait, peu dupe de la copie à rendre et du produit fini. C’est sans doute ce qui fait la bonne tenue, toutes proportions gardées, de Gungala, la panthère nue.
LE DVD
Revoilà donc Gungala chez Artus Films ! Le film de Ruggero Deodato est lui aussi disponible dans une édition slim Digipack au visuel clinquant. Un très bel objet qui intègre la collection Filles de la jungle. Le menu principal est fixe et musical.
Pour en savoir plus sur les jungles girls au cinéma, dans la littérature et dans la bande-dessinée, reportez-vous au DVD de Gungala, la vierge de la jungle et savourez la présentation de Julien Sévéon. Ici, pour ce second opus, Artus est allé à la rencontre du réalisateur Ruggero Deodato lui-même (26’) ! Visiblement heureux de parler de son premier vrai long métrage signé en tant que metteur en scène, alors qu’il était assistant, l’intéressé revient en détails sur son arrivée sur ce projet. Ruggero Deodato explique comment la production a viré Roman Ferrara (« c’était un peu un pervers, pas quelqu’un de bien… ») avant de l’engager définitivement après plusieurs essais grassement payés. Puis, le cinéaste raconte quelques anecdotes de tournage, dont les prises de vue au Kenya, mais aussi la raison pour laquelle il a préféré utiliser un pseudonyme, avant de parler du casting, dont « la très douce » Kitty Swan, dont la carrière fût stoppée quelques années plus tard en raison d’un accident survenu sur un tournage, où elle fut brûlée au troisième degré.
L’interactivité se clôt sur les films annonces des deux Gungala et un diaporama de photographies d’exploitation.
L’Image et le son
La copie de Gungala, la vierge de la jungle était déjà excellente, mais celle de Gungala, la panthère nue se permet de la surpasser. C’est sans doute lié aux partis pris du film, dont la facture technique est nettement plus soignée, mais les couleurs sont encore plus belles que pour le premier épisode. Le piqué est agréable et naturel, le grain original respecté, la stabilité de mise, la propreté irréprochable si ce n’est quelques griffures durant le générique, plus altéré comme c’est souvent le cas. La luminosité est également au programme et les détails sont tels que l’on parvient à distinguer les toiles de fond pour les scènes de campement.
Contrairement à Gungala, la vierge de la jungle, il n’y a pas de version française pour Gungala, la panthère nue. Rien à redire sur le mixage italien aux sous-titres non imposés. La piste est aérée avec un excellent rendu de la musique, des ambiances annexes et des dialogues.
GUNGALA, LA VIERGE DE LA JUNGLE (Gungala la vergine della giungla) réalisé par Romano Ferrara,disponible en DVD le 4 décembre 2018 chez Artus Films
Acteurs : Kitty Swan, Linda Veras, Poldo Bendandi, Conrad Loth, Archie Savage, Alfred Thomas, Antonietta Fiorio, Valentino Macchi…
Scénario : Romano Ferrara, L.A. Rotherman
Photographie : Augusto Tiezzi
Musique : Angelo Francesco Lavagnino
Durée : 1h23
Date de sortie initiale: 1967
LE FILM
Deux aventuriers sans scrupule, Dany et Wolf, dérobent le diamant sacré d’une tribu. Wolf tue Dany, mais doit abandonner son butin face aux guerriers. Des années plus tard, il revient pour le récupérer. Mais il va se retrouver face à Gungala, la déesse blanche, qui, aidée par sa fidèle panthère, va tout faire pour l’empêcher de piller son peuple.
Après Tarzan, l’homme singe avec Johnny Weissmuller et avant Greystoke, la légende de Tarzan porté par Christophe – Hin hin hin – Lambert, l’Italie s’est aussi emparée du mythe de la jungle. Mais les transalpins sont malins et décident en tant que professionnels du cinéma d’exploitation de remplacer l’homme en pagne par une demoiselle très peu vêtue. Ce qui est somme toute plus attractif. Voici donc Gungala, la vierge de la jungle – Gungala la vergine della giungla. Franchement, une fois la surprise passée de voir cette ravissante jeune femme prendre la pose comme un dans catalogue de la Redoute dans la section lingerie (toute une époque et des pages qui collent), Gungala, la vierge de la jungle ne propose rien, ou pas grand-chose. Voici donc l’exemple type du petit film d’aventure réalisé à la va-comme-je-te-pousse qui ne repose sur aucun autre argument que son héroïne dénudée.
Aux frontières de l’Ouganda et du Kenya, en pleine forêt mystérieuse, sauvage et envoûtante, vit la tribu des Bakenda. Deux aventuriers de pacotille, Dany et Wolf, leur dérobent un précieux diamant. Wolf abat son complice avant de devoir abandonner son butin devant l’arrivée de ces hommes primitifs qui vénèrent le dieu « Bokani » dans une clairière, lieu sacré et interdit. Aucun indigène n’ose s’y aventurer, sauf une étrange sauvageonne, Gungala, une jeune fille blanche, seule survivante d’un avion qui s’est écrasé dans la brousse lorsqu’elle était bébé. Orpheline, elle est devenue la reine de la tribu. Des années plus tard, Wolf apprend que le diamant est en possession de Gungala. Alors qu’il retourne dans la jungle pour le récupérer, il fait face à cette déesse, toujours accompagnée de sa fidèle panthère, prête à tout pour empêcher le pillage de son peuple.
C’est ça Gungala, la vierge de la jungle. On s’en fout de l’histoire, d’ailleurs il n’y en a pas et le film ne vaut que pour les apparitions bien trop sporadiques de Kitty Swan, la femme de la jungle avec son mascara et son fard à paupières. L’actrice danoise âgée de 23 ans, mix entre Megan Fox et Mila Kunis, n’est pas avare de ses charmes qui flattent les sens et les rétines. Mais la voir courir au ralenti comme dans une pub pour un déodorant sur fond de harpe c’est bien plaisant deux minutes, mais systématiquement cela a de quoi irriter. Le reste du temps, Gungala observe ce qui se passe dans la jungle, tout en caressant les félins qui l’entourent. Le film enchaîne les séquences sans enjeu ni souci de cohérence. Tout est fait pour remplir le récit au maximum de scènes rituelles et de danses tribales interminables (on croirait des chorégraphies de Kamel Ouali), alors que le spectateur n’attend qu’une seule chose, mater Gungala ou Linda Veras, qui expose également ses arguments gratuitement histoire de combler le vide scénaristique. Un peu le syndrome Black Emmanuelle en Afrique où il fallait se farcir (façon de parler) des séquences de safari de vingt minutes, avant de voir quelques actrices se désaper juste avant la coupure pub.
Il faudra attendre le dernier quart d’heure pour en savoir plus sur l’identité de Gungala, même si l’on se doute que les aventures de Tarzan et de Mowgli ont largement inspiré le personnage ici. Malheureusement, le rythme est très lent, il ne se passe quasiment rien, les scènes d’affrontements sont minables. Le cinéaste Romano Ferrara, crédité sous le pseudo Mike Williams, auteur et metteur en scène du Monstre aux yeux verts avec Michel Lemoine (1962) et deux thrillers réalisés en 1964, F.B.I. enquête à Los Angeles et Crimine a due est incapable d’éveiller ne serait-ce qu’un peu l’intérêt du spectateur avec ces pauvres aventures se déroulant dans des décors dignes d’un Center Parc du pauvre. Gungala, la vierge de la jungle sera d’ailleurs son dernier film en tant que réalisateur.
Malgré tout, le film est un succès dans les salles et rapporte suffisamment d’argent pour qu’une suite voit le jour l’année suivante, Gungala, la panthère nue, toujours avec Kitty Swan dans le rôle de la jungle girl mais mis en scène cette fois par Ruggero Deodato (Cannibal Holocaust). C’est déjà plus intéressant et nous en parlerons prochainement !
LE DVD
Après les rednecks, place à la collection des Filles de la jungle ! Artus Films passe du coq à l’âne pour notre plus grand plaisir. Le film de Romano Ferrara est disponible dans une édition slim Digipack au visuel clinquant. Un très bel objet. Le menu principal est fixe et musical.
En plus des films annonces des deux Gungala et d’un diaporama, Artus Films a demandé à l’excellent Julien Sévéon de nous présenter l’histoire des jungle girls au cinéma, mais aussi dans les pulps, romans et fumetti (30′). Il n’y a pas que George A. Romero dans la vie du journaliste, visiblement fin connaisseur des filles de la jungle en pagne ! Des titres à foison nous donnent sérieusement envie de découvrir tout ce pan souvent oublié du cinéma d’exploitation. Sa présentation de Gungala, la vierge de la jungle vaut également son pesant.
L’Image et le son
On ne s’attendait pas à un résultat aussi probant ! En effet, la copie de Gungala, la vierge de la jungle est vraiment une bonne surprise avec une restauration indéniable. Le master est très propre (les poils en bord de cadre sont rares, tout comme les points et griffures) et stable. Seul le générique apparaît plus grumeleux avec quelques fourmillements et une colorimétrie plus altérée, mais le reste du film impressionne avec des détails flagrants, un piqué inédit et un grain très bien géré. Que demander de plus ?
La version française est amusante avec notamment un doublage de Claude Bertrand toujours aux petits oignons. En revanche, ce mixage se focalise un peu trop sur les voix au détriment des effets. La piste italienne est plus aérée avec un meilleur rend de la musique, des ambiances annexes et des dialogues.
LA VENGEANCE DE LA FEMME AU SERPENT (‘Gator Bait II : Cajun Justice)réalisé par Ferd & Beverly Sebastian, disponible en DVD le 2 octobre 2018 chez Artus Films
Acteurs : Jan Sebastian, Tray Loren, Paul Muzzcat, Brad Koepenick, Jerry Armstrong, Ben Sebastian, Reyn Hubbard, Levita Gros…
Scénario : Beverly Sebastian, Ferd Sebastian
Photographie : Ferd Sebastian
Musique : George H. Hamilton
Durée : 1h38
Date de sortie initiale: 1988
LE FILM
Venant d’épouser Big T., un cajun, Angélique part vivre en Louisiane, au beau milieu des marais et des crocodiles. Elle y apprend la vie rude des autochtones, quand une bande de rednecks, dont le chef, Leroy, est le rival de Big T., tue ce dernier et enlève la jeune femme. La belle se fait violer par la bande. Pour se venger, elle va devoir user de courage et de cruauté à la hauteur des sévices subis.
Suite tardive au sympathique Les Marais de la haine – ‘Gator Bait, qui valait surtout pour la beauté flamboyante de la magnifique Claudia Jennings, La Vengeance de la femme au serpent, sobrement intitulé ‘Gator Bait II : Cajun Justice en version originale, est un film conçu uniquement pour son exploitation en VHS. Suite à une commande de la prestigieuse Paramount, 14 ans après Les Marais de la haine, Beverly et Ferd Sebastian reprennent leur caméra Arriflex et retournent dans le bayou. Comme Claudia Jennings est décédée tragiquement en 1979, l’un des seuls liens entre les deux films se fait avec le personnage de Big T., le petit frère muet du premier volet. S’il était interprété par Tracy Sebastian, le fils des metteurs en scène, le rôle – ici adulte – est repris dans le second par un certain Tray Loren. C’est du moins ce qu’indique le générique, car il s’agit en fait de la même personne. Sans aucune explication rationnelle, Big T. retrouve l’usage de la parole ici. Beverly et Ferd Sebastian ont ensuite révélé qu’ils avaient été obligés de supprimer tous les dialogues de leur fils, ce dernier étant peu sûr de lui devant la caméra. De toute façon, il faut bien dire que l’intérêt de ce second ‘Gator Bait, comme pour le premier, est ailleurs.
La femme du titre français est ici incarnée par l’inconnue Jan Sebastian, belle-fille des réalisateurs puisque mariée à l’époque à…ah bah tiens au frère de Tracy Sebastian. Une histoire de famille quoi. Peu avare de ses charmes, pulpeuse, crinière au vent, la comédienne n’a certes pas le charisme, la beauté, le talent et le magnétisme de Claudia Jennings, mais s’en sort honorablement dans le rôle principal. Les auteurs repoussent cette fois les limites en inscrivant La Vengeance de la femme au serpent dans le genre du rape & revenge, avec des séquences parfois difficiles, en jouant à la fois sur le voyeurisme et la patience du spectateur.
Jeune citadine, Angélique quitte la ville pour épouser un Cadien, surnommé « Big T. », et s’installer avec lui dans une maison en plein milieu des marécages de la Louisiane. Leur fête de mariage est perturbée par une bande de rednecks, menée par un certain Leroy. Son mari éduque Angélique en lui enseignant l’art de vivre dans le bayou. Il lui apprend à chasser et manier le hors-bord, à pêcher ou encore à manier des armes. Pourtant, leur idylle amoureuse est rompue lorsque Leroy et ses amis pénètrent chez eux pour tuer Big T. et kidnapper Angélique. Violée et laissée pour morte, elle est déterminée à se venger. Elle va devoir user de courage et de cruauté à la hauteur des sévices subis pour torturer et abattre ses ravisseurs un par un…
‘Gator Bait II : Cajun Justice parvient à contenter ceux qui avaient aimé le premier volet et l’audience plus contemporaine qui demandait alors une violence plus frontale. Cette séquelle propose son lot de scènes un peu cucul la praline avec ce couple d’amoureux qui batifolent dans les marais, qui baisent, qui pêchent, qui rebaisent, qui tirent à la carabine, qui baisent encore, qui font du bateau et qui ont bien mérité de baiser après une dure journée. Comme pour le premier opus, le problème de ‘Gator Bait 2 est son absence de rythme et sa succession de vignettes alignées les unes derrière les autres pour en faire un long métrage. Malgré tout, on ne s’ennuie pas. La Vengeance de la femme au serpent se permet même d’être un film Bis plus dégénéré et déviant, plus axé sur les us et coutumes du coin, à l’instar de la séquence du mariage en début du film, variation démunie de celle du premier Parrain.
Ferd et Beverly Sebastian profitent des courbes généreuses de leur comédienne principale en la filmant sous tous les angles, en prenant le temps de la montrer (longtemps) dans son bain, dehors, sur le ponton, devant les yeux affamés de quelques rednecks qui se lèchent les babines. Puis vient la scène où Angélique se voit humiliée par cette bande de cinglés, qui profitent de l’absence de son mari pour abuser d’elle. Puis, ils l’enlèvent, l’attachent comme une bête à un piqué et finissent par la violer au cours d’une longue séquence que certains trouveront interminable. Angélique parvient ensuite à s’échapper, ce qui nous vaut encore quelques séquences en bateau à moteur comme dans le premier épisode, puis prépare sa vengeance après avoir enfilé un short en jean déchiré et trop petit pour ses hanches pleines, tout en ayant pris soin de ne pas boutonner son bustier.
Sans se cacher, ‘Gator Bait 2 : Cajun Justice s’inspire d’une des séquences phares de Délivrance. Si le genre est largement dépassé, Ferd et Beverly Sebastian tirent encore sur la corde de la Hicksploitation, rappelons que Hick signifie péquenaud. Aujourd’hui, nous revoyons La Vengeance de la femme au serpent avec curiosité, tout en se rinçant l’oeil c’est vrai devant Jan Sebastian (qui a d’ailleurs voulu réaliser elle-même ses petites cascades et scènes agitées), avec ce même désir pervers et malgré tout divertissant typique du cinéma d’exploitation, de voir des individus malmenés par des bouseux à la gueule de porte-bonheur, pour ensuite apprécier de voir ces derniers se faire dézinguer à coup de calibre 12.
LE DVD
Artus Films ne manque pas d’idée et encore moins d’audace. L’éditeur lance la collection Rednecks ! Et pour ouvrir le bal, rien de mieux que La Vengeance de la femme au serpent (sorti le même jour que Les Marais de la haine), disponible en DVD dans un superbe slim Digipack au visuel affriolant avec Jan Sebastian. Le menu principal est fixe et musical.
Dans un premier temps, nous retrouvons le même module déjà présent sur l’édition DVD des Marais de la haine. Un bonus qui nous avait quelque peu laissé sceptiques concernant le « témoignage » de Beverly et Ferd Sebastian (12’), qui font ici la promo pour leur association destinée à sauver les chiens lévriers (qui aident également à la réhabilitation des prisonniers), tout en voulant apprendre à créer un « partenariat » avec Jésus, qui selon Ferd a entendu ses prières et l’a sauvé d’une mort imminente alors qu’il était tombé très gravement malade du coeur. Ferd avoue qu’il avait refusé que ses films, « violents et sexuels », ressortent au cinéma ou soient exploités en VHS et DVD, suite à cette expérience miraculeuse. Jusqu’à ce qu’il ait enfin trouvé la « paix intérieure », ou que l’argent venait à manquer, mais ça Ferd ne le dit pas.
Ensuite, l’éditeur a évidemment demandé à Maxime Lachaud de présenter à nouveau le titre « redneck » qui nous intéresse (27’). Comme pour l’exposé consacré aux Marais de la haine, l’auteur du livre Redneck movies : Ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain (Rouge Profond, 2014), essayiste et journaliste français semble toujours aussi peu à l’aise devant la caméra, même s’il s’en sort mieux ici. Peut-être le sujet principal abordé, le viol dans le cinéma de la Hicksploitation, l’inspire plus. Maxime Lachaud donne également quelques informations sur le tournage de La Vengeance de la femme au serpent, les réalisateurs et le casting. Si l’ensemble manque de rythme, on y trouve les informations qu’on espérait y glaner, donc le bilan est positif.
Suite et fin du « making of », qui n’en est pas un, dont la première partie est disponible sur le DVD des Marais de la haine, autrement dit l’entretien avec les deux réalisateurs, réalisé en 2012 (14’). Confortablement assis, le couple Sebastian, Beverly et Ferd, répondent aux questions envoyées par leurs fans. Les conditions de tournage sont abordées, les souvenirs s’enchaînent. Beverly explique que leur fils Tracy a repris son rôle des Marais de la haine, même s’il était difficile d’expliquer pourquoi le personnage, muet dans le premier film, parle désormais dans le second. Ferd explique comment certaines séquences ont été tournées, comme celle du mariage, reconstitué pour les besoins du film avec des habitants du cru, dans l’optique d’être le plus authentique possible.
L’interactivité se clôt sur un spot vidéo de trente secondes et le film-annonce qui raconte tout le film !
L’Image et le son
Réalisé près de quinze ans après Les Marais de la haine, La Vengeance de la femme au serpent nous parvient dans un master plus propre, même si le piqué est ici complètement émoussé. L’image est stable, le grain conservé, tout comme les partis pris qui reflètent les pauvres conditions de tournage. Il n’est pas rare d’avoir quelques plans flous ou que la colorimétrie varie au cours d’une même séquence. Le format 1.37 est respecté.
N’hésitez pas à sélectionner la version française, au doublage particulièrement gratiné. Par contre, ce que vous gagnerez en « cachet Bis », vous y perdrez en ambiances annexes. Nettement moins dynamique que la piste anglaise, la VF est quand même très amusante, surtout quand les doubleurs s’en donnent à coeur joie dans les insanités. La version originale semble plus homogène, en dépit de dialogues parfois sourds.
LES MARAIS DE LA HAINE (‘Gator Bait)réalisé par Ferd & Beverly Sebastian, disponible en DVD le 2 octobre 2018 chez Artus Films
Acteurs : Claudia Jennings, Sam Gilman, Douglas Dirkson, Clyde Ventura, Bill Thurman, Don Baldwin, Ben Sebastian, Janit Baldwin…
Scénario : Beverly Sebastian
Photographie : Ferd Sebastian
Musique : Ferd Sebastian
Durée : 1h25
Date de sortie initiale: 1974
LE FILM
Depuis la mort de ses parents, Désirée Thibodeau s’occupe de son jeune frère Big T et de sa petite sœur Julie, n’hésitant pas pour subsister à aller chasser l’alligator avec son fusil de chasse dans les marécages de sa Louisiane natale. Un jour, le fils du shérif, Billy Boy, et son copain Ben, l’aîné d’une fratrie de rednecks, le clan Bracken, la surprennent en plein braconnage. Refusant leurs avances contre leur silence, la virée tourne mal et Ben est tué accidentellement par Willy Boy. Ce dernier laisse entendre à son père que Désirée est la meurtrière. Apprenant la nouvelle, T.J., le père de Ben, réunit alors ses autres fils, Leroy et Pete, et partent donner la chasse à la jeune femme pour faire justice eux-mêmes. Le groupe s’enfonce dans les marécages, ignorant que les chasseurs d’un jour peuvent être le gibier du lendemain.
Il y a les cons, comme celui immortalisé par Jacques Villeret dans le film de Francis Veber, mais il y a aussi les péquenauds, les pedzouilles, les ploucs, les culs-terreux ou comme on dit aussi aux Etats-Unis, les rednecks. Il ont eu eux aussi leur heure de gloire au cinéma – la Hicksploitation – et n’ont jamais cessé d’apparaître sur le grand écran comme dans Délivrance de John Boorman (1972). En 1974, le couple Beverly et Ferd Sebastian, qui venait d’enchaîner The Hitchhikers et The Single Girls, produit, écrit et réalise (Ferd se charge également de la musique et de la photographie) un jalon de ce sous-genre d’exploitation, Les Marais de la haine, également connu sous son titre original, ‘Gator Bait. Le sexe, la boue, les personnages dégénérés, la violence, le viol se mêlent comme du gloubi-boulga, dans le seul but d’attirer le spectateur et d’amasser le plus possible de billets verts. Les Marais de la haine aurait pu passer inaperçu, mais voilà, le film est porté par la beauté incandescente et sauvage de Claudia Jennings. C’est grâce à elle, plus qu’à son récit simpliste, que ‘Gator Bait a su traverser les décennies et devenir un véritable film culte.
Les Marais de la haine est construit sur le principe d’une boucle. Les mêmes événements reviennent quasiment systématiquement, les courses-poursuites dans les bayous se ressemblent et sont filmées de la même façon, les banjos, les harmonicas et les violons s’affolent, la chevelure flamboyante de Claudia Jennings vole au vent tandis qu’elle échappe à ses poursuivants. Il y a quelque chose de crade dans ce royaume poisseux, où les alligators et les serpents venimeux mènent la danse au milieu de personnages azimutés où le sexe semble être la seule chose qui les anime. Mais heureusement, quand l’un des jeunes commence à s’exciter sur sa propre sœur, le père, barbe hirsute et pouilleuse, n’hésite pas à donner du fouet afin de les ramener un tant soit peu à la raison. Pour pallier à toutes ces frustrations, mais aussi et surtout pour venger la mort d’un de leurs membres, tout ce beau petit monde s’allie pour aller chasser la belle amazone au short en jean bien moulé, puisqu’elle est accusée (à tort) d’être la meurtrière. Mais c’était sans compter sur la débrouillardise de la donzelle en question.
Et quelle nana ! Ancienne réceptionniste pour le magazine Playboy, Claudia Jennings est très vite remarquée et devient playmate du mois en novembre 1969, puis celle de l’année 1970. Les photographes se l’arrachent, le cinéma lui fait de l’oeil et elle commence à se produire dans des séries B aux titres évocateurs comme Ça cogne et ça rigole chez les routiers de Mark L. Lester et The Unholy Rollers de Vernon Zimmerman. Les Marais de la haine restera son film le plus célèbre. Plongée dans la drogue et l’alcool, un des rôles principaux de la série Drôles de dames lui échappe. Elle meurt dans un accident de la route juste avant son trentième anniversaire et après avoir joué dans Fast Company de David Cronenberg. Bien que réalisé cinq ans avant sa mort, Les Marais de la haine est comme qui dirait son testament à l’écran. C’est bien simple, quand elle n’est pas à l’écran, le spectateur commence à trouver le temps long, surtout en raison des dialogues redondants et des situations peu inspirées. Le cadre est sympathique, la musique enjouée, le tout bien décérébré, mais nous n’avons d’yeux que pour Claudia Jennings. Bad-ass à souhait quand elle prend la pétoire, couteau à la taille, chemise entrouverte qui laisse apparaître généreusement ses formes, la jeune actrice impose une véritable présence, magnétique, sensuelle, dangereuse, et l’on se met à jubiler de la voir échapper à la bande de bouseux, mais surtout de les voir disparaître l’un après l’autre des suites des « Boum j’t’attrape » tendus par la rousse incendiaire.
Typique du film drive-in tourné en un temps-record (dix jours seulement), Les Marais de la haine se regarde encore comme une amusante curiosité – savoureux mélange de survival et de rape & revenge – animée par le charme ravageur d’un des sex-symbols des années 1970. Gros succès à sa sortie, ‘Gator Bait connaîtra une suite tardive en 1988, ‘Gator Bait II : Cajun Justice aka La Vengeance de la femme au serpent, toujours réalisée par le couple Sebastian.
LE DVD
Artus Films ne manque pas d’idée et encore moins d’audace. L’éditeur lance la collection Rednecks ! Et pour ouvrir le bal, rien de mieux que Les Marais de la haine, disponible en DVD dans un superbe slim Digipack au visuel affriolant avec Claudia Jennings toujours aussi sublime. Le menu principal est fixe et musical.
L’interactivité est chargée avec plus d’une heure de suppléments. L’élément le plus conséquent est l’entretien (44’) avec Maxime Lachaud, auteur du livre Redneck movies : Ruralité et dégénérescence dans le cinéma américain (Rouge Profond, 2014). L’essayiste et journaliste français semble peu à l’aise devant la caméra et peine à donner de l’intérêt à ses propos. Il présente ici l’origine des rednecks, leur apparition dans la littérature et au cinéma (avec des titres qui font envie), avant de devenir une vraie figure de la culture pop. Maxime Lachaud intervient également sur le film qui nous intéresse avec quelques informations sur le tournage, les réalisateurs et le casting. Si l’ensemble manque de rythme, on y trouve les informations qu’on espérait y glaner, donc le bilan est positif.
Nous passons à un « making of » qui s’avère un entretien avec les deux réalisateurs, réalisé en 2012 (19’). Confortablement assis dans leur résidence en Floride, le couple Sebastian, Beverly et Ferd, répondent aux questions des fans. Les conditions de tournage sont abordées, les souvenirs s’enchaînent. Beverly explique que le rôle principal a été écrit spécialement pour Claudia Jennings, tandis que Ferd explique comment certaines séquences ont été tournées, avec seulement une caméra Arriflex 35mm harnachée.
Nous sommes plus sceptiques concernant le bonus suivant, à savoir le « témoignage » de Beverly et Ferd Sebastian (12’), qui font ici la promo pour leur association destinée à sauver les chiens lévriers (qui aident également à la réhabilitation des prisonniers), tout en voulant apprendre à créer un « partenariat » avec Jésus, qui selon Ferd a entendu ses prières et l’a sauvé d’une mort imminente alors qu’il était tombé très gravement malade du coeur. Ferd avoue qu’il avait refusé que ses films, « violents et sexuels », ressortent au cinéma ou soient exploités en VHS et DVD, suite à cette expérience miraculeuse. Jusqu’à ce qu’il ait enfin trouvé la « paix intérieure », ou que l’argent venait à manquer, mais ça Ferd ne le dit pas.
Nous trouvons ensuite un spot vidéo (1’30), un document collector pour la sortie française en VHS des Marais de la haine, distribuée par Paramount sous la bannière CIC Vidéo.
L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces française et anglaise qui racontent tout le film.
L’Image et le son
Selon Ferd Sebastian, une copie en excellent état des Marais de la haine aurait été retrouvée dans les archives de la Paramount. Une restauration était selon lui inutile. Le résultat fait penser à un transfert d’une VHS sur DVD. Toutefois, la propreté est effectivement éloquente, malgré quelques petits points blancs. L’image est stable, mais la définition est sans cesse aléatoire. Au cours d’une même séquence, un champ-contrechamp apparaît tantôt flou, tantôt net avec un piqué suffisant. La colorimétrie est volontairement boueuse et délavée, sensiblement dorée dans les marécages et la photo signée Ferd Sebastian lui-même est assez bien restituée. Les conditions sont donc remplies pour (re)découvrir Les Marais de la haine dans des conditions dignes de celles d’un drive-in. Le master est au format 1.37 original respecté.
N’hésitez pas à sélectionner la version française, au doublage particulièrement gratiné. Par contre, ce que vous gagnerez en « cachet Bis », vous y perdrez en ambiances annexes. Nettement moins dynamique que la piste anglaise, la VF est quand même très amusante, surtout quand les doubleurs s’en donnent à coeur joie dans les insanités. La version originale semble plus homogène, en dépit de dialogues parfois sourds.
L’AU-DELÀ (L’aldilà… E tu vivrai nel terrore !) réalisépar Lucio Fulci,disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre chez Artus Films
Acteurs : Catriona MacColl, David Warbeck, Cinzia Monreale, Antoine Saint-John, Veronica Lazar, Larry Ray, Giovanni De Nava, Al Cliver…
Scénario : Dardano Sacchetti, Lucio Fulci, Giorgio Mariuzzo
Photographie : Sergio Salvati
Musique : Fabio Frizzi
Durée : 1h27
Année de sortie : 1981
LE FILM
La Nouvelle-Orléans en 1927, le peintre Schweick se fait lyncher, dans un hôtel, par la population, pour avoir peint une fresque représentant l’Enfer. Quelques cinquante ans plus tard, Liza Merril hérite de cet hôtel et entreprend de le rénover. Mais, très vite, des événements tragiques succèdent les uns aux autres, et les ouvriers meurent dans des circonstances mystérieuses. Puis, Liza fait la connaissance d’Emily, une jeune aveugle, qui la met en garde contre ce lieu maudit : l’hôtel abriterait une des sept portes de l’Enfer dont le peintre martyr serait le gardien.
Pour faire le point sur la carrière de Lucio Fulci, nous vous invitons à (re)lire nos chroniques consacrées à La Longue nuit de l’exorcismehttps://homepopcorn.fr/test-blu-ray-la-longue-nuit-de-lexorcisme-realise-par-lucio-fulci/ et L’Enfer des zombies https://homepopcorn.fr/test-blu-ray-lenfer-des-zombies-realise-par-lucio-fulci/. Pour la plupart des cinéphiles, les amateurs de films de genre et la critique, L’Au-delà, ou bien L’aldilà… E tu vivrai nel terrore ! en version originale, est le chef d’oeuvre de Lucio Fulci. Réalisé en 1981 entre Le Chat noir et La Maison près du cimetière, L’Au-delà est un film somme, baroque et onirique, mais aussi celui où le cinéaste, alors au sommet de sa carrière et de sa popularité, y met tout son talent, sa science du montage, son art de créer une véritable expérience immersive qui n’a absolument rien perdu de son pouvoir hypnotique plus de trente-cinq après sa sortie.
Résumer l’intrigue de L’Au-delà n’est pas vraiment difficile. En fait, Lucio Fulci part d’un postulat plus que d’un simple scénario classique, pour laisser libre cours à son imagination. De l’aveu-même du réalisateur, le film est volontairement épuré, principalement construit autour de visions, de sensations et de cauchemars qui s’enchaînent sur une partition étonnante de Fabio Frizzi (4 de l’apocalypse, L’Emmurée vivante) constituée de choeurs qui instaurent d’emblée un malaise palpable. Dans le prologue de 1927 (année de naissance du cinéaste au passage) aux teintes sépia, incroyablement violent et qui rappelle le lynchage de Florinda Bolkan dans La Longue nuit de l’exorcisme, suivi d’une scène de crucifixion où le sang s’écoule du corps telle une fontaine, Lucio Fulci installe le décor (une maison en Louisiane), le ton (premier degré), l’atmosphère (poisseuse, suintante) et la prophétie qui entoure tout ce beau monde.
On arrive donc en 1981 face à cette même maison où l’exécution s’est déroulée plus de cinquante ans auparavant. Très vite, le metteur en scène enchaîne les apparitions de zombies, fantômes, momies, difficile de mettre un terme exact sur les créatures qui apparaissent à l’écran. Liza, le personnage joué par la toujours divine Catriona MacColl se retrouve face aux disparitions mystérieuses de ceux qui l’entourent et se rend compte que tout est lié à cette étrange bâtisse. Elle fait alors la rencontre d’Emily (Cinzia Warbeck), aveugle, qui paraît perdue entre le monde des vivants et celui des morts. Aidée du docteur John McCabe (David Warbeck), Liza doit alors affronter les créatures qui l’entourent et qui semblent vouloir l’attirer vers les enfers.
Tourné entre La Nouvelle-Orléans et Rome, L’Au-delà se passerait bien de tous ces mots en fait puisqu’il s’agit avant tout d’une véritable immersion concoctée par l’un des plus grands spécialistes en la matière. Lucio Fulci parvient à nous faire perdre nos repères avec une économie de dialogues, en se focalisant sur les ambiances, la sublime photographie de Sergio Salvati (Les Guerriers du Bronx), les décors (ce pont suspendu au milieu de nulle-part), tout en jouant avec les genres. Référence ultime du film d’horreur et fantastique, L’Au-delà enchaîne les séquences macabres d’anthologie comme des perles sur un collier, tout en flattant les amateurs de gore avec des exécutions crues et frontales. Des visages recouverts de chaux bouillante, des tarentules voraces, des énucléations, des crânes explosés, des gorges dévorées, Lucio Fulci se lâche complètement dans les meurtres très graphiques. Et tel un jeu de pistes, les deux personnages principaux passent de niveau en niveau, combattent quelques macchabées (au maquillage très réussi) à la démarche lente et qui souhaitent leur bouffer le cerveau, pour finalement atteindre l’une des portes de l’Enfer.
Ce qui nous conduit enfin à la dernière séquence, absolument effrayante, indélébile, crépusculaire, souvent copiée et jamais égalée, redoutablement pessimiste et malgré tout extraordinaire et furieusement poétique.
LE BLU-RAY
Nous disions en mai dernier que le magnifique et luxueux Mediabook de L’Enfer des zombies, estampillé « Collection Lucio Fulci » était l’un des plus beaux objets que vous trouveriez sur le marché en 2018. C’est évidemment la même chose pour ce Mediabook de L’Au-delà. Artus Films a cette fois encore concocté un visuel clinquant et en plus doux au toucher. Cette édition se compose du Blu-ray et du DVD glissés dans des compartiments cartonnés, ainsi que d’un incroyable livre de 80 pages (La Louisiane : de Lucio Fulci à Neil Jordan, exploration d’un territoire des morts) rédigé par Lionel Grenier (rédacteur en chef du site luciofulci.fr), Gilles Vannier (Psychovision), Larry Ray (comédien et assistant), le tout supervisé par le premier. Vous y trouverez de fabuleux visuels, photos et affiches, des extraits d’entretiens, des souvenirs de tournage, un essai passionnant sur les films tournés à la Nouvelle-Orléans. Artus Films livre un vrai et grand travail éditorial et a mis toute sa passion pour le genre dans ce Mediabook, sans oublier l’incroyable beauté de la copie HD.
Spécialiste et auteur de Lucio Fulci – le poète du macabre, écrit avec Jean-François Rauger, mais aussi rédacteur en chef du site luciofulci.fr, Lionel Grenier nous propose une formidable présentation, analyse et critique de L’Au-delà (19’). Il replace le film dans la carrière du maître, évoque sa genèse, l’équipe technique, le casting, les conditions de tournage à la Nouvelle-Orléans. Dans un second temps, il se penche davantage sur le fond et les partis pris du film, en dressant un parallèle entre L’Au-delà et Le Carnaval des âmes de Herk Harvey https://homepopcorn.fr/test-dvd-le-carnaval-des-ames-realise-par-herk-harvey/.
Place à la superbe comédienne Cinzia Monreale (16’) qui interprète l’étrange Emily dans L’Au-delà. Créditée au générique sous le nom de Sarah Keller, l’actrice se souvient de sa rencontre avec Lucio Fulci à l’occasion du casting du western Sella d’argento en 1978. A l’instar des autres intervenants, elle aborde entre autres le caractère bien trempé du cinéaste, ainsi que sa direction d’acteurs. Elle se penche également sur les difficiles conditions de tournage de L’Au-delà, liées à son maquillage qui comprenait une paire de lentilles douloureuses, destinées à la faire passer pour une aveugle.
