LES BONNES CAUSES réalisé par Christian-Jaque, disponible en Édition Digibook Blu-ray + DVD + Livret le 14 octobre 2019 chez Coin de mire Cinéma
Acteurs : Bourvil, Marina Vlady, Virna Lisi, Pierre Brasseur, Umberto Orsini, Jacques Monod, Mony Dalmes, Jacques Mauclair, Josés Luis De Vilallonga, Jean-Lou Philippe, Robert Vidalin…
Scénario : Paul Andréota, Christian-Jaque d’après le roman de Jean Labourde
Photographie : Armand Thirard
Musique : Georges Garvarentz
Durée : 1h52
Date de sortie initiale : 1963
LE FILM
Un riche industriel meurt à la suite d’une piqûre intraveineuse. Un produit toxique a été substitué à celui devant être injecté. Sa femme Catherine Dupré fait inculper la jeune et modeste infirmière qui a réalisé l’injection. Elle utilise, pour ce faire, Maître Cassidi, un avocat puissant et célèbre, capable de faire acquitter et condamner qui il veut, et dont elle va devenir la maîtresse…
« La justice n’a pas d’ami. Sa pendule retarde quelquefois, mais son heure finit toujours par sonner. »
De Christian-Jaque, ou de son vrai nom Christian Maudet (1904-1994), la presse et la critique retiennent très souvent de ce réalisateur prolifique ses œuvres populaires comme Les Disparus de Saint-Agil (1938), L’Assassinat du père Noël (1941), Fanfan la Tulipe (1952) et La Tulipe noire (1964). Pourtant, cette filmographie éclectique de près de 80 longs métrages, téléfilms et séries télévisées – réalisés en cinquante ans de carrière – dissimule encore et toujours des petits trésors cachés derrière ses grands succès, à l’instar de Si tous les gars du monde (1956), première apparition au cinéma de l’immense Jean-Louis Trintignant. C’est aussi le cas des Bonnes causes, sorti sur les écrans français en avril 1963. Drame policier, mais aussi intense réflexion sur le fonctionnement et les erreurs de la justice, Les Bonnes causes flirte avec le thriller psychologique et étonne encore aujourd’hui par sa rudesse, son ton désabusé, sa noirceur, en montrant le monde des juristes pourri de l’intérieur. Porté par un casting de luxe, le film de Christian-Jaque, adapté d’un roman éponyme de Jean Laborde (écrivain et chroniqueur judiciaire à France-Soir), est exceptionnel, un chef d’oeuvre à réhabiliter.
Gina est l’infirmière dévouée de Paul Dupré, riche industriel soigné pour des problèmes cardiaques. Dupré meurt brutalement lors d’une injection faite par Gina et, aussitôt, son épouse Catherine accuse Gina avec l’aide du célèbre avocat Charles Cassidi qui est aussi son amant depuis peu. Gina se trouve défendue par un avocat débutant, Me Philliet. L’enquête est menée par le juge d’instruction Albert Gaudet. Très vite Gaudet trouve que trop de coïncidences ou d’incohérences accablent Gina, que la connivence et la liaison avérée entre Catherine Dupré et Cassidi sont troublantes, d’autant que Cassidi a écrit X articles sur le crime parfait. Mais quand Gaudet croit avoir trouvé le témoin nécessaire pour confondre Catherine Dupré, celui-ci perd ses moyens face à Cassidi qui sait pourtant que Catherine Dupré est coupable.
Dans Les Bonnes causes, Bourvil aborde une nouvelle fois le registre dramatique. Si ses rôles comiques lui ont valu ses plus grands succès et sa popularité, on oublie trop souvent ses prestations plus sombres dans La Traversée de Paris de Claude Autant-Lara, qui lui a valu la Coupe Volpi de la meilleure interprétation masculine au Festival de Venise en 1956, Les Misérables (1958) de Jean-Paul Le Chanois dans lequel il interprète un redoutable Thénardier, Le Miroir à deux faces (1958) d’André Cayatte où il est bouleversant. A la fin des années 1950, deux adaptations de Marcel Aymé, Le Chemin des écoliers de Michel Boisrond et La Jument verte de Claude Autant-Lara lui donnent encore l’occasion de démontrer tout son potentiel, loin des « Crayons » et de « La Tactique Du Gendarme ». Ce qui est étonnant dans Les Bonnes causes, c’est de voir que son personnage, le juge d’instruction Albert Gaudet, annonce celui du commissaire Matteï que Bourvil tiendra sept ans plus tard dans Le Cercle rouge de Jean-Pierre Melville. Cela est d’autant plus flagrant lors d’une courte scène où l’on voit le juge seul chez lui, devant son assiette, regardant la télévision. Quelques secondes qui résument la vie personnelle d’Albert Gaudet. Bourvil ne cesse d’étonner dans ce rôle froid. Un personnage en apparence dur, mais qui se révèle par strates et auquel on s’attache à mesure que l’enquête avance. Quand il en aura assez de toute cette parodie de justice, Gaudet demandera à être dessaisi. Croyant en ses convictions, le juge se rendra lui-même au tribunal, pour témoigner au procès, pour la vérité, l’intégrité et la justice. La plaidoirie de Bourvil dans les dernières minutes du film est extraordinaire.
Ses autres camarades de jeu n’ont rien à lui envier. Pierre Brasseur, monstre du cinéma français, est ici à la fête et se délecte de ses répliques vachardes. Son personnage maître Cassidy est celui par lequel Christian-Jaque s’en prend violemment à la justice en montrant un avocat cynique (« Tu as peur d’un homme qui habite rue Marcadet et qui prend le métro en seconde classe ? ») qui n’hésite pas à travestir la vérité et donc à tromper la justice, dans un intérêt personnel et dans celui de sa maîtresse, incarnée par la vénéneuse et mante religieuse Marina Vlady. Le cinéaste montre le jeu féroce et cruel qui se joue derrière les faux-semblants. Honnête et homme de valeurs, le juge d’instruction Gaudet fera tout pour démontrer que Gina (sublime Virna Lisi) est victime de manipulations machiavéliques. Christian-Jaque dévoile que le procès n’est qu’un théâtre de marionnettes dont le spectacle est rôdé et pensé à l’avance, puisque même le verdict et la sentence semblent déjà connus de la part des juristes.
Le réalisateur signe ici un véritable tour de force et ce dès le prologue réalisé en caméra subjective. La mise en scène est formidable (et superbe photo d’Armand Thirard), les comédiens remarquables, les répliques signées Henri Jeanson (alors mis à mal par les prétentieux de la Nouvelle Vague) sonnent comme des coups de tonnerre et le propos des Bonnes causes n’a rien perdu de sa férocité plus de 55 ans après sa sortie.
LE DIGIBOOK
Nous voilà rendus au quatrième titre de la troisième vague éditée par Coin de Mire Cinéma. Comme nous en sommes à la moitié, nous allons effectuer un rappel. L’éditeur a été pour nous la révélation de l’année 2018. Fondateur de la structure indépendante Coin de mire Cinéma, Thierry Blondeau est un autodidacte, un cinéphile passionné et grand collectionneur (plus de 10.000 titres dans sa DVDthèque) qui a décidé de se lancer dans le marché de la vidéo dans le but d’éditer des films qu’il désirait voir débarquer dans les bacs depuis longtemps. Prenant son courage à deux mains, essuyant le refus de la plupart des éditeurs qui riaient devant son projet, Thierry Blondeau ne s’est jamais découragé. Son envie et son amour infini pour le cinéma et le support DVD/Blu-ray ont porté leurs fruits. La collection « La Séance » était née et nous avons eu la chance de la couvrir entièrement depuis ses débuts réalisés le 22 octobre 2018. Inédits en Blu-ray, les titres Coin de Mire Cinéma sont édités à 3000 exemplaires.
Chaque restauration est assurée en collaboration avec le CNC et chaque titre annoncé au tarif de 32€, disponible à la vente sur internet (sur le site de l’éditeur) et dans certains magasins spécialisés à l’instar de Metaluna Store tenu par l’ami Bruno Terrier, rue Dante à Paris.
L’édition prend la forme d’un Digibook (14,5cm x 19,5cm) suprêmement élégant. Le visuel est très recherché et indique à la fois le nom de l’éditeur, le titre du film en lettres d’or, le nom des acteurs principaux, celui du réalisateur, la restauration (HD ou 4K selon les titres), ainsi que l’intitulé de la collection. L’intérieur du Digibook est constitué de deux disques, le DVD et Blu-ray, glissés dans un emplacement inrayable. Une marque est indiquée afin que l’acheteur puisse y coller son numéro d’exemplaire disposé sur le flyer volant du combo, par ailleurs reproduit dans le livret. Deux pochettes solides contiennent des reproductions de dix photos d’exploitation d’époque (sur papier glacé) et de l’affiche du film au format A4. Le livret de 24 pages de cette édition se compose également de la filmographie de Christian-Jaque avec le film qui nous intéresse mis en surbrillance afin de le distinguer des autres titres, de la reproduction en fac-similé des matériels publicitaires et promotionnels et d’articles divers. Le menu principal est fixe et musical.
Si vous décidez d’enclencher le film directement. L’éditeur propose de reconstituer une séance d’époque. Une fois cette option sélectionnée, les actualités du moment démarrent alors, suivies de la bande-annonce d’un film, puis des publicités d’avant-programme, réunies grâce au travail de titan d’un autre grand collectionneur et organisateur de l’événement La Nuit des Publivores.
L’édition des Bonnes causes contient donc les actualités de la 16e semaine de l’année 1963. Au programme de ces infos nous retrouvons la rébellion militaire à Buenos Aires, le naufrage d’un sous-marin américain ayant emporté plus de 120 soldats, la visite d’un musée insolite consacré à l’histoire du fer à repasser, le lancement de la Foire du Trône, avant de faire un petit détour par les Antilles (9’).
Ne manquez pas les formidables réclames de l’année 1963 avec les glaces Pivolo, Total et La Vache qui rit (6’).
L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces.
L’Image et le son
Sublime restauration 4K effectuée à partir du négatif original, par le laboratoire Hiventy ! D’emblée, la copie nous apparaît étincelante, des noirs denses côtoient des blancs immaculés et la palette de gris est largement étendue. La restauration est exceptionnelle, aucune scorie n’a survécu au nettoyage numérique et le piqué est bluffant. Les séquences diurnes s’avèrent resplendissantes, luminescentes même, et profitent clairement de l’apport HD. La stabilité est de mise et les détails étonnent par leur précision. La photo du chef opérateur Armand Thirard (Quai des Orfèvres, Le Salaire de la peur) n’a jamais été aussi éblouissante et le cadre large brille de mille feux.
Le film de Christian-Jaque bénéficie d’un écrin acoustique DTS-HD Master Audio 2.0 qui, sans surprise, met en valeur à la fois les magnifiques dialogues du film signés Henri Jeanson ainsi que le splendide thème musical de Georges Garvarentz. Les effets sont précis, aucun souffle n’est à déplorer et les plages de silence sont limpides. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.