OUT OF ORDER réalisé par Carl Schenkel, disponible en Blu-ray le 22 août 2023 chez Carlotta Films.
Acteurs : Götz George, Renée Soutendijk, Wolfgang Kieling, Hannes Jaenicke, Klaus Wennemann, Ralf Richter, Jan Groth, Kurt Raab…
Scénario : Carl Schenkel & Frank Göhre
Photographie : Jacques Steyn
Musique : Jacques Zwart
Durée : 1h27
Année de sortie : 1984
LE FILM
Un vendredi soir, à l’heure de fermeture des bureaux, quatre personnes se retrouvent bloquées dans le même ascenseur : Jörg, un publicitaire fringant ; Marion, sa ravissante collègue et ancienne maîtresse ; Gössmann, un comptable peu loquace parti avec la caisse ; et Pit, jeune coursier désinvolte. Comprenant rapidement que personne ne viendra à leur secours, ils décident de se libérer par leurs propres moyens, alors qu’ils se trouvent à cent mètres de hauteur. Mais l’entreprise s’avère périlleuse et des tensions surgissent bientôt au sein du groupe…
Du cinéaste suisse Carl Schenkel (1948-2003), on se souvient de l’excellent Face à face – Knight Moves (1992), prix de la critique au Festival du film policier de Cognac, probablement un des meilleurs opus avec Christophe(r) Lambert. Les plus pervers savent que c’est aussi à lui que l’on doit Tarzan et la Cité perdue – Tarzan and the Lost City (1998) avec Casper Van Dien et Jane March. Mais avant de débouler à Hollywood avec ses sabots en bois, Carl Schenkel, ancien journaliste et metteur en scène de publicités, avait fait parler de lui avec Abwärts (qui se traduit par vers le bas, en descendant), exploité en France et dans une grande partie du monde sous le titre Out of Order. Ce thriller singulier et claustrophobe réunit quatre personnes dans un ascenseur qui tombe en panne en début de soirée, alors que tout le monde (ou presque) est déjà parti en week-end. Sur ce postulat de départ, Carl Schenkel et son coscénariste Frank Göhre parviennent à maintenir l’intérêt du spectateur, à travers la psychologie de leurs protagonistes, opposés sur quasiment tous les plans, y compris un homme et une femme qui ont eu une brève liaison et qui ont gardé une certaine rancoeur l’un envers l’autre. Huis clos tendu et cynique (du style jusqu’ici tout va bien, mais l’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage), Out of Order est un tour de force à (re)découvrir.
Un vendredi soir, l’ascenseur d’un immeuble de bureaux de Francfort se bloque. Dans la cabine se trouvent le soi-disant publicitaire à succès Jörg, sa séduisante collègue Marion, le non conventionnel Pit et le comptable guindé Gössmann. L’incident passe apparemment inaperçu, les personnes prises au piège doivent accepter la situation malheureuse. Des tensions se développent rapidement entre Jörg et Pit, qui finissent par dégénérer en hostilité ouverte. C’est aussi parce que Marion, qui avait jusqu’à récemment une relation avec Jörg, et Pit se sentent attirés l’un par l’autre. Lors de la bagarre entre les deux hommes, Pit tombe de la verrière et glisse dans la cage d’ascenseur, où il est gravement blessé. Après qu’il s’avère que la mallette du comptable discret et passif est pleine à ras bord d’argent qui vient d’être volé à son entreprise, le gardien de la tour voit enfin l’alarme et appelle le service technique d’urgence. Mais sont-ils sauver pour autant ?
Quelque part, entre le 27è étage et le précipice…
C’est toujours un pari casse-gueule que de concentrer une poignée de personnages dans un lieu clos durant 85 à 90 minutes. Alors en plus s’il s’agit d’un simple ascenseur…Cette fois, ce n’est pas madame Musquin dans Le Père Noël est une ordure, Maurice Ronet dans Ascenseur pour l’échafaud, mais il semblerait que Carl Schenkel se soit inspiré de L’Ascenseur – De Lift de Dick maas, sorti l’année précédente et récompensé par le Grand Prix au Festival international du film fantastique d’Avoriaz. Carl Schenkel en reprend le décor principal, mais façon film d’auteur, en plaçant quatre individus opposés sur le plan social, culturel et même générationnel, histoire de les observer à la loupe, tel un entomologiste. Évidemment, Out of Order ne reste pas à l’intérieur de cette cage infernale et devant proposer des rebondissements, le réalisateur déplace ses protagonistes en dehors de cette prison de métal, leur offrant ainsi un ring fatal sur lequel ils peuvent s’affronter physiquement.
Götz George (1938-2016), qui incarne Jörg, en impose physiquement. Mondialement connu pour avoir campé le Commissaire Schimanski dans la série du même nom et dans Tatort, il est à la fois flippant et attachant dans ses contradictions, très mal alpha et en même temps colosse aux pieds d’argile qui voit rouge quand Marion lui échappe définitivement, étant attirée par le jeune Pit. La jeune femme est interprétée par Renée Soutendijk, passée à la postérité pour ses deux collaborations avec Paul Verhoeven, Spetters (1980) et Le Quatrième homme – De Vierde Man (1984). Sa présence fortement érotique est marquante dans Out of Order, pour sa relation trouble avec Pit, qui marque les débuts au cinéma de Hannes Jaenicke, que l’on a beaucoup vu en France dans de multiples DTV, du style Collider de Hansjörg Thurn, Le Triangle de l’apocalypse de Nick Lyon et Crash Point de Thomas Jauch. Le quatrième larron, qui ne parle pas des masses et observe ses partenaires s’échauffer est quant à lui joué par Wolfgang Kieling, vu dans Le Rideau déchiré d’Alfred Hitchcock et tout un tas de produits télévisés, dont la célèbre Clinique de la Forêt-Noire.
Comme des rats lâchés dans un labyrinthe sans issue, les rapports entre les êtres se tendent jusqu’au point de rupture, la sueur perle sur les visages, les beaux costumes se déchirent, se salissent de crasse, de graisse et de sang, des coups sont portés, les insultes sont échangées. Carl Schenkel redouble d’inventivité pour multiplier les anges de vue, aidé aussi par la beauté sèche et froide de la photographie du chef opérateur Jacques Steyn (les superbes Hors-la-loi de Robin Davis et Kill Me Again de John Dahl, ah oui et aussi de Cross de Philippe Setbon), qui enveloppe le quatuor d’une lumière crue dans la cabine, ou de noirs cauchemardesques et anxiogènes en dehors.
Gros succès à sa sortie, lauréat de nombreux prix à travers le monde, Abwärts a ensuite longtemps disparu des radars. Sa ressortie en version restaurée 4K devrait participer à sa résurrection, ce que le film de Carl Schenkel mérite largement.
LE BLU-RAY
Inédit en DVD et en Blu-ray dans nos contrées, Carlotta Films rend désormais disponible le film de Carl Schenkel dans ces deux formats. Très beau visuel. Le menu principal est fixe et musical.
Le premier bonus, réalisé en 2020, est un entretien avec le comédien Hannes Jaenicke (28’). Celui qui incarne Pit dans Out of Order, se souvient de ses premières difficultés en tant qu’acteur, de son implication sur le film et de son travail avec Carl Schenkel et les autres membres de l’équipe. Il passe ainsi en revue ses débuts au théâtre et au cinéma, explique comment il a décroché le rôle de Pit, ce qui l’obligeait à faire des allers-retours entre Munich et Bonn, sa vie se partageant alors entre le tournage de Out of Order et le théâtre. Très bel hommage rendu par Hannes Jaenicke à son ami Götz George, sur lequel il ne tarit pas d’éloges et avec qu’il a rejoué à plusieurs occasions, tout comme il encense aussi le travail, le perfectionnisme et la préparation (“le moindre plan était préparé des mois à l’avance”) de Carl Schenkel. Les anecdotes s’enchaînent et la psychologie de son personnage est également abordée.
Dans le second supplément, Le directeur de la photographie Jacques Steyn se remémore ses débuts, l’influence qu’a eue sur lui Robby Müller (Police fédérale, Los Angeles, L’Ami américain, Saint Jack) et sa relation professionnelle avec le réalisateur Carl Schenkel (18’30). Les conditions de tournage d’Out of Order, ses partis-pris esthétiques, les décors du film, les effets visuels, le succès et la pérrenité du film sont aussi les sujets abordés.
L’éditeur joint aussi la bande-annonce originale, ainsi que deux scènes coupées complètement anecdotiques.
L’Image et le son
Nouvelle restauration 4K pour Out of Order ! Le film de Carl Schenkel est sombre sombre et la Haute Définition restitue habilement la photo du chef opérateur Jacques Steyn. Les volontés artistiques sont donc respectées, sans aucune perte des détails ou même du piqué, y compris dans les scènes moins éclairées. Ce master demeure impressionnant de beauté, tant au niveau des contrastes que de la propreté. La colorimétrie froide est optimale, tandis que la texture du grain argentique est heureusement préservée et excellemment gérée.
Comme pour l’image, le son a aussi subi un dépoussiérage conséquent et la piste allemande DTS-HD Master Audio 5.1 distille ses dialogues et ses effets latéraux avec une redoutable efficacité. Le confort acoustique. La musique de Jacques Zwart, compositeur du superbe Laurin de Robert Sigl, profite d’une belle ouverture et aucun souffle sporadique n’est à déplorer. La version originale Mono est proposée pour les puristes. Un doublage français, de fort bonne tenue et tout aussi propre, est également disponible.
Crédits images : © Carlotta Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr