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LES GENS D’À CÔTÉ réalisé par André Téchiné, disponible en DVD & Blu-ray le 3 décembre 2024 chez Jour2Fête.
Acteurs : Isabelle Huppert, Hafsia Herzi, Nahuel Pérez Biscayart, Moustapha Mbengue, Stéphane Rideau…
Scénario : André Téchiné & Régis de Martrin-Donos
Photographie : Georges Lechaptois
Musique : Olivier Marguerit
Durée : 1h25
Année de sortie : 2024
LE FILM
Lucie est une agente de la police technique et scientifique. Son quotidien solitaire est troublé par l’arrivée dans sa zone pavillonnaire d’un jeune couple, parents d’une petite fille. Alors qu’elle se prend d’affection pour ses nouveaux voisins, elle découvre que Yann, le père, est un activiste anti-flic au lourd casier judiciaire. Le conflit moral de Lucie entre sa conscience professionnelle et son amitié naissante pour cette famille fera vaciller ses certitudes…
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Né en 1943, le réalisateur André Téchiné n’a quasiment jamais arrêté de tourner depuis son premier long-métrage, Pauline s’en va, sorti à la fin des années 1960. S’il avait mis un peu de temps pour livrer son second opus (Souvenirs d’en France, 1975), le cinéaste a enchaîné au rythme d’un film tous les deux ou trois ans. La dernière fois qu’une œuvre d’André Téchiné a attiré plus d’un million de spectateurs c’était en 1993, avec Ma saison préférée, suivi de près par Les Voleurs (1996). Depuis, rares sont ses films qui ont dépassé les 300.000 entrées (Alice et Martin, Les Égarés, Les Temps qui changent, Les Témoins) et son dernier sursaut au box-office remonte déjà à 2014, avec l’excellent L’Homme qu’on aimait trop. Le metteur en scène s’est récemment fait une santé avec le beau succès rencontré par Les Gens d’à côté, boosté sans doute par la présence d’Isabelle Huppert en haut de l’affiche, avec laquelle André Téchiné avait collaboré en 1979 sur Les Soeurs Brontë. La star y donne réplique à Hafsia Herzi, avec laquelle l’alchimie est évidente. Les deux actrices sont formidables et solidement épaulées par le brillant Nahuel Pérez Biscayart, révélé en 2017 avec Au revoir là-haut d’Albert Dupontel et 120 Battements par minute de Robin Campillo, pour lequel il avait reçu le César du meilleur espoir masculin. Si comme bien souvent, le récit pâtit d’un romanesque quelque peu déplacé et de partis-pris qui peuvent parasiter entamer la crédibilité du propos, on s’attache petit à petit aux personnages, suffisamment complexes et qui prouvent qu’André Téchiné a encore des choses à dire sur la société d’aujourd’hui.
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Lucie, membre de la police scientifique, est veuve d’un policier qui s’est suicidé un an auparavant. Son quotidien solitaire est troublé par l’installation dans le pavillon voisin du sien d’un jeune couple avec une petite fille. Alors qu’elle se prend d’affection pour ses nouveaux voisins, elle découvre que le père, artiste peintre, est aussi un activiste anti-police avec casier judiciaire et assignation à résidence départementale. L’amitié de Lucie pour cette famille l’amène, malgré sa conscience professionnelle, à commettre un délit assez grave.
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S’il s’intéresse toujours aux questions qui secouent et divisent son pays, André Téchiné n’oublie jamais de faire du cinéma, en ancrant ses thèmes principaux dans un genre. Ici, c’est le polar ou le thriller qui sert de terreau, dans lequel le cinéaste plante son sujet et laisse ses protagonistes éclore, s’épanouir, se confronter, se développer et (sur)vivre. S’il a abandonné l’emphase qui pouvait alourdir beaucoup de ses films, André Téchiné y gagne en lisibilité et les motivations de ses personnages sont clairement plus tangibles. Le cinéaste traite du deuil impossible, adopte le point de vue des forces de l’ordre en évoquant la fragilité de certains de ses membres, dont le mal-être peut conduire au suicide (la scène inaugurale de manifestation policière est très impressionnante), tout en laissait la parole à un activiste, qui « justifie » ses actes en indiquant qu’il fait partie des militants politiques, « avec un mode radical de manifestations », qui vise avant tout les symboles du capitalisme. La rencontre de ce dernier avec une femme-flic, ne va peut-être pas changer la donne, mais va entraîner un dialogue que l’un et l’autre pouvait supposer être impossible.
