POINT LIMITE (Fail-Safe) réalisé par Sidney Lumet, disponible en DVD et Blu-ray le 16 juin 2020 chez Rimini Editions.
Acteurs : Henry Fonda, Walter Matthau, Dan O’Herlihy, Frank Overton, Ed Binns, Fritz Weaver, Larry Hagman…
Scénario : Walter Bernstein d’après le roman d’Eugene Burdick et Harvey Wheeler
Photographie : Gerald Hirschfeld
Durée : 1h51
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
À la suite d’une erreur technique, un groupe d’avions de guerre américains est envoyé en mission avec l’ordre de bombarder Moscou. Il est désormais impossible de les arrêter. Le président des États-Unis va tout faire pour éviter une guerre nucléaire.
Point limite – Fail-Safe (1964) est le huitième film de Sidney Lumet. Le cinéaste commence sa carrière à la télévision au début des années 1950, avant de réaliser son premier long-métrage pour le cinéma en 1957, qui a pour titre Douze hommes en colère – 12 Angry Men, un film de procès. D’ailleurs, sa filmographie abordera régulièrement le système judiciaire avec par exemple Le Verdict (1982). Il dirige par deux fois l’acteur Al Pacino qui se retrouve dans la peau d’un policier qui décide de dénoncer la corruption dans Serpico (1973) puis en braqueur de banque dans Un après-midi de chien – Dog Day Afternoon (1975). Avec Network : Main basse sur la télévision (1976), Sidney Lumet propose une critique cynique du monde du petit écran.
Lorsque sort Point limite au cinéma, vingt ans se sont écoulés depuis les bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Le maccarthysme, ce sentiment anticommuniste, s’abat sur les États-Unis dans les années 50, créant une guerre froide avec l’URSS. C’est dans ce contexte politique particulier que naît ce film, adaptation du roman de deux politologues américains, Eugene Burdick et Harvey Wheeler.
Dès le début du film, le spectateur est plongé dans un univers militaire. Nous découvrons que l’armée américaine est à la pointe d’une technologie servant à l’espionnage avec des radars sophistiqués. Lors d’une réunion, des hauts gradés de l’armée débattent sur comment mener à bien une guerre, chacun donnant son point de vue. Ce débat est mené par le professeur Groeteschele, joué magnifiquement par Walter Matthau, que l’on retrouvera par la suite en duo avec Jack Lemmon et souvent sous la direction de Billy Wilder. Les propos des militaires sont glaçants. Ces conversations se terminent par une conclusion effrayante : cette petite poignée d’hommes a la capacité de détruire la planète, sur un simple ordre, au nom de la guerre.
Lorsqu’un radar détecte un avion non répertorié, ces hommes gardent leur sang-froid et suivent une liste d’ordres dictés par la hiérarchie. Le problème semble réglé mais une erreur technique ou humaine, la raison étant inconnue, vient perturber les militaires, des avions américains partent en direction de Moscou afin d’atomiser la ville. Le président des États-Unis est immédiatement alerté. Ce personnage est joué par Henry Fonda, acteur dont le talent est incontestable. Il offre une interprétation si remarquable qu’il donne envie de voter pour lui aux prochaines élections présidentielles ! A noter également la présence de Larry Hagman, dans un petit rôle, qui deviendra plus tard le célèbre J.R. Ewing de la série Dallas.
Le premier réflexe est de ne pas avertir la presse afin de ne pas inquiéter la population. Une tentative de prise de contact est faite avec les aviateurs, mais impossible. Ils prennent ensuite la terrible décision d’abattre ces avions, mais la mission échoue. Pendant ce temps, un groupe tente de trouver l’origine de l’erreur : une défaillance technique ? Une erreur humaine ? Ces hommes de l’armée se retrouvent impuissants face à un écran géant où ils peuvent observer l’avion volant vers sa destination finale.
Le président des États-Unis décide alors de prévenir son confrère russe. S’ensuit une discussion palpitante. Tout d’abord méfiants, les russes ne croient pas en cette hypothèse d’erreur et pensent à une attaque. Le président tente de les raisonner et de les convaincre de sa bonne foi. A deux, ils tentent de trouver la paix et un moyen d’empêcher la catastrophe…
Le film devient rapidement un huis clos, ce qui rappelle fortement le premier film de Sidney Lumet Douze hommes en colère. Point limite se déroule dans quatre lieux : la salle des cartes de l’état major, un bureau du Pentagone, le bunker du président et la cabine de pilotage de l’avion chargé de larguer la bombe. Il n’est pas simple de faire évoluer une action avec si peu de lieux, mais Sidney Lumet réussit cet exercice avec grandeur. Les décors paraissent aussi vrai que nature, on se croirait dans ces lieux interdits d’accès et dont on ne sait pas à quoi ils ressemblent réellement. L’écran géant qui montre en direct les mouvements des avions sont des images parfaitement animées.
La tension de ce thriller monte crescendo. Le montage est efficace, parfois avec un plan-séquence comme cette scène avec le président au téléphone et son traducteur qui ne dure pas moins de six minutes. D’autres fois les images défilent rapidement, comme la fin qui vous coupera le souffle. Le tout donne un superbe rythme, avec une réalisation magistrale de Sidney Lumet. Le film propose une réflexion politique sur la guerre mais aussi sur l’évolution d’une technologie qui nous enlève notre humanité.
Point limite est pratiquement réalisé en même temps que Docteur Folamour de Stanley Kubrick, avec Peter Sellers. Les similitudes sont évidentes : un huis clos sur le même sujet, une guerre nucléaire qui éclate après que les États-Unis bombardent l’URSS. Cependant, des différences existent. Ce qui déclenche la guerre dans Docteur Folamour est la folie d’un homme tandis que dans Point Limite, il s’agit d’une erreur inconnue. Tandis que Kubrick traite le sujet avec un ton satirique, Lumet a préféré utiliser une réflexion sérieuse. Même si la fin est identique, elle a été filmée différemment dans ces deux films réussis. En 2000, un remake de Point Limite est réalisé par Stephen Frears pour la télévision, avec entre autres, George Clooney et Richard Dreyfuss.
LE BLU-RAY
Le Blu-ray du film Point Limite est disponible chez Rimini Editions. Le visuel de la jaquette est original. On retrouve ce mélange de dessins avec les avions et ces photos extraites du film présentes dans le titre. Il est vendu dans un fourreau cartonné. Le menu est animé par ces avions dessinés et des extraits du film dans un cercle, rappelant les cibles de tir. Point limite n’ayant aucune bande originale, la musique du menu, sans doute spécialement composée pour l’édition, apporte fidèlement une ambiance oppressante.
Cette édition est riche en bonus. Cependant, il est fortement conseillé de les visionner après avoir découvert le film, afin d’éviter de connaître le dénouement dans les propos des intervenants.
Tout d’abord, si vous souhaitez en savoir un peu plus sur Point Limite, dans « Le style invisible de Lumet » (16′), réalisé par Stéphane Chevalier, vous retrouverez une interview de Jean-Baptiste Thoret. Ce spécialiste du cinéma américain revient sur le style de Sidney Lumet en prenant l’exemple de Point Limite. Avec des extraits, il analyse des plans, des séquences, le montage, le scénario et la manière dont le réalisateur aborde les thèmes.
Si votre curiosité n’est pas rassasiée, dans « Un monde sans lendemain » (36′), Jean-Baptiste Thoret revient en détails sur le parcours de Sidney Lumet, sa relation avec les acteurs, sa méthode de travail, la naissance du projet, sa vision du monde dans son cinéma à travers les thèmes abordés et la façon dont Point limite a été réalisé avec un petit budget. Thoret replace le film dans son contexte historique, politique et cinématographique. Ses analyses de séquences sont très intéressantes.
Dans le making-of (16′), nous retrouvons les témoignages du réalisateur Sidney Lumet, du scénariste Walter Bernstein, de l’acteur Dan O’Herlihy et de George Clooney (producteur du remake en 2000). Avec des extraits, ils replacent le film dans son contexte historique, l’analysent et livrent des anecdotes sur sa fabrication. Sidney Lumet revient sur le procès avec Stanley Kubrick tandis que George Clooney raconte pourquoi il a choisi de produire un remake. Ce making-of n’est disponible qu’en version originale avec des sous-titres français non imposés.
Le film peut être visionné avec le commentaire audio de Sidney Lumet. Ses propos sont passionnants. Le cinéaste donne sa propre vision du film, explique ce qu’il a voulu montrer aux spectateurs et livre des anecdotes sur la réalisation. Point limite n’aura plus aucun secret pour vous ! Ce commentaire audio est disponible en version originale avec des sous-titres français non imposés. Il est aussi possible de le visionner avec seulement les sous-titres des commentaires ou seulement l’audio.
L’interactivité se termine avec le film annonce en version originale. Même s’il n’est pas restauré, ce document reste intéressant.
L’image et le son
Avec cette édition, ce classique du cinéma américain peut être visionné pour la première fois dans une version Haute-Définition. L’image en 1920x1080p est sublime. Le film a eu droit à une belle restauration. Les poussières et autres parasites ont été complètement effacés de l’écran, laissant place à une image neuve. Le noir et blanc est éclatant.
Le son en mono DTS-HD a aussi eu droit à une admirable restauration. Avec un film de cette période, il est possible d’entendre des craquements comme ceux que font les vinyles, audibles surtout lors des silences. Ils ont été effacés nous offrant des bonnes conditions d’écoute du film, avec une sublime clarté. Point limite est disponible en français, avec un doublage intéressant : Henry Djanik, connu pour être la voix régulière d’Anthony Quinn, William Sabatier qui a doublé entre autres Richard Harris et Marlon Brando et enfin René Arrieu la voix d’Henry Fonda dans plusieurs films dont celui-ci. La version originale est aussi disponible en mono DTS-HD dans une qualité similaire à la version française. Les sous-titres français non imposés sont présents dans deux versions : la première avec seulement la traduction des textes présents dans le film et la seconde à destination du public sourd et malentendant ou pour le visionnage de la version originale.