DES FLEURS POUR UN ESPION (Le Spie amano i fiori) réalisé par Umberto Lenzi, disponible en DVD le 2 février 2021 chez Artus Films.
Acteurs : Roger Browne, Emma Danieli, Daniele Vargas, Yôko Tani, Marino Masé, Sal Borgese, Fernando Cebrián, Pilar Clemens, Tullio Altamura…
Scénario : Umberto Lenzi
Photographie : Augusto Tiezzi
Musique : Angelo Francesco Lavagnino, Armando Trovajoli
Durée : 1h30
Année de sortie : 1966
LE FILM
Une arme secrète capable de neutraliser tout courant électrique dans un large rayon, l’Electroscomètre, a été volé. Les Services Spéciaux britanniques mettent leur meilleur agent sur la piste : Martin Stevens. A Genève, il va rencontrer la belle journaliste Geneviève qui se propose de l’aider. Les deux s’envolent donc pour Athènes suite à un mystérieux message codé : « Les roses bleues sont arrivées ce matin. »
J’ai déjà longuement parlé du réalisateur Umberto Lenzi (1931-2017) à travers mes articles sur Le Cynique, l’Infâme et le Violent, Chats rouges dans un labyrinthe de verre, Le Couteau de glace et Spasmo. Alors pour en savoir plus sur ce réalisateur mythique, que j’affectionne tout particulièrement, vous savez ce qui vous reste à faire. C’est un plaisir de découvrir l’un de ses « premiers » films, l’usage des guillemets est indispensable dans le sens où Des fleurs pour un espion – Le Spie amano i fiori était déjà son seizième long-métrage, dans une carrière qui compte pas loin de 70 films et téléfilms, certains réalisés sous divers pseudonymes, Humphrey Humbert, Humphrey Longan, Hank Milestone, Humphrey Milestone, Harry Kirkpatrick et Bob Collins. Dans la première partie de sa filmographie, ce bon vieux Umberto se fait remarquer avec ses films d’aventures, Mary la rousse, femme pirate – Le Avventure di Mary Read (1961), Le Triomphe de Robin des Bois – Il Trionfo di Robin Hood (1962), L’Invincible Cavalier noir – L’Invincibile cavaliere mascherato (1963), Sandokan, le tigre de Borneo – Sandokan, la tigre di Mompracem (1964), Le Temple de l’éléphant blanc – Sandok, il Maciste della giungla (1964), Les Pirates de Malaisie – I Pirati della Malesia (1964), sans oublier quelques péplums comme Hercule contre les mercenaires – L’Ultimo Gladiatore (1964), quand ce n’est pas un mélange des deux (Maciste contre Zorro – Zorro contro Maciste, 1963). Le début des années 1960 marque l’envolée directe du réalisateur, qui comme ses confrères regarde ce qui fonctionne au cinéma à l’étranger et le genre qui a le vent en poupe. En 1962, le triomphe inattendu de James Bond 007 contre Dr No – Dr. No, rapidement suivi de celui de Bons baisers de Russie – From Russia with Love, jusqu’au phénomène mondial de Goldfinger (1963), entraînent une James Bond Mania qui donne quelques idées aux producteurs peu scrupuleux, autrement dit surfer sur cette déferlante et proposer aux spectateurs des ersatz de l’agent 007. L’Italie est bien sûr au coeur de ce qu’on appellera désormais le genre de l’Euro Spy. Umberto Lenzi prend le train en marche, on peut même dire qu’il en est l’un des principaux cheminots et livre son premier Euro Spy, Suspense au Caire pour A008 – A 008, operazione Sterminio (1965), rapidement suivi la même année de Super 7 appelle le Sphinx – Superseven chiama Cairo. Et comme le cinéaste a de la suite dans les idées, il décide d’enchaîner avec Des fleurs pour un espion, dans lequel le comédien américain Roger Browne reprend son rôle de Martin Stevens, aka Super 7, super agent au service de sa Majesté, lancé une fois de plus dans une mission périlleuse. Et le résultat est à la hauteur de l’attente, Le Spie amano i fiori est un opus ultra-divertissant et un digne représentant de l’Euro Spy !
Martin Stevens est un agent secret pour le compte des Services Spéciaux britanniques, chargé de retrouver une machine pouvant stopper tout courant électrique sur un rayon de 50 km ! De plus, il doit impérativement abattre les trois suspects détenteurs de sa formule. Son chef Harriman l’envoie vers un périple qui se déroule à Paris, Genève et Athènes. Il retrouve la trace du trio responsable et parvient à abattre deux des voleurs. Hélas, le troisième lui échappe et pour lui mettre la main dessus, il va s’adjoindre les services de Geneviève, photographe de presse. Il obtient aussi un message codé de la part de son supérieur dont il va devoir trouver la signification…
Roger Browne fait donc son retour dans la peau de l’agent Super 7. Ses points forts ? Il en a des tas ! Habile en karaté, il porte toujours un calibre 38 sous son aisselle, ainsi qu’un petit Weston automatique avec silencieux. Lorsqu’il fait feu, il rate rarement sa cible. Qui plus est, c’est important, il exerce un attrait incontestable sur le sexe opposé et la rumeur dit qu’il exploite habilement ce don. Bref, vous l’aurez compris, Super 7 n’a rien à envier à son modèle affublé d’un double zéro. D’ailleurs, même s’il ne possède pas le permis de tuer comme son homologue bien connu, Martin Stevens n’hésite pas à flinguer celui ou celle qui lui barre la route. Et des ennemis il en rencontre sur son chemin ! En Espagne, à Londres, à Paris, à Genève, à Athènes, Super 7 voyage à travers l’Europe, même si l’escapade parisienne est bien trop vite expédiée et se déroule uniquement dans un hôtel. Fabuleux technicien (et ancien diplômé du Centro Sperimentale di Cinematografia), Umberto Lenzi insuffle à son film un rythme trépidant, ainsi qu’une esthétique élégante, aidé en cela par le talent du chef opérateur Augusto Tiezzi (Le Chevalier du château maudit, Hercule contre Rome, Gungala, la vierge de la jungle) qui met en valeur les couleurs chamarrées des diverses escapades du super agent.
