RETOUR VERS L’ENFER (Uncommon Valor) réalisé par Ted Kotcheff, disponible en Blu-ray le 20 janvier 2021 chez Paramount Pictures.
Acteurs : Gene Hackman, Fred Ward, Randall « Tex » Cobb, Patrick Swayze, Harold Sylvester, Tim Thomerson, Robert Stack, Gail Strickland, Jane Kaczmarek, Barret Oliver…
Scénario : Joe Gayton
Photographie : Stephen H. Burum
Musique : James Horner
Durée : 1h45
Année de sortie : 1983
LE FILM
Vietnam, 1972. Les opérations de sauvetage de troupes par l’armée américaine devenant de plus en plus dangereuses, certains soldats sont laissés sur place. Le colonel Rhodes est persuadé que son fils n´est pas mort au Vietnam mais qu´il est prisonnier dans un camp. Dix ans plus tard, il réunit quelques compagnons pour aller libérer son fils.
Pour la plupart des cinéphiles, William Theodore Kotcheff alias Ted Kotcheff (né en 1931), canadien fils d’émigrés bulgares passé à la mise en scène en 1962, est le réalisateur du mythique premier volet de la saga Rambo, First Blood pour les puristes. Pour les amateurs de pépites, c’est aussi le cinéaste des comédies cultissimes Touche pas à mon gazon (1977) et La Grande cuisine ou l’art et la manière d’assaisonner les chefs (1978), mais aussi du frappadingue Wake in Fright – Réveil dans la terreur (1971) ! Quasiment un an après Rambo, First Blood, le cinéaste se penchait à nouveau sur le sujet du Vietnam avec Retour vers l’enfer – Uncommon Valor, qui anticipait étrangement sur le Rambo 2 : la mission de George Pan Cosmatos qui sortira deux ans plus tard, puisque le film traite des soldats américains toujours détenus au Vietnam dix ans après le retour des derniers prisonniers. A l’instar du premier volet de la franchise Rambo, qui d’ailleurs n’était pas encore une saga au moment où sort Retour vers l’enfer, Ted Kotcheff privilégie l’émotion, la réflexion et l’humour, même si les amateurs d’action et de films de guerre en auront pour leur argent, surtout dans le dernier acte du film. Uncommon Valor est avant tout le portrait d’un homme fracassé par la disparition de son fils au Vietnam au début des années 1970, alors que ses camarades sont rentrés au bercail. Ce père traumatisé est incarné par l’immense Gene Hackman, aussi bad-ass sur le terrain que bouleversant quand son personnage s’accroche à cette idée qu’il retrouvera son fils et qu’il le serrera encore dans ses bras. Le comédien est savamment épaulé par une équipe de durs à cuire. L’alchimie entre tous les acteurs est réelle et participe à la belle immersion proposée par Retour vers l’enfer, grand divertissement excellemment réalisé, produit par John Milius (qui a sûrement participé au scénario, même s’il n’est pas crédité) et finement écrit, loin du caractère bourrin et éminemment patriote des opus du genre qui fleuriront au cours des années Reaganiennes.
Le colonel Jason Rhodes ne trouve plus le sommeil. Savoir que son fils Frank est prisonnier au Vietnam depuis maintenant des années le rend fou. Après avoir épuisé toutes les ressources de la diplomatie officielle qui le rejette, il fait appel à des aventuriers et des mercenaires pour obtenir des renseignements à la source. Le plus souvent trompé par des escrocs, il persévère jusqu’à ce qu’un de ses anciens collègues lui apporte une preuve de vie de son fils. Grâce au richissime MacGregor qui, lui aussi, a un fils prisonnier, il recrute les anciens frères d’armes de son fils afin de monter une opération de sauvetage. Après un entraînement intensif, dirigé par un jeune ex-marine trop prétentieux pour ces vétérans, le commando passe à l’action. Mais, sitôt arrivé en Thaïlande, la C.I.A. leur tombe dessus et fait confisquer toutes leurs armes avant de les faire arrêter. Bloqués et presque sans argent, ils parviennent malgré tout à se rééquiper et partiront vers la frontière avec un ancien trafiquant déchu et ses filles. Arrivés sur place, les uns partiront dans une base dérober des hélicoptères tandis que les autres vont attaquer le camp de prisonniers et libérer les américains.
