ROUGE réalisé par Farid Bentoumi, disponible en DVD et Blu-ray le 7 décembre 2021 chez Ad Vitam.
Acteurs : Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette, Olivier Gourmet, Henri-Noël, Tabary Alka Balbir, Thierry Rousset, Laurent Crozet…
Scénario : Farid Bentoumi, Samuel Doux, Audrey Fouché & Gaëlle Macé
Photographie : Georges Lechaptois
Musique : Pierre Desprats
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 2021
LE FILM
Nour vient d’être embauchée comme infirmière dans l’usine chimique où travaille son père, délégué syndical et pivot de l’entreprise depuis toujours. Alors que l’usine est en plein contrôle sanitaire, une journaliste mène l’enquête sur la gestion des déchets. Les deux jeunes femmes vont peu à peu découvrir que cette usine, pilier de l’économie locale, cache bien des secrets. Entre mensonges sur les rejets polluants, dossiers médicaux trafiqués ou accidents dissimulés, Nour va devoir choisir : se taire ou trahir son père pour faire éclater la vérité.
De Farid Bentoumi, on connaissait le premier long-métrage Good Luck Algeria (2015), déjà avec Sami Bouajila en tête d’affiche, ainsi que ses diverses apparitions en tant que comédien, aussi bien à la télévision (Munch, Il a déjà tes yeux) qu’au cinéma (Notre univers impitoyable, Loue-moi !). Avec son deuxième film, Rouge, le réalisateur signe un véritable petit coup de maître, un drame percutant sur un scandale sanitaire, genre plutôt rare en France et habituellement une spécialité du cinéma hollywoodien avec des œuvres comme Erin Brockovich de Steven Soderbergh, Dark Waters de Todd Haynes, Révélations de Michael Mann, Préjudice de Steven Zaillian. Si le thème a donné naissance à de multiples documentaires dans nos contrées, le cinéma est très souvent resté frileux. Rouge se démarque donc d’emblée et non seulement Farid Bentoumi aborde son récit avec sérieux et intelligence, mais il le fait avec une épatante et rare virtuosité. Thriller dramatique et psychologique, tendu comme un arc du début à la fin, merveilleusement interprété par des comédiens exceptionnels, Rouge, tiré de faits réels, est un des grands films de l’année 2021. Ni plus ni moins.
Nour Hamadi, infirmière démissionnaire après un drame survenu dans son hôpital, est engagée comme infirmière et secouriste en milieu professionnel dans l’usine chimique dans laquelle travaille son père Slimane depuis 29 ans. Lors d’un contrôle sanitaire, une journaliste d’investigations indépendante, Emma, enquête sur la gestion des déchets. Lors de la conférence tenue dans la salle de conférences de l’usine par un élu écologiste en campagne électorale dans la région, elle pose des questions que les ouvriers jugent dérangeantes sur la pollution et le rejet de liquides toxiques en pleine nature par l’usine. Constatant que nombre d’ouvriers minimisent, voire nient leurs problèmes de santé liés à cette pollution par peur de perdre leur emploi, Nour va s’allier à Emma pour faire éclater le scandale, quitte à se mettre à dos tout le bassin ouvrier local, jusqu’à son propre père et son beau-frère, qui se sentent trahis par Nour et son obstination…
Rouge, Comme un soleil couchant, De Méditerranée,
Rouge, Comme le vin de Bordeaux, Dans ma tête étoilée,
Rouge, Comme le sang de Rimbaud, Coulant sur un cahier,
Rouge, Comme la mer qui recouvre, Le désert de Judée. (Michel Sardou)
C’est aussi et surtout la couleur des résidus de la production d’aluminium, chargés de métaux toxiques, qui sont au coeur du film de Farid Bentoumi. Au départ, le réalisateur pensait à une histoire similaire, tournant autour de la pollution, mais se déroulant chez des éboueurs, milieu aujourd’hui réellement réglementé et surveillé. Il entend alors parler d’une affaire liée à l’usine Alteo de Gardanne, dont les dirigeants étaient accusés d’avoir fait déverser les déchets toxiques dans la Méditerranée durant près d’un demi-siècle. Des « boues rouges » qui ont non seulement dévasté un milieu naturel, mais aussi menacé plusieurs centaines d’emplois, ceux des ouvriers. Un exemple parmi tant d’autres sûrement, mais les grandes sociétés étant la plupart du temps protégées par quelques amis bien placés, les « incidents » de ce genre sont rapidement étouffés. C’est le cas dans Rouge, formidablement écrit par Farid Bentoumi, en collaboration avec Samuel Doux (Discount, Irréprochable), Audrey Fouché (la série Les Revenants) et Gaëlle Macé (Belle épine, Elle l’adore, Grand Central), solides scénaristes qui font partie des meilleurs dans leur catégorie.
