STARS AT NOON réalisé par Claire Denis, disponible en DVD et Blu-ray le 17 octobre 2023 chez Ad Vitam.
Acteurs : Margaret Qualley, Joe Alwyn, Benny Safdie, Danny Ramirez, Nick Romano, Stephan Proaño, Monica Bartholomew, Carlos Bennett…
Scénario : Claire Denis, Andrew Litvack & Léa Mysius, d’après le roman de Denis Johnson « Des étoiles à midi »
Photographie : Éric Gautier
Musique : Tindersticks
Durée : 2h17
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
En 2020, Trish, une jeune journaliste américaine en détresse bloquée sans passeport dans un Nicaragua en pleine période électorale rencontre dans un bar d’hôtel Daniel, un voyageur anglais. Il lui semble être l’homme rêvé pour l’aider à fuir le pays. Mais elle réalise trop tard qu’au contraire, elle entre à ses côtés dans un monde plus trouble, plus dangereux.
Depuis les années 1990, Claire Denis poursuit son travail sur le même rythme, à raison de quatre longs-métrages par décennie, même s’il est évident que la réalisatrice a accéléré la cadence après le crépusculaire Les Salauds en 2013, en signant dans un espace de temps limité Un beau soleil intérieur, High Life, Avec amour et acharnement (Ours d’argent de la meilleure réalisation au Festival de Berlin) et Stars at Noon. Le dernier en date, présenté en sélection officielle au Festival de Cannes 2022 où le film a remporté le Grand Prix, est l’adaptation du roman – largement autobiographique – Des étoiles à midi (écrit en 1986 et dont l’action était située en pleine révolution sandiniste au Nicaragua) de l’écrivain américain Denis Johnson (décédé en 2017). Cela faisait longtemps que Claire Denis cherchait à transposer l’un de ses livres, ayant rencontré l’auteur, qui ne voulait pas s’impliquer dans ce projet. La mort de Denis Johnson pendant le tournage en Allemagne de High Life aura accéléré la mise en chantier de Stars at Noon. La cinéaste confie le rôle principal à la magnifique Margaret Qualley, fille de l’actrice Andie MacDowell (et ça se voit), révélée dans Palo Alto de Gia Coppola, qui a ensuite confirmé son talent dans l’indispensable série The Leftovers, avant d’enchaîner avec The Nice Guys de Shane Black et Once Upon a Time… in Hollywood de Quentin Tarantino, dans lequel Claire Denis l’a repérée, en sachant immédiatement qu’elle la voulait pour camper la nébuleuse Trish. Celle-ci s’en remet totalement à la réalisatrice, se met à nu, en sens propre comme au figuré. N’attendez pas de grandes explications sur les motivations des personnages, d’ailleurs en ont-ils vraiment, mais il est important que le spectateur sache qu’il lui sera indispensable de se laisser aller au gré de cette succession de scènes plus ou moins liées entre elles, sans véritable enjeu dramatique. Les 135 minutes pourront paraître interminables à certains, fascinantes pour d’autres, déconcertantes aussi. Stars at Noon ne laisse pas indifférent et l’on peut autant rejeter les protagonistes qu’être envoûté par un montage hypnotique et la beauté de la photographie d’Éric Gautier (Avec amour et acharnement, La Vérité, Le Jour de mon retour, Ceux qui m’aiment prendront le train, Into the Wild), sans oublier la composition du fidèle groupe Tindersticks. En l’état, Stars at Noon peut se voir uniquement pour la subjuguante Margaret et c’est déjà beaucoup.
Trish est une jeune journaliste américaine bloquée au Nicaragua pendant la pandémie de COVID-19 et dans une période de grave instabilité gouvernementale. Ses écrits sur les exécutions brutales l’ont mise à dos avec ses supérieurs et le parti au pouvoir. Son passeport a été confisqué et elle vit dans un refuge payé par un diplomate. Trish suppose qu’elle sera exécutée pour ses activités antigouvernementales lorsque le ministre ne pourra plus la protéger. Elle a des relations sexuelles avec des représentants du gouvernement pour de l’argent et des produits de première nécessité (largement indisponibles en raison de la crise politique) tout en cherchant désespérément un moyen de quitter le pays. Un jour, Trish sollicite un Britannique nommé Daniel pour coucher avec elle dans un hôtel réservé aux riches étrangers. Daniel se présente comme un consultant en pétrochimie, mais Trish suppose qu’il est en réalité un agent de renseignement. Après une nuit passionnée et tendre, Trish le suit le lendemain. Elle le voit rencontrer un homme qu’elle identifie comme étant un policier costaricain.
Celles et ceux qui ont parlé de nanar à la sortie de Stars at Noon devraient non seulement revoir la définition des mauvais films sympathiques, mais aussi prendre leur traitement contre la connerie. Comment peut-on qualifier le long-métrage de Claire Denis dans ces termes ? Peut-être ce genre de spectateurs et de critiques sont-ils habitués à ce qu’on leur serve du réchauffé ou tout du moins une histoire cousue de fil blanc et qui n’invite pas à la réflexion ? Toujours est-il que Stars at Noon est un exercice de style, qui s’inspire de polars hermétiques, qui répond à peine aux questions que l’on se pose tout du long de cette histoire, pas forcément emballante, mais dont le mystère demeure attachant et permet d’aller jusqu’à la fin. Claire Denis a écrit le scénario avec Léa Mysius (Les Cinq diables, Les Olympiades, Roubaix, une lumière, Ava, Les Fantômes d’Ismaël), en transposant le roman original dans un contexte plus contemporain (durant la pandémie plus précisément), tout en préservant la moelle du livre, autrement dit la relation entre Trish et Daniel, une histoire d’amour qui prend forme durant et en raison du contexte d’une révolution.
Claire Denis filme les corps qui se répondent, bien plus que les âmes de ses deux personnages principaux qui quand ils ne couchent pas ensemble, boivent bière sur bière ou s’enfilent à la chaîne les verres de rhum ou de Sprite (le Coca étant interdit). Le peu d’alchimie constatée entre Margaret Qualley et son partenaire Joe Alwyn (La Favorite, Un jour dans la vie de Billy Lynn), dans un rôle initialement prévu pour Robert Pattinson, puis Taron Egerton, renforce quelque part cette impression de distance, comme si Trish et Daniel, qui ne se connaissent pas réellement, ne parvenaient à communiquer qu’à travers l’acte sexuel. C’est sur ce point que Stars at Noon est le plus intéressant. Malheureusement, le drame politique se perd progressivement et l’on peut perdre le fil dans le troisième acte, celui de l’évasion du couple, qui perd autant en intensité qu’en intérêt. C’est complètement confus, mais c’est quand même très beau et sensuel, étrangement proche de Profession : Reporter de Michelangelo Antonioni, auquel il est difficile de ne pas penser, tout comme certains romans d’espionnage de John le Carré, mais il manque à Stars at Noon ce truc pour le faire réellement décoller.
LE BLU-RAY
Après Un beau soleil intérieur et Avec amour et acharnement, Stars at Noon est une fois de plus disponible dans les bacs chez Ad Vitam, en DVD et Blu-ray. Le visuel reprend celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
En premier lieu, vous trouverez la bande-annonce du film, mais aussi le dossier de presse disponible au format PDF sur un lecteur PC. Puis, l’autre bonus vidéo est une interview croisée de Claire Denis et Margaret Qualley (16’), qui s’expriment sur leur collaboration, les conditions de tournage au Panama, la psychologie des personnages, le casting et le livre de Denis Johnson.
L’Image et le son
Ad Vitam atteint la perfection avec le master HD de Stars at Noon. En intérieur comme en extérieur, toutes les scènes impressionnent par leur rendu saisissant. Le piqué est tranchant comme la lame d’un scalpel, les détails abondent sur le cadre large, les contrastes sont denses et la colorimétrie chatoyante. L’encodage AVC est solide comme un roc, la luminosité ravit constamment les yeux. C’est sublime.
Le spectacle est également assuré du point de vue acoustique grâce à un mixage DTS-HD Master Audio 5.1 qui exploite toutes les enceintes dans leurs moindres recoins. La balance frontale est saisissante, les effets nets et précis, les dialogues savamment délivrés sur le point central et les ambiances latérales constantes participent à l’immersion totale du spectateur. La musique de Tindersticks bénéficie d’un écrin phonique puissant sans pour autant dénaturer l’intelligibilité des voix des comédiens. N’oublions pas le caisson de basses qui tire habilement son épingle du jeu. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.
Crédits images : © Ad Vitam / Curiosa / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr