LATE NIGHT WITH THE DEVIL réalisé par Colin & Cameron Cairnes, disponible en DVD et Blu-ray le 18 septembre 2024 chez Wild Side Video.
Acteurs : David Dastmalchian, Laura Gordon, Ian Bliss, Fayssal Bazzi, Ingrid Torelli, Rhys Auteri, Georgina Haig, Josh Quong Tart…
Scénario : Colin & Cameron Cairnes
Photographie : Matthew Temple
Musique : Glenn Richards
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
31 octobre 1977. Autrefois étoile montante du petit écran, Jack Delroy est confronté à la chute vertigineuse de l’audience de son émission. Déterminé à retrouver sa gloire perdue et à marquer les esprits, il planifie un show en direct «spécial Halloween». Mais durant cette nuit fatidique, Jack réalisera que le prix du succès peut être bien plus effrayant que ce qu’il avait imaginé…Les images des événements tragiques survenus ce soir-là ont été retrouvées.
Il y a des petits films qui sont précédés d’une réputation flatteuse, qui s’accompagnent d’une rumeur enthousiasmante et d’un bouche-à-oreille dithyrambique. C’était le cas pour Late Night with the devil et cela est amplement justifié. Ce long-métrage co-réalisé par les frères Cairnes, Cameron et Colin, leur troisième après 100 Bloody Acres (2012) et Scare Compaign (2016) s’amuse avec le genre périmé du found-footage et prend l’apparence d’un talk-show américain des années 1970, dont les bobines ont été retrouvées (celles de l’émission diffusée en live, mais aussi celles dévoilant les coulisses durant les publicités), divertissement nocturne qui a dégénéré le soir d’Halloween. Mieux vaut en savoir le moins possible sur Late Night with the Devil, petit bijou inattendu venu d’Australie, bourré d’idées et d’inventions, magistralement interprété par David Dastmalchian, formidable comédien croisé chez Denis Villeneuve (Prisoners, Dune, Blade Runner 2049), David Lynch (Twin Peaks : The Return), James Gunn (The Suicide Squad) et Christopher Nolan (Oppenheimer). Véritablement immersif, cet opus d’épouvante, également comédie-fantastique (l’humour noir fonctionne à plein régime), nous agrippe du début à la fin, joue habilement avec les nerfs, au point que l’on oublie le procédé de la « fausse » émission, tandis que l’étau se resserre à mesure que les événements inquiétants s’enchaînent pour notre plus grand plaisir, jusqu’au final aussi culotté que percutant. Les amateurs de frissons ne manqueront pas de réserver un bel accueil à Late Night with the Devil, parabole pertinente sur la course effrénée à l’audimat, qui n’a malheureusement pas connu d’exploitation dans les salles françaises, mais qui s’avère disponible en DVD et Blu-ray dans nos contrées.
Le prologue du film se présente comme un documentaire enquêtant sur un événement inexpliqué survenu la nuit d’Halloween 1977, lors de la diffusion en direct d’un épisode de la sixième saison de l’émission de variétés à succès Night Owls with Jack Delroy, qui fait concurrence à The Tonight Show Starring Johnny Carson en termes d’audimat. Grâce à ses relations avec des célébrités, l’animateur de Night Owls, Jack Delroy, basé à New York, se rend régulièrement à « The Grove », un camp d’élite californien pour hommes riches et puissants. Après la mort de sa femme Madeleine, atteinte d’un cancer, Night Owls arrête sa production. Jack finit par revenir et, afin d’améliorer l’audience de l’émission, produit un épisode spécial sur le thème de l’occultisme à l’occasion d’Halloween. Les invités spéciaux de cet épisode sont Christou, médium autoproclamée, Carmichael Haig, sceptique et ancien magicien, June Ross-Mitchell, auteur parapsychologue, et le dernier sujet de June, Lilly D’Abo, âgée de 13 ans, qui est prétendument possédée par un esprit démoniaque. Pendant l’émission, Christou a une prémonition à propos d’une personne nommée « Minnie », dont Jack révèle qu’il s’agit du surnom qu’il donnait à Madeleine. Le médium tombe ensuite malade avant de commencer à vomir un liquide noir puis est transporté d’urgence à l’hôpital. Dans le segment suivant, June présente Lilly, la seule survivante d’un suicide collectif d’une église satanique et de son chef Szandor D’Abo qui vénérait Abraxas. Jack la convainc de conjurer le démon qui est en elle et que Lilly surnomme « M. Wriggles ». Pendant la séance de magie de June, Lilly est possédée et lévite sur sa chaise. Le démon indique qu’il a déjà rencontré Jack « sous les grands arbres », révélant que Jack et June ont une relation amoureuse et suggérant que Jack voulait que sa femme soit « hors du chemin ». La possession de Lilly s’estompe et le spectacle continue. Carmichael défie June en soumettant l’assistant de Jack, Gus McConnell, à une démonstration d’hypnotisme, histoire de démontrer à tous l’arnaque à laquelle ils ont assisté.
Des surprises, il y en a beaucoup et des belles dans Late Night with the Devil, qui prend l’allure d’un show à la David Letterman, parasité par une présence démoniaque, qui se fait ressentir tout du long et dont les agissements sont de plus en plus appuyés, jusqu’à l’inévitable explosion de violence finale. Si les fans de genre seront en toute logique comblés par la tension et les rebondissements, l’émotion n’est pas oubliée, surtout en ce qui concerne le personnage principal, Jack, veuf avant l’heure, éternel Poulidor de l’audimat puisqu’il se trouve toujours derrière l’indétrônable Jimmy Carson, qui une fois sorti de son deuil tragique a retrouvé sa place de présentateur plébiscité par les spectateurs et renoué avec le succès. Mais que ne ferait-on pas en échange de la célébrité et du triomphe télévisuel ? Late Night with the Devil convoque une poignée de personnages, que l’on croirait vraiment échappés des années 1970. Mention spéciale à la reconstitution, des décors aux costumes, en passant par les tics de langage. Si certains éléments peuvent se deviner avant la révélation, l’épilogue que n’aurait pas renié un certain David Lynch, contraste avec ce qui a précédé, dans le sens où ce qui est dévoilé n’est autre qu’une plongée dans la psyché de Jack, comme si le démon, branché sur les neurones du présentateur, dévoilait aux yeux du monde entier les secrets les plus enfouis de l’intéressé.
Si l’aboutissement n’est peut-être pas à la hauteur, ce qui compte est avant tout l’expérience cinématographique proposée par les frères Cairnes, qui nous font passer par de multiples sensations et sentiments, parviennent à nous effrayer et à nous faire rire au cours d’une même séquence (celle de l’hypnose vaut son pesant de cacahuètes), alors que Jack conserve son flegme, trahit par quelques perles de sueur sur le front. Avec son fabuleux casting et son dispositif impeccablement exploité, Late Night with the Devil, adoubé par Stephen King et beau succès aux États-Unis avec dix millions de dollars de recette, s’impose comme une immense réussite du genre et il est même fort possible que le film des Cairnes devienne culte avec les années.
LE DVD
Les sorties physiques se sont un peu plus multipliées chez Wild Side Video depuis quelques semaines. Après Et plus si affinités, 14 jours pour aller mieux et N’avoue jamais, voilà que débarque Late Night with the Devil en DVD et Blu-ray, arborant chacun un visuel spécifique, par ailleurs très beau. Le menu principal est animé et musical.
Point de making-of, de commentaire audio des frères Cairnes, mais des interviews des comédiens, qui prolongent l’atmosphère du film, dans le sens où celles-ci sont menées par David Dastmalchian dans la peau de Jack Delroy ! Ainsi, Ian Bliss (6’35), Ingrid Torelli (8’), Laura Gordon (10’35), Josh Quong Tart (12’), Fayssal Bazzi (12’) et Rhys Auteri (12’) prennent place aux côtés de « l’animateur » dans le décor de Late Night with the Devil, pour parler de leur personnage, des conditions de tournage, de la reconstitution et des événements paranormaux de l’histoire.
L’Image et le son
Late Night with the Devil s’apparente à un found footage et prend comme partis pris de n’être filmé qu’à travers le prisme de caméras dites « d’époque », afin de donner un aspect documentaire à l’entreprise et plonger directement le spectateur dans l’ambiance du film. La définition dépend constamment des conditions de prises de vues originales. Les contrastes sont corrects en édition Standard, la palette chromatique pimpante, le piqué souvent mordant. Les plans flous ou la texture aléatoire sont les composantes des partis pris esthétiques.
Que votre choix se soit porté sur la version française ou la version originale, le confort acoustique est total. Le pouvoir immersif des deux mixages est fort plaisant. Toutes les enceintes sont intelligemment mises à contribution, les effets foisonnent, la musique est systématiquement spatialisée. La balance frontale et latérale est constante et riche, le caisson de basses souligne efficacement les meilleures séquences du film, tandis que les dialogues et commentaires restent fluides et solides.