LES NUITS BRÛLANTES DE LINDA réalisé par Jess Franco, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 1er février 2022 chez Artus Films.
Acteurs : Alice Arno, Lina Romay, Verónica Llimerá, Paul Muller, Monica Swinn, James Harris, Catherine Lafferière, Angelo Bassi…
Scénario : Jess Franco & Nicole Guettard
Photographie : Gérard Brisseau
Musique : Daniel White
Durée : 1h17
Date de sortie initiale : 1975
LE FILM
Marie-France trouve un emploi comme nurse dans une famille française et puritaine résidant en Grèce, les Radek. Le père a assassiné autrefois son épouse adultère et vit dans le remords. A ses côtés, sa fille Linda, paralytique, et Olivia, sa nièce nymphomane. Et enfin, Abdul, l’homme à tout faire simple d’esprit. Les frustrations de la famille vont être chamboulées par l’arrivée de Marie-France…
Retour en arrière, il en est où l’ami Jess Franco en cette bonne année 1975 ? Tout va pour le mieux pour le réalisateur de 45 ans. Ce sera même un bon cru puisqu’il sortira sur les écrans plus d’une demi-douzaine de longs-métrages (oui oui, imaginez la cata si Christopher Nolan en faisant autant, ah vous avez peur hein), Les Gloutonnes (aka Les Exploits érotiques de Maciste dans l’Atlantide ou Maciste et les Gloutonnes), Les Chatouilleuses (ou Les Nonnes en folie), Exorcisme (Exorcisme et messes noires, L’Éventreur de Notre-Dame ou Expériences sexuelles au château des jouisseuses), sa version hardcore Sexorcismes, La Comtesse perverse (Les Croqueuses) et Les Nuits brûlantes de Linda, même si tourné deux ans auparavant, entre Le Journal intime d’une nymphomane et Le Miroir obscène. Ce dernier, également connu sous le titre Mais qui donc a violé Linda ? n’est pas le meilleur du cinéaste évidemment et s’avère même noyé dans la masse colossale de ses 200 mises en scène, mais comme toujours il y a du bon à prendre dans cet opus rapide de 75 minutes, notamment la présence de la sublime Lina Romay, alors âgée de 20 ans, qui en était encore au début de sa carrière et qui vole la vedette à ses partenaires, la rigide Alice Arno (L’Arrière-train sifflera 3 fois et Règlements de femmes à OQ Corral de Jean-Marie Pallardy) et Monica Swinn (Les Gardiennes du pénitencier d’Alain Deruelle, Train spécial pour Hitler d’Alain Payet, Draguse ou le manoir infernal de Patrice Rhomm). Si l’on devine immédiatement le pseudo-twist final, passer 1h15 en compagnie d’actrices aussi délicieuses et généreuses n’est pas ce qu’on peut qualifier de plus déplaisant, d’autant plus que Jess Franco et sa coscénariste Nicole Guettard (Deux espionnes avec un petit slip à fleurs, Célestine, bonne à tout faire, Les Possédées du diable) les plongent dans une histoire sordide teintée d’inceste. Bref, le metteur en scène ne prend pas forcément les spectateurs par la main pour ensuite les caresser dans le sens du poil (bien fourni), ce qui montre bien l’ambition jamais démentie de Jess Franco.
Au milieu des années 1970, Jesús Franco Manera est partout, ses pseudos Clifford Brown, J.P. Johnson, Jess Frank, A.L. Mariaux, Dan L. Simon et David Khunn aussi. Les idées, parfois les mêmes, reviennent de film en film, ainsi que les motifs identiques, quand ce ne sont pas les décors qui sont réutilisés, puisque cela arrivait très souvent que le réalisateur y tourne plusieurs films simultanément, en faisant ainsi des économies. Dans Les Nuits brûlantes de Linda, le postulat de départ est dramatique et un traumatisme psychologique va bouleverser une poignée de personnages. Ensuite, Jess Franco compile comme à son habitude les séquences de regards lascifs, les scènes érotiques, les gros plans gratuits et les zooms incessants, une de ses marques de fabrique. Mais cette production Eurociné pourrait cette fois être résumé par une de ses répliques : « Rien ne se passe, c’est toujours la même chose : Des femmes à poil ! Ça devient monotone ! Elles sont mignonnes, mais il y a des limites ! ».
Tout s’enchaîne un peu à la va-comme-je-te-pousse (ou comment je te culbute, c’est selon), on passe d’une enquête policière au viol d’une jeune handicapée par sa cousine nymphomane (ou bien est-ce sa sœur, ça reste vague en fait, d’ailleurs les personnages se confondent en écrivant cette chronique), tandis qu’Abdul le majordome, espionne ce qui se passe sous les draps, avant de se faire fouetter. Puis la folle du cul (Lina Romay donc), s’empare d’une banane qu’elle épluchera délicatement, avant de la manger posément devant la caméra. C’est très fin quoi et cette scène donnera naissance à certaines affiches des Nuits brûlantes de Linda. Quant au fruit lui-même, il faudra se tourner vers la version pornographique du film pour savoir ce que la charmante Olivia compte en faire réellement quand elle se retrouve au lit avec Linda…
Ça sent le système D à plein nez et pourtant, en dépit de ses grandes faiblesses et de son intérêt somme toute très limité, on ne peut s’empêcher une fois de plus d’avoir beaucoup d’affection pour ce film érotico-psychologico-déviant. Avec son montage quelque peu aux pâquerettes, aux coutures pour ainsi dire apparentes et sans souci d’une quelconque cohérence, Les Nuits brûlantes de Linda ne marquera pas les mémoires, mais dans l’immédiat remplit son cahier des charges (ou de décharges), avec ses ébats multiples, ses donzelles dénudées et la bouche gourmande de Lina Romay.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Nous en parlions lors de nos chroniques consacrées à Deux espionnes avec un petit slip à fleurs et Shining Sex, Les Nuits brûlantes de Linda rejoint la collection Jess Franco chez Artus Films, une première sortie en support physique pour cet opus quasi-inclassable, qui rejoint ainsi Tender Flesh, Célestine, bonne à tout faire, La Comtesse perverse, Plaisir à 3, Les Démons, Les Expériences érotiques de Frankenstein, Le Miroir obscène, La Fille de Dracula, Les Inassouvies, Le Trône de feu, 99 femmes, Justine ou les infortunes de la vertu, Sumuru, la cité sans hommes, Venus in Furs et Opération Re Mida (Lucky l’intrépide) au catalogue de l’éditeur ! Nous nous penchons donc cette fois sur Les Nuits brûlantes de Linda, disponible en combo Blu-ray + DVD. L’objet prend la forme d’un élégant Digipack à deux volets, glissé dans un fourreau cartonné au visuel élégant et très attractif. Le menu principal est fixe et musical.
Comme pour les deux autres titres sortis à la même date, Artus Films et Christian Lucas sont allés à la rencontre de Daniel Lesœur, fils de Marius Lesœur, fondateur d’Eurociné (17’). Aujourd’hui âgé de 80 ans, le producteur de Sexorcismes, Helga, la louve de Stilberg, Le Lac des morts vivants (« Promizoulin ! ») et bien d’autres classiques du « genre », partage ses souvenirs liés aux Nuits brûlantes de Linda. Le tournage en partie dans l’Essonne (dans des décors vus dans La Comtesse noire), les conditions des prises de vue, le casting, la personnalité de Jess Franco (« que l’on rejoignait avec plaisir le soir avec l’équipe pour manger tous ensemble »), les inserts pornographiques réalisés pour l’exploitation hard du film, les différents titres, les partis-pris (« une violence parfois morbide et un érotisme dur ») et la musique sont abordés au cours de ce module très sympa, malgré des redondances.
Nous trouvons ensuite une analyse précise, passionnante, pointue et très détaillée signée Stéphane Du Mesnildot, critique aux Cahiers du Cinéma. Habituellement spécialiste du cinéma asiatique, l’invité d’Artus Films livre une formidable présentation de Les Nuits brûlantes de Linda (22’). L’auteur de Jess Franco : Energies du fantasme (Rouge profond, 2004) y évoque le statut de Jess Franco, « un auteur à prendre au sérieux, qui possède des thèmes et des récurrences qui fonctionnent par répétition et des reprises d’un même canevas […] et plus on se promène dans son œuvre, plus on s’en rend compte ». Puis, le critique dissèque plus précisément le film qui nous intéresse aujourd’hui, avec ses titres, le casting, l’influence du Silence d’Ingmar Bergman, les rapports entre Eugénie de Sade (1974) et Les Nuits brûlantes de Linda, la psychologie des personnages, les inserts pornographiques, sa structure particulière et les intentions du réalisateur (« qui veut plonger les spectateurs dans un univers onirique, plus qu’érotique »).
L’éditeur nous fait plaisir une fois de plus, en nous livrant un bon quart d’heure de scènes additionnelles, issues du montage pornographique et interdites à un public mineur, y compris la fameuse scène de la banane, utilisée par Olivia pour dépuceler sa cousine Linda. On remarquera l’implication totale de Lina Romay pour ces séquences, dans lesquelles elle n’est pas doublée.
L’interactivité se clôt sur un large Diaporama et trois bandes-annonces, dont celle des Nuits brûlantes de Linda, comprenant des inserts pornos.
L’Image et le son
Bon…Les Nuits brûlantes de Linda a beau être présenté dans sa version intégrale et dans un master 2K restauré (2.35, 16/9), l’image reste parfois chaotique, avec moult rayures verticales, de nombreuses instabilités, des poussières diverses, des défauts de pellicule, des problèmes de définition multiples. On ne sait pas d’où sort cette copie, toujours est-il que celle-ci n’égale pas celle de Shining Sex et de Deux espionnes avec un petit slip à fleurs. Néanmoins, ce Blu-ray au format 1080p a au moins le mérite d’exister, ce n’est pas calamiteux non plus (les couleurs sont correctes, les contrastes affirmés), mais après la découverte des deux précédentes éditions Haute-Définition, la chute est assez brutale.
Seule la version française est disponible. Les craquements ne sont pas rares, ils sont même omniprésents, le confort acoustique s’en trouve donc perturbé avec diverses saturations. L’espace phonique se révèle suffisant avec des dialogues plutôt clairs. Comme il s’agit d’une version « raccommodée », certaines séquences (celle où Abdul est pris en flag en train d’espionner, les apparitions du flic et de la journaliste, Abdul fouetté) passent directement en anglais, certains passages étant d’ailleurs non sous-titrés à la fin du film.