WALKOVER réalisé par Jerzy Skolimowski, disponible en DVD – Édition Collector depuis le 22 octobre 2020 chez Malavida Films.
Acteurs : Jerzy Skolimowski, Aleksandra Zawieruszanka, Krzysztof Chamiec, Andrzej Herder, Franciszek Pieczka, Henryk Kluba, Tadeusz Kondrat, Stanislaw Zaczyk…
Scénario : Jerzy Skolimowski
Photographie : Antoni Nurzynski
Musique : Andrzej Trzaskowski
Durée : 1h15
Année de sortie : 1965
LE FILM
Andrzej Leszczyc, un jeune homme sans attaches, ancien boxeur et polytechnicien, retrouve par hasard une femme qui l’a jadis trahi. Elle l’invite à l’accompagner dans sa journée et il en tombe amoureux. Mais il se laisse convaincre par une vieille connaissance de participer à un nouveau combat de boxe.
Après Signe particulier : néant – Rysopis (1965), Jerzy Skolimowski réalise son deuxième film polonais intitulé Walkover, titre signifiant « victoire facile ». Il dresse le portrait d’un jeune homme colérique et ayant des difficultés à s’adapter au monde dans lequel il vit. Ce personnage, nommé Andrzej Leszczyc était déjà présent dans son premier long-métrage et était déjà interprété par le cinéaste lui-même.
Le film entre directement dans le vif du sujet et commence par les retrouvailles entre les deux personnages principaux, Andrzej et Aleksandra, sur un quai de gare. Ces deux derniers sont si heureux de cette rencontre qu’ils n’accordent aucune attention au drame qui vient de se produire, une jeune femme s’est suicidée en se jetant sur les rails. Ils sont dans leur bulle et une attirance naît immédiatement entre les deux. Plus tard dans le film, un accident de voiture aura lieu sur leur chemin, mais absolument rien ne peut les perturber.
Pourtant, l’univers dans lequel nous plonge Walkover lors des premières scènes est loin d’être romantique. Le personnage féminin, Aleksandra, emmène Andrzej à son travail, dans une gigantesque usine. Elle débat avec des collègues sur la dangerosité liés aux risques d’explosions qui peuvent causer des dégâts sur la population située aux alentours. Ce sujet fait froid dans le dos quand on sait que ce genre d’accident a fini par avoir lieu.
Andrzej est un personnage intéressant. Il a raté ses études et est devenu boxeur. Après avoir refusé de remonter sur le ring, il finit par se laisser convaincre par des personnes insistantes. C’est aussi une façon de se prouver à lui-même qu’il peut réussir au moins quelque chose dans sa vie. Les scènes de combats sont superbement filmées, le spectateur a l’impression d’être au milieu des combats avec les boxeurs. Le tout est filmé en un plan-séquence et à chaque round, le cadre change.
La réalisation de Jerzy Skolimowski est remarquable, avec principalement de longs plans-séquences maîtrisés. La caméra est en mouvement permanent, il y a toujours un élément à observer dans l’image, il est impossible de s’ennuyer. Ces plans-séquences permettent aux acteurs d’avoir une certaine liberté de mouvement et d’être naturels, ils sont pleinement dans leurs personnages. Les seuls plans fixes sont des gros plans sur le visage du personnage principal dont le regard s’adresse directement au spectateur, avec une voix provenant d’une radio qui reflète ses pensées et sa psychologie. D’ailleurs, la bande originale qui accompagne les images du film provient de cette radio qui ne quitte plus la poche d’Andrzej.
Une scène mérite à elle seule la découverte ou la redécouverte de Walkover. C’est un plan-séquence avec un train et une moto roulant côte à côte. Le réalisateur, qui rappelons-le joue le rôle d’Andrzej, saute du train en marche à une vitesse normale. Dans le cinéma actuel, cette scène serait découpée en plusieurs plans et l’acteur serait doublé par un cascadeur. Le fait que ce soit un plan-séquence et que l’acteur fasse lui-même cette cascade donne à cette séquence une extraordinaire émotion. Le spectateur a peur qu’il se blesse. Cette scène montre une authenticité qui s’est malheureusement perdue avec le temps dans le cinéma.
Walkover, dont la fin est originale, est considéré aujourd’hui comme le deuxième meilleur film de l’année 1966 par Les Cahiers du cinéma, après Au Hasard Balthazar de Robert Bresson. Jerzy Skolimowski réalisera l’année suivante La Barrière – Bariera (1966) avant de quitter la Pologne et d’entamer une carrière internationale. Il atteindra la consécration avec Le Départ et décidera de ne plus jamais tourner en Pologne afin de fuir la censure.
LE DVD
Le DVD du film Walkover est disponible chez Malavida dans une édition collector limitée à 1000 exemplaires. Le graphisme de la jaquette, où l’on peut voir Jerzy Skolimowski et Aleksandra Zawieruszanka dessinés sur un ring de boxe, est superbe. Le menu est animé, reprenant les dessins de la jaquette et musical avec la bande originale du film.
Les bonus comportent une archive télévisuelle en VOSTFR « Skolimowski à la table » (12′) datant de 1990, extraite du documentaire « Cinéastes à la table », réalisé par André S. Labarthe pour la collection « Cinéma, Cinémas ». Vingt-cinq ans après le tournage du film Walkover qu’il n’a pas revu depuis sa sortie, le réalisateur Jerzy Skolimowski commente la fameuse scène du train réglée à la seconde près et avec une cascade impressionnante. Il nous dévoile la raison pour laquelle il s’est attribué le rôle principal et explique qu’avec le temps, il accorde de moins en moins d’importance aux prouesses techniques et s’attarde plus sur le jeu des acteurs, le récit ou encore le rythme. Ayant eu un budget réduit et un temps de tournage limité, il a trouvé la solution de ne réaliser que des plans-séquences pour aller plus vite, mais certains étaient d’une grande complexité.
Un livret de 20 pages est disponible avec un texte, en anglais, extrait du livre « Jerzy Skolimowski Lifetime achievement book » où le réalisateur se livre à partir de photos provenant de ses archives personnelles. Vous retrouverez également une critique de Walkover par Olivier Bitoun pour DVDClassik et la présentation du film par Thierry Jousse pour le Festival de la Rochelle en 1992 où il revient sur la carrière de Jerzy Skolimowski. Enfin, un entretien avec ce dernier par Cyril Cossardeaux pour le site Culturopoing est lisible, le réalisateur donne son regard sur son œuvre, parle de ses influences, de ses collègues, des thèmes abordés ainsi que de la réception du film à sa sortie.
L’image et le son
Dix ans après une première édition par Malavida, depuis difficilement accessible, le film Walkover a eu droit à une très belle restauration. Visible en format 16/9, l’image, dans un ravissant noir et blanc, ne comporte aucune poussière, et elle est d’une grande netteté. Ce visionnage permet de découvrir ou de redécouvrir ce chef d’œuvre dans des conditions agréables.
Le son a également été restauré. Les parasites sonores ont été effacés afin de redonner une nouvelle jeunesse à ce film datant de 1965. Le mixage des voix et de la musique est réussi. Le film est visible avec des sous-titres en français imposés.