Test Blu-ray / Les Complexés, réalisé par Dino Risi, Franco Rossi & Luigi Filippo D’Amico

LES COMPLEXÉS (I Complessi) réalisé par Dino Risi, Franco Rossi & Luigi Filippo D’Amico, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 16 septembre 2025 chez Tamasa Distribution.

Acteurs : Nino Manfredi, Ilaria Occhini, Riccardo Garrone, Ugo Tognazzi, Claudie Lange, Paola Borboni, Alberto Sordi, Romolo Valli, Gaia Germani…

Scénario : Leonardo Benvenuti, Piero De Bernardi, Marcello Fondato, Ruggero Maccari, Ettore Scola, Dino Risi, Rodolfo Sonego, Agenore Incrocci, Umberto Scarpelli & Alberto Sordi

Photographie : Ennio Guarnieri & Mario Montuori

Musique : Armando Trovajoli

Durée : 1h40

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Film à sketches. Un timide qui ne parvient pas à déclarer sa flamme à sa collègue de travail, un professeur puritain obsédé par le film licencieux autrefois tourné par sa femme, un aspirant présentateur de journal télévisé doté d’une dentition hors-norme.

Le format du film à sketches remonte aux années 1930 avec Si j’avais un millionIf I had a Million, avec pas moins de sept réalisateurs à la barre, dont Ernest Lubitsch. Mais c’est durant la décennie suivante que le genre va véritablement exploser, principalement en Europe, outre-Manche avec le mythique Au coeur de la nuit Dead of Night, mais surtout en Italie avec Gli assi della risata (1943), premier film à sketches du parlant de l’autre côté des Alpes. Suivront rapidement Païsa et L’Amore de Roberto Rossellini. Nombreux sont les cinéastes qui vont s’engouffrer dans la brèche. L’un des maestri en la matière reste Dino Risi, qui signera l’un des segments de L’Amour à la villeL’Amore in città (1953), aux côtés de Michelangelo Antonioni, Federico Fellini, Alberto Lattuada, Carlo Lizzani (pour ne citer que ceux-là), Les Monstres I Mostri (1963) où il dirige tous les sketches, Les PoupéesLe Bambole (1964), auprès de Luigi Comencini, Franco Rossi et Mauro Bolognini, puis Les Complexés I Complessi (1965), codirigé avec Franco Rossi (1919-2000) et Luigi Filippo D’Amico (1924-2007). Ce dernier n’est sans doute pas le plus célèbre d’entre tous et pourtant, étrangement, il s’agit de l’un des films à sketches les plus réussis et équilibrés, dans le sens où les trois histoires qui le composent sont toutes très réussies.

Une journée décisiveUna giornata decisiva,réalisé par Dino Risi : Raganelli compte bien profiter d’un voyage d’entreprise pour dévoiler sa flamme à Gabriella. Celle-ci se montre réceptive, mais à force de tergiversations et reculades Raganelli va se retrouver entre les bras d’une autre, dont il n’est pas du tout amoureux.

Le Complexe de l’esclave nubienne – Il complesso della schiava nubiana, réalisé par Franco Rossi : Apprenant que son épouse a jadis tenu un petit rôle d’esclave nubienne dénudée dans un péplum, le puritain professeur Beozi tente de réparer cet impair en récupérant le film de la scène en question. La scène ayant été censurée, il doit aller le chercher dans les archives de la censure.

Guillaume « Dents longues » – Guglielmo il dentone, réalisé par Luigi Filippo D’Amico : Une chaîne de télévision organise un casting pour sélectionner le nouveau présentateur du journal télévisé. Bertone réussit tous les tests, mais sa denture chevaline pousse le jury à vouloir l’éliminer sans lui en révéler la cause. Bertone se révèle inébranlable.

Difficile de donner un ordre de préférence, même s’il est indéniable que le second segment est le moins « bon » du lot. Les guillemets sont de rigueur, car Le Complexe de l’esclave nubienne est quand même un festival Ugo Tognazzi, impeccable avec ses lunettes aux verres en cul-de bouteille, dans lequel il campe le très collet monté Pr. Beozi, qui en vient à vouloir mettre la main sur le négatif de la scène d’un péplum (Thor et les quatre reines nues) dans laquelle apparaît, dénudée, son épouse. Cela fait tâche dans une carrière politique, surtout que cet homme a l’habitude de tout contrôler, dans ses affaires, mais également chez lui. C’était aussi sans compter le fait qu’un playboy habitué des journaux à scandales, porte le même nom que lui, ce qui lui vaut d’être à chaque fois obligé de se défendre et d’assurer à la presse qu’on ne parle pas de lui. Devant les dégâts que pourrait occasionner cet événement, Beozi prend de l’avance et remonte les rouages de la chaîne, passe par les gens de la commission de censure qui ont vu la scène fatidique avant qu’elle soit rejetée. Mais comme il s’agit d’une coproduction italo-égyptienne, le négatif existe ailleurs.

Sur un scénario signé entre autres par Age & Scarpelli, Il complesso della schiava nubiana est mené sur un rythme trépidant, Ugo Tognazzi est de tous les plans et s’amuse dans la peau de ce « monstre » qui pense avant tout à son intérêt personnel. Franco Rossi, aujourd’hui complètement oublié, restera essentiellement célèbre en Italie pour avoir mis en scène Les Deux MissionnairesPorgi l’altra guancia en 1974, un des plus grands succès du tandem Terence Hill & Bud Spencer, au passage le seul film du duo à n’être jamais sorti en DVD/Blu-ray chez nous.

Du point de vue réussite sur tous les points, Dino Risi remporte la mise. Impeccable du point de vue réalisation, exploitation des décors, du cadre, scénario magistral de Marcello Fondato (Histoire d’aimer, Attention on va s’fâcher…, Six femmes pour l’assassin), Ruggero Maccari (La Carrière d’une femme de chambre, Le Sexe fou, Super témoin), Dino Risi et Ettore Scola et surtout l’immense interprétation de Nino Manfredi, souvent considérer à tort comme étant « le moins bon » des « cinq mousquetaires » de la comédie italienne. Il est sublime de retenue, pathétique, tellement attachant dans la peau du pauvre Ragnelli, qui, alors qu’il comptait profiter d’un voyage d’entreprise pour déclarer sa flamme à Gabriella (sublime Ilaria Occhini, vue dans Deux hommes dans la ville, Les Feux de la chandeleur), est vite rattrapé par sa timidité, sa maladresse et sa lâcheté, au point de terminer finalement la journée avec la moins jobarde de toutes. Succession de rebondissements, Une journée décisive est un vrai chef d’oeuvre à part entière et se clôt sur une note cinglante, où la porte d’entrée d’immeuble renvoie à celle d’une cellule qui se referme sur Raganelli. On ne saurait faire plus efficace.

Mais honnêtement, celui qui crève une nouvelle fois l’écran n’est autre qu’Alberto Sordi. Même si la mise en scène de Luigi Filippo D’Amico n’a pas la virtuosité de Dino Risi, d’ailleurs le réalisateur ne fera jamais rien de marquant au cours de sa carrière, nous n’avons d’yeux que pour l’« Albertone », qui signe d’ailleurs aussi le scénario aux côtés de son complice Rodolfo Sonego (Il Vedovo, Qui a tué le chat ?, L’Argent de la vieille, Détenu en attente de jugement). Une histoire en or, qui exploite à merveille chaque idée pendant près de quarante minutes. Si « complexé » il y a dans ce troisième sketch, ce n’est pas ce cher Bertone (même s’il n’aime pas trop son nez et donc son profil), on ne peut mieux dans sa peau et qui ne se rend pas compte que ses immenses dents (à côté celles de Fernandel sont des dents de lait) sont constamment moquées de la part de ceux pour qui il postule et qui pourtant admirent son intelligence, sa belle voix, harmonieuse, douce, sa belle tonalité, chaude et sympathique.

Un phénomène, dont l’élocution parfaite et son aisance à passer d’une langue à l’autre laissent pantois. Ne déviant jamais de l’objectif qu’il s’est fixé, fonçant tête baissée, sans savoir que tout le monde souhaiterait se débarrasser de lui, Bertone va réussir à s’imposer, sans jamais forcer les choses. Les dialogues touchent au sublime, Sordi, véritable typhon humain, emporte tout sur son passage, on rit à gorge déployée et en plus l’histoire n’a pas pris une ride.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Les Complexés avait fait sa première apparition dans les bacs en octobre 2013, dans la collection Les Maîtres Italiens SND chez M6 Vidéo. 2025, c’est Tamasa qu reprend le flambeau, en proposant cette fois ce grand film à sketches en Combo Blu-ray + DVD. Les deux galettes reposent dans un boîtier Digipack à deux volets, illustré aux couleurs de la collection. Le menu principal est fixe et musical.

Le premier supplément est une présentation du film par Diogo Serafim (16’). « Écrivain d’histoires jamais publiés et réalisateur de films jamais projetés, Brésilien expatrié en France qui entretient une relation obsessionnelle avec le cinéma » comme il se définit lui-même, Diogo Serafim est aussi critique. Il évoque ici le format du film à sketches, alors très prisé en Italie, qui connaissait un grand succès et qui attirait les plus grands noms, devant comme derrière la caméra. Il revient sur chaque partie des Complexés, en indiquant que sa préférence se tourne vers le troisième (« le plus passionnant et drôle »), pointe du doigt l’aspect un peu plus caricatural du second et trop outrancier dans sa mise en scène, tout en louant également la réalisation de Dino Risi pour le premier segment.

Tamasa reprend ensuite le retour sur la comédie italienne par René Marx, qui était déjà disponible sur le DVD M6 Vidéo en 2013 (28’). Un joli tour d’horizon que le journaliste et écrivain, également rédacteur en chef adjoint de L’Avant-Scène Cinéma et spécialiste du cinéma italien, propose au spectateur désireux d’en savoir plus. Les sujets, les réalisateurs, les comédiens, le contexte politique, social et économique, les plus grands fleurons du genre, les scénaristes emblématiques sont ensuite abordés. Puis, René Marx en vient plus précisément aux Complexés, en mettant en avant le segment réalisé par Dino Risi. Puis, René Marx clôt cette intervention en évoquant l’évolution et la fin du film à sketches, souvent représentée par Les Nouveaux Monstres.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Tamasa nous permet de voir ou revoir Les Complexés, jusqu’alors inédit en HD dans nos contrées, dans une belle copie. Fort d’un master au format respecté 1.85 et d’une compression sans failles, ce Blu-ray flatte souvent les rétines. La restauration est appréciable, la stabilité est de mise, les contrastes d’une densité souvent impressionnante, les gris riches, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé. Le piqué est même parfois assez tranchant et les détails étonnent par leur précision notamment dans le rendu des textures. Hormis de légers fourmillements et des décrochages, la copie reste solidement gérée tout du long.

Le confort acoustique est largement assuré par la piste mono d’origine. Seule la version italienne est disponible. Ce mixage affiche une ardeur et une propreté remarquables, créant un spectre phonique suffisant. Les effets et les ambiances sont nets, la musique mise en valeur bien que certains pics musicaux frôlent parfois la saturation. L’ensemble demeure homogène et les dialogues solides.

Crédits images : © Tamasa / SND (Groupe M6) / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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