SECRET PEOPLE (The Secret People) réalisé par Thorold Dickinson, disponible en DVD le 29 juin 2020 chez Doriane Films.
Acteurs : Valentina Cortese, Serge Reggiani, Charles Goldner, Audrey Hepburn, Angela Fouldes, Megs Jenkins, Irene Worth, Reginald Tate…
Scénario : Thorold Dickinson, Wolfgang Wilhelm, Christianna Brand
Photographie : Gordon Dines
Musique : Roberto Gerhard
Durée : 1h36
Date de sortie initiale : 1952
LE FILM
Dans les années 1930, Maria et Nora, deux jeunes filles d’Europe centrale, sont contraintes de quitter leur pays pour se réfugier à Londres, loin de la menace dictatoriale qui a coûté la vie à leur père. Sept ans plus tard, Maria retrouve, au hasard des rues de Paris, son premier amour. S’ensuit alors une quête périlleuse de justice, qui compromettra les deux jeunes soeurs…
Secret People. Voici un film oublié des cinéphiles et qui aurait pu l’être probablement définitivement s’il n’y avait pas eu la présence au générique d’une des plus grandes stars de tous les temps et future icône de la mode, la mythique Audrey Hepburn. Ancienne danseuse classique, elle nous fait d’ailleurs quelques belles démonstrations dans Secret People où elle incarne une ballerine, la magnifique Audrey décide finalement de se lancer dans la comédie et fait ses classes au théâtre en 1948. Au début des années 1950, âgée de vingt ans, elle rencontre le succès à Broadway avec la pièce Gigi dans laquelle elle tient le rôle-titre, qui lui avait été confiée par Colette, alors l’auteur du roman homonyme dont il s’agissait de l’adaptation. Les petits rôles au cinéma arrivent, mais Audrey Hepburn se contente surtout de silhouettes en arrière-plan du style « l’hôtesse de l’air », « la réceptionniste d’hôtel », « la vendeuse de cigarettes ». Puis la comédienne se rapproche petit à petit de la caméra dans Histoire de jeunes femmes – Young Wives’ Tale (1951) de Henry Cass et De l’or en barre – The Lavender Hill Mob (1951) de Charles Crichton. La même année que ces deux films, Audrey Hepburn peut enfin camper un personnage de premier plan dans Secret People (ou The Secret People en version originale) réalisé par le britannique Thorold Dickinson (1903-1984). Malgré la présence à ses côtés de Serge Reggiani et de Valentina Cortese (Les Bas-fonds de Frisco, La Comtesse aux pieds nus, Femmes entre elles, Barrabas), nous n’avons souvent d’yeux que pour cette jeune actrice qui du haut de ses 24 ans allait crever l’écran l’année suivante dans Vacances romaines – Roman Holiday de William Wyler.
En Europe, dans les années 1930, à cause de son activisme anti-dictatorial, un père confie ses deux filles, Maria et sa jeune sœur Nora, aux bons soins d’Anselmo, un ami italien réfugié à Londres. Peu après, le père est assassiné dans un complot fomenté par le dictateur. Sept ans plus tard, lors d’un week-end à Paris, Maria revoit par hasard Louis, son amoureux français de toujours, qui lui demande de l’aider dans sa traque du meurtrier de son père. Maria et Nora vont être fortement compromises lorsque la bombe destinée au dictateur tue malencontreusement un innocent…
Si effectivement Secret People vaut essentiellement aujourd’hui pour revoir Audrey Hepburn à ses débuts au cinéma, le film de Thorold Dickinson – au passage le premier professeur de cinéma universitaire du Royaume-Uni – se tient aussi grâce à sa solide mise en scène, la superbe photo contrastées de Gordon Dines (The Mysterious Mr Davis de Claude Autant-Lara, Penny Paradise de Carol Reed) en parfaite osmose avec le récit qui prend très vite une tournure de film noir. Drame lorgnant sur le thriller, Secret People s’évertue à planter ses personnages dans un réalisme social propre au cinéma anglais d’après-guerre, même si le pays d’Europe centrale que Maria et Nora ont réussi à fuir ne sera jamais nommé et que l’action se déroulera principalement avant la Seconde guerre Mondiale. Il en résulte un climat de tension permanent, où une menace semble peser et se rapprocher des protagonistes, comme si la violence avait réussi à suivre les deux sœurs dans leur exil. Secret People bifurque vers le complot politique, avec notamment le personnage ambigu de Louis, impeccablement interprété par Serge Reggiani, la même année que Casque d’or de Jacques Becker, qui allait être très important pour la suite de sa carrière.
Rétrospectivement, Secret People demeure un exemple de thriller d’espionnage dont la structure inspirera (et le fait toujours par ailleurs) les films contemporains du genre, avec ce qu’il faut de paranoïa, de psychologie des personnages (à ce titre, celui de Maria est vraiment passionnant), de suspense (la préparation de l’attentat est assez dingue) et de retournements dramatiques inattendus, pour tenir l’audience captivée jusqu’à la dernière image.
C’est dire si Secret People mérite de sortir de son quasi-anonymat en France et espérons que son édition en DVD chez Doriane Films participe à ce regain d’intérêt.
LE DVD
Secret People fait une entrée remarquée dans les bacs sous les couleurs de Doriane Films ! Le disque repose dans un slim Digipack à deux volets, très élégants, dont le visuel n’est pas là pour tromper le chaland puisque l’éditeur n’a pas placé au centre le visage d’Audrey Hepburn, pourtant vendeur, elle apparaît d’ailleurs de profil, mais bel et bien celui de Valentina Cortese qui a le rôle principal dans le film de Thorold Dickinson. Le menu principal est animé et musical.
Pas de bonus sur cette édition. En revanche, Doriane Films ne vient pas les mains vides, puisque vous trouverez tout de même dans le Digipack, un livret passionnant de huit pages qui comprend des extraits de « Making a Film – The Story of Secret People », un journal de tournage écrit par Lindsay Anderson, ainsi qu’une présentation du réalisateur, producteur, scénariste et monteur Thodor Dickinson.
L’Image et le son
Doriane Films nous permet de voir ou revoir Secret People, jusqu’alors inédit en DVD dans nos contrées, dans une très belle copie. Fort d’un master au format respecté 1.37 et d’une compression sans failles, ce DVD flatte souvent les rétines dès le générique d’ouverture. La restauration ne fait aucun doute, la stabilité est de mise, les contrastes d’une densité souvent impressionnante, les gris riches, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé. Le piqué est assez tranchant et les détails étonnent par leur précision notamment dans le rendu des textures.
Le confort acoustique est largement assuré par la piste mono d’origine, même à volume peu élevé. Seule la version anglaise est disponible, mais il n’y a aucune raison de s’en plaindre ! Ce mixage affiche une ardeur et une propreté remarquables, créant un spectre phonique fort appréciable. Les effets et les ambiances sont nets, la musique est mise en valeur. Les sous-titres français ne sont pas imposés.