Test DVD / Normale, réalisé par Olivier Babinet

NORMALE réalisé par Olivier Babinet, disponible en DVD le 23 août 2023 chez Blaq Out.

Acteurs : Benoît Poelvoorde, Justine Lacroix, Joseph Rozé, Steve Tientcheu, Sofian Khammes, Saadia Bentaïeb, Geoffrey Carey, Mayline Dubois…

Scénario : Olivier Babinet, Juliette Sales & Fabien Suarez

Photographie : Jean-François Hensgens & Boris Abaza

Musique : Jean-Benoît Dunckel

Durée : 1h24

Année de sortie : 2023

LE FILM

Lucie, une adolescente en classe de troisième, vit seule avec son père veuf, addict au haschich et souffrant de la sclérose en plaques. Elle est amoureuse d’un garçon de sa classe, qui victime d’homophobie, lui propose un étrange marché. En parallèle, l’état de son père se dégrade. Une assistante sociale doit venir à la maison pour vérifier que tout se passe bien…

Rebelote pour Olivier Babinet, qui avec son quatrième long-métrage Normale confirme une fois de plus la singularité, mais aussi la préciosité de son cinéma. En adaptant la pièce de théâtre Monster in the Hall de David Greig, co-scénariste de l’ébouriffant Vinynan de Fabrice du Welz, le réalisateur plonge l’immense Benoît Poelvoorde dans une comédie-dramatique qui prend des allures de roman-graphique, impression renforcée par l’utilisation du cadre atypique 1.66. Il y a indéniablement une fraîcheur et un côté inclassable chez Olivier Babinet, même si Normale apparaît plus « classique » que son ambitieux Poissonsexe sorti en 2020. Il s’agit ici, pour reprendre les mots de la jeune Lucie, d’une « histoire de souffrance, de désespoir, de malaise et de honte d’une fille de Chelles, où se mêlent le sexe, la mort, l’humiliation et la catastrophe ». Il faut voir derrière ces mots couchés dans un journal intime, les sentiments complexes, la timidité, l’anxiété d’une adolescente qui a perdu sa mère dans un accident de moto et qui doit s’occuper de son père atteint de la sclérose en plaques. Quel avenir peut-on alors envisager quand on vit cette situation et quand on a juste quinze ans ? La délicatesse d’écriture, sans aucun misérabilisme, dans laquelle on peut retrouver la sensibilité de la scénariste Juliette Sales (le merveilleux Je ne suis pas là pour être aimé de Stéphane Brizé, le génial Poupoupidou de Gérald Hustache-Mathieu, l’envoûtant Dorothy d’Agnès Merlet), foudroie du début à la fin de Normale, drame aux allures de comédie (et/ou le contraire), magnifiquement interprété par le grand Benoît (qui a désormais l’étoffe d’un Depardieu) et Justine Lacroix, révélation de C’est ça l’amour de Claire Burger, qui confirme aussi tous les espoirs placés en en elle. Assurément l’un des petits trésors de l’année 2023.

Lucie a 15 ans et une imagination débordante. Elle vit seule avec William, son père, qui, sous ses abords d’adolescent attardé, lutte contre la sclérose en plaques. Entre le collège, un petit boulot et la charge du quotidien, Lucie gère tant bien que mal, et s’échappe dans l’écriture d’un roman autobiographique fantasque, qui navigue entre rêve et réalité…L’annonce de la visite d’une assistante sociale va bousculer cet équilibre précaire. Lucie et son père vont devoir redoubler d’inventivité pour donner l’illusion d’une vie normale.

Il prend de la bouteille ce cher Poelvoorde, qui fêtera ses 60 bougies l’année prochaine, ne dissimule plus sa bedaine et ses cheveux blancs. Son visage s’est marqué comme s’il s’était appuyé longuement contre un grillage, sa silhouette s’est quelque peu voûtée, mais sa voix demeure superbe, bien plantée et en même temps révélatrice d’une émotivité à fleur de peau. Comme dernièrement dans Comment je suis devenu super-héros de Douglas Attal et Profession du père de Jean-Pierre Améris, il en impose facilement dans un nouveau rôle de type cassé et rattrapé par la maladie (un point commun avec les deux films mentionnés), en l’occurrence ici d’une maladie auto-immune qui affecte le système nerveux central, qui finit par le rendre aveugle. Veuf inconsolable, ayant perdu sa chère épouse dans un accident fatal, il vit chichement dans son petit pavillon de Chelles, en compagnie de sa fille Lucie. Cette dernière est comme presque toutes celles de son âge. Elle se calfeutre dans des habits trop larges, cache son regard derrière des lunettes et la beauté de ses cheveux qu’elle laisse attachés. En parallèle du lycée, elle doit bosser dans une sandwicherie, avant de retourner a casa pour s’occuper de tout, du ménage, de la cuisine…et de son père, qui l’attend en fumant un bon joint qui l’éloigne momentanément de la saloperie qui parasite son corps. Le jour où celui dont elle est secrètement amoureuse vient lui demander un service pour en draguer une autre, cet équilibre déjà précaire est mis à mal. Mais quand en plus on lui annonce qu’une assistante sociale s’apprête à faire un petit tour chez eux, c’est carrément la cata.

Olivier Babinet transforme la région parisienne en terrain quasi-fantastique dans lequel Lucie peut s’évader un petit peu de son quotidien au bord de l’irruption, à travers une mise en scène carrée (pour ne pas dire mathématiques), soutenue par une très belle photographie cosignée par Jean-François Hensgens (Sage-homme, Les Intranquilles) et Boris Abaza (assistant de renom sur Le Pacte des Loups, Largo Winch, Rogue One: A Star Wars story, Sonic…), sans oublier la partition envoûtante de Jean-Benoît Dunckel. Au final, Normale est une vraie proposition de cinéma, poétique, tendre, fantasmagorique, insolite, qui n’est parfois pas sans rappeler Virgin Suicides de Sofia Coppola. Ce qui n’est pas un mince compliment.

LE DVD

C’est sous les couleurs de Blaq Out qu’apparaît Normale (à peine 21.000 entrées au compteur) dans les bacs et uniquement en DVD. La jaquette, qui reprend le visuel de l’affiche d’exploitation, est glissée dans un boîtier Amaray noir, lui-même glissé dans un surétui cartonné du même acabit. Le menu principal est animé et musical.

Seule la bande-annonce est proposée comme supplément.

L’Image et le son

Blaq Out prend soin du film d’ Olivier Babinet et livre un service après-vente tout ce qu’il y a de plus solide. Les partis-pris esthétiques sont respectés et la colorimétrie chatoyante habilement restituée. La clarté est de mise, tout comme des contrastes fermes, un joli piqué et des détails appréciables sur l’ensemble des séquences en extérieur, y compris sur les très présents gros plans des comédiens. Notons de sensibles pertes de la définition et des plans un peu flous, qui n’altèrent cependant en rien le visionnage. Un master SD élégant.

L’éditeur joint une piste Dolby Digital 5.1 qui instaure une spatialisation musicale indéniable, même si les basses manquent à l’appel. En dehors de cela, les ambiances naturelles et les effets annexes sont plutôt rares et la scène acoustique reste essentiellement frontale. De ce point de vue il n’y a rien à redire, les enceintes avant assurent tout du long, les dialogues étant quant à eux exsudés avec force par la centrale. La Stéréo n’a souvent rien à envier à la DD 5.1. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également de la partie, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Blaq Out /Haut et Court / Tarantula / France 2 Cinéma / RTBF / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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