
LES PROSCRITS DU COLORADO (The Outcast) réalisé par William Witney, disponible en DVD & Combo Blu-ray + DVD le 11 avril 2025 chez Sidonis Calysta.
Acteurs : John Derek, Joan Evans, Jim Davis, Catherine McLeod, Ben Cooper, Taylor Holmes, Nana Bryant, Slim Pickens…
Scénario : John K. Butler & Richard Wormser, d’après l’article de Todhunter Ballard
Photographie : Reggie Lanning
Musique : R. Dale Butts
Durée : 1h30
Date de sortie initiale : 1954
LE FILM
Ayant été dépossédé de son ranch par son oncle, Jet Cosgrave revient au pays pour récupérer son héritage. Pour préparer sa vengeance, il engage des hommes mais les choses se compliquent lorsqu’il tombe amoureux de la fiancée de son oncle…

Voici typiquement l’exemple parfait de la série B comme on l’aime. Les Proscrits du Colorado – The Outcast n’est peut-être qu’une goutte d’eau dans la carrière prolifique de William Witney (1915-2002), cinéaste actif de la fin des années 1930 jusqu’à 1982, oeuvant tout aussi bien à la télévision qu’au cinéma. Comédien, réalisateur de seconde équipe (chez Alfred Hitchcock, Henry Koster, Frank Lloyd), scénariste, monteur, William Witney ne vivait que et à travers la caméra. Si peu de cinéphiles sauront citer ne serait-ce qu’un seul de ses films, beaucoup méritent pourtant le détour à l’instar de 40 fusils manquent à l’appel – 40 Guns to Apache Pass (1966) et Représailles en Arizona – Arizona Raiders (1965) avec Audie Murphy, et même son adaptation fort sympathique d’un roman de Jules Verne, Le Maître du Monde – Master of the World (1961) avec Vincent Price et Charles Bronson. Son nom restera essentiellement lié au western, genre auquel il se consacrera y compris pour la petite lucarne à travers moult séries (The Cowboys, Le Virginien, Hondo, Bonanza, Laredo, Les Mystères de l’Ouest, La Grande caravane…). Mais rien de « télévisuel » dans Les Proscrits du Colorado, dont la mise en scène étonne par sa rigueur, sa sécheresse, sa virtuosité même et ce à de nombreuses reprises. Nous sommes ici dans le haut du panier du film à budget modeste et The Outcast s’avère un remarquable divertissement, mené à cent à l’heure, magistralement interprété et emballé par un artisan chevronné, qui a donné au serial ses lettres de noblesse. Une grande découverte.


Après une absence de huit années, Jet Cosgrave rentre au Colorado. Il entend reprendre possession du ranch de son père, illégalement récupéré par son oncle. Déterminé à utiliser la violence, il est accompagné de plusieurs fines gâchettes. Les accusations entraînent des représailles. Mais Jet peut compter sur l’aide et les sentiments de Judy Polsen, qui le sauve des sbires de son oncle. Les hostilités amènent les hostilités…


Capable de signer huit films en une année comme en 1950, William Witney met un peu la pédale douce avec un seul long-métrage en 1954…tandis qu’il enchaînait tout de même une trentaine d’épisodes de la série Histoires du siècle dernier. Cela lui permet sans doute de se concentrer plus sur la forme, Les Proscrits du Colorado bénéficiant d’un cadre soigné à chaque plan, par ailleurs photographié avec élégance par le chef opérateur Reggie Lanning (La Femme qui faillit être lynchée, Iwo Jima). On pense beaucoup à Allan Dwan devant The Outcast, qui rappelle les immenses réussites de Tennessee’s Partner – Le Bagarreur du Tennessee (1955) et Quatre étranges cavaliers – Silver Lode (1954), un cinéma de genre concis, sans fioriture, reposant un bijou de scénario.


Celui-ci est imputable à John K. Butler (Le Cri de guerre des Apaches de Jodie Copelan) et Richard Wormser (Chasse au gang de André De Toth), d’après une nouvelle de Todhunter Ballard. Les personnages sont immédiatement esquissés, mais l’ambiguïté n’aura de cesse de parcourir The Outcast. Ainsi, John Derek (Les Dix Commandements, À l’ombre des potences, La Belle et le Corsaire, L’Inexorable enquête, Les Ruelles du malheur), acteur sous-estimé et la plupart du temps réduit à sa belle gueule, est impeccablement dirigé et l’on sent constamment une colère noire derrière un visage fermé qui le rend difficilement (ceci est évidemment volontaire) attachant une bonne partie du film. Outre la belle et émouvante Joan Evans (Une balle signée X), il est ardu de détester pleinement le personnage incarné par l’excellent Jim Davis (futur Jock Ewing de Dallas et habitué du western), même si l’oncle Cosgrave a bien sûr beaucoup à se reprocher.


Les protagonistes ne sont pas réduits au minimum (Catherine McLeod est également magnifique et son rôle loin d’être un simple faire-valoir) et l’intrigue resserrée sur 90 minutes parvient à laisser pas mal de place à l’émotion, tout en contentant les spectateurs en mal d’action. La violence est omniprésente, brutale, comme cette scène où un père n’hésite pas à en venir au fouet pour punir sa fille qui fricote avec un jeune homme, plutôt que de s’occuper de la maison. Chacun a ses objectifs dans Les Proscrits du Colorado et n’hésite pas à avoir recours à la brutalité, au crime même pour pouvoir les remplir. Ou quand l’ombre de Shakespeare plane sur l’intrigue et les relations entre les personnages.


Produit et distribué par la Republic Pictures, The Outcast bénéficie d’un budget légèrement supérieur aux autres opus de la firme et cela se ressent. Le spectacle est total, prenant, passionnant.


LE BLU-RAY
C’est une première en DVD et Blu-ray en France en ce qui concerne Les Proscrits du Colorado, qui intègre directement la collection Silver chez Sidonis Calysta. Vous aurez le choix entre l’édition Standard ou le Combo Blu-ray + DVD. Très beau visuel. Le menu principal est animé et musical.

On ne le voyait plus beaucoup dernièrement, Patrick Brion a répondu à l’appel pour nous présenter Les Proscrits du Colorado (9’). L’historien du cinéma rend tout d’abord hommage à William Witney, réalisateur dont le nom reste indissociable de la Republic Pictures. « Un homme qui aimait le cinéma » dit Patrick Brion, qui a consacré sa vie et sa carrière à la mise en scène et dont Les Proscrits du Colorado reste un exemple de son savoir-faire. Le film est largement abordé, encensé même, le casting passé au peigne fin.

Au tour de Jean-François Giré de nous présenter Les Proscrits du Colorado (11’). « Une vraie surprise » dit l’expert en western, qui ne l’avait jamais vu et qui a découvert de grandes qualités à ce western de série B, « genre qui avait alors souvent mauvaise réputation ». Jean-François Giré aborde la carrière de William Witney, « qui apportait toujours beaucoup de personnalité à ses films, des idées formidables, un vrai savoir-faire ». La psychologie des personnages, l’efficacité et l’intelligence de la mise en scène, le casting sont aussi largement évoqués.

L’Image et le son
Le catalogue de Sidonis s’enrichit avec l’édition des Proscrits du Colorado et se voit affublé d’un très beau master restauré. La photo et les partis-pris esthétiques originaux sont superbement conservés, les contrastes sont denses et les fondus enchaînés n’entraînent pas de décrochages. Le générique affiche d’emblée une stabilité bienvenue, la définition ne déçoit jamais, les poussières n’ont pas survécu au lifting numérique, la profondeur de champ est appréciable, le grain cinéma est conservé sans lissage excessif, et le piqué demeure agréable tout du long.

L’éditeur nous propose ici les versions originale et française. Les mixages s’avèrent propres, dynamiques, et restituent solidement les voix, fluides, sans souffle. Le confort acoustique est largement assuré dans les deux cas avec d’impressionnantes envolées musicales sur la piste anglaise.




Crédits images : © Sidonis Calysta / Republic Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr