GENEVIÈVE DE BRABANT (Genoveffa di Brabante) réalisé par José Luis Monter & Riccardo Freda, disponible en DVD le 4 mai 2021 chez Artus Films.
Acteurs : María José Alfonso, Alberto Lupo, Stephen Forsyth, Beni Deus, Rosita Yarza, Andrea Bosic, Franco Balducci, Ángela Rhu…
Scénario : Riccardo Freda & José Luis Monter
Photographie : Julio Ortas & Stelvio Massi
Musique : Carlo Rustichelli
Durée : 1h26
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Au XIIe siècle, le comte Siegfried s’éprend de Geneviève de Brabant et l’épouse. Lorsqu’il doit partir à la guerre au service de son roi, Geneviève se retrouve face à l’intendant félon Golo à la cruauté sans bornes.
Quand on lui parle de Riccardo Freda (1909-1999), l’amateur de cinéma d’exploitation italien a ses yeux qui s’illuminent. Si son premier métier était sculpteur, sa passion pour le septième art l’amène un peu par hasard à réaliser son premier film, le bien connu Don Cesera Di Bazan (1942). Après ce premier coup d’essai, le réalisateur se spécialise rapidement dans le film d’aventure et le genre cape et d’épée. Vaniteux, ne mâchant pas ses mots, il affirmera toute sa vie n’avoir fait du cinéma que pour l’argent, tout en critiquant ses « camarades » qu’il côtoyait à l’époque, y compris Roberto Rossellini. Même s’il est indéniable que le bonhomme était on ne peut plus aigri et imbu de sa personne, allant même jusqu’à déclarer qu’il était une « exception » en tant que cinéaste, on ne pourra jamais lui reprocher d’avoir chômé ou d’être allé à la facilité tout au long de sa prolifique carrière qui comptera plus de quarante films. On peut ainsi citer en vrac son adaptation des Misérables, connue en France sous le titre de L’Évadé du bagne (1948), Le Fils de d’Artagnan – Il Figlio di d’Artagnan (1949), auquel Bertrand Tavernier rendra hommage en écrivant La Fille de d’Artagnan (1994) que Riccardo Freda devait d’ailleurs mettre en scène lui-même, un Spartacus en 1953, Le Château des amants maudits (1956), inspiré de l’histoire de Beatrice Cenci, Les Vampires – I Vampiri (1957), qui sera finalement repris en main et terminé par Mario Bava, le cultissime L’Effroyable Secret du docteur Hichcock – L’Orribile segreto del Dr. Hichcock (1962). Retracer la filmographie de Riccardo Freda, c’est suivre les grandes étapes du cinéma italien d’exploitation, puisque le réalisateur touchera aussi bien au péplum qu’au giallo, au mélodrame, au film d’épouvante, allant même jusqu’à anticiper le poliziottesco dix ans avant son explosion avec Chasse à la drogue en 1961. Le film d’aventure tient aussi une belle place dans son œuvre. Outre Sept épées pour le roi – Le Sette spade del vendicatore (1962), qui n’est autre que le remake de Don Cesera di Bazan et L’Aigle de Florence – Il Magnifico avventuriero (1963), Riccardo Freda met les bouchées doubles en 1964 et met en scène sa version de Roméo et Juliette et celle des Deux orphelines. Parallèlement, il écrit le film Geneviève de Brabant, inspiré par la biographie de l’héroïne légendaire et populaire du Moyen Âge, Geneviève de Brabant donc, présente dans l’ouvrage La Légende dorée écrit par Jacques de Voragine, qui inspirera les écrivains, les peintres, les dramaturges, les compositeurs et les cinéastes puisqu’il s’agit ici du sixième film centré sur ce personnage. S’il est souvent indiqué que seul le réalisateur José Luis Monter est aux commandes, Riccardo Freda y a bel et bien participé en tant que metteur en scène. Et en voyant le film (inédit en France), force est de constater que l’on retrouve non seulement son style au niveau du scénario, mais aussi et surtout à l’écran avec des affrontements pleins de panache (le film démarre d’emblée par un fracas de lames croisées), une caractérisation spécifique et personnelle des personnages, ainsi que le souffle épique qui a souvent marqué les opus du cinéaste transalpin. Il en résulte un divertissement de haute volée, excellemment réalisé et interprété, qui vaut le coup d’oeil pour ses beaux décors, ses rebondissements multiples, ses dialogues très soignés et ses combats très bien chorégraphiés.
Après une vie de violence et de combats, le comte Siegfrid n’aspire plus qu’à la paix et à la tranquillité. Alors qu’une délégation de ses ennemis de toujours, la famille Brabant, est attaquée par des bandits de grand chemin, Siegfrid vole à leur rescousse et est blessé. Rescapée, la délégation décide de ramener Siegfrid au château, pour lui prodiguer les soins nécessaires à son prompt rétablissement. Alors que les hommes de Siegfrid, Golo à leur tête, rôdent autour du château car ils croient que les Brabant retiennent Siegfrid en otage, Siegfrid se remet progressivement. Bientôt, il tombe amoureux de Geneviève, la fille Brabant, et lui demande sa main. Après leur mariage, Siegfrid ramène Geneviève dans son fief, au grand dam de Golo qui, bien qu’obséquieux, la regarde avec hostilité…
Il y a certes un charme désuet qui imprègne chaque image de Geneviève de Brabant, toutefois, le film n’est en rien poussiéreux. C’est surtout son rythme qui étonne encore aujourd’hui. Pas un moment de répit n’est laissé au spectateur durant 85 minutes et c’est encore là que la patte de Riccardo Freda se fait ressentir. Savoureux cocktail d’aventures, d’action et de beaux sentiments, Genoveffa di Brabante (ou La Lancia della vendetta, autre titre italien) est un très grand spectacle symbolique de ceux qui remplissaient les salles de cinéma de l’autre côté des Alpes. L’audience a peu à faire pour se faire transporter au XIIe siècle, dans un duché bien déterminé, aux côtés du comte palatin Siegfried de Trevire (Alberto Lupo), parti pour les Croisades, laissant son épouse Geneviève (alors enceinte, mais il ne le sait pas) aux soins de l’intendant Golo (Stephen Forsyth, star d’Une hache pour la lune de miel de Mario Bava). Ce dernier, qui voit ses avances refusées, décide d’emprisonner la malheureuse. Geneviève (María José Alfonso, qui fait penser à Michèle Mercier) parvient à s’enfuir et se réfugie dans la forêt, parmi les loups. Elle et son enfant, venu en monde durant sa captivité, vont y rester cachés, attendant le retour du comte. Quatre années passent…Nous sommes ici en plein conte et comme pour le western, l’épopée médiévale est un des genres les plus factices, qui implique évidemment la meilleure reconstitution possible afin de pouvoir impliquer celles et ceux qui prendront place au cinéma pour s’évader.
Coproduction hispano-italienne, Geneviève de Brabant mentionne à la barre le réalisateur madrilène José Luis Monter, auteur en 1963 d’un certain Comme s’il en pleuvait – Tela de araña avec Eddie Constantine et scénariste de La Crypte du vampire – La Cripta e l’incubo (1964) de Camillo Mastrocinque. S’il fera essentiellement sa carrière en tant qu’assistant-réalisateur, par exemple auprès de Giulio Questi sur le légendaire Tire encore si tu peux – Se sei vivo spara (1967), et – comme par hasard – de Riccardo Freda sur Roméo et Juliette. Il y a donc fort à parier que ce dernier, pris entre deux tournages, ait pu laisser José Luis Monter s’occuper de Geneviève de Brabant, reprenant ainsi les prises de vues quand il avait le temps, tout en contrôlant ce qui était en train de se faire. Son aura est omniprésente sur ce film ô combien sympathique, attachant, récréatif et plaisant pour les yeux.
LE DVD
La collection Chevalerie s’agrandit chez Artus Films. Geneviève de Brabant rejoint ainsi Les Cent Cavaliers et Le Chevalier du château maudit, dans une édition qui prend la forme d’un Slim Digipack à deux volets, toujours merveilleusement illustré. Le menu principal est fixe et musical.
En dehors d’une bande-annonce de présentation de la collection, Artus Films présente un seul supplément en vidéo sur cette édition, un Diaporama d’affiches et de photos d’exploitation.
En revanche, vous en apprendrez beaucoup à travers le superbe livret de 24 pages rédigé par François Amy de la Bretèque, professeur émérite d’études cinématographiques de l’université Paul Valéry à Montpellier, qui était intervenu sur l’édition des Cent Cavaliers. Celui-ci présente le film qui nous intéresse aujourd’hui (et qu’il aime beaucoup visiblement), la légende de Geneviève de Brabant qui a inspiré Riccardo Freda, tout en rendant hommage au cinéma d’exploitation.
L’Image et le son
Ce master reste marqué par des variations chromatiques, parfois au cours d’une même séquence, des fils en bord de cadre et des rayures verticales. Mais en dehors de cela, les contrastes sont bien gérés, les couleurs chatoyantes – très belle photo de Stelvio Massi (Les Rendez-vous de Satan) et de Julio Ortas, chef opérateur du génial ¡Mátalo! de Cesare Canevari, également disponible chez Artus – et les détails plaisants. Certaines séquences sont peut-être plus altérées et le piqué aléatoire, mais le grain d’origine est respecté.
L’éditeur propose uniquement la version italienne à travers une piste Dolby Digital Mono 2.0. Le report des voix est dynamique, propre, sans souffle (ou point trop, léger, très diffus), les effets annexes sont ardents, surtout sur les séquences d’affrontements, tandis que la musique du grand Carlo Rustichelli est toujours bien lotie.