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Lucie, qui a commencé sa carrière comme Gardien de la paix à 24 ans, avant de bosser à Police secours où elle s’occupait principalement des sans-abris, a ensuite bifurqué pour intégrer la police scientifique, où elle a fait le reste de sa carrière. En dépit du fait qu’elle a toujours critiqué les pressions exercées par la hiérarchie et le manque de moyens, Lucie a demandé une fois de plus à être prolongée, pour repousser encore son départ à la retraite. Cette femme d’un âge respectable est sortie de HP depuis 8 mois. Une hospitalisation nécessaire après le suicide de son adjoint et surtout compagnon. Les médecins ont donné leur accord pour qu’elle reprenne son travail et fasse sa demande de prolongation. Ce qui est accepté. C’est alors qu’emménagent un couple et leur fille, dans la maison qui jouxte la sienne. Lucie se lie d’amitié avec Julia, prof, maman de Rose et épouse de Yann. Au hasard d’une visite, Lucie découvre que ce dernier est non seulement un artiste qui commence à se faire un nom dans son milieu, mais surtout un activiste, condamné à plusieurs reprises, qui a pour interdiction de quitter le département après avoir été assigné à résidence. Lucie dissimule un temps son emploi et fréquente de plus en plus Julia, tout en s’occupant volontiers de Julia, n’ayant pas de petite-fille. Un jour, elle décide de dévoiler sa fonction à Yann, mais craint pour son amitié avec Lucie.
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André Téchiné aime filmer ses acteurs et il ne se prive pas pour observer Isabelle Huppert sous tous les angles, tout en mettant en valeur son éternelle jeunesse. Nombreux (trop sans doute) sont les plans qui la montrent en train de faire son jogging et sa gym, ou juste à observer ses voisins de son regard laser. Hafsia Herzi a peu à faire pour s’imposer aussi dans le rôle de Lucie et ses scènes avec sa partenaire sont indéniablement les plus belles du film. Si l’on est plus sceptique sur les moments oniriques où Slimane, le conjoint décédé de Lucie, vient lui « rendre visite », André Téchiné se rattrape dans la confrontation de la femme-flic et Yann, qui révèle la complexité de l’une et de l’autre, sans pour autant excuser les actes de l’activiste anti-flic.
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Il faut faire à nouveau confiance à André Téchiné, qui conserve donc sa « façon de faire » du cinéma et qui peut parfois agacer en ayant recours à certains artifices (même si ceux-ci sont propres au cinéma), mais qui sait où il veut non seulement emmener ses personnages, mais aussi ses spectateurs. Rarement, le sujet d’actualité lié à la police, la dépression qui touche le métier, mais aussi ses supposées déviances, a été ainsi abordé dans le cinéma hexagonal et le point de vue d’un auteur de plus de 80 printemps bénéficie d’une sagesse doublée d’une réflexion qu’il serait dommage de négliger.
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LE BLU-RAY
C’est la première fois qu’un film d’André Téchiné est édité par Jour2Fête. Le Blu-ray des Gens d’à côté repose dans un boîtier classique de couleur bleue, dans lequel est glissée la jaquette qui arbore le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est fixe et musical.
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Aucun supplément en vidéo, pas même la bande-annonce. En revanche, l’éditeur fournit un livret de 28 pages, comprenant un entretien avec André Téchiné, une interview d’Isabelle Huppert, une autre de Hafsia Herzi, ainsi que la filmographie du réalisateur, la liste artistique et la liste technique du film.
L’Image et le son
On ne change pas une équipe qui gagne et André Téchiné a de nouveau fait appel à l’excellent chef opérateur Georges Lechaptois (Les âmes sœurs, Rouge, Les Enfants des autres, Une fille facile, Proxima). Les contrastes sont denses et flatteurs pour les mirettes, la copie se révèle claire et lumineuse, le relief est appréciable, la colorimétrie chatoyante. Le piqué est parfois légèrement émoussé mais cela n’entrave en rien les conditions de visionnage qui demeurent plaisantes. Rien à redire, le moindre recoin du cadre large demeure splendide de précision sur les séquences diurnes tournées en extérieur. Ce Blu-ray est au format 1080p (AVC).
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La belle musique composée par Olivier Marguerit (La Nuit du 12, Diamant noir) est admirablement délivrée et spatialisée par le mixage DTS-HD Master Audio 5.1. Les voix des comédiens s’imposent sans mal sur la centrale, toujours clairs et distincts. Quelques ambiances naturelles parviennent à percer sur les latérales sur les séquences en extérieur, la balance gauche-droite est dynamique, même si le caisson de basses reste au point mort. La stéréo contentera ceux qui ne sont malheureusement pas équipés sur les arrières et demeure percutante. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.
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Crédits images : © Jour2Fête / Les Films du Worso / Roger Arpajou / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr