THEMROC réalisé par Claude Faraldo, disponible en DVD le 9 juin 2020 chez Tamasa Diffusion.
Acteurs : Michel Piccoli, Béatrice Romand, Marilù Tolo, Francesca Romana Coluzzi, Jeanne Herviale, Jean Aron, Coluche, Patrick Dewaere, Romain Bouteille, François Dyrek, Henri Guybet, Miou-Miou…
Scénario : Claude Faraldo
Photographie : Jean-Marc Ripert
Musique : Harald Maury
Durée : 1h49
Date de sortie initiale : 1973
LE FILM
Themroc, vieux garçon, peintre en bâtiment modèle, mène une vie monotone, jusqu’au jour où un incident absurde le pousse à la révolte. Son patron le licencie sans motivation sérieuse. Telle une bête fauve, il entre dans une rage incroyable, quitte son travail et rentre chez lui. Là, il transforme sa chambre en une sorte de tanière et entraîne les habitants du quartier à retourner à l’âge des cavernes. Passant la journée à faire l’amour, le voisinage semble en passe de faire naître un monde nouveau…
La carrière de Claude Faraldo, en tant que réalisateur, compte une dizaine de films. Son cinéma est atypique, voire disparate, laissant apparaître ses idées contestataires et libertaires. Après avoir réalisé son premier film intitulé Bof… Anatomie d’un livreur, qui est un plaidoyer pour le droit à la paresse, il met en scène Themroc une farce anarcho-primitiviste. Ce film reflète parfaitement la période des années 1970, où la contestation est à son apogée, avec le rejet de la société de consommation et de la négation de l’autorité.
Dès le générique de début, le spectateur se retrouve face à l’ambiance curieuse de Themroc. Il n’y a aucune musique, juste des cris sauvages poussés par un homme, donnant une atmosphère étrange au film. L’image se fige sur le visage de Michel Piccoli, alors que son personnage vient de crier « Themroc ! », et les noms des acteurs défilent. Ce montage est hors du commun. Le générique suffit à comprendre que nous sommes face à un film qui va nous faire vivre une aventure cinématographique qui sort de l’ordinaire.
Nous découvrons Themroc, joué par Michel Piccoli, au petit matin, en train de prendre son petit déjeuner. Il croise d’autres personnages, mais aucun mot n’est échangé. Il est très difficile pour un acteur de ne pas parler. Tout est dans l’expression du visage, le regard, les gestes et le mouvement du corps. Michel Piccoli avait déjà pratiqué cet exercice compliqué dans Dillinger est mort de Marco Ferreri, où il n’y avait pratiquement aucun dialogue. Une fois de plus, dans Themroc, il est éblouissant par sa présence. Son personnage part au travail, à vélo et il croise d’autres ouvriers, à qui il baragouine une sorte de « Salut ! ». Les seules répliques du film seront incompréhensibles. Mais les situations et le contexte sont si bien définis que cela forme un aspect cohérent. Arrivé au métro, Themroc se mêle à une foule silencieuse où seul le bruit des pas retentit. Tels des robots, ces personnages marchent vers le lieu de leur travail, sans bousculades.
Le monde du travail est tourné en dérision. Au-dessus de la pointeuse, nous pouvons lire « Gentils prolétaires », la personne chargée de la sécurité a un badge « gentil gardien », et à côté de la porte du chef, il y a un écriteau « gentil sous-directeur ». D’un côté, il y a les employés chargés de l’entretien extérieur du mur d’enceinte, et de l’autre, ceux chargés de l’intérieur. Dans les vestiaires, un conflit éclate entre ces deux corps de métier. Mais ces travailleurs semblent asservis, le combat entre le patronat et le prolétariat a complètement disparu.
Suite à un accident absurde, Themroc est renvoyé. Sur la route pour rentrer chez lui, il rugit de colère et la folie le submerge. A son domicile, sous les regards médusés des voisins, il transforme sa chambre en une tanière en béton, détruisant les murs donnant sur l’extérieur et fermant l’accès aux autres pièces de l’appartement. Themroc va vivre dans l’oisiveté et passe son temps à faire l’amour. Comme une maladie qui se répand, les voisins commencent à imiter Themroc. Très vite, tout le quartier est contaminé. Face à ce désordre, les policiers interviennent. Ces derniers sont complètement ridicules, leur impuissance est drôle. Les lancés de fumigène, rappelant des images de mai 68, ne donnent aucun résultat.
Le film est interprété par une belle distribution. Certains acteurs jouent étrangement plusieurs rôles, comme c’est le cas de Romain Bouteille. A lui seul, il joue pas moins de cinq personnages. D’autres acteurs de la troupe Le Café de la Gare sont présents : Coluche, Henri Guybet, Miou-Miou et Patrick Dewaere, qui n’avaient pas encore atteint la célébrité.
Themroc est un OVNI cinématographique qui nous offre une critique provocante de la société de consommation, avec un personnage qui passe ses journées à laver sa voiture, plutôt que de la conduire. Le monde du travail tombe dans l’absurdité. L’autorité est remise en question, avec ces policiers incapables qui viennent troubler la liberté de Themroc. Le tout est traité avec un humour féroce. Ce film n’hésite pas à aborder des sujets sensibles comme l’inceste, puisque Themroc a des rapports sexuels avec sa sœur, ou encore l’anthropophagie, puisqu’un policier est rôti à la broche avant de finir dans l’estomac de plusieurs personnages. Themroc est un film unique qui vous fera vivre un moment extraordinairement étrange.
LE DVD
Le DVD du film Themroc est disponible chez Tamasa Diffusion. Le visuel de la jaquette est soigné. On retrouve l’affiche du film, avec un dessin bizarre et cette phrase d’accroche très juste à propos de Themroc : « Un film fou et rageur ! ». Le menu principal est sonorisé par des paroles incompréhensibles extraites du film qui nous font plonger tout de suite dans l’ambiance et l’on retrouve un morceau de l’affiche.
Le bonus est une présentation de Themroc intitulée « Les Grands Fauves » (9′), où Roland-Jean Charna nous donne une analyse du cinéma de l’après-mai 68, les thèmes abordés, un regard sur certaines scènes, les acteurs, le réalisateur, et la perception actuelle du film. Cette analyse, accompagnée par des extraits du film, est intéressante. Elle permet d’avoir une approche du contexte social dans lequel le long-métrage est né.
L’image et le son
Déjà édité en 2015 par Tamasa Diffusion, Themroc sort pour la première fois en DVD. Cette nouvelle édition permet une redécouverte avec une version restaurée 4K qui nous offre une belle image. Le grain de l’époque est encore présent, gardant un côté authentique, l’image n’est pas lisse comme les films numériques de nos jours. Les imperfections, comme les poussières, ont été entièrement effacées.
Même s’il n’y a aucun dialogue intelligible, l’ambiance sonore est importante. Les cris, le charabia et le bruitage apportent une dimension déconcertante et permettent de s’immerger dans le film. Le travail sur le son est soigné, aucun grésillement ne vient gâcher cette immersion. Puisque les répliques sont dans un langage imaginé, il est évident qu’il n’y a aucune piste audio en anglais. Themroc se visionne comme un film muet. Ne cherchez pas non plus les sous-titres, même s’ils auraient pu être utiles pour décoder la langue des personnages, ils sont naturellement absents !