Test Blu-ray / Péché véniel, réalisé par Salvatore Samperi

PÉCHÉ VÉNIEL (Peccato veniale) réalisé par Salvatore Samperi, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 5 décembre 2023 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Laura Antonelli, Alessandro Momo, Orazio Orlando, Lilla Brignone, Tino Carraro, Monica Guerritore, Lino Toffolo, Stefano Amato, Lino Banfi…

Scénario : Ottavio Jemma & Alessandro Parenzo

Photographie : Tonino Delli Colli

Musique : Fred Bongusto

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Dans la station balnéaire de Versilia où il passe ses vacances, le jeune Sandro passe le plus clair de son temps à feuilleter des revues érotiques et à observer les filles sur la plage. Son frère ainé contraint de s’absenter, il porte toute son attention sur Laura, sa belle-sœur, une femme terriblement attirante dont il est chargé de prendre soin. Et, effectivement, Sandro se montre tout particulièrement attentionné à l’égard de la belle Laura…

Aujourd’hui encore, Malicia (ou Malizia pour les puristes) de Salvatore Samperi, figure dans le top 20 des plus grands succès de l’histoire du cinéma en Italie, avec plus de 11,7 millions de spectateurs, ce qui lui avait valu la même année la troisième marche sur le podium, juste derrière les 21,7 millions d’entrées du Parrain et les 15,6 millions du Dernier Tango à Paris. Ce triomphe international allait faire de son actrice, Laura Antonelli, l’un des sex-symbols les plus célèbres des années 1970. La comédienne, peu avare de ses charmes (et quels charmes!) depuis le bandant (mais pas queue) Ma femme est un violon Il merlo maschio de Pasquale Festa Campanile, enfonce le clou avec le tordant (et turgescent) Sexe fou Sessomatto de Dino Risi. Mais Salvatore Samperi (1944-2009) a de la suite dans les idées, ou presque, autrement dit réunir les deux têtes d’affiche de Malicia, Laura Antonelli et Alessandro Momo, les mêmes auteurs, Ottavio Jemma (La Fille de Trieste, La Proie de l’autostop, Sacco et Vanzetti, L’Amour à cheval) et Alessandro Parenzo (Les Chiens enragés, Qui l’a vue mourir?), y compris le même compositeur, Fred Bongusto (Les Ordres sont les ordres, Venez donc prendre le café chez nous, Exécutions, L’Homme à la Ferrari). Toujours sous la houlette du producteur Silvio Clementelli (Les Adolescentes, Il Bidone), le réalisateur surfe bien sûr sur son hit précédent, prolonge les thèmes qu’il abordait précédemment. Intensément sensuel, Péché véniel est avant tout le récit d’apprentissage, sentimental et sexuel d’un adolescent de seize ans, qui n’est en aucun cas un copier-coller de Malicia, mais à (re)voir plutôt comme une version alternative, par ailleurs nullement redondante. Les deux longs-métrages se complètement parfaitement et Péché véniel repose aussi bien sur l’extraordinaire beauté de son actrice principale, mais aussi et surtout sur son jeu beaucoup plus fin, intelligent et pertinent qu’on avait bien trop souvent tendance à sous-estimer. Une très grande réussite.

Sandro, un adolescent de 16 ans, passe les vacances avec ses parents dans la station balnéaire de Versilia. Le père, colonel à la retraite, porte beaucoup plus d’intérêt à l’employée de maison qu’à son épouse, qui l’insupporte, lui préférant la compagnie de son chien. Il ne s’occupe pas davantage de son fils. Avec l’éveil de sa sexualité, Sandro passe son temps à feuilleter les revues érotiques, à lire des livres pornographiques et, à la plage, les corps des femmes qu’il observe en détail sont loin de le laisser indifférent. Des obligations professionnelles contraignent Renzo, le fils aîné, à écourter son séjour à Versilia chez ses parents mais comme Laura, sa femme, l’accompagnait, il la laisse dans sa famille et demande en particulier à son jeune frère de prendre soin d’elle. Il ne se doute pas alors qu’il jette son épouse dans les bras de son cadet. En effet, d’abord embarrassé et réticent à endosser ce rôle de chevalier servant, l’adolescent va peu à peu exercer son pouvoir de séduction sur sa belle-sœur d’une ingénuité mi-réelle, mi-feinte, confondante.

Salvatore Samperi multiplie les plans sur Laura Antonelli, sur ses yeux verts hypnotiques, sur ses courbes affolantes, mais aussi sur ses expressions silencieuses qui témoignent du trouble de Laura, auprès du jeune frère de celui qu’elle vient d’épouser. Mariée depuis cinq mois à Renzo (Orazio Orlando, vu dans Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon et La propriété, c’est plus le vol d’Elio Petri), mâle italien dans toute sa « splendeur » (macho, queutard et bouffon), Laura, jeune femme de 25 ans (une « vieille » pour Sandro) est sensible à la délicatesse, à l’innocence et à la gentillesse de son beau-frère, dont les hormones sont en train d’exploser. Nullement vulgaire (à l’exception de ceux qui entourent souvent Laura et Sandro), Péché véniel capte les moments suspendus, les regards qui en disent long, les gestes esquissés. La caméra colle au plus près de Laura Antonelli, fantasme ultime et intemporel, créature ange et démon, faisant ressortir l’animalité en chaque être humain, mise en contradiction avec une mélancolie omniprésente qui coulait dans les yeux de l’icône italienne.

Furieusement érotique, Péché véniel est pourtant une œuvre grave comme Le Blé en herbe de Colette, où les personnages se retrouvent dépassés par leurs sentiments, leurs pulsions, une attraction contre laquelle ils ne peuvent rien, qui les fait entrer en collision, tant physique et psychologique, avec laquelle ils devront vivre jusqu’à la fin de leurs jours. S’il connaîtra un succès plus « relatif » que Malicia avec 7,5 millions d’entrées, Péché véniel a remarquablement vieilli et demeure même sacrément moderne dans son propos, d’autant plus que la mise en scène de Samperi est aussi inventive que dynamique, soutenue par une superbe photographie du maestro Tonino Delli Colli.

Ne voulant pas s’enfermer dans un genre spécifique et voulant montrer qu’elle en avait sous le capot comme actrice, Laura Antonelli devait alors enchaîner de grandes collaborations avec Luigi Comencini (Mon Dieu, comment suis-je tombée si bas ?), Luchino Visconti (L’Innocent) et Mauro Bolognini (Black Journal). Quant au prometteur Alessandro Momo, qui la même année sera aussi à l’affiche du légendaire Parfum de femme – Profumo di donna, il mourra tragiquement quelques semaines après le tournage du film de Dino Risi dans un accident de moto. Il avait 17 ans.

LE BLU-RAY

Après Malicia, Sidonis Calysta revient à Laura Antonelli, en lui consacrant deux éditions DVD et Combo Blu-ray+DVD, pour Péché véniel et Malicia 2000 de Salvatore Samperi. Visuel forcément très attractif. Le menu principal est animé et musical.

Sur cette édition, ainsi que sur celle de Malicia 2000, l’éditeur fournit un documentaire consacré à la star de Malicia et de Péché véniel, intitulé Senza malizia et réalisé en 2021 par Bernard Bédarida et Nello Correale. 75 minutes dédiées à celle qui fut et qui est encore aujourd’hui considérée comme l’une des plus grandes stars en son pays. De multiples témoignages s’enchaînent sur un rythme soutenu, de la part de celles et ceux qui l’ont connu, côtoyé ou avec laquelle ils ont travaillé. Le plus touchant de ce film reste bien entendu l’apparition de notre Bébel national, interviewé peu de temps avant son décès et qui s’exprime, entre rire et larmes, sur celle avec laquelle il a vécu une grande histoire d’amour pendant près de dix ans. Interviennent également le réalisateur/acteur Michele Placido, le critique Valerio Caprara, le directeur de la photographie Paolo Carnera, le chanteur Simone Cristicchi, les comédiennes Francesca d’Aloja et Claudia Gerini, le cinéaste et journaliste Philippe Labro, l’acteur Giancarlo Giannini…Via des images d’archives, Claude Chabrol, Dino Risi, Luigi Comencinio, Edwige Fenech et bien d’autres célébrités apparaissent aussi dans ce documentaire-hommage qui dresse le portrait et retrace la carrière d’une femme marquée par une enfance difficile, sans doute dépassée par son statut de sex-symbol et dont la fin de vie sera aussi inattendue que bouleversante. Notons aussi la présence de diverses images de tournage, y compris de Docteur Popaul, encore inédit en DVD en France.

L’Image et le son

Péché véniel débarque en HD dans un nouveau master restauré. Les couleurs sont plutôt fraîches et la copie propre, ce qui permet d’apprécier la composition des plans de Salvatore Samperi, les décors, ainsi que la photographie de Tonino Delli Colli (Il était une fois dans l’Ouest, Le Nom de la rose). L’ensemble est quasi-irréprochable, dénué de toutes scories et de poussières, subtilement contrasté et très lumineux. D’emblée, la stabilité ne fait aucun doute, la définition demeure solide et le piqué, bien qu’aléatoire, est étonnamment tranchant sur certains gros plans. Évidemment, le grain cinéma est conservé, sans aucun fourmillement, la palette chromatique est naturelle, riche et chatoyante. Du très bon travail.

Les pistes italienne et française proposées ont subi un petit lifting. Un dépoussiérage bienvenu. Sans surprise, la version italienne apparaît plus fluide et naturelle que son homologue française, certes dynamique et au volume plus élevé. Les sous-titres français sont imposés.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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