Test Blu-ray / Profession du père, réalisé par Jean-Pierre Améris

PROFESSION DU PÈRE réalisé par Jean-Pierre Améris, disponible en DVD et Blu-ray le 7 décembre 2021 chez Ad Vitam.

Acteurs : Benoît Poelvoorde, Audrey Dana, Jules Lefebvre, Tom Lévy, Nicolas Bridet, Martine Schambacher, Jean-Michel Molé, Eric Verdin…

Scénario : Jean-Pierre Améris, d’après le roman de Sorj Chalandon

Photographie : Pierre Milon

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 2021

LE FILM

Emile, 12 ans, vit dans une ville de province dans les années 1960, aux côtés de sa mère et de son père. Ce dernier est un héros pour le garçon. Il a été à tour à tour était chanteur, footballeur, professeur de judo, parachutiste, espion, pasteur d’une Église pentecôtiste américaine et conseiller personnel du général de Gaulle. Et ce père va lui confier des missions dangereuses pour sauver l’Algérie, comme tuer le général.

Troisième collaboration entre Jean-Pierre Améris et Benoît Poelvoorde après Les Émotifs anonymes (2010) et Une famille à louer (2015), Profession du père est l’adaptation du roman homonyme de Sorj Chalandon, récit inspiré de l’enfance de l’écrivain. L’affiche n’est pas du tout représentative du film. Si vous pensez qu’il s’agit d’une comédie douce et tendre, détrompez-vous. Profession du père est un drame sombre et même parfois violent, où la mythomanie d’un père va bouleverser l’existence de son petit garçon. A travers cette histoire quasi-autobiographique, le réalisateur a su également reconnaître quelques pans de sa propre vie et n’a d’ailleurs pas hésité à tourner son film à Lyon, ville où il est né. On est tout d’abord surpris en découvrant l’atmosphère (faussement) légère de Profession du père, cette famille visiblement équilibrée avec une mère attentionnée (merveilleuse Audrey Dana), un père débordant d’énergie et leur fils Emile tout mignon. Seulement voilà, le paternel, ancien soldat de la Seconde Guerre mondiale et anti-gaulliste, va se perdre petit à petit dans ses délires ambigus et mensonges récurrents, jusqu’à entraîner Emile dans ses dérives et ses conspirations, dont le but ultime serait d’éliminer le chef de l’état. Profession du père dresse à la fois le portrait d’un homme au bout du rouleau et celui d’un garçon, partagé entre la fascination et le dégoût pour celui qui lui sert alors de modèle. S’il n’a connu aucun succès dans les salles avec 37.500 entrées au compteur, il serait dommage de passer à côté de ce film étonnant.

Il y a souvent eu une noirceur, une amertume dans le cinéma de Jean-Pierre Améris, qui se livre chaque fois par petits bouts dans ses œuvres. Ayant rencontré le public à plusieurs reprises, Mauvaises Fréquentations (1999), C’est la vie (2001), sans oublier bien sûr ses deux précédentes (et plus grands succès au box-office) associations avec Benoît Poelvoorde, le réalisateur a toujours su combiner une émotion à fleur de peau avec une certaine gravité, comme dans son téléfilm Maman est folle (2007) avec Isabelle Carré. Le livre de Sorj Chalandon lui revenait pour ainsi dire de droit, puisque, sans le dire explicitement, le cinéaste a tout de même avoué à demi-mots que la brutalité et la fabulation du personnage principal lui rappelaient celles de son père. Épaulé par Murielle Magellan (Petits meurtres en famille, Sous les jupes des filles, Ange & Gabrielle), Jean-Pierre Améris livre un film pas vraiment aimable et beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît. Benoît Poelvoorde campe un personnage monstrueux, un vrai croquemitaine qui entreprend de dévorer progressivement l’âme de son fils, sans le vouloir, ou plutôt sans le savoir, la sienne étant grandement perturbée depuis une quinzaine d’années, depuis sa démobilisation.

Nous avons pu le constater déjà maintes reprises, on peut citer en vrac Entre ses mains et Coco avant Chanel d’Anne Fontaine, Une histoire d’amour d’Hélène Fillières, Une place sur la Terre de Fabienne Godet, Trois cœurs de Benoît Jacquot et bien d’autres, le comédien a toujours eu un faible pour les personnages sur le point de sombrer définitivement dans la folie. Dans Profession du père, André Choulans bougonne comme n’importe quel français (moyen, ou non), mais ses propos sont parfois très virulents, surtout que celui-ci peut d’un coup exploser de colère devant son môme, qui comme une véritable éponge absorbe ces ondes étranges sur lesquelles semblent régler la famille. C’est aussi là qu’intervient le rôle difficile campé par Audrey Dana, qui se rend compte évidemment que quelque chose cloche chez son mari, mais qui « espère » que la nuit portera conseil et que cela ira mieux dès le lendemain matin. Mais André paraît s’enfoncer dans son « univers », dans ses multiples et anciennes vies, en les racontant avec détails à Émile. Ce dernier est interprété par l’épatant Jules Lefebvre, impressionnant, dont il s’agit de la seconde apparition au cinéma après Duelles d’Olivier Masset-Depasse. On ressent son bouillonnement intérieur, quand, à la fois conciliant et désespéré, éberlué et peiné, Émile ne sait pas quelle position adoptée devant son père. Mais à cet âge la quête d’amour est plus forte que tout et Émile, voulant faire plaisir à André, va jouer le jeu, en allant de plus en plus loin, au grand désespoir de sa mère.

Si l’on pourra sans doute regretter un aspect téléfilm, une reconstitution banale et des décors peu recherchés, Profession du père, drame sur le déni, nous cueille là où l’on s’y attendait le moins. L’épilogue qui se déroule un quart de siècle plus tard est bouleversant et laisse une belle empreinte dans la mémoire des spectateurs.

LE BLU-RAY

Malgré son échec cinglant au cinéma, Profession du père bénéficie d’une sortie en DVD et même en Blu-ray chez Ad Vitam. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Le premier supplément est une analyse du film (9’) par Yves Alion, journaliste, critique et historien du cinéma, mais également directeur de la publication et le rédacteur en chef de L’Avant-scène cinéma depuis une vingtaine d’années. Dans ce module, ce dernier se penche sur Profession du père, un coup de coeur, qu’il dissèque aussi bien sur le fond que sur la forme. Yves Alion évoque le réalisateur Jean-Pierre Améris, l’adaptation du roman de Sorj Chalandon, la psychologie des personnages, les thèmes, ainsi que d’autres films plaçant un enfant au centre du récit, à l’instar de L’Incompris de Luigi Comencini.

L’autre bonus est un reportage très court (2 minutes montre en main) sur le tournage du film, dans les rues de Lyon, marqué par des interventions de Benoît Poelvoorde et Jean-Pierre Améris.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Nous voici devant un très beau master, très propre et clair, avec un cadre fourmillant de détails. La photo saturée de Pierre Milon (Foxfire, confessions d’un gang de filles, Les Neiges du Kilimandjaro, La Villa, Les Envoûtés) fait la part belle aux teintes chatoyantes, ambrées et solaires, avec de fabuleux dégradés, les contrastes sont denses et le piqué joliment acéré.

Le mixage Dolby Digital 5.1 est immédiatement immersif avec des ambiances souvent très présentes sur les enceintes latérales. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue, la musique spatialisée de bout en bout. L’éditeur joint également une piste Stéréo dynamique et suffisante, une piste Audiodescription ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Ad Vitam / Caroline Bottaro / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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