LE FAUCON réalisé par Paul Boujenah, disponible en DVD et Blu-ray depuis le 24 janvier 2018 chez LCJ Editions
Acteurs : Francis Huster, Guy Pannequin, Maruschka Detmers, Anastacia Menzel, Vincent Lindon, Agnès Jaoui, Isabelle Nanty, Audrey Dana…
Scénario : Alain Attal, Paul Boujenah, Hubert Attal
Photographie : Bernard Zitzermann
Musique : Therese Walton, Del Rabenja
Durée : 1h23
Date de sortie initiale : 1983
LE FILM
Depuis l’accident qui a coûté la vie à sa femme et plongé sa fillette dans le coma, Frank Zodiak est un être brisé et un flic fini, cantonné aux travaux administratifs. Chaque matin, chaque soir, il se rend à l’hôpital, parle à sa fille et lui apporte une peluche. Un matin, alors qu’il achète un nounours en compagnie d’une jeune inspectrice, un homme fait irruption dans le magasin, tue la jeune femme et s’enfuit avec un gamin en otage. Ce truand, Zodiak le connait bien : il s’agit de Gus, un tueur fou qui, quelques années auparavant, a abattu deux policiers sous ses yeux sans qu’il puisse réagir. Une longue course-poursuite s’engage entre les deux hommes…
C’est un film culte, un vrai, qui est devenu une référence auprès des spécialistes du nanar. On a devant nos yeux ébahis une des plus grandes comédies involontaires du cinéma français. Le Faucon sous-titré « Il n’a jamais tué » est réalisé, ou plutôt filmé, par Paul Boujenah frère de Michel, qui avait déjà commis Fais gaffe à la gaffe ! deux ans auparavant, adaptation officieuse de Gaston Lagaffe. Cette fois, il s’attaque au polar, au thriller, au film burné et couche sur papier une histoire sombre, en collaboration avec les deux frangins Attal, Paul et Alain. Ces jeunes hommes d’environ 25 ans, probablement élevés aux films de Don Siegel et d’Henri Verneuil, décident un jour de faire un cocktail avec des ingrédients piochés ici et là, de secouer tout ça et de (dé)verser cette mixture aux spectateurs alors que La Balance de Bob Swaim avait cartonné quasiment un an auparavant et que le film venait de remporter trois César, dont celui du meilleur film début 1983 ! Aujourd’hui, plus de 35 ans après sa sortie, Le Faucon est considéré à l’unanimité comme l’un des pires films français de tous les temps, mais aussi et surtout comme l’un des films de chevet des amateurs de nanars.
Le Faucon est un long métrage pour lequel le spectateur conserve une immense affection puisqu’il apporte tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un film de ce « genre », autrement dit un divertissement décