Test Blu-ray / Nevada Smith, réalisé par Henry Hathaway

NEVADA SMITH réalisé par Henry Hathaway, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD + Livre depuis le 12 septembre 2024 chez Sidonis Calysta.

Acteurs : Steve McQueen, Karl Malden, Brian Keith, Arthur Kennedy, Suzanne Pleshette, Raf Vallone, Martin Landau, Janet Margolin…

Scénario : John Michael Hayes, d’après le roman de Harold Robbins « The Carpetbaggers »

Photographie : Lucien Ballard

Musique : Alfred Newman

Durée : 2h05

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Le jeune cow-boy Max Sand est sur les traces des meurtriers de ses parents. Entraîné par Jonas Cord, un marchand d’armes, il devient un tireur aguerri et manie avec précision le Colt. Après plusieurs années de recherches, sous le nom de Nevada Smith, il va traquer chacun de ces trois malfrats dans les villes, les saloons et même en prison. Sans scrupule pour personne, Max est déterminé à assouvir sa vengeance.

Henry Hathaway (1898-1985). Un nom qui aujourd’hui encore plaît aux cinéphiles quand on l’évoque. Quelques titres viennent immédiatement en tête. True Grit 100 dollars pour un shérif (1969), qui valut à John Wayne le seul Oscar de sa carrière, Les 4 fils de Katie ElderThe Sons of Katie Elder (1965), Le Plus grand cirque du monde Circus World (1964), Niagara (1953), qui a participé au mythe Marilyn, L’Attaque de la malle-poste Rawhide (1951), Le Carrefour de la mort Kiss of Death (1947) et tant d’autres. Prolifique et éclectique, Henry Hathaway demeure toutefois célèbre pour ses westerns, genre dans lequel il s’est particulièrement épanoui et où il a pu imposer sa griffe, malgré la pression des studios. S’il a longtemps été considéré comme un simple « Yes Man », le cinéaste avait des préoccupations personnelles et le sujet de la violence est récurrent dans son œuvre. Nevada Smith est l’un de ses derniers films, mais reste furieusement moderne, non seulement dans ses thèmes, mais aussi dans son traitement. Certes, il faut accepter d’emblée que Steve McQueen interprète un « jeune » métis, alors qu’il est un blond aux yeux bleus de 35 ans, et que l’actrice qui incarne sa mère Kiowa paraît être sa petite sœur, mais peu importe finalement, car Henry Hathaway accroche le spectateur dès la première scène, très brutale, celle de l’assassinat des parents de Max Sand, qui prendra plus tard le pseudo de Nevada Smith, afin de ne pas être reconnu dans sa quête de vengeance. Magistralement mis en scène par le vétéran Hathaway, qui approchait les 70 piges, tourné entre la Californie, la Louisiane et l’Arizona, Nevada Smith est incontestablement l’un des meilleurs opus du réalisateur. On ose ? C’est même l’un de ses chefs d’oeuvres.

Après la mort de ses parents cruellement assassinés, Max Sand, un jeune métis décidé à les venger, part sur les traces des meurtriers. Recueilli par Jonas Cord un marchand d’armes, alors qu’il s’est fait voler ses seuls biens – son cheval et son fusil – il apprend avec lui les rudiments de la vie, c’est-à-dire à se servir d’une arme, à endurer la boisson et à déchiffrer l’écriture. Avant leur séparation, Cord prédit à Max qu’il n’aboutira dans son dessein que s’il adopte le comportement de ceux qu’il poursuit. Devenu cow-boy, Max obtient ses premiers renseignements d’une prostituée indienne originaire de la même tribu que sa mère. Grâce à elle, il retrouve le premier des hommes qu’il recherche, Jesse Coe, donneur de cartes dans un saloon. Les deux hommes s’affrontent alors dans un combat au couteau.

En 1966, Steve McQueen est sur le point de devenir une superstar. Certes, très demandé et convoité depuis les triomphes successifs des Sept Mercenaires The Magnificent Seven et La Grande évasionThe Great Escape de John Sturges, le comédien enchaîne les tournages, mais les rôles qui feront de lui un mythe hollywoodien ne sont pas encore arrivés. Juste avant La Canonnière du Yang-Tsé The Sand Pebbles de Robert Wise, L’Affaire Thomas CrownThe Thomas Crown Affair de Norman Jewison et Bullitt de Peter Yates, Nevada Smith va être une étape importante pour Steve McQueen, qui connaîtra un immense succès en Europe, y compris en France où le film attirera plus de 2,3 millions de spectateurs.

Celles et ceux qui l’ont toujours réduit à sa belle gueule devraient revoir Nevada Smith, dans lequel il signe l’une de ses meilleures prestations. On suit l’évolution de son personnage, anti-héros d’un roman d’apprentissage, lancé dans une quête initiatique, où Max va aller de rencontre en rencontre, des face-à-face qui feront de lui un homme. Ce qui va changer le cours de son destin est se retrouver face à un prêtre (Raf Vallone, Rosebud, Le Cid) qui prêche le pardon et la non-violence, chez qui Max trouve refuge. Après sa guérison, toujours décidé à mener à bien son projet, Max reste marqué par ce prêtre, qui lui aussi n’a pas été épargné par la vie, un trauma qui aurait pu faire de lui un autre assassin assoiffé de vengeance. C’est là que Max devient Nevada Smith, qui parvient à être engagé par Tom Fitch, le troisième meurtrier de ses parents, pour participer à l’attaque d’un convoi d’or. Un dernier pas à faire, soit en avant pour devenir pleinement comme ceux qui ont tué sa famille, soit en arrière, pour renoncer, accepter et ne pas franchir le point de non-retour.

L’une des grandes forces de Nevada Smith, outre sa prestigieuse distribution (Martin Landau, Karl Malden, Suzanne Pleshette, Pat Hingle, Brian Keith, Arthur Kennedy…), reste la belle place laissée à l’émotion. Si ce western contient évidemment son lot d’action, de gunfights et de bagarres, nombreuses sont les scènes émouvantes, voire bouleversantes, à l’instar de l’évasion dans les marais de Louisiane, où Pilar (sublime Suzanne Pleshette), mordue par un serpent, essaye d’aider Max à se sortir de cette végétation labyrinthique, tandis que la tension monte avec Bill Bowdre, le second assassin recherché. L’issue tragique emmène Nevada Smith au-delà du simple western.

Le film de Henry Hathaway est en réalité tiré d’un passage du roman de Harold Robbins, The Carpetbaggers et donc à la fois préquelle et spin-off d’un des deux personnages principaux du livre, par ailleurs adapté deux ans auparavant par Edward Dmytryk sous le titre français Les Ambitieux, avec Alan Ladd dans le rôle de Nevada Smith. Le scénario de John Michael Hayes (La Rumeur, L’Homme qui en savait trop, La Main au collet, Fenêtre sur cour) est un bijou, un modèle d’écriture, qui pourrait être aussi bien le sujet d’un film noir, genre par ailleurs souvent lié au western. La photographie du mythique chef opérateur Lucien Ballard (Le Maître des îles, Le Solitaire de Fort Humboldt, Will Penny, le solitaire, Les 4 fils de Katie Elder) est un ravissement de tous les instants, la musique d’Alfred Newman (J’ai le droit de vivre, La Cible humaine) agit comme un opéra et reflète tous les états d’âme du personnage principal.

On pourrait continuer longtemps ainsi en parlant de Nevada Smith, récit shakespearien dans l’âme, souvent cruel, mélancolique, une radiographie de la psyché humaine, sur son animalité. Une étape dans la vie de cinéphile.

LE MEDIABOOK

Nevada Smith a « voyagé » dans les bacs français, en DVD, depuis 2004 chez Paramount. Un peu plus de vingt ans après sa première édition Standard, le chef d’oeuvre de Henry Hathaway réapparaît et revient même par la grande porte, à travers un sublime Mediabook concocté par Sidonis Calysta. Nous y retrouvons le film en DVD, mais aussi pour la première fois chez nous le Blu-ray. Le livre de 48 pages rattaché à cette édition est écrit par Jean-François Giré, qui s’est fait visiblement plaisir, sentiment partagé lors de sa lecture. L’ouvrage, richement illustré, aborde Nevada Smith, ses thèmes, sa mise en scène, la psychologie des personnages, replace le film dans le western et dans le cinéma américain des années 1960 (à l’aube du Nouvel Hollywood et où le western italien avait pris le pas sur son modèle, même si pas encore arrivé aux États-Unis à cette époque), ainsi que dans la carrière du réalisateur et de Steve McQueen. Le casting est aussi passé au peigne fin. Une superbe édition, l’une des plus belles de 2024. Le menu principal est animé et musical. Collection Silver.

Celles et ceux qui auront lu le livre avant de visionner les bonus, retrouveront peu ou prou les mêmes arguments dans la présentation en vidéo de Jean-François Giré (22’). Ce dernier avait vu Nevada Smith au cinéma, alors qu’il était âgé de 11 ans, avec son père, et avoue qu’il avait été surpris par la violence du film. L’expert du western revient entre autres sur la carrière de Steve McQueen, dont la série Au nom de la loi avait triomphé surtout en Europe. La psychologie du personnage principal, la carrière de Henry Hathaway (marquée par le thème récurrent de la violence), la photographie de Lucien Ballard, et d’autres sujets (déjà abordés dans le livret donc) sont aussi les points abordés au cours de cet entretien.

Olivier Père nous parle à son tour de Nevada Smith (27’). Une intervention plus riche que la précédente, qui entre plus dans les détails quant à la production du film et qui analyse plus précisément ses thématiques. Le journaliste et critique de cinéma, directeur général d’ARTE France Cinéma, replace Nevada Smith dans la carrière de Steve McQueen, parle du producteur Joseph E. Levine, évoque longuement Henry Hathaway (« un réalisateur longtemps méprisé »), avant d’en venir à Nevada Smith (« un des derniers grands films du cinéaste »), ses thèmes, sa construction « épisodique ». La psychologie du personnage principal, son évolution, « son itinéraire moral », le casting, son très grand succès en Europe (ainsi qu’aux États-Unis), la photographie de Lucien Ballard, ainsi que son lien avec Les Ambitieux d’Edward Dmytryk, Olivier Père aborde tous ces sujets avec une érudition toujours impressionnante. Passionnant.

L’Image et le son

Sidonis Calysta livre un master HD qui permet aux spectateurs de redécouvrir Nevada Smith dans de magnifiques conditions. Les volontés artistiques du chef opérateur Lucien Ballard sont respectées, à l’instar de la texture argentique originale. Le confort de visionnage est indéniable, avec de très belles couleurs. Le piqué est flagrant, l’apport HD non négligeable sur très nombreux plans larges, les séquences sombres sont aussi bien définies que le reste, les noirs sont concis, les détails fort appréciables. N’oublions pas le relief des textures, la profondeur de champ inédite, la stabilité et la restauration très impressionnante. Blu-ray au format 1080p.

Les pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio sont de même acabit. Les deux versions délivrent leurs dialogues avec suffisamment d’ardeur et les ambiances annexes sont dynamiques. S’il fallait vraiment les différencier, la piste anglaise s’avère plus modérée, les voix des comédiens apparaissent plus fluides et les ambiances plus naturelles et homogènes. Dans les deux cas, aucun souffle intempestif n’est à déplorer, la propreté est de mise et la partition d’Alfred Newman est restituée avec efficacité.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Paramount Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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