Test Blu-ray / Le Piège du diable, réalisé par Frantisek Vlácil

LE PIÈGE DU DIABLE (Dáblova past) réalisé par Frantisek Vlácil, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 4 février 2025 chez Artus Films.

Acteurs : Vítezslav Vejrazka, Miroslav Machácek, Cestmír Randa, Vít Olmer, Karla Chadimová, Vlastimil Hasek, Frantisek Kovárík, Jaroslav Moucka…

Scénario : Frantisek A. Dvorák & Milos Václav Kratochvíl, d’après le roman d’Alfred Technik

Photographie : Rudolf Milik

Musique : Zdenek Liska

Durée : 1h25

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

Moravie, fin du XVIe siècle. Entre deux ravages des troupes suédoises et des périodes de sécheresse, le meunier Mlynár jouit d’une certaine popularité auprès des habitants de son pays. Il est serviable, et a, en outre, le don de trouver les sources. Le régent Valce, jaloux de la position du meunier, va faire courir des rumeurs sur ce dernier : il ne peut qu’être épaulé par le Diable. De plus, il va mandater un prêtre, Probus, afin de mener une enquête sur lui et sa famille.

Il est là, le premier volet de ce que la critique baptisera plus tard la Trilogie historique de Frantisek Vlácil (1924-1999). Le Piège du diable Ďáblova past (1962), qui sera donc suivi Marketa Lazarová (1967), adaptation du roman de Vladislav Vančura et de La Vallée des abeilles Údolí včel (1968) est une plongée directe dans un « conte étrange » comme nous le présente une voix-off en début de film, un de ceux où le Diable joue avec le destin des hommes. En découvrant l’une des œuvres charnières du cinéaste tchèque, on se rend compte à quel point le cinéma d’Ingmar Bergman a été non seulement un catalyseur, mais aussi une référence pour Frantisek Vlácil. Le réalisateur suédois avait déjà signé Le Septième Sceau Det Sjunde inseglet, La Source Jungfrukällan et L’Œil du diable Djävulens öga auxquels les cinéphiles les plus pointus penseront forcément devant Le Piège du diable. Regorgeant d’idées de mise en scène, aujourd’hui encore ébouriffantes, à l’instar de ces plans où la caméra semble voler et qui annoncent certains plans-signatures à la Sam Raimi ou Jan Kounen, Le Piège du diable est un cadeau pour les grands amateurs de septième art, où la forme l’emporte sûrement sur le fond, qui peut rester hermétique.

Le film se déroule au début du XVIIe siècle. Le régent de Valeč n’aime pas Spálený, le meunier local, que la population locale respecte énormément. Spálený connaît bien les terres locales, mais sa famille est soupçonnée de sorcellerie en raison d’un incident survenu des générations auparavant. Lorsque les soldats suédois arrivent et pillent les terres, ils brûlent également le moulin, mais Spálený et sa famille survivent miraculeusement. Probus, un prêtre fanatique, est invité à enquêter sur Spálený. Probus tente en vain de retourner la population locale contre Spálený. Probus et le Régent tentent alors de capturer Spálený, mais il disparaît dans un complexe de grottes sous le moulin.

Sans doute plus facile d’accès que Marketa Lazarova, mais moins passionnant que La Vallée des abeilles, Le Piège du diable, réalisé seulement deux ans après La Colombe blanche, est un sacré tour de force et impose Frantisek Vlácil parmi les réalisateurs les plus ambitieux du cinéma européen (pour ne pas dire mondial) des années 1960. Avec un budget que l’on imagine serré, surtout quand on le compare au second volet de la trilogie, ce drame historique teinté de fantastique, où un simple meunier doit répondre de ses actes devant la Sainte Inquisition, le metteur en scène multiplie les angles insensés, expérimente aussi sur le son. Le Piège du diable est une leçon de cinéma. La photographie de Rudolf Milič est à se damner (avec le diable), la musique de Zdenek Liska (L’Incinérateur de cadavres, La Colombe blanche et qui officiera sur la Trilogie historique) agit comme une séance d’hypnose, le montage de Miroslav Hájek (Trois noisettes pour Cendrillon, Au feu les pompiers !, Happy End) contribue à l’aspect surnaturel du film en appuyant le côté onirique ou cauchemardesque du récit.

La distribution ne dira rien aux spectateurs français, même si certains acteurs seront vus par la suite dans La Vallée des abeilles, chez Karel Zeman, Juraj Herz, Ota Koval. Des visages méconnus, mais parfaits, qui contribuent au réalisme du Piège du diable. Les éléments tiennent une grande place dans l’histoire, le feu des enfers étant constamment opposé à l’eau du meunier, qui devient la raison du courroux du régent et donc la suspicion de l’église. Une eau comme qui dirait tirée du Styx, et pour laquelle le meunier risque d’être condamné. Le Piège du diable joue sur ce suspense, sur cette opposition entre le fanatisme religieux et la science, entre la croyance et le pragmatisme. La mise en scène de Frantisek Vlácil se place du côté du meunier, mais une grande partie des plans suggère tout de même un regard extraordinaire, divin, merveilleux, comme si le personnage principal était observé, pardonné, soutenu, protégé.

En 85 minutes, le cinéaste condense tous ces sujets, suggère, use de la métaphore, fait appel à l’intelligence des spectateurs, auxquels il est demandé une attention particulière, mais qui peuvent aussi et avant tout se laisser à leurs propres émotions et leur ressenti personnel. Le Piège du diable est un poème visuel de chaque instant, constitué de vers esthétiques passionnants à disséquer après la projection et auxquels on repense sans arrêt.

LE COMBO BLU-RAY + DVD

Un an et demi après avoir édité Marketa Lazarova et La Vallée des abeilles, Artus Films revient au réalisateur František Vláčil, en éditant ses deux premiers longs-métrages, La Colombe blanche (1960) et Le Piège du diable (1962). Les deux disques du Combo Blu-ray + DVD du Piège du diable reposent dans un Digipack à deux volets, glissé dans un superbe fourreau cartonné. Le menu principal est fixe et musical.

Aux côtés d’un Diaporama d’affiches et de photos, Artus propose une présentation en vidéo par Christian Lucas (25’). Ce spécialiste en la matière, avait déjà passé en revue l’intégralité de l’oeuvre de František Vláčil à travers un livre disponible dans l’édition de Marketa Lazarova. Christian Lucas était donc la personne qu’il fallait pour nous présenter Le Piège du diable, tâche dont il s’acquitte comme d’habitude royalement. Celui-ci replace le film qui nous intéresse aujourd’hui dans la carrière du réalisateur, explore la genèse du long-métrage, les conditions et les lieux de tournage sont évoqués, ainsi que le casting, les thèmes du film, l’accueil critique.


L’Image et le son

Ce master HD présenté par Artus a beau avoir été restauré, des couacs demeurent. Certes, le lifting a sans doute eu lieu, mais n’a guère été poussé. Des fourmillements sont constatés, ainsi que diverses poussières, des rayures verticales, des raccords de montage et la texture argentique paraît parfois trop lissée. Les contrastes sont corrects (sans décrochage chromatique), suffisamment denses et les gros plans regorgent de détails.

Seule la version tchèque est présentée ici. Aucun souci de ce côté-là, les dialogues ne manquent pas de coffre, mais c’est à la musique que cet écrin acoustique profite le plus. Les effets annexes sont bien plantés.

Crédits images : © Artus Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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