RIFKIN’S FESTIVAL réalisé par Woody Allen, disponible en DVD & Blu-ray le 16 novembre 2022 chez Apollo Films.
Acteurs : Wallace Shawn, Elena Anaya, Gina Gershon, Louis Garrel, Sergi López, Christoph Waltz, Tammy Blanchard, Richard Kind…
Scénario : Woody Allen
Photographie : Vittorio Storaro
Durée : 1h28
Date de sortie initiale : 2020
LE FILM
Un vieux professeur de cinéma tiraillé entre une jeune épouse distante, des préoccupations hypocondriaques, des amours platoniques impromptues, et surtout des rêveries cinéphiles empreintes de nostalgie envahissante, erre dans les rues de San Sebastián…
Une fois n’est pas coutume, Rifkin’s Festival, le 49è opus de Woody Allen, n’aura connu aucun succès dans les salles, y compris en France, où le film s’est soldé sur un échec monstrueux en attirant seulement 89.000 spectateurs, soit le score le plus bas pour le réalisateur depuis…bah toujours en fait. Depuis l’hilarant Woody et les robots en 1974, qui arrivait tout en bas du classement de son box-office hexagonal personnel, Woody Allen avait systématiquement dépassé la barre des 200.000 places vendues sur son seul nom. Nous ne reviendrons pas sur les accusations d’agression sexuelle par sa fille adoptive qui ont très largement entachées sa personne et sa carrière ces dernières années… Alors que ses très nombreux admirateurs attendaient jusqu’à présent son film annuel comme certains amateurs de gros rouge qui tâche se jettent sur le Beaujolais nouveau, quasiment trois années séparent Un jour de pluie à New York – A Rainy Day in New York et Rifkin’s Fetival. Si elle n’atteint pas la très belle réussite de son association avec Timothée Chalamet et Elle Fanning, cette escapade espagnole doublée d’un fabuleux hommage au cinéma, n’en reste pas moins extrêmement plaisante, excellemment écrite et portée par un casting d’exception sur lequel trône Wallace Shawn.
Mort Rifkin, un critique de cinéma âgé et snob de New York, raconte à son thérapeute les développements récents de sa vie. Dans le récit, il accompagne sa femme beaucoup plus jeune, Sue, à un festival du film à San Sebastián. Elle travaille comme attachée de presse pour Philippe, un réalisateur français dont le film anti-guerre banal est universellement célébré comme un chef-d’œuvre, au grand dam de Mort. Ce dernier devient rapidement jaloux de la relation de Sue et Philippe, qui se transforme de plus en plus en flirt ouvert. Les pensées et les peurs intérieures de Mort lui font faire des cauchemars inspirés de classiques cinématographiques en noir et blanc bien connus. Au festival, Mort se remémore sa vie et le roman prétentieux qu’il écrit depuis des décennies, essayant d’atteindre une pertinence littéraire qui lui échappe. Il repense à ses jeunes années lorsqu’il enseignait le cinéma à l’université et se sentait heureux et stimulé. Pendant ce temps, il est impuissant à empêcher Sue et Philippe de passer du temps ensemble. Finalement, il demande un avis médical au sujet de certaines douleurs à la poitrine et rencontre Joanna « Jo » Rojas, une médecin espagnole qui a passé du temps à New York et qui est maintenant mariée avec un artiste infidèle et capricieux. Joanna laisse une forte impression à Mort, qui essaye à plusieurs reprises d’attirer son attention en simulant des problèmes de santé.
En février 2019, Amazon Studios rompt le contrat passé pour cinq films avec Woody Allen à la suite de la reprise des allégations d’abus sexuels qui le poursuivent depuis trente ans. C’est sous la bannière espagnole de Mediapro que naît Rifkin’s Festival, tourné durant l’été 2019, la première du film ayant lieu un an plus tard lors du 68e Festival International du film de San Sebastián, avant de sortir dans les salles ibériques en octobre de la même année. Entre la pandémie de Covid-19 et les problèmes juridiques de Woody Allen, Rifkin’s Festival prend le chemin d’une sortie très limitée dans les salles américaines et d’une exploitation sur les services de streaming. Il est temps désormais de redonner une chance à cette sucrerie « allenienne » qui se concentre sur un couple d’Américains (Gina Gershon et Wallace Shawn) en villégiature au Festival de San Sebastián, qui tombe sous le charme de l’événement, de l’Espagne et de la magie qui émane des films. L’épouse a une liaison avec un brillant réalisateur français (Louis Garrel) tandis que son mari s’éprend d’une belle Espagnole (Elena Anaya).
C’est ainsi l’occasion pour Woody Allen de parodier et de s’inspirer des films qui ont bercé sa cinéphilie, puisqu’on y évoque L’Impossible monsieur bébé, La Vie est belle, Certains l’aiment chaud, À bout de souffle, L’Année dernière à Marienbad, Jules et Jim, Le Désert rouge, Un homme est une femme, Le Genou de Claire, Kagemusha : L’Ombre du guerrier, Citizen Kane, Le Septième sceau, Les Fraises sauvages, L’Ange exterminateur, Huit et demi, Persona et bien d’autres, en reconstituant parfois certains décors ou une scène en particulier. Alors que le personnage de Mort Rifkin avait été envisagé pour un jeune premier, le rôle a finalement été confié au génial Wallace Shawn (Le Book Club, Liaisons à New York, My Dinner with Andre) qui avait commencé sa carrière au cinéma dans Manhattan, puis collaboré avec Woody Allen sur Radio Days, Ombres et Brouillard, Le Sortilège du scorpion de jade et Melinda et Melinda, qui rejoint les fameux « doubles » du réalisateur à l’écran quand celui-ci n’apparaît pas dans ses propres films.
Tour à tour drôle, délicieusement cynique (les dialogues sont comme d’habitude à tomber) et émouvant, le comédien trouve incontestablement à près de 80 ans l’un de ses meilleurs rôles. Le reste de la distribution est bien sûr au diapason avec une Gina Gershon encore à se damner à 60 ans, Louis Garrel qui se fond parfaitement dans la peau d’un metteur en scène suffisant et imbu de lui-même, Christoph Waltz qui se glisse dans la toge noire de la Mort échappée du Septième sceau, la sublime Elena Anaya, plus rare ces dernières années sur le grand écran, intrègre les beaux personnages féminins du réalisateur, et même Sergi López vient faire un petit coucou dans le rôle d’un peintre partagé entre ses pinceaux et son vit. Le tournage léger avec la caméra CineAlta F65 donne un aspect carte postale à la photographie du fidèle Vittorio Storaro (Wonder Wheel, Le Dernier empereur, Apocalypse Now, L’Oiseau au plumage de cristal), qui alterne cette fois la couleur et le N&B pour les rêves et fantasmes de Mort.
Savoureuse comédie teintée de mélancolie et même parfois crépusculaire (après tout, le personnage principal ne s’appelle-t-il pas Mort ?), Rifkin’s Festival sera donc l’avant-dernier long-métrage, l’ultime film du réalisateur ayant été d’ores et déjà emballé en France, dans la langue de Molière, avec entre autres Valérie Lemercier, Lou de Laâge, Melvil Poupaud, Elsa Zylberstein, Niels Schneider…
LE BLU-RAY
Après TF1 Studio, Studiocanal, AB Vidéo et Mars Films qui s’étaient succédé pour éditer les films de Woody Allen depuis dix ans, c’est au tour d’Apollo Films de s’y coller en sortant Rifkin’s Festival en DVD et Blu-ray. L’édition HD se présente sous la forme d’un boîtier classique de couleur bleue, la jaquette reprenant le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Aucun supplément.
L’Image et le son
Rifkin’s Festival a été réalisé en numérique avec la caméra Sony CineAlta. L’éditeur prend soin de cet opus et livre un master HD (1080p) quasi-irréprochable au transfert immaculé. Respectueuse des volontés artistiques originales concoctées par l’immense directeur de la photographie Vittorio Storaro (1900, Ladyhawke), la copie se révèle un petit bijou technique avec des teintes chaudes, une palette chromatique riche et bigarrée, le tout soutenu par un encodage de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont riches et tranchants, les arrière-plans sont détaillés, le relief omniprésent et les détails foisonnants. Cette édition Blu-ray en met souvent plein la vue.
Deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 français et anglais. L’apport des latérales demeure complètement anecdotique. Si les dialogues de la version française sont dynamiques, ils tendent à prendre le pas sur les ambiances annexes et l’ensemble manque de naturel. La piste anglaise est évidemment celle à privilégier, d’autant plus que la musique, les voix, les ambiances et effets s’accordent avec une réelle homogénéité, mais essentiellement sur la scène frontale. Présence également d’une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.