On suit avec une joie non dissimulée les aventures de Martin Stevens, décontracté et pourtant prenant sa mission, celle de retrouver des terroristes possédant la formule du fameux Electroscomètre gamma, avec suffisamment de sérieux pour ne pas paraître idiot. D’ailleurs, Des fleurs pour un espion fonctionne autant dans le registre de l’espionnage que dans la comédie, certes involontaire en raison de son évident cachet vintage, mais devant lequel on ne se moque jamais, le spectateur embrassant alors pleinement ce divertissement de haute volée. Certains dialogues sont caractéristiques de l’époque du film, à l’instar de « cet homme un peu bronzé, citoyen du Ghana » ou « Tu sais dans mon pays, ils ne nous apprennent pas à être comme chez vous ! », que ne renierait pas un OSS 117 version Michel Hazanavicius – Jean Dujardin. Des répliques qui font évidemment sourire et qui risquent de faire grincer les dents des culs-serrés et autres faux puritains.
Le scénario, les lieux de l’action et bien d’autres éléments rappellent ceux de La Route de Corinthe, que Claude Chabrol mettra en scène l’année suivante, dans lequel, pendant la Guerre froide, en Grèce, les radars de l’OTAN connaissent de mystérieuses pannes. Un agent des renseignements, flanqué de l’épouse d’un agent secret assassiné alors qu’il était sur le point d’élucider le mystère, se lance dans une mission périlleuse dans de magnifiques paysages. Certes, le pitch est somme toute assez banal pour un film d’espionnage issu de l’Euro Spy, mais les ressemblances sont parfois assez troublantes. Toujours est-il que Des fleurs pour un espion contient son lot de règlements de comptes, de poursuites, de fusillades, de bagarres, de ravissantes créatures (Emma Danieli en tête dans le rôle de Geneviève et la superbe Yôko Tani dans celui de Mai Ling), de rebondissements (surréalistes) et de décors exotiques, qui donnent encore au film un charme dingue.
LE DVD
La collection Euro Spy s’agrandit chez Artus Films ! Des fleurs pour un espion rejoint ainsi Opération Goldman d’Antonio Margheriti et Opération Re Mida (Lucky l’intrépide) au catalogue de l’éditeur. Le disque repose dans un Slim Digipack toujours aussi soigné et merveilleusement illustré par des photos et l’affiche d’exploitation originale. Le menu principal est fixe et musical.
Nous vous le disions dans notre chronique consacrée à Opération Re Mida (Lucky l’intrépide), c’est dans l’intervention de Christophe Bier présente sur ce DVD, que vous en saurez plus sur l’émergence de l’Euro Spy, branche (souvent peu ou mal considérée) de l’espionnage qui a poussé sur l’arbre du cinéma Bis dans les années 1960 suite au succès international rencontré par les aventures de James Bond au cinéma depuis 1962. Durant 20 minutes, l’invité d’Artus Films donne de nombreux titres emblématiques et réalisateurs qui se sont frottés au genre, y compris en France à travers les enquêtes d’OSS 117 et Coplan. Les ingrédients nécessaires à un bon (ou pas) Euro Spy sont ici passés en revue (dont les – pâles – imitateurs de Sean Connery), les starlettes ayant participé à ce genre de films, et même certaines stars confirmées. Christophe Bier en vient au film qui nous intéresse et passe le casting au peigne fin, en s’arrêtant notamment sur l’actrice Yôko Tani. Il évoque également quelques revues et publications liées à l’espionnage européen, dont l’étonnant Goldrake, fumetti d’espionnage teinté d’érotisme, dont le personnage possédait les traits de Jean-Paul Belmondo.
L’interactivité se clôt sur le générique en italien (2’), un Diaporama de photos et d’affiches d’exploitation, ainsi que le film-annonce en VF, qui n’hésite pas à qualifier Des fleurs pour un espion comme « la plus impitoyable chasse à l’homme de l’histoire du cinéma […] un film incandescent ».
L’Image et le son
Cette fois encore, la qualité de la copie proposée par Artus Films permet de (re)découvrir Des fleurs pour un espion dans de belles conditions. Alors comme bien souvent dans le genre, le réalisateur use ici de certains stock-shots qui se voient comme le nez au milieu de la figure, à l’instar des plans situant l’action à Londres après l’introduction dans l’arène. Leur aspect grumeleux et les poussières qui les constellent l’affirment immédiatement. Mais en ce qui concerne le film lui-même, le master restauré 2K est très propre (quelques fils en bord de cadre, mais rien d’important), stable, marqué par des couleurs soignées, une texture argentique bien gérée et des contrastes équilibrés. Le film d’Umberto Lenzi est présenté dans son format original 1.85, compatible 16/9. Le générique est quant à lui dans la langue de Molière.
En italien (aux sous-titres non imposés) comme en français (largement conseillé pour une projection plus amusante), le confort acoustique est conséquent – même si plus convaincant en version originale – avec une excellente restitution des dialogues et de la musique d’Armando Trovajoli. Pas de souffle constaté, c’est fluide et dynamique.