Retour vers l’enfer est un film sur le désir de savoir, de connaître enfin la vérité, au risque de devenir fou. Si la plupart des films de guerre traitant ce sujet seraient tombés facilement et gratuitement dans la violence exacerbée, dans le désir de vengeance personnelle et les séquences de fusillades à outrance, ce n’est pas du tout le cas de Uncommon Valor, qui prend même le spectateur par surprise dans sa première partie, puisque le ton y est volontiers humoristique. Attention, il ne s’agit pas d’une comédie, mais l’humour y est très présent après les retrouvailles des vétérans et leur entraînement, qui s’avère aussi efficace que drôle. Mais cette légèreté apparente dissimule bel et bien la psyché encore perturbée de ses protagonistes, celle du colonel Jason Rhodes (Gene Hackman donc) bien sûr, mais aussi celle de ses anciens compagnons d’armes de son fils. De ce point de vue, le casting étonne aussi puisque s’il s’agit là aussi de comédiens pour ainsi dire burnés, Fred Ward (L’Évadé d’Alcatraz – Escape from Alcatraz de Don Siegel, Sans retour – Southern comfort de Walter Hill), Reb Brown (Captain America version 1979), Randall « Tex » Cobb (ancien champion de kickboxing et de boxe professionnelle), Patrick Swayze (après Outsiders de Francis Ford Coppola et juste avant L’Aube rouge de John Milius), Tim Thomerson (vu dans Osterman Week-end de Sam Peckinpah) et Harol Sylvester (Officier de Gentleman), ceux-ci sont loin d’être réduits à une simple caricature de machines de guerre formées uniquement pour tuer l’ennemi. Les membres de ce groupe disparate apparaissent comme étant réellement soudés entre eux, même s’ils ne se sont pas vus depuis une dizaine d’années. Quand ils se retrouvent dans les années 1980 grâce à Rhodes (et à l’argent de Johnson, interprété par le grand Robert Stack), leur complicité est naturelle, évidente et le groupe retrouve sa dynamique comme s’il s’était dissout la veille.
Comme dans Rambo, First Blood, Ted Kotcheff s’attache à rendre ses protagonistes humains, qui cachent – ou pas d’ailleurs – leurs blessures physiques et psychologiques. S’ils se sont forgés une carapace depuis leurs retours respectifs, tous répondent présents pour la mission suicide de Rhodes, même s’ils savent qu’ils ne reviendront sans doute pas tous cette fois ci. Gene Hackman est donc loin d’être seul en piste dans Retour vers l’enfer, véritable film collectif sur la guerre et ses traumas. Ironique et cynique, mais aussi très émouvant sur le fond avec une radiographie sans concession de l’âme américaine encore dévastée par la défaite au Vietnam et le sentiment revanchard qui n’a cessé d’animer les US depuis, Uncommon Valor, écrit par Joe Gayton (qui sera le créateur de la série Hell on Wheels: L’Enfer de l’Ouest) est peut-être l’un des plus beaux hommages rendus aux soldats américains revenus et rejetés par leur pays. Si l’on ajoute à cela la très belle partition de James Horner et l’élégant photographie de Stephen H. Burum, mythique chef opérateur de L’Emprise de Sidney J. Furie, Rusty James de Francis Ford Coppola, Body Double, L’Esprit de Cain, Les Incorruptibles, Snake Eyes – et d’autres films – de Brian De Palma, Retour vers l’enfer est assurément une œuvre à redécouvrir.
LE BLU-RAY
Belle réhabilitation de Retour vers l’enfer, quasiment oublié des bacs depuis sa première sortie en DVD chez Paramount Pictures en 2002, qui bénéficie enfin d’une sortie en Haute-Définition. Le visuel de la jaquette du Blu-ray reprend celui du DVD. Le menu principal est fixe et muet.
Et malheureusement, nous ne trouvons aucun supplément sur cette édition.
L’Image et le son
Le master HD au format 1080p de Retour vers l’enfer s’en sort particulièrement bien et fait honneur au support. La propreté de l’image apparaît d’emblée, des petits points blancs persistent peut-être, mais les quelques poussières subsistantes ne dérangent nullement. Grâce à cette élévation HD, les couleurs retrouvent une nouvelle vivacité, les contrastes sont renforcés et le piqué est vraiment agréable. Le codec AVC consolide l’ensemble, le grain original est respecté, le relief palpable sur les paysages et la profondeur de champ est inédite. Uncommon Valor affiche déjà près de quarante ans au compteur et la restauration s’avère aussi flatteuse qu’harmonieuse, tout en offrant un confort de visionnage très convaincant pour (re)voir ce film quelque peu oublié de Ted Kotcheff.
Évoquons rapidement la version française Dolby Digital 2.0 au doublage excellent. Du point de vue qualité technique, cette piste a du mal à rivaliser avec la DTS-HD Master Audio 5.1 anglaise mais conviendra parfaitement à ceux qui aiment découvrir ou revoir les films de cette époque dans la langue de Molière. La version originale a bénéficié d’un remixage HD fort convaincant avec un usage constant et énergique des enceintes latérales lors des scènes de guerre. Cela tire, explose, fusille de tous les côtés, les hélicoptères survolent votre salon d’une oreille à l’autre, le caisson de basses intervient également à bon escient pour créer une parfaite spatialisation. Cependant, les voix manquent parfois de peps, certains échanges apparaissent même assez couverts et sont dilués au milieu du fracas environnant. La musique de James Horner jouit d’un écrin acoustique fort plaisant dès la première séquence, le subwoofer souligne efficacement la partition.