Le module suivant donne la parole à l’acteur Michele Mirabella (27’). Homme de théâtre et de radio, le comédien aborde tout d’abord les débuts de sa carrière et comment Lucio Fulci l’a repéré puis demandé de participer à L’Au-delà. La célèbre séquence des tarentules est analysée sous toutes les coutures. Michele Mirabella explique que l’équipe des effets spéciaux avait rembourré son costume de papier journal, afin de le protéger de possibles piqûres, tandis que son visage était lui séparé des bestioles par une plaque en plexiglas.
Le dernier entretien de cette interactivité est celui que l’on attendait avec impatience. La comédienne Catriona MacColl revient avec détails et sensibilité sur son travail avec Lucio Fulci (21’). Pas seulement sur L’Au-delà, mais également sur ses autres collaborations avec le maître, même si elle avoue que le film qui nous intéresse reste son préféré. Catriona MacColl passe en revue le travail avec ses partenaires, l’équipe technique, les difficultés liées au tournage de la séquence finale, et clôt cette interview par un très bel hommage à Lucio Fulci.
L’Au-delà s’ouvre sur un prologue en 1927. Lucio Fulci et son chef opérateur Sergio Salvati l’ont pensé et conçu en teintes jaunes orangées. La séquence a été tournée en couleur, au cas où les distributeurs étrangers auraient été rebutés par ces partis pris. La majorité des pays importateurs ont suivi la volonté de l’équipe artistique. Mais pas en Allemagne, qui a exploité le film avec son prologue en couleurs. Artus Films propose de découvrir cette scène dans ces conditions (8’34). Même chose, l’éditeur livre également le prologue dans sa version N&B (7’).
L’interactivité se clôt sur les bandes-annonces de la collection Lucio Fulci, ainsi qu’un diaporama d’affiches et de photos.
L’Image et le son
Artus Films nous livre la tant attendue édition HD française 2K de L’Au-delà ! Avec son magnifique grain argentique, force est de constater que le chef d’oeuvre de Lucio Fulci renaît bel et bien de ses cendres avec une édition digne de ce nom. La propreté du master est ébouriffante. Toutes les scories, poussières, griffures ont été purement et simplement éradiquées. Ce Blu-ray au format 1080p (AVC) s’avère tout autant saisissant dans son rendu des scènes diurnes que pour les séquences sombres, l’image est souvent éclatante avec un piqué inédit, une profondeur de champ impressionnante et un relief des textures que nous n’attendions pas. Les couleurs retrouvent une deuxième jeunesse, à tel point que l’on pourrait même distinguer les couches de maquillage sur les zombies. L’élévation HD pour L’Au-delà est indispensable et le lifting de premier ordre. Enfin, le film est proposé dans sa version intégrale non censurée.
Point de remixage à l’horizon, mais pas de Haute-Définition non plus en ce qui concerne le son ! Les pistes italienne (à privilégier) et française sont présentées en LPCM 2.0 et instaurent toutes deux un bon confort acoustique, sans souffle, propre, avec une très bonne délivrance des dialogues. L’excellente partition de Fabio Frizzi bénéficie d’une belle ouverture des canaux, le doublage français est réussi et les effets annexes riches. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.
L’ENFER DES ZOMBIES (Zombi 2) réalisépar Lucio Fulci,disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD + Livre le 2 mai 2018 chez Artus Films
Acteurs : Tisa Farrow, Ian McCulloch, Richard Johnson, Al Cliver, Olga Karlatos, Auretta Gay, Stefania D’Amario, Ugo Bologna…
Scénario : Dardano Sacchetti, Elisa Briganti
Photographie : Sergio Salvati
Musique : Fabio Frizzi
Durée : 1h31
Année de sortie : 1979
LE FILM
Un voilier semblant abandonné dérive lentement dans la baie de New York. Les garde-côtes interviennent et se font agresser par une créature monstrueuse qui y gisait caché. Après avoir résisté aux balles, la créature plonge dans l’eau et disparaît. Anne Bowles (Tisa Farrow), la fille du propriétaire du bateau, alors porté disparu, décide d’en savoir plus. En compagnie de Peter West (Ian McCulloch), un journaliste, elle se rend sur l’île de Matoul, dans les Antilles, d’où provient le navire. Sur place, ils rencontrent le docteur Ménard (Richard Johnson), un scientifique confronté depuis plusieurs semaines à de curieux phénomènes. Les morts sortent de leurs tombes pour dévorer les vivants…
Lucio Fulci (1927-1996), qui se destinait d’abord au monde de la médecine, décide de se tourner vers le cinéma et intègre le Centro Sperimentale di Cinematografia de Rome, en suivant les cours de Michelangelo Antonioni et de Luchino Visconti. Il devient l’assistant du réalisateur Marcel L’Herbier sur Les Derniers Jours de Pompéi en 1950. Mais c’est avec le cinéaste Steno, de son vrai nom Stefano Vanzina, que Fulci fait réellement ses classes, sur des comédies interprétées par Totò. Progressivement, Lucio Fulci devient scénariste et signe Une fille formidable de Mauro Bolognini, Un Americano a Roma de Steno avec l’immense Alberto Sordi. Il passe enfin derrière la caméra en 1959 avec I Ladri, une comédie portée par… Totò. La boucle est bouclée. Dans les années 1960, Lucio Fulci enchaîne moult comédies avec le duo aussi célèbre en Italie qu’improbable chez nous, Franco Franchi et Ciccio Ingrassia. Si le succès est au rendez-vous, il commence sérieusement à vouloir changer son fusil d’épaule et démontrer qu’il est capable de réaliser autre chose que des comédies. Il signe un western avec Franco Nero (Le Temps du massacre, 1966), un drame (Liens d’amour et de sang, 1969). Mais le véritable tournant s’opère en 1969 avec le giallo Pervertion Story – La Machination (Una sull’altra).
Un an après l’onirique, poétique, sensuel, cruel, oppressant, kafkaïen Le Venin de la peur – Una lucertola con la pelle di donna, et la même année que sa comédie érotique Obsédé malgré lui, Lucio Fulci signe un de ses films les plus célèbres, La Longue nuit de l’exorcisme – Non si sevizia un paperino. S’ensuivent deux aventures de Croc-Blanc (1973 et 1974), Les Quatre de l’apocalypse (1975) et L’Emmurée vivante (1977). A la fin des années 1970, la carrière de Lucio Fulci bat de l’aile après quelques échecs successifs, tandis que sa fille connaît un très grave accident et que son divorce l’a laissé sur la paille. Contre toute attente, le producteur Fabrizio De Angelis lui confie les commandes de L’Enfer des Zombies, titre opportuniste surfant sur le triomphe du Zombie de George A. Romero, dont le montage européen avait été confié à Dario Argento. Sur un scénario écrit par Dardano Sacchetti (Le Chat à neuf queues, La Baie sanglante, Le cynique, l’infâme, le violent, L’emmurée vivante) même si crédité sous le nom de sa femme Elisa Brigranti, L’Enfer des Zombies va non seulement relancer la carrière de Lucio Fulci, comme il n’aurait jamais pu l’espérer, être à l’origine de tout un tas d’ersatz, et surtout devenir et rester un des films les plus emblématiques du genre.
Alors oui, merci à George A. Romero et à Dario Argento. Mais quand même, L’Enfer des Zombies n’a rien du plagiat longtemps évoqué, en particulier par le second, plus outré par l’utilisation opportuniste du titre que par la réelle copie de Zombie. D’une part, parce que Lucio Fulci et Dardano Sacchetti ne traitent pas la figure du mort-vivant de la même façon que leurs prédécesseurs (modernes chez Romero qui fustige la société de consommation, renvoyant aux sources du vaudou chez Fulci), d’autre part parce que L’Enfer des Zombies est un pur film de mise en scène, virtuose du début à la fin, qui porte la griffe du cinéaste à chaque plan. Si Zombi 2 est un film de commande pour lequel Lucio Fulci était loin d’être le premier choix (Enzo G. Castellari avait demandé un salaire astronomique, puis rapidement remercié), ce dernier se l’est bel et approprié pour en faire une œuvre personnelle, sans doute comme un exutoire. Car L’Enfer des Zombies est non seulement un film hypnotique, qui se regarde comme un véritable cauchemar éveillé, mais c’est aussi et surtout un thriller dramatique très violent, dans lequel le réalisateur a pour la première fois recours à des séquences particulièrement gore. Ces scènes ont marqué le public et participé au triomphe international de Zombi 2. Aujourd’hui encore, elles demeurent d’une redoutable efficacité, grâce aux incroyables maquillages et effets spéciaux à l’instar de l’énucléation par l’écharde de bois. Plus qu’aux films de zombies qui l’ont précédé, L’Enfer des Zombies s’apparente souvent à une relecture de L’Île du docteur Moreau version Earl C. Kenton (1932) matinée du Vaudou de Jacques Tourneur (1943).
Lucio Fulci est lui-même épaulé par des valeurs sûres avec notamment Sergio Salvati, qui signe une magnifique photographie éthérée, moite, poisseuse, crépusculaire, réalisée en CinémaScope. Les plans sur la baie de Manhattan restent gravées dans toutes les mémoires, tout comme la célèbre séquence de plongée où la comédienne Auretta Gay, à peine vêtue d’un string-ficelle, se retrouve nez à nez avec un requin…et un zombie au fond de l’océan ! L’épilogue, tourné sans aucune autorisation sur le pont de Brooklyn, est également inoubliable, tandis que la partition de Fabio Frizzi reste bien longtemps dans un coin de la tête.
Pierre angulaire du film d’horreur en Italie, L’Enfer des Zombies sait jouer avec les nerfs des spectateurs, prenant même le risque de le faire patienter au beau milieu du film (avec l’aide de quelques plans topless très agréables ceci dit), pour mieux le surprendre et le plonger dans un déferlement de violence graphique, de terreur, de torrents de chair et d’hémoglobine, dans un dernier acte absolument fascinant. Et l’expérience proposée par Lucio Fulci est encore intacte.
LE BLU-RAY
Attention, attention ! Voilà probablement l’un des plus beaux objets que vous pourrez trouver sur le marché en 2018 ! Artus Films a concocté un magnifique et luxueux Mediabook estampillé « Collection Lucio Fulci », au visuel clinquant et en plus doux au toucher. Cette édition se compose du Blu-ray et du DVD glissés dans des compartiments cartonnés, ainsi que d’un incroyable livre de 80 pages (Fulci, zombies et opportunisme : quand les morts-vivants ont envahi le cinéma italien) rédigé par Lionel Grenier (rédacteur en chef du site luciofulci.fr), Gilles Vannier (Psychovision), David Didelot (Videotopsie), Didier Lefèvre (Medusa), le tout supervisé par le premier. Vous y trouverez de fabuleux visuels, photos et affiches, des extraits d’entretiens, un retour sur la genèse du film, des extraits du scénario original, une analyse sur la figure du zombie chez Lucio Fulci, une autre sur le cinéma d’épouvante en Italie, etc. Nous ne reviendrons pas sur la polémique stérile quant à l’absence des bonus anciennement disponibles sur l’édition DVD Neo Publishing. Artus Films livre un vrai et grand travail éditorial et a mis toute sa passion pour le genre dans ce Mediabook, sans oublier l’incroyable beauté de la copie HD.
Spécialiste et auteur de Lucio Fulci – le poète du macabre, écrit avec Jean-François Rauger, mais aussi rédacteur en chef du site luciofulci.fr, Lionel Grenier nous propose une formidable présentation, analyse et critique de L’Enfer des zombies (19’). Il replace le film dans la carrière du maître, évoque sa genèse, l’équipe technique, le casting, les conditions de tournage, les accusations de plagiat de la part de Dario Argento. Dans un second temps, il se penche davantage sur le fond et les partis pris du film.
S’ensuit un long entretien avec le scénariste de Dardano Sacchetti (41’). Sans langue de bois, l’auteur des Guerriers du Bronx, Pulsions cannibales, L’au-delà, 2072, les mercenaires du futur donne sa version de la mise en route de L’Enfer des zombies, de l’arrivée de Lucio Fulci sur le projet et du tournage du film qui nous intéresse. Notons que quelques-uns en prennent pour leur grade comme le producteur Fabrizio De Angelis (« qui ne se gênait pas pour copier les autres »), tout en se couvrant de louanges : « j’étais le seul qui faisait mourir de peur les mémés ! […] j’ai créé le slasher avec La Baie sanglante, et l’autre con nous pond un Vendredi 13 qui en est un plagiat total ! ».
C’est au tour du maquilleur Maurizio Trani de revenir sur son travail sur L’Enfer des zombies (20’). Fils et neveu de créateurs de maquillages pour le cinéma, notre interlocuteur évoque sa collaboration avec son maître Giannetto De Rossi et bien sûr ses créations les plus marquantes sur le film de Lucio Fulci. Les anecdotes de tournage sont savoureuses. Notons une apparition rapide de Rosario Prestopino, confrère de Maurizio Trani, décédé en 2008.
Le dernier entretien se déroule en compagnie d’Alain Petit (11’). Fidèle complice d’Artus Films, l’historien du cinéma se souvient surtout ici de la programmation inespérée de L’Enfer des zombies dans le cadre de l’émission Quartier interdit, diffusée de septembre 1998 à août 2002. Comme une réponse à son propre Cinéma de quartier, Jean-Pierre Dionnet y présentait ici des films déviants, gore, avec bien sûr une prédilection pour les séries B et Z interdites aux moins de 13 et 18 ans. Nous apprenons que Dionnet (et Petit donc, alors assistant), avaient réussi à programmer la version intégrale du film de Lucio Fulci, mais uniquement en vostf à une heure avancée de la nuit, alors que la version française censurée avait été proposée juste avant. Ce qui avait décontenancé quelques cinéphiles qui avaient voulu réenregistrer la VF de L’Enfer des zombies sur leur VHS originale et qui s’étaient finalement retrouvés avec un montage coupé ! En 2002, Dominique Farrugia, alors président de Canal+, décide de mettre fin à l’émission.
L’interactivité se clôt sur le film-annonce original (qui annonçait aux spectateurs qu’un sac à vomi sera mis à leur disposition à l’entrée du cinéma) et la bande-annonce française d’époque.
L’Image et le son
C’est sublime. Comment dire les choses autrement ? Artus Films livre un master HD restauré 2K qui comblera de joie même les plus difficiles. Les splendides partis-pris esthétiques du directeur de la photographie Sergio Salvati trouvent en Blu-ray un nouvel écrin et se voient entièrement respectés, y compris dans les défauts originaux liés à la pellicule, qui font partie du charme du film. Point de réducteur de bruit à l’horizon, le grain est présent tout en étant discret (même sur les plans légèrement enfumés, difficiles à consolider), la photo ouatée et suintante est savamment restituée pour les scènes sur l’île, la colorimétrie retrouve un éclat inédit et le piqué est probant. Le format 2.35 est conservé, la profondeur de champ très appréciable. L’encodage AVC est solide, la gestion des noirs impeccable, la stabilité indéniable, la propreté exceptionnelle (un ou deux points blancs sans importance) et le niveau de détails impressionnant, y compris lors de l’incroyable séquence sous-marine. L’Enfer des zombies qui affiche déjà près de quarante ans au compteur peut se targuer d’un lifting de premier ordre et d’un transfert d’une folle élégance. Le film est présenté dans sa version intégrale non censurée. Notons également que l’éditeur est reparti du négatif original transféré en 2K (puis nettoyé et restauré en France), puisque celui restauré et fourni par les ayants droits avait entre autres complètement perdu sa patine argentique. Autant dire qu’Artus ne s’est pas laissé aller à la facilité comme certains auraient pu être tentés de le faire !
Alors oui il n’y a pas de version anglaise sur le Blu-ray. Et alors ? A l’instar des films de Sergio Leone qui réunissaient des vedettes internationales, qui s’exprimaient d’ailleurs dans leur langue d’origine, L’Enfer des zombies n’a pas de « réelle » version originale en dehors de la langue italienne puisque production transalpine avant tout. Certes les comédiens s’exprimaient dans la langue de Shakespeare au moment des prises de vue, mais la version officielle est et demeure l’italienne, présente sur cette édition, alors que demander de plus ? Les versions italienne et française bénéficient d’une piste DTS-HD Master Audio Stéréo 2.0 exemplaire et limpide, restituant les dialogues avec suffisamment d’efficacité, ainsi que l’enivrante bande originale signée Fabio Frizzi qui jouit d’un coffre inédit, surtout dans le dernier acte. Les effets sont solides, le confort acoustique largement assuré. La piste française est par moments légèrement désynchronisée, mais ce problème est d’origine et en aucun cas imputable à l’éditeur. Le mixage français est peut-être sensiblement moins riche mais contentera les habitués de cette version, d’autant plus que le doublage vaut souvent son pesant. Nous échappons heureusement à un remixage 5.1 inutile. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
MORTELLES CONFESSIONS (House of Mortal Sin) réalisépar Pete Walker,disponible en combo Blu-ray/DVD chez Artus Films le 6 mars 2018
Avec : Anthony Sharp, Susan Penhaligon, Stephanie Beacham, Norman Eshley, Sheila Keith, Hilda Barry…
Scénario : Pete Walker, David McGillivray
Photographie : Peter Jessop
Musique : Stanley Myers
Durée : 1h44
Date de sortie initiale : 1976
LE FILM
Jenny Welch vit avec sa soeur Vanessa, et mène une vie amoureuse instable après qu’elle s’est faite quitter par son amant. Elle se met alors à fréquenter un vieil ami d’enfance, Bernard, devenu prêtre. Devant la faiblesse de la jeune femme, il l’invite à aller en confessions avec le père Meldrum, un prêtre acariâtre et frustré. Ce dernier va alors prendre pour mission divine de « purifier » Jenny et de préserver leur étrange relation.
