MILLIE (Thoroughly Modern Millie) réalisé par George Roy Hill, disponible en DVD et Blu-ray le 14 mars 2023 chez Elephant Films.
Acteurs : Julie Andrews, James Fox, Mary Tyler Moore, Carol Channing, John Gavin, Jack Soo, Pat Morita, Philip Ahn…
Scénario : Richard Morris
Photographie : Russell Metty
Musique : Elmer Bernstein
Durée : 2h27
Date de sortie initiale: 1967
LE FILM
La jeune Millie décide de s’installer en ville pour changer d’apparence. Désormais, elle veut paraître plus moderne. Alors que son objectif est de devenir secrétaire et d’épouser son patron, Millie se lie d’amitié avec une jeune comédienne. C’est finalement celle-ci qui vit une aventure avec le patron de Millie.
Quand il met en scène Millie en 1967, George Roy Hill (1921-2002) n’est pas encore le réalisateur acclamé de Butch Cassidy et le Kid – Butch Cassidy and the Sundance Kid (1969), Abattoir 5 – Slaughterhouse – five (1972) et bien sûr de L’Arnaque – The Sting (1973) qui lui vaudra l’Oscar du Meilleur réalisateur. Il a déjà quatre films à son actif, dont Hawaï, avec Gene Hackman, Max von Sydow, Richard Harris et surtout Julie Andrews, alors la star n°1 aux États-Unis depuis Mary Poppins de Robert Stevenson, triomphe international pour lequel la comédienne a été couronnée par l’Oscar de la Meilleure actrice. Même si le montage d’Hawaï finit par échapper à George Roy Hill, Julie Andrews est ravie de leur collaboration et lui apporte Millie sur un plateau, étant donné que le cinéaste avait pour projet de créer une comédie musicale. Une fois n’est pas coutume, Millie n’est pas adaptée d’un spectacle de Broadway, mais un scénario original écrit par Richard Morris (qui se serait quand même lointainement inspiré de la pièce britannique Chrysanthemum montée en 1956), auteur du sympathique La Séductrice aux cheveux rouges – Take Me to Town (1953) de l’illustre Douglas Sirk. Il s’agit aussi et surtout d’un « film de producteur », en la personne de Ross Hunter, dont la carrière reste justement liée à celle du réalisateur allemand, puisqu’on lui doit entre autres Les Ailes de l’espérance, Demain est un autre jour, Taza, fils de Cochise, All I Desire, Mirage de la vie. Sous contrat avec les studios Universal, pour lesquels Julie Andrews venait de tourner Le Rideau déchiré – Torn Curtain d’Alfred Hitchcock, Ross Hunter présente un budget conséquent de 6 millions de dollars. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les moyens se voient à l’écran avec de magnifiques décors qui reconstituent les Années folles, non pas comme elles l’étaient réellement, mais comme elles apparaissaient dans les magazines de l’époque, clinquantes, insouciantes, colorées. On en prend plein les mirettes durant près de 2h30. Si elle n’est assurément pas la comédie musicale à laquelle on pense immédiatement, Thoroughly Modern Millie est un divertissement haut de gamme sur lequel trône l’impériale Julie Andrews.
En 1922 à New York, la garçonne Millie Dillmount débarque du Kansas, déterminée à trouver du travail comme secrétaire auprès d’un riche homme d’affaires, puis à l’épouser – un objectif « tout à fait moderne ». Millie se lie d’amitié avec la douce mais naïve Miss Dorothy Brown alors que cette dernière s’enregistre à l’hôtel Priscilla. La tenancière Mme Meers, apprend que Mlle Dorothy est orpheline. En réalité, à l’insu de Millie, la femme fait kidnapper ses locataires sans famille ni amis proches, destinées à devenir des esclaves sexuels en Chine. Lors d’une danse dite de l’amitié, Millie rencontre le vendeur de trombones insouciant Jimmy Smith, dont elle s’éprend instantanément. Cependant, elle poursuit son projet de travailler pour ensuite épouser son riche patron. Le destin met sur sa route la société Sincere Trust, tenue par le séduisant mais égocentrique Trevor Graydon, dont le profil correspond totalement à son « projet ». Jimmy l’emmène plus tard avec Miss Dorothy lors d’une sortie à Long Island, où ils rencontrent la veuve excentrique Muzzy Van Hossmere, pour laquelle le père de Jimmy travaillait comme jardinier. Millie commence à tomber amoureuse de Jimmy. Se rendant dans sa chambre pour le lui dire, elle le voit retrouver Miss Dorothy pour un rendez-vous nocturne, et suppose que les deux jeunes gens ont couché ensemble. Millie est encore plus déterminée à s’en tenir à son plan de départ et à épouser Trevor. Un matin, elle se rend au travail habillée en garçonne et tente de le séduire, mais ses efforts échouent. C’est alors que Trevor remarque Miss Dorothy et en tombe amoureux…
Après Mary Poppins et La Mélodie du bonheur – The Sound of Music, Julie Andrews est devenue l’actrice préférée des américains. Alors forcément, Millie a tout pour attirer les foules en ce mois de mars 1967. Le but était aussi d’inciter les spectateurs à éteindre leur poste de télévision, pour faire le déplacement dans les salles de cinéma. Le producteur bénéficiant du Director’s Cut sur le sol de l’Oncle Sam, Ross Hunter repense Millie comme un « très » grand spectacle, ajoute une ouverture en guise de pré-générique, ainsi qu’un entracte, étend quelque peu la durée du film en conservant une scène complètement dispensable à l’histoire, celle du mariage juif, qui n’apporte strictement rien, si ce n’est une autre chanson de Julie Andrews. Tout ceci n’empêche pas que Millie est et demeure une œuvre de George Roy Hill, qui redouble constamment d’idées de mise en scène (le gag récurrent de l’ascenseur qui ne fonctionne qu’en faisant des claquettes, les intertitres qui reflètent les véritables pensées de Millie avec Julie Andrews brisant le quatrième mur), impose sa virtuosité de directeur d’acteurs et ajoute sa pleine connaissance de la musique et de l’atmosphère des Roaring Twenties. D’une folle élégance, Millie ravit les yeux du début à la fin et emporte l’audience dans un tourbillon de couleurs bigarrées et de musique endiablée composée par Elmer Bernstein (Oscar en 1968). À ce titre, la photographie très papier glacé signée Russell Metty, dont le nom reste lui aussi attaché aux plus grands mélodrames de Douglas Sirk, est d’une beauté à couper le souffle.
Aux côtés de la splendide Julie Andrews, on retrouve l’impeccable James Fox (The Servant de Joseph Losey, Ces merveilleux fous volants dans leurs drôles de machines de Ken Annakin, La Poursuite impitoyable – The Chase d’Arthur Penn) dans le rôle du fantasque Jimmy, la belle Mary Tyler Moore (Des gens comme les autres), le lisse John Gavin (Pas de roses pour O.S.S. 117, Psychose), parfait dans la peau du bellâtre dont s’éprend Millie, puis Dorothy. Mais celle qui vole la vedette à chaque apparition est l’incroyable Carol Channing, chanteuse et star de Broadway, dont l’ébouriffante prestation sera très justement récompensée par le Golden Globe de la meilleure actrice dans un second rôle.
Burlesque et fabuleux hommage au slapstick, qui fait d’ailleurs une merveilleuse référence à Monte là-dessus ! – Safety Last! (1923) avec Harold Lloyd, mené à cent à l’heure avec une énergie contagieuse et d’une évidente modernité (oui bon, sauf dans sa représentation des méchants chinois et une conclusion qui ferait faire une syncope à Sandrine Rousseau), Millie mérite d’être largement redécouvert par les cinéphiles.
LE BLU-RAY
Disponible depuis le 14 mars 2023 en DVD et Blu-ray chez Elephant Films, Millie fait sa première apparition dans les bacs français. Belle jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur noire. Le menu principal est fixe et musical.
Serge Blumenfeld est de retour chez Elephant Films, pour nous présenter Millie (27’30). Une longue et passionnante intervention, qui donne de multiples indications sur le parcours singulier et la carrière prestigieuse de George Roy Hill, qui replace Millie au sein de sa filmographie, en évoquant aussi les thèmes récurrents à l’instar « des personnages qui sont dans leur rêve et en contradiction avec la réalité qui les entoure, avec souvent une vraie mélancolie, réelle mais cachée ». Ensuite, le critique et journaliste de cinéma du Monde partage ses connaissances sur la genèse et la production de Millie, en parlant aussi du casting, des partis pris, de la musique, ainsi que des éléments « représentatifs de l’époque du film », autrement dit les stéréotypes raciaux liés aux personnages chinois.
C’est au tour de Gilles Gressard, écrivain et historien, de nous donner son avis et d’autres informations sur Millie (22’). Vraisemblablement, l’invité d’Elephant Films est plus admiratif du film que Samuel Blumendelf, moins dans l’analyse aussi, et se contente souvent de donner moult informations sur la distribution du film de George Roy Hill, dont Carol Channing, sur laquelle il partage une anecdote personnelle, ayant vu l’interprète sur scène à Paris en 1995.
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Elephant Films nous présente un master entièrement restauré en 4K, précédemment édité aux États-Unis en 2021 chez Kino Lorber. Tous les espoirs sont comblés. L’édition en Blu-ray du film de George Roy Hill est un véritable feu d’artifice pour les yeux. Ce qui frappe d’emblée, c’est la richesse extraordinaire de la colorimétrie, ses teintes chatoyantes, la densité des contrastes et des noirs, la clarté aveuglante des séquences extérieures diurnes, le relief et la profondeur de champ abyssale notable dès les premiers plans. Les détails abondent au premier comme aux arrière-plans, sur les décors, sur les costumes, le piqué est véritablement tranchant. Un transfert immaculé et un lifting numérique miraculeux qui respecte les partis-pris originaux, y compris les incrustations pas forcément réussies quand les acteurs sont filmés sur fond bleu, où la texture argentique apparaît plus appuyée.
Deux mixages DTS HD Master Audio Stéréo anglais et français au choix. Nous ne saurons que trop vous conseiller la première option, plus homogène et détaillée, mais aussi fort convaincante sur les parties chantées. L’alternative française (sur les dialogues, pas sur les parties chantées) est beaucoup plus anecdotique, d’autant plus qu’elle n’évite pas certaines saturations. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr