Test DVD / L’Infirmière, réalisé par Koji Fukada

L’INFIRMIÈRE (Yokogao) réalisé par Koji Fukada, disponible en DVD le 6 janvier 2021 chez Blaq Out.

Acteurs : Mariko Tsutsui, Mikako Ichikawa, Sosuke Ikematsu, Hisako Okata, Mitsuru Fukikoshi, Miyu Ogawa, Ren Sudo…

Scénario : Koji Fukada & Kazumasa Yonemitsu

Photographie : Ken’ichi Negishi

Musique : Hiroyuki Onogawa

Durée : 1h41

Année de sortie : 2019

LE FILM

Ichiko est infirmière à domicile. Elle travaille au sein d’une famille qui la considère depuis toujours comme un membre à part entière. Ichiko aide également Motoko, la soeur aînée, qui veut être infirmière. Un jour, Saki, la soeur cadette, disparaît. Motoko, devenue avec le temps son amie et confidente, accuse Ichiko. Suit une frénésie médiatique qui met littéralement l’héroïne le dos au mur, l’obligeant à affronter les fantômes de son passé et à développer un désir de vengeance. En retraçant la chaîne des événements, un trouble grandit : est-elle coupable ? Qui est-elle vraiment ?

L’Infirmière est un des films à avoir pu bénéficier d’une sortie dans les salles françaises en cette fâcheuse année 2020. Le titre original du septième long-métrage du réalisateur Kōji Fukada,Yokogao, signifie littéralement “Visage vu de profil”, qui renvoie directement à la dualité du personnage principal. Et ce visage, c’est celui d’Ichiko, merveilleusement interprété par la fascinante comédienne Mariko Tsutsui, vue en 2003 dans La Mort en ligne de Takashi Miike, Achille et la Tortue (2008) de Takeshi Kitano et qui tenait déjà l’un des rôles principaux dans Harmonium du même Kōji Fukada en 2016, présenté en section Un certain regard au Festival de Cannes 2016 et récompensé par le Prix du jury. A la fois drame et thriller social, Yokogao cueille le spectateur là où il s’y attendait le moins, puisque si le film démarre comme une chronique réaliste narrant le quotidien d’une infirmière, l’intrigue et l’atmosphère bifurquent vers la noirceur pour au final dresser le portrait psychologique d’une femme arrivée au carrefour de sa vie, qui va voir son existence basculer du jour au lendemain. Et c’est aussi superbe que viscéral.

Avec L’Infirmière, Kōji Fukada prouve une fois de plus qu’il demeure l’un des cinéastes japonais les plus doués de sa génération. Inspiré par le cinéma français – Au revoir l’été (2013) était par exemple très influencé par les films d’Eric Rohmer – le réalisateur, Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres en 2018, revient au thriller qui se dévoile par strates successives avec L’Infirmière, cette fois encore irrigué par l’âme rohmérienne, notamment par Les Nuits de la pleine lune (1984). Outre cette impression de mal au ventre qui apparaît et tord de plus en plus l’estomac à mesure que le film avance, ce que l’on retient de Yokogao c’est aussi et avant tout son actrice vedette, quasiment de toutes les scènes, dont le jeu foudroie du début à la fin. Mariko Tsutsui donne à son personnage une complexité et une ambiguïté fulgurantes, un mélange d’empathie profonde et de compassion, mais aussi d’égoïsme et de lâcheté. Une héroïne à multiples facettes, entre ombre et lumière, puisqu’Ichiko se retrouve à la fois complice et victime d’une situation extraordinaire. Complice car elle ne dit à personne que son neveu est le coupable recherché pour l’enlèvement, et probablement du viol d’une collégienne, la fille cadette d’une femme dont Ichiko s’occupe de la vieille maman. Victime, car Ichiko subit les représailles de Motoko (Mikako Ichikawa), la soeur de la victime, qui savait que l’auteur du rapt était le neveu de l’infirmière. Visiblement éprise d’Ichiko, Motoko, apprenant que l’aide-soignante est sur le point de se marier, va dévoiler à la presse quelques secrets cachés sur Ichiko, y compris les liens qui l’unissent au jeune criminel. La vie d’Ichiko vole en éclats.

Sur un montage percutant, Kōji Fukada prend le spectateur aux tripes et filme cette femme comme si elle était plongée dans un cauchemar éveillé, impression renforcée par l’usage d’une photographie claire et blanche signée Ken’ichi Negishi (Japan’s Year Zero de Tetsu Katô). Il en résulte une aura quasi-fantastique, où la tension et les sentiments, notamment la violence jusqu’alors contenue, semblent sur le point d’exploser véritablement. Reste à savoir comment Ichiko va gérer son destin, si elle y parvient, et faire face au retournement inattendu de sa vie, à l’instar de Richard Jewell dans Le Cas Richard Jewell de Clint Eastwood, avec cette sensation constante que les deux films dialoguent souvent, surtout quand le protagoniste se retrouve sous le feu médiatique. L’Infirmière est assurément l’un des films les plus tendus de 2020 et marquera l’esprit des cinéphiles encore longtemps après.

LE DVD

L’infirmière fait son apparition dans les bacs, en DVD seulement, chez Blaq Out. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation française. Le menu principal est fixe et bruité.

Aucun supplément sur cette édition, qui ne propose que le choix des langues sur le menu.

L’Image et le son

Comme nous l’indiquions dans la critique du film, la photographie de L’Infirmière fait la part belle aux teintes blanches et à la clarté. Des partis-pris très bien restitués par cette édition Standard, même si le piqué est quelque peu émoussé. Le relief est palpable sur les nombreuses séquences en extérieur, la gestion des contrastes est solide, tout comme la définition et les détails sur les gros plans.

La piste Dolby Digital 5.1 instaure une spatialisation fine et délicate, qui met évidemment en valeur les ambiances naturelles, ainsi qu’à la douce composition de Hiroyuki Onogawa. Quelques séquences sortent du lot, comme la séquence en boite de nuit, mais dans l’ensemble, ce mixage s’avère harmonieux et sans esbroufe inutile. La Stéréo est forcément plus brute et frontale, mais devrait largement contenter celles et ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Blaq Out / Art House / ESC Distribution / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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