Encore plus radical, encore plus sombre et pessimiste que Flagellations – House of Whipcord, voici Mortelles confessions – House of Mortal Sin, toujours écrit par David McGillivray et réalisé par le cinéaste britannique Pete Walker en 1978. Le temps de la sexploitationest bien loin et le réalisateur confirme son talent pour mettre en scène l’horreur et la peur au quotidien. Mortelles confessions va encore plus loin dans le malaise lié à l’hégémonie des institutions. Par son titre, House of Mortal Sin, découle de House of Whipcord et prend le spectateur à la gorge du début à la fin en se focalisant sur le personnage d’un prêtre fou, qui séquestre sa vieille mère et qui n’hésite pas à tuer ses ouailles qui se sont écartées du droit chemin. Pete Walker s’en prend ici au célibat des prêtres et se penche sur la folie qui peut s’emparer de l’homme sexuellement frustré. Thriller tendu, audacieux et violent, emblématique de la situation politique britannique alors extrêmement rigoriste et rétrograde,Mortelles confessions est un vrai bijou.
Jenny (Susan Penhaligon) rencontre inopinément Bernard (Norman Eshley), un ancien copain devenu prêtre en quête de logement. Habitant avec sa sœur Vanessa (Stephanie Beacham), elle l’héberge. Son petit ami l’ayant quitté, Jenny souhaite parler avec Bernard de ce qui la rend malheureuse. Au confessionnal, elle tombe sur le père Xavier Meldrum (Anthony Sharp) qui lui indique « Ne soyez pas gênée de parler sexualité avec moi ! ». Ce dernier va vouloir la prendre sous son aile, avec pour seul objectif de prendre pour action divine de purifier la jeune fille et de s’attaquer à tout ce qui entravera à une éventuelle liaison. Du chantage, Meldrum va très vite passer au meurtre en s’en prenant aux proches de Jenny. Quand il rentre chez lui, le prêtre passe du temps avec sa mère souffrante (et séquestrée), surveillée par la gouvernante borgne Miss Brabazon (glaçante Sheila Keith, actrice fétiche de Pete Walker) qui aime la martyriser. De son côté, Bernard tombe amoureux de Vanessa et décide de donner sa démission.
Pete Walker n’a peur de rien et surtout pas de dire haut et fort de ce que tout le monde pense habituellement tout bas. Le célibat des prêtres et donc la question de la sexualité chez les hommes d’église, mais également leur immunité et leur impunité se trouvent au coeur de Mortelles confessions. Cette frustration et cette schizophrénie sont incroyablement rendues par Anthony Sharp, comédien anglais vu chez Stanley Kubrick (Barry Lyndon, Orange mécanique), dans le James Bond non-officiel Jamais plus jamais et dont la carrière à la télévision et au théâtre en rendrait jaloux plus d’un. Exceptionnel, flippant, repoussant, Anthony Sharp incarne un monstre humain, rendu cinglé par une des règles archaïques de sa profession. Il faut dire qu’on comprend son trouble devant les charmes de Susan Penhaligon et ceux de la pulpeuse Stephanie Beacham, oui oui, la Sable Colby de la série Dynastie !
Pete Walker rue dans les brancards et use du thriller psychologique teinté de giallo (quelques scènes sont très brutales) mâtiné d’un formidable cynisme pour appuyer son message, même si le réalisateur a toujours nié faire du cinéma politique et social. Aujourd’hui, Mortelle confessions, ainsi que la filmographie de Pete Walker, méritent d’être franchement reconsidérés.
LE BLU-RAY
Avec Flagellations (dernièrement chroniqué dans nos colonnes) et Mortelles confessions, l’éditeur Artus Films signe ses premiers pas dans le domaine de la Haute-Définition. Les films de Pete Walker sont bien pris en charge puisque disponibles dans de beaux combos Blu-ray-DVD. Le visuel de Mortelles confessions est attractif et la jaquette glissée dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est fixe et muet.
Après David Didelot, place à Alain Petit. L’historien du cinéma propose une présentation de Mortelles confessions (19’). Si certains propos sur Pete Walker font écho avec ceux entendus lors du brillant exposé de son confrère sur la galette de Flagellations, Alain Petit ne manque pas d’arguments pour défendre à son tour les œuvres du cinéaste qu’il affectionne tout autant. Le fond et la forme sont ainsi mis en parallèle. On apprend également que le rôle du prêtre Meldrum avait été proposé à Peter Cushing, qui avait été obligé de réfuser car malheureusement déjà pris sur un autre film. Le casting est également passé au peigne fin.
L’Image et le son
A l’instar de Flagellations, Artus Films déroule le tapis rouge au film de Pete Walker avec un très beau master Haute-Définition (1080p, AVC). Ce traitement permet de (re)découvrir Mortelles confessions dans les meilleures conditions techniques possibles. Dès le générique, la propreté est indéniable, la copie est stable, le grain original flatteur, le piqué aiguisé et la photo souvent ouatée du chef opérateur Peter Jessop (Schizo, Frightmare)est respectée. Les quelques poussières et griffures qui ont pu échapper à la restauration demeurent subliminales. N’oublions pas l’élégante tenue des contrastes.
Point de version française ici. Le mixage anglais DTS HD Master Audio Mono 2.0 aux sous-titres français (non imposés) instaure une écoute propre avec parfois quelques sensibles chuintements dans les aigus, mais rien de bien méchant.
FLAGELLATIONS (House of Whipcord) réalisépar Pete Walker,disponible en combo Blu-ray/DVD chez Artus Films le 6 mars 2018
Avec : Barbara Markham, Patrick Barr, Ray Brooks, Ann Michelle, Sheila Keith, Dorothy Gordon…
Scénario : Pete Walker, David McGillivray
Photographie : Peter Jessop
Musique : Stanley Myers
Durée : 1h42
Date de sortie initiale : 1974
LE FILM
Jeune mannequin français vivant à Londres, Anne-Marie se laisse séduire par Mark, qui l’emmène chez ses parents, dans une vieille et grande maison de campagne. Elle comprend bien vite qu’elle n’est qu’une proie de plus, donnée en pâture à Mme Wakehurst, une ancienne directrice de prison pour femmes, et son mari, le juge Bailey. Sous prétexte de rédemption et de lutte contre la dépravation, ces deux pervers assouvissent en fait leur sadisme et leur perversité.
Etrange long métrage que Flagellations, aka House of Whipcord en version originale, écrit par David McGillivray et réalisé par Pete Walker en 1974, cinéaste britannique qui a fait les grandes heures de la sexploitation et de l’épouvante, de la fin des années 1960 au début des années 1980. Né en 1939, Pete Walker débute par des courts-métrages dénudés (Soho Striptease, The Girl That Boys Dream About, Please Do Not Touch) qu’il produit lui-même et revend sous le manteau, avant de passer au long-métrage en 1968 avec The Big Switch. Suivront alors des œuvres aux titres explicites L’Ecole du sexe, Der Porno-Graf von Schweden, Four Dimensions of Greta en relief !. Puis, il change de registre en abordant l’épouvante avec Meurs en hurlant, Marianne et Le Rideau de la mort. Pour les aficionados, les cinéphiles et les amateurs de films de genre, Flagellations reste et demeure son meilleur film. Si l’on est tout d’abord attiré par la sublime affiche qui vend une belle créature en prise avec des matrones mal intentionnées et armées d’un fouet qui donne son titre au film en anglais, Flagellations ne se contente pas de ces quelques ingrédients qui servent finalement à appâter les spectateurs. C’est aussi et surtout un thriller tendu et violent, emblématique de la situation politique britannique alors extrêmement rigoriste et rétrograde.
Anne-Marie DeVarnet (la belle Penny Irving), est une top-modèle venue de France pour tenter sa chance en Angleterre. Remarquée pour avoir fait quelques clichés dénudés, elle se voit inviter lors d’une soirée par un inconnu, un certain Mark E. Desade (Robert Tayman, vu dans Le Cirque des vampires de Robert Young), qui lui propose de l’emmener chez ses parents. Julia accepte et se retrouve dans une gigantesque demeure qui semble inhabitée. Elle va bientôt découvrir le secret de cet endroit insolite et de sa présence ici : elle vient en réalité de se faire kidnapper et se retrouve devant une directrice (Barbara Markham, glaçante), son mari aveugle (Patrick Barr) et deux gardiennes sadiques (Sheila Keith et Dorothy Gordon) qui vont lui inculquer le savoir-vivre, sous peine de lui faire subir quelques tortures dont la punition du fouet. La demeure entourée de hauts murs impénétrables et plantée au milieu de nulle part dans la campagne anglaise est une ancienne prison abandonnée devenue un lieu de séquestration pour jeunes filles, dirigée par des individus prônant le retour de l’ordre moral et de la civilité.
Non seulement Pete Walker parvient à flatter son public de base, souvent plus intéressé par les formes exposées des jolies actrices que par l’histoire qui leur est racontée, mais le réalisateur parvient également à dresser un constat aussi réaliste que pessimiste sur l’Angleterre au début des années 1970. Les institutions et autorités en prennent pour leurs grades, Pete Walker n’hésitant pas à fustiger des juges (également bourreaux) qui décident de rendre une autre justice, en punissant des jeunes femmes qui enfreignent selon eux les codes moraux. Décidées à les faire revenir dans le droit chemin, des gardiennes revêches, vieilles filles, à la sexualité refoulée et dépourvue de sentiments, ont alors recours à des méthodes brutales en traitant ces jeunes « délurées » comme des animaux parqués dans d’anciennes cellules glauques et suintantes.
