Test DVD / Les Miracles n’ont lieu qu’une fois, réalisé par Yves Allégret

LES MIRACLES N’ONT LIEU QU’UNE FOIS réalisé par Yves Allégret, disponible en DVD le 20 septembre 2021 chez Doriane Films.

Acteurs : Alida Valli, Jean Marais, Marcelle Arnold, Christine Chesnay, Charles Rutherford, Dedi Ristori, Aldo Moschino, Emma Baron, Nada Fiorelli…

Scénario : Jacques Sigurd

Photographie : Jean Isnard

Musique : Louis Beydts

Durée : 1h37

Date de sortie initiale : 1951

LE FILM

De Paris à la Toscane, de 1939 à 1950, l’histoire d’un grand amour entre deux jeunes étudiants que la guerre va profondément transformer. Séparés par le conflit, ils tenteront de raviver la flamme d’une passion…mais les miracles n’ont-ils lieu qu’une fois ?

Au début des années 1950, Jean Marais, âgé de 37 ans, tourne pour la dernière fois devant la caméra de Jean Cocteau dans Orphée. S’il a derrière lui quelques associations avec Christian-Jaque (Carmen, Voyage sans espoir) et Jean Delannoy (L’Éternel retour, Aux yeux du souvenir, Le Secret de Mayerling), le nom du comédien reste indubitablement lié à celui de son pygmalion. Sa plus grande popularité n’est pas encore établie, elle viendra surtout en 1960 avec Le Bossu d’André Hunebelle et dans les films de cape et d’épée qui suivront et Jean Marais traversera avant cela une décennie marquée par le genre dramatique, passant allègrement du cinéma de René Clémént (Le Château de verre) à celui d’Yves Ciampi (Le Guérisseur), de Sacha Guitry (Si Versailles m’était conté…) à Luchino Visconti (Nuits blanches). Mais il collaborera également à deux reprises avec chacun des frères Allégret, Yves (Les Miracles n’ont lieu qu’une fois et Nez de cuir) et Marc (Julietta et Futures vedettes). Dans Les Miracles n’ont lieu qu’une fois, il réussit le pari d’incarner un personnage sur une dizaine d’années, de l’âge de 24 ans à 35 ans, au même titre que sa partenaire, la merveilleuse Alida Valli, immortalisée au cinéma par Dario Argento (Suspiria, Inferno), Mario Bava (Lisa et le diable), Luchino Visconti (Senso), Michelangelo Antonioni (Le Cri), Georges Franju (Les Yeux sans visage), ici dans son premier film en langue française. Ce sublime couple de cinéma fait encore le charme des Miracles n’ont lieu qu’une fois, et même si Yves Allégret (1905-1987) et son scénariste Jacques Sigurd (1920-1987) ne retrouvent pas autant l’inspiration que pour Une si jolie petite plage (1949), ce drame passionnel vaut assurément le coup d’oeil.

Le mois de juillet 1939 en France. L’année scolaire touche à sa fin et Jérôme (Jean Marais), un étudiant en médecine, s’apprête à partir en vacances en Bretagne avec des amis. Cependant il demeure pensif et craint de regretter de n’avoir jamais abordé la ravissante Claudia (Alida Valli), une étudiante italienne qu’il croise depuis des mois et qui doit quitter la France le soir même pour l’Italie. Il décide donc de se rendre à son hôtel de la rue Royer-Collard. Après quelques évitements, les deux jeunes gens s’avouent leur amour réciproque, c’est le coup de foudre immédiat. Jérôme accompagne Claudia à la gare et ne pouvant la quitter ainsi, lui promet de la rejoindre en Toscane le mois suivant, dès qu’il aura trouvé assez d’argent. Et c’est ce qui va arriver, quelques semaines plus tard. Ils se retrouvent à San Gimignano en Toscane, terre d’élection des amoureux, dans le village natal de Claudia. Dans la chaude ambiance de ce petit village médiéval, ils vont vivre là des jours de bonheur parfait. Un miracle a eu lieu entre ces deux êtres qui hier encore se connaissaient à peine. Jérôme s’aperçoit qu’il aime sérieusement Claudia et lui propose de l’épouser. Les deux amoureux rentrent à leur hôtel, plein de projets … mais la ville est agitée : la guerre vient d’être déclarée. Jérôme apprend du consulat de France qu’il est mobilisé et qu’il doit rentrer ce mois de septembre 1939. Séparés par la guerre, ne pouvant plus correspondre, Jérôme, est fait prisonnier, s’évade, vit de marché noir et perd la trace de Claudia. Il essaiera de l’oublier en refaisant sa vie, se mariant puis divorçant, toujours hanté par le souvenir de cet amour perdu, il n’y arrivera pas. Onze ans plus tard, en 1950, il partira en Italie pour tenter de la retrouver, mais le temps a passé. Finalement la voici infirmière dans un hôpital mariée à un docteur, sans l’aimer. Les souvenirs sont évoqués. Jérôme et Claudia retournent à San Gimignano tristement car à présent tout a changé entre eux. Ils décident bien de rester en contact espérant le miracle…tout en sachant qu’il n’aura eu lieu qu’une fois.

Ou comment une passion amoureuse est contrariée, tuée dans l’oeuf par la guerre. Dans Les Miracles n’ont lieu qu’une fois, Jean Marais et Alida Valli incarnent deux jeunes amants qui ont la vie devant eux, qui ont tout pour s’aimer et envisager le meilleur avenir possible. Mais nous sommes en 1939, l’été et le 1er septembre va tout contrarier. Alors qu’ils viennent à peine de s’avouer leur amour, Jérôme et Claudia vont être séparés, le premier étant appelé dès le 3 septembre, lors de l’entrée en guerre de la France. S’ils promettent de s’attendre et de s’écrire, les choses ne vont pas se passer comme prévu. On suit tout d’abord les étudiants, un peu gauches, timides, mais épris de l’autre, dans la petite chambre de Claudia, où Jérôme est venu lui déclarer – à sa manière – sa flamme, lui qui n’aura jamais pu lui parler durant toute l’année scolaire, d’une part parce que cela aurait bien fait rire ses copains, d’autre part parce que même s’il se donne des airs de gars sûr de lui, Jérôme est loin de l’être. Claudia s’en rend vite compte et voit au-delà des petites piques que ce beau jeune homme lui lance, en critiquant sa façon d’embrasser notamment.

Une fois les obstacles franchis, Jérôme et Claudia ne vont faire plus qu’un, fusionner d’emblée, être. Brillants étudiants en médecine, un futur radieux leur tend les bras. L’Histoire en décidera tout autrement. On se laisse porter par la beauté, la fragilité, la force et l’élégance de ces amants, dont on ressent l’amour qui les embrase et ce dès la première véritable rencontre. Le fantasme et le désir vont très (trop) rapidement laisser la place à la perte de l’innocence, à la frustration, au chagrin, à la résignation. Le feu d’un amour véritable ne pourrait s’éteindre complètement et malgré les années qui ont passé, Jérôme n’a jamais oublié Claudia. Après s’être égaré et mal marié, il part sur les traces de celle avec laquelle il aurait dû partager son existence. Nous ne sommes pas loin du réalisme poétique (Yves Allégret avait d’ailleurs fait ses classes auprès de Jean Renoir), avec encore ici les extraordinaires décors d’Alexandre Trauner, très bien mis en valeur par la photo de Jean Isnard (Le Mariage de Chiffon de Claude Autant-Lara). Un lyrisme et une nostalgie qui toucheront le coeur d’1,2 million de spectateurs à sa sortie en 1951. Après ce film, Jean Marais et Yves Allégret se retrouveront dès l’année suivante avec Nez de cuir, dont le succès sera encore plus éclatant.

LE DVD

Jadis proposé chez René Chateau, Les Miracles n’ont lieu qu’une fois apparaît en DVD dans le catalogue de Doriane Films. Le disque repose dans un Digipack à deux volets, qui comporte un livret illustré de douze pages, essentiellement centré sur Yves Allégret. Le menu principal est animé et musical.

Comme bonus, l’éditeur joint le documentaire Prix et profits, connu aussi sous le titre La Pomme de terre (18’). Ce film muet réalisé par Yves Allégret en 1932, sera proposé aux enseignants et expose les mécanismes du capitalisme en suivant le parcours d’une pomme de terre, du producteur au consommateur, ainsi que l’évolution de son prix. Quelques amis du cinéaste y font de la figuration comme Marcel Duhamel, Pierre et Jacques Prévert, et montre également la vie quotidienne d’une famille paysanne d’un côté, et celle d’une famille ouvrière de l’autre. Un document exceptionnel dans lequel on peut aussi revoir de rares images du Paris de l’époque, notamment les légendaires Halles.

L’Image et le son

Doriane Films présente un master entièrement restauré des Miracles n’ont lieu qu’une fois. Dommage de ne pas bénéficier de ce titre en Haute-Définition, ce qu’il aurait largement mérité. La copie est au format respecté 1.37, la compression est solide et l’ensemble s’avère particulièrement élégant avec une clarté omniprésente, une texture argentique bien gérée et des contrastes aux noirs profonds, aux gris riches et aux blancs lumineux. En dehors d’une ou deux séquences peut-être moins définies (en raison de l’utilisation de stock-shots), le piqué est tranchant, la stabilité de mise, les fondus enchaînés fluides et les détails étonnent par leur précision.

La piste mono est de bon acabit. Si diverses saturations et chuintements demeurent inévitables, à l’instar de la voix-off de Jean Marais, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises, les dialogues clairs, même s’ils s’accompagnent d’un très léger souffle. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Doriane Films / 1951 Films Sacha Gordine / Excelsa Films / 2021 Impex Films / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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