THE BOXER réalisé par Jim Sheridan, disponible en Édition Collector Blu-ray + DVD le 7 septembre 2021 chez L’Atelier d’Images.
Acteurs : Daniel Day-Lewis, Emily Watson, Brian Cox, Ken Stott, Kenneth Cranham, Gerard McSorley…
Scénario : Terry George & Jim Sheridan
Photographie : Chris Menges
Musique : Gavin Friday & Maurice Seezer
Durée : 1h53
Date de sortie initiale : 1997
LE FILM
Belfast. Danny Flynn avait l’étoffe d’un champion de boxe et rêvait d’un avenir heureux avec sa fiancée Maggie. Entré dans les rangs de l’IRA, jeté malgré lui dans l’action violente et condamné à quatorze ans de prison pour un attentat dont il n’était pas coupable, Danny garda le silence. Il ne livra aucun de ses compagnons de lutte, mais prit des distances avec eux comme avec son passé, et rendit sa liberté à Maggie en acceptant qu’elle épouse son meilleur copain. Aujourd’hui Danny est libre. Dans son ancien quartier, dévasté par la guerre, le boxeur remonte la pente…
Troisième et dernière collaboration entre le réalisateur irlandais Jim Sheridan et le comédien britannique (naturalisé irlandais en 1993) Daniel Day-Lewis, The Boxer ne possède pas le même prestige que My Left Foot (1989) et Au nom du père – In the Name of the Father (1994), mais n’a eu de cesse d’être réhabilité depuis sa sortie en 1997. S’il a beaucoup moins rapporté que le film précédent (16 millions contre 65 millions de dollars pour Au nom du père), The Boxer clôt pourtant de façon élégante cette « trilogie irlandaise » qui a autant compté dans la carrière du metteur en scène que dans celle de sa tête d’affiche, très largement nommée et récompensée dans le monde entier. Si l’on compare The Boxer aux deux autres, celui-ci s’avère le plus maniéré, le plus sophistiqué, au niveau de sa réalisation, le plus stylisée, en raison de la photographie de Chris Menges (La Déchirure – The Killing Fields et Mission – The Mission de Roland Joffé, The Pledge de Sean Penn), qui par ses filtres bleutés représente l’atmosphère glacée de Belfast. The Boxer détient un cachet plus « surréaliste » et sans doute moins viscéral, plus « cinématographique », moins brut, plus poseur aussi certainement. Ces partis-pris créent un sensible détachement, mais on ne peut s’empêcher d’admirer l’implication toujours cinglée de Daniel Day-Lewis, dont le côté jusqu’au-boutiste a décontenancé Jim Sheridan, qui avait du mal cette fois à contenir son acteur, qui s’était fixé comme objectif de « devenir » boxeur, au point de prendre de vrais coups et d’oublier les problèmes que cela pouvait engendrer, comme les raccords de maquillage et de continuité. Il n’empêche que rarement un comédien aura atteint cette perfection, à tel point que Barry McGuigan, son coach, mais aussi consultant et par ailleurs ancien boxeur lui-même (champion poids plume dans les années 1980) dont la vie a inspiré une partie du film, aurait déclaré que Daniel Day-Lewis s’était hissé à un niveau égal voire supérieur aux sportifs professionnels. Aux côtés de la star, la bouleversante Emily Watson, tout juste révélée par Breaking the Waves de Lars von Trier, ainsi que Brian Cox, impérial dans la peau de Joe Hamill, tirent leur épingle du jeu. Faux film sportif, mais vrai drame politique et histoire d’amour contrariée, The Boxer demeure un grand film. Dommage toutefois que les deux premiers actes n’aient pas la force viscérale de la dernière partie, qui prend littéralement aux tripes et les malaxent jusqu’à en donner la nausée. C’est entre autres grâce à ce dénouement extraordinaire que The Boxer mérite d’être réévalué.
Danny Flynn a purgé une peine de quatorze années de prison pour un attentat qu’il n’a pas commis. Il revient dans sa région d’origine, en Irlande du Nord, où il retrouve ses proches. Parmi eux figure Ike Weir, son entraîneur de boxe qui a sombré dans l’alcoolisme, mais surtout Maggie, avec qui il filait le parfait amour. Depuis sa geôle, il lui avait permis de se marier avec son meilleur ami, lui-même désormais emprisonné. Danny ne souhaite qu’une chose, pour pleinement goûter à cette liberté retrouvée : la reconquérir. Avec l’aide d’Ike, il ouvre un gymnase, où de jeunes boxeurs catholiques et protestants peuvent s’entraîner ensemble…
L’histoire tragique de ce boxeur déchu est en réalité un vecteur idéal pour Jim Sheridan, pour évoquer à nouveau le conflit irlandais, mais aussi et surtout pour condamner les actes violents et barbares de l’IRA. S’il est lui-même en faveur de l’indépendance de son pays, le réalisateur fustige les agissements de l’Armée républicaine irlandaise, The Boxer étant même parcouru par l’espoir, le désir de paix, l’entente et la réconciliation, tout en étant un film profondément féministe puisque les femmes, les « wives » sont clairement montrées comme étant les êtres les plus loyaux. Dans la première partie, Daniel Day-Lewis apparaît presque comme un spectre, dès sa première apparition, un homme, une silhouette plutôt, en train de s’entraîner à la boxe, dans la cour d’une prison, derrière les barreaux, jusqu’à sa déambulation (qui était plus longue et mouvementée dans le montage original et dont il subsiste quelques bribes dans les bonus du Blu-ray) dans les rues de Belfast qu’il peine à reconnaître. Le charisme et l’investissement du comédien agissent, tandis que son personnage prend son temps pour engager la conversation. Cela se fait à travers ses rencontres et retrouvailles successives, notamment celle avec son ex-entraîneur Ike (magnifique Ken Stott, le nain Balin dans la trilogie Le Hobbit), qui erre comme une âme en peine, perdu dans les brumes de l’alcool. Les deux hommes, séparés durant quatorze années, vont renaître au contact de l’autre, reprendre leur travail là où il s’était brutalement interrompu, alors que Danny n’était encore qu’un adolescent de 17 ans.
Après avoir renfilé les gants poussiéreux sur un ring délabré, récupéré – à coup de masse – son ancien logement, Danny est prêt à revoir celle dont il était follement épris, Maggie, la fille de Joe Hamill (Brian Cox, monumental), commandant local de l’IRA qui règne sur le quartier et qui entreprend un processus de paix avec les autorités anglaises. Cela déplaît fortement à certains de ses hommes de main, en particulier à Harry (Gerard McSorley, suintant à souhait), lieutenant amer et impitoyable, peu enclin à stopper les attentats. Pour garder la flamme ravivée de cette opposition, Harry profitera de l’idylle renaissante entre Danny et Maggie, puisque cette dernière, mariée à l’ancien meilleur ami de Danny, également emprisonné depuis quelques années, se doit d’attendre sa libération, comme toutes les autres épouses d’un membre actif de l’IRA provisoire mis derrière les barreaux.
Le personnage de Danny s’engage sur le ring et demeure calme en dehors, presque éteint. En revanche, ce sont tous les personnages autour de lui qui s’agitent comme des électrons perturbés autour d’un atome et qui remet en cause leur sens de la circulation, leur raison d’être, leur but. Utilisant son décor comme un piège à rats dans lequel les protagonistes sont lâchés et se cherchent, Jim Sheridan met en relief le cycle infernal et infini de la violence qui engendre la violence, que Danny interrompt en voulant devenir un homme nouveau et en tendant la main à ceux que « la cause » fustige et combat. Comme le démontre le dernier match de Danny, celui qu’il interrompra à temps par respect pour son adversaire, quitte à s’avouer perdant, une lutte qui paraît immuable et perpétuelle peut être stoppée par la volonté.
Il y a beaucoup de choses on ne peut plus intéressantes dans The Boxer, et même si le traitement nuit parfois à son propos ainsi qu’à l’émotion, le film de Jim Sheridan n’en reste pas moins un très grand et intense moment de cinéma.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Jusqu’à présent, The Boxer était le seul film de la trilogie irlandaise de Jim Sheridan à ne pas avoir connu d’édition en Haute-Définition en France. C’est désormais chose faite grâce à L’Atelier d’Images qui a non seulement concocté un combo Blu-ray + DVD à cette occasion, mais aussi créé quelques nouveaux suppléments. Le menu principal est fixe et musical.
A noter qu’à la même date, une édition spéciale FNAC réunira Au nom du père et The Boxer.
Le premier de ces bonus inédits est un entretien exclusif avec Jim Sheridan (14’), réalisé tout spécialement pour cette nouvelle édition française de The Boxer. A l’instar de son interview pour celle d’Au nom du père, le cinéaste revient sur la genèse du film, né du désir de faire un long-métrage sur le boxeur irlandais Barry McGuigan, champion britannique des poids plumes en 1983 et élu sportif de l’année par la BBC Sport en 1985. Jim Sheridan déclare que ce sport, en particulier la défaite de McGuigan à Las Vegas en 1986 face à Steve Cruz, pouvait lui permettre d’évoquer beaucoup de choses sur le conflit irlandais. De plus, il explique que Daniel Day-Lewis voulait « être boxeur », que l’histoire d’amour ne l’intéressait pas trop, mais qu’il voulait avant tout « vivre comme un boxeur, s’entraîner comme un boxeur », une obsession qui a conduit le comédien à s’entraîner trois à quatre heures par jour pendant plusieurs mois. Le réalisateur admet qu’il a dû « retirer de l’artistique » chez son acteur, qui avait cette fois tendance à trop s’oublier et donc à mettre le film au second plan. Le cinéaste évoque également la part autobiographique apportée par le scénariste Terry George, le tournage des scènes de boxe (avec Raging Bull comme référence, « même si nous n’étions certainement pas en mesure de faire mieux »), le travail et les partis pris du chef opérateur Chris Menges, ses propres intentions, ainsi que la difficulté de sensibiliser les spectateurs sur un sujet dont ils pourraient se sentir à priori exclus ou peu concernés et la façon d’exposer les faits pour les impliquer.
Comme sur l’édition Blu-ray + DVD d’Au nom du père, l’éditeur a confié à l’excellent Philippe Guedj, le soin de présenter et d’analyser The Boxer (26’30). Sur la chronique de In the Name of the Father, nous disions tout le bien que nous pensions du journaliste cinéma (Le Point Pop) et nous ne pouvons que réitérer nos propos devant cette formidable intervention, comme d’habitude complète, érudite, passionnante. Nous ne pourrons évidemment pas résumer tous les arguments avancés par l’invité de L’Atelier d’Images, si ce n’est que Philippe Guedj croise à la fois le fond et la forme durant près d’une demi-heure, dissèque sous tous les angles le film qu’il qualifie « d’anti-Au nom du père », met en relief les thèmes de The Boxer, les intentions de Jim Sheridan (« un de ses films les plus personnels, à la fois un mélodrame, un film sportif et avant tout un manifeste politique pacifiste »), parle des conditions de tournage, de l’accueil critique, des événements ayant inspiré le scénario, de la préparation et de l’investissement hors normes de Daniel Day-Lewis (qui aurait commencé à s’entraîner trois ans avant le début des prises de vue), du contexte politique en Irlande à la fin des années 1990, du casting, des partis pris du directeur de la photographie Chris Menges. Enfin, Philippe Guedj pointe également les petites maladresses qui font de The Boxer une œuvre moins forte que les deux précédentes associations Sheridan/Day-Lewis, même s’il s’agit pour lui « d’un film qui fait beaucoup de bien, surtout en ces temps de mouvances identitaires ».
Armé de sa tablette, Philippe Guedj fait son retour immédiatement après le supplément précédent, afin de commenter et d’analyser le troisième match disputé par Danny dans The Boxer (4’). Cette fois encore, confier le commentaire audio au journaliste sur l’intégralité du film n’aurait pas été une mauvaise idée.
Cela d’autant plus que les deux commentaires audio présentés sur cette édition, le premier réalisé par Jim Sheridan, le second par le producteur Arthur Lappin, ne sont pas sous-titrés en français (alors qu’ils l’étaient vraisemblablement sur l’édition DVD Universal sortie il y a vingt ans) et donc réservés aux plus anglophiles de nos chers cinéphiles.
Nous retrouvons l’ancien making of d’époque (23’), constitué de nombreuses interviews de l’équipe (Jim Sheridan, Daniel Day-Lewis, Emily Watson, Barry McGuigan, Ciarán Fitzgerald) et d’images de tournage, où les arguments avancés ici font redondance avec ce que nous avons pu déjà entendre précédemment.
16 minutes de scènes coupées sont ensuite présentées, sans indication sur la raison de leur éviction. Très intéressantes, on peut par exemple citer celles qui prolongent la sortie de prison de Danny, son errance à travers Belfast où il se retrouve pour ainsi dire à nouveau derrière les barreaux, puisque de nombreuses grilles l’empêchent de circuler librement. Les premières menaces apparaissent aussi sur Danny, qui redécouvre la ville après 14 ans d’emprisonnement et qui doit prendre de nouvelles marques. On y voit également le personnage rendre visite à son père, qui a subi lui aussi quelques avertissements. Danny se rend ensuite au mariage et se confronte une première fois à Joe Hamill (Brian Cox), ce dernier lui conseillant de prendre le premier bateau prêt à quitter la ville, tandis que Danny lui indique de laisser sa famille tranquille. Les autres séquences coupées montraient le père de Liam en prison, un homme résigné, prêt à donner à Maggie son consentement pour qu’elle refasse sa vie avec Danny.
On trouve aussi une fin alternative, au cours de laquelle les soldats et forces de l’ordre débarquent dans le tunnel, où la femme d’Harry soutient le corps de son époux, tandis que Danny, Maggie et Liam prennent le bateau pour quitter Belfast.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Voici donc The Boxer en Blu-ray (au format 1080p), pour la première fois dans nos contrées. Hormis quelques fourmillements visibles sur les arrière-plans, cette édition HD offre au film de Jim Sheridan un nouvel écrin grâce auquel on le redécouvre totalement. Les partis pris particuliers du chef opérateur Chris Menges (Black Jack de Ken Loach, Michael Collins de Neil Jordan), à savoir l’aspect bleuté représentant la ville de Belfast, sont bien restitués, souvent limpides, et s’accompagnent d’un piqué aiguisé comme il le faut en offrant des détails impressionnants au niveau du rendu des visages des comédiens. Les contrastes sont denses avec des noirs parfois limite bouchés, mais solides, la texture argentique est palpable, sans oublier la grande propreté du master.
Les mixages français et anglais DTS-HD Master Audio 5.1 créent un espace d’écoute suffisamment plaisant en faisant la part belle à la musique de Gavin Friday et Maurice Seezer. Quelques basses percutantes et acclamations mettent le caisson de basses à contribution et les enceintes latérales sans se forcer, mais avec une efficacité chronique, à l’instar du passage récurrent d’un hélicoptère dans les environs. Les sous-titres français ne sont pas imposés.