Si l’une des pensionnaires vient à fauter, celle-ci est mise en isolement. En cas de récidive, elle est déshabillée et fouettée. Si jamais la pécheresse venait à commettre une troisième faute, elle est condamnée à être pendue. Le processus de déshumanisation est en cours. Même s’il a toujours nié faire passer un message politique dans ses films qu’il revendiquait comme étant uniquement commerciaux, Flagellations – titre français évidemment racoleur et pas du tout représentatif de l’histoire – incite à la réflexion. Ceci dès le carton introductif « Ce film est dédié à ceux que le relâchement des codes moraux actuels inquiète et qui attendent impatiemment le retour du châtiment corporel et de la peine de mort » jusqu’à la fin redoutablement sombre avec ses costumes ternes et la photographie pluvieuse de Peter Jessop.
Alors que la Hammer est morte en emportant avec elle ses créatures démoniaques et ses couleurs baroques, des monstres apparaissent en déambulant dans la société d’aujourd’hui sous un ciel grisâtre. Joyaux de la British Horror, Flagellations, classé X à sa sortie, s’apparente plus à un thriller psychologique et pervers dont le statut culte n’est pas usurpé.
LE BLU-RAY
Avec Flagellations, l’éditeur Artus Films signe ses premiers pas dans le domaine de la Haute-Définition. Le film de Pete Walker est chouchouté puisque disponible dans un beau combo Blu-ray-DVD. Le visuel est attractif et la jaquette glissée dans un boîtier classique de couleur bleue. Le menu principal est fixe et muet.
Qui de mieux que l’incontournable et érudit David Didelot pouvait nous présenter Flagellations ? Pendant une heure (1h01 pour être précis), le co-fondateur du fanzine Vidéotopsie revient armé jusqu’aux dents de VHS, d’ouvrages et de DVD pour illustrer ses propos toujours aussi passionnants et qui donnent furieusement envie de se jeter sur tous les titres Bis évoqués. Pas un seul moment de répit pour David Didelot qui dans la première demi-heure dresse un fabuleux portrait du réalisateur Pete Walker. Ses débuts au cinéma, ses films, ses partis pris, ses intentions, mais également son ambiguïté sont passés au crible. Ne tarissant pas d’éloges sur ce réalisateur indépendant qu’il affectionne tout particulièrement, David Didelot déclare que Pete Walker mériterait d’être reconsidéré à sa juste valeur. Au bout de 27 minutes, Flagellations est analysé – dans le fond comme dans la forme – par notre spécialiste du Bis, évoquant également le casting, l’accueil critique, la sortie du film et les divers titres d’exploitation tels que La Pension du plaisir ou Mutilator !
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
Une belle entrée en fanfare dans la HD pour l’éditeur ! Le transfert est irréprochable, le master immaculé, stable et dépourvu de déchets résiduels. Les noirs sont concis, la colorimétrie est volontairement atténuée et tire vers les gris-bruns. Les décors dépouillés sont omniprésents et les personnages n’ont aucun mal à ressortir devant un fond uni, froidement éclairé, avec de très beaux gros plans qui foisonnent de détails. La gestion des contrastes est également très solide. Malgré un très léger voile apparent sur les séquences nocturnes et tamisées, ainsi que de menus changements chromatiques au cours d’une même séquence ou sur un champ-contrechamp, ce master HD présenté dans son format d’origine 1.66. est exemplaire. Le Blu-ray est au format 1080p.
Le film de Pete Walker bénéficie d’un doublage français, le film étant sorti en 1984 dans nos contrées. Au jeu des comparaisons avec la version originale, la piste française au doublage réussi s’accompagne de quelques chuintements. Véritable gruyère suite à de nombreuses coupes, cette version passe directement en version originale sous-titrée en français lors des séquences jamais doublées. La piste anglaise est plus dynamique, propre et intelligible, homogène dans son rendu, notamment au niveau des effets sonores. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
AU-DELÀ DE DEMAIN (Beyond Tomorrow) réalisépar A. Edward Sutherland,disponible en DVD chez Artus Films le 5 décembre 2017
Avec : Harry Carey, C. Aubrey Smith, Charles Winninger, Alex Melesh, Maria Ouspenskaya, Helen Vinson…
Scénario : Adele Comandini, d’après une histoire originale de Mildred Cram et Adele Comandini
Photographie : Lester White
Musique : Frank Tours
Durée : 1h16
Date de sortie initiale : 1940
LE FILM
Un soir de réveillon, trois hommes d’affaires fortunés mais sans famille décident d’inviter trois étrangers à leur table. Seuls James et Jean, jeunes gens dans la précarité, acceptent. Cette soirée va changer le cours de leur vie. Ils tombent amoureux l’un de l’autre et James devient crooner à succès. Les trois protecteurs disparaissent dans un accident d’avion et leurs fantômes vont bientôt mettre tout en œuvre pour reformer le couple qui s’est entre temps séparé.
Au-delà de Demain – Beyond Tomorrow est un conte de Noël réalisé par le cinéaste britannique A. Edward Sutherland (1895-1973) spécialisé dans les comédies mettant en scène le nez de W.C. Fields, le duo Laurel et Hardy et la croupe de Mae West. On lui doit également l’excellente Femme invisible – The Invisible Woman (1940). Ce spécialiste du film burlesque se voit confier un drame-fantastique, Au-delà de demain donc, d’après une histoire de Curt Siodmak, habituellement l’auteur attitré des studios Universal pour ses films de monstres.
Egalement connu sous les titres And So Goodbye ou bien encore Beyond Christmas, ce tout petit film, mélange de comédie, de fantastique et de mélodrame est interprété par des comédiens vétérans, Charles Winninger, Maria Ouspenskaya (la grand-mère dans la première version d’Elle et lui de Leo McCarey), C. Aubrey Smith (Tarzan l’homme singe, Rebecca) et Harry Carey (Mr. Smith au sénat). Des « trognes », des natures et surtout de grands talents qui ont multiplié les apparitions depuis le cinéma muet.
Complètement désuet, un brin réac, Au-delà de demain ravit souvent sur la forme, naïve, poétique, quand le récit dévoile l’au-delà et ses fantômes qui déambulent, qui discutent tranquillement de la même manière qu’avant de passer à trépas. En revanche, certains tiqueront sur le fond, prêchi-prêcha, avec sa morale bien-pensante, tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, etc. Une belle et grande « leçon » américaine, puritaine, où un simple garçon du Texas, un rancher, peut devenir la nouvelle star à la voix d’or de la chanson que tout le monde s’arrache, à condition qu’il ne se laisse pas tenter par une jeune femme du milieu, forcément démoniaque puisqu’elle met en danger l’idylle du texan avec sa compagne, modèle de pureté.
On pardonne volontiers ces partis pris caressant le spectateur dans le sens du poil, car Au-delà de demain, très populaire sur la terre de l’Oncle Sam, est un film tout à fait charmant, fantaisiste, souvent théâtral dans son dispositif puisque l’action reste quasiment confinée dans la maison cossue dans sa première partie. Le jeune couple incarné par Richard Carlson et l’adorable Jean Parker est attachant et s’en sort pas trop mal face à leurs partenaires qui cabotinent gentiment avec une réelle alchimie.
Avec ses flocons de neige en polystyrène, ses effets visuels sympathiques, ses violons sirupeux, sa belle photographie signée Lester White (Du plomb pour l’inspecteur), sa chorale venant chanter Jingle Bells sous les fenêtres et ses personnages sympathiques, Au-delà de demain est typique du genre de films à découvrir durant les fêtes de fin d’année, un bon chocolat chaud à portée de main et blotti sous une couverture polaire.
LE DVD
Au-delà de demain intègre la collection Classiques et Conte fantastique chez Artus Films. Le menu principal est fixe et musical.
Un aperçu des autres titres disponibles chez Artus Films est proposé comme supplément.
L’Image et le son
Visiblement, le matériel d’Au-delà de demain n’a pas été conservé dans des conditions optimales. Malgré les efforts réalisés par l’équipe de la restauration, de très nombreux défauts subsistent. En effet, l’image n’est jamais stable, reste floutée tout du long, tandis que la gestion des contrastes et du N&B restent totalement aléatoires avec un grain très épais. Il faudra donc être très indulgent puisqu’il semble que l’éditeur ait mis la main sur un master – 1.37, 16/9 compatible 4/3 – déjà très fatigué, pour ne pas dire au bout du rouleau, même si la copie reste finalement assez propre. Si les yeux brûlent un peu en fin de séance avec cet aspect vieille VHS, la rareté du film prime sur le reste, donc nous n’en voulons pas à notre cher éditeur Artus.
Seule la version anglaise mono est disponible avec des sous-titres français non verrouillés. Les craquements et chuintements, mais aucunement gênants, surtout que le souffle est limité. Les dialogues s’avèrent aérés, propres et fluides, tout comme la musique.