LE TUEUR S’EST ÉVADÉ (The Killer Is Loose) réalisé par Budd Boetticher, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 23 août 2023 chez Rimini Editions.
Acteurs : Joseph Cotten, Rhonda Fleming, Wendell Corey, Alan Hale Jr., Michael Pate, John Larch, Dee J. Thompson, John Beradino, Virginia Christine, Paul Bryar…
Scénario : Harold Medford, d’après une histoire originale de John Hawkins & Ward Hawkins
Photographie : Lucien Ballard
Musique : Lionel Newman
Durée : 1h10
Année de sortie : 1956
LE FILM
Leon Poole est un employé de banque méprisé par ses pairs. Un jour, il se fait complice de truands qui braquent l’établissement. Lorsque les policiers viennent le débusquer chez lui, le détective Sam Wagner tue sa femme par erreur. Après des années à purger sa peine, Poole s’évade et n’a qu’une idée en tête : tuer la femme de Wagner pour se venger.
Quand on lui évoque Budd Boetticher, le cinéphile pense immédiatement à ses westerns et plus particulièrement au légendaire cycle Ranown, les sept collaborations entre le réalisateur et l’acteur Randolph Scott. Juste avant Sept Hommes à abattre – Seven Men from now, le cinéaste revenait au film noir avec Le Tueur s’est évadé – The Killer is Loose après quelques westerns dont l’excellent Le Déserteur de Fort Alamo et À feu et à sang – The Cimarron Kid, un des premiers opus avec Audie Murphy. La même année qu’Un si doux visage d’Otto Preminger, Le Quatrième homme de Phil Karlson et les exceptionnels L’Énigme du Chicago Express et L’Homme à l’affût d’Edward Dmytryk, Budd Boetticher se livrait de son côté à un exercice de style rapide, sec, nerveux, qui va droit au but et qui vaut la peine d’être connu pour son personnage de criminel, solidement interprété par Wendell Corey, alors au sommet de sa carrière, puisqu’il venait d’enchaîner avant Le Tueur s’est évadé, Le Grand couteau de Robert Aldrich et Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock. « Ce n’est pas un tueur ordinaire », indiquait une des affiches d’exploitation et effectivement Leon Poole est étonnamment bouleversant dans The Killer is Loose et Corey parvient même à voler facilement la vedette à Joseph Cotten, qui avait pourtant derrière lui Niagara, Le Troisième Homme, Le Portrait de Jennie, L’Ombre d’un doute, La Splendeur des Amberson et bien sûr Citizen Kane. C’est dire si Le Tueur s’est évadé mérite toute l’attention du passionné de polars rétros, dont l’atmosphère et même le scénario font penser à un western moderne.
Modeste employé de banque, Leon Poole, surnommé Foggy avec mépris par celui qui était son sergent à l’armée, aide une bande à organiser un braquage dans l’établissement où il travaille. Bien vite découvert, il est acculé dans son appartement, mais, au cours de son arrestation, le détective Sam Wagner tue malencontreusement la femme de Poole, le seul être qui savait l’apprécier. Condamné à dix ans de prison, puis, grâce à sa bonne conduite, placé dans une ferme de réinsertion, Poole s’évade. Dès lors, il n’a plus qu’une seule idée: puisque Wagner a tué sa femme, il doit tuer la femme de Wagner. Adroitement, il se glisse entre les mailles du filet tendu par la police afin d’accomplir sa vengeance. En cavale, il abat plusieurs personne. Wagner envoie sa femme chez une amie pour la protéger, mais elle décide de revenir à la maison seule tandis que Poole s’en approche.
70 minutes montre en main, pas une once de gras, chaque cadre étant pensé, réfléchi, structuré et par ailleurs superbement photographié par Lucien Ballard (Laura, L’Ultime Razzia, Le Roi et Quatre Reines, La Horde sauvage et bien d’autres). En quelques secondes, Budd Boetticher installe une ambiance pesante, plante le décor, des personnages inquiétants et qui ont l’air d’attendre un moment précis pour passer à l’action. Principalement en décors naturels à Los Angeles et à Culver City, Le Tueur s’est évadé est un plaisir de tous les instants, une leçon de mise en scène, de direction d’acteurs et de montage. La concision du récit d’Harold Medford (Le Fantôme de la Rue Morgue, Berlin Express) d’après la nouvelle The Killer Is Loose de John et Ward Hawkins (qui feront leur beurre avec La Petite maison dans la prairie, Bonanza et Le Virginien) est retranscrite par la composition des plans, de la géographie des lieux, la disposition des protagonistes dans l’espace, à l’instar de la préparation du braquage qui ouvre le film. N’oublions pas la partition de Lionel Newman (L’Étrangleur de Boston, Le Génie du mal, Bravados) qui participe aussi à la mise sous tension du film et ce jusqu’à l’acte final, ébouriffant de suspens et entré dans l’histoire du genre criminel.
Enfin, un des atouts majeurs et non des moindres du Tueur s’est évadé est la présence de la sublime Rhonda Fleming, une des rousses incendiaires du septième art (Règlements de comptes à O.K. Corral, Deux rouquines dans la bagarre, Le Bagarreur du Tennessee, La Cinquième Victime), magnifique dans le rôle de Lila Wagner, apparemment une classique femme au foyer des années 1950, qui prend de l’épaisseur à mesure de l’avancée du récit, jusqu’à devenir le point central du dernier acte. Si l’on peut sans doute reprocher aujourd’hui une ou deux scènes un peu trop bavardes, il serait dommage de passer à côté du Tueur s’est évadé qui peut se targuer d’être un vrai modèle d’un genre disparu mais ô combien précieux du cinéma hollywoodien, ainsi qu’une référence pour le profil psychologique de son assassin.
LE COMBO BLU-RAY + DVD
Le Tueur s’est évadé est une nouveauté dans les bacs, que l’on doit à Rimini Éditions, qui à cette occasion rend disponible le film de Budd Boetticher en DVD et Blu-ray, deux disques réunis dans un Combo très élégamment illustré par l’affiche originale. Digipack à deux volets. Le menu principal est animé et musical.
Déjà vu sur l’édition HD du Souffle de la tempête, Simon Gosselin, doctorant en études cinématographiques à l’Université de Rennes 2, nous présente Le Tueur s’est évadé (31’). Une assez longue et surtout pertinente intervention, qui nous propose tout d’abord un beau tour d’horizon de la carrière de Budd Boetticher (dont le cycle Ranown), avant d’en venir plus précisément au film qui nous intéresse aujourd’hui. Les motifs qui annoncent les westerns à venir du réalisateur, l’évolution du film noir, l’importance du personnage féminin, l’accueil critique, le casting et la figure du tueur sont aussi les points analysés au cours de ce module évidemment indispensable.
L’Image et le son
Rimini Éditions paraît reprendre le même master HD édité aux États-Unis chez ClassicFlix depuis 2017. Le Blu-ray au format 1080p présente une copie qui n’est pas de première fraîcheur, mais qui est très propre et surtout qui tente de restituer du mieux possible les partis pris du talentueux directeur de la photographie Lucien Ballard (Les 4 Fils de Katie Elder, 7 secondes en enfer, Baïonnette au canon, Jack l’éventreur). L’échelle de gris est suffisamment riche, l’ensemble peut-être un peu sombre, mais ce sont les scènes nocturnes qui s’en sortent le mieux avec des noirs plus riches et des détails étonnamment plus ciselés. Le piqué est aléatoire, les fondus enchaînés s’accompagnent de décrochages de la définition, la texture argentique est préservée (parfois assez appuyée), les gros plans plutôt riches. Un bon 14/20 au final vu la rareté du film de Budd Boetticher.
The Killer is Loose est présenté en DTS-HD Master Audio Mono 2.0 qui présente de légers signes de distorsion, notamment durant le générique d’ouverture. Cependant, le confort acoustique est largement suffisant et les dialogues sont clairs.
Crédits images : © MGM / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
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