Drame familial et thriller écologique, Rouge adopte le point de vue de Nour, incarnée par la magnifique Zita Hanrot, César du meilleur espoir féminin en 2016 pour son rôle dans Fatima, qui a depuis largement confirmé tout le bien que l’on pensait d’elle, dans K.O. de Fabrice Gobert, La Fête est finie de Marie Garel Weiss, Carnivores de frères Renier et Paul Sanchez est revenu ! de Patricia Mazuy. Elle crève l’écran une fois de plus dans le rôle de Nour, infirmière qui débarque dans l’usine où son père a travaillé toute sa vie, suite à un trauma survenu dans l’hôpital où elle officiait. Elle se rend compte très vite que les collègues et amis de toujours de son père, qui l’ont vu grandir, ont quelques problèmes de santé, qui n’ont pas alarmé son prédécesseur et que tout le monde, y compris son père, représentant du personnel, lui conseillent de se taire. Mais Nour est bien décidée à aller au bout de son enquête, quitte pour cela à se mettre sur le dos sa hiérarchie et sa famille. Seule une journaliste indépendante, Emma (Céline Sallette), déjà suspicieuse à l’égard du bon fonctionnement de l’usine, semble être sa seule alliée. Mais les deux femmes peuvent-elles s’opposer à cette immense entreprise, par ailleurs acoquinée avec quelques acteurs politiques, y compris les écologistes ?
Farid Bentoumi fonce dans le tas, mais avec une sobriété et une élégance qui sont les bienvenues. L’émotion est autant plus forte, surtout quand l’enquête menée par Nour la fait s’opposer à son père, Slimane, interprété par Sami Bouajila, sublime dans un de ses plus grands rôles. Rouge est un film qui fait mal, autant quand le spectateur découvre en même temps que Nour ce qui déroule dans les coulisses de l’usine, que lors des confrontations entre Slimane et sa fille. Au-delà de son histoire passionnante, Rouge bénéficie également d’une superbe photographie signée Georges Lechaptois (Twentynine Palms, Planétarium, Proxima) et d’une musique envoûtante de Pierre Desprats (Chanson douce, Les Garçons sauvages). Co-produit par les frères Dardenne, Rouge est un uppercut comme on aimerait en voir plus souvent en France.
LE BLU-RAY
En dépit de ses 78.000 entrées, Rouge bénéficie d’une sortie en DVD et même en Blu-ray chez AdVitam ! Une très belle initiative que nous saluons. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Comme bonus, AdVitam propose quelques entretiens croisés, avec d’un côté le réalisateur Farid Bentoumi, et de l’autre Zita Hanrot et Céline Salette (22’). Le premier, fils d’ouvrier et syndicaliste, s’exprime sur la genèse de Rouge, issu de l’affaire de l’usine Alteo de Gardanne et sur son envie de parler d’un sujet d’actualité lié à l’environnement. Les deux comédiennes reviennent sur le sujet principal de Rouge, sur les personnages, sur leurs préparations respectives, ainsi que sur les conditions de tournage.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.
L’Image et le son
La définition est optimale et fait la part belle à une magnifique colorimétrie, où ressortent bien sûr les teintes rouges, celles recouvrant les murs de l’usine, du lac de rejets toxiques et la robe de Nour au mariage de sa soeur. Ce transfert HD de Rouge ne cesse de flatter les mirettes avec un piqué incisif. Les séquences extérieures sont les mieux loties, les contrastes sont denses y compris en intérieur, les détails foisonnent sur le cadre large. Le film de Farid Bentoumi profite entièrement des apports de la HD. Blu-ray au format 1080p.
La piste DTS-HD Master audio 5.1 met en avant de nombreuses ambiances naturelles, qui pointent évidemment sur toutes les séquences en extérieur. Les dialogues sont solidement positionnés sur la centrale, la balance frontale est riche et dynamique. L’éditeur joint également les sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste audiodescription et une autre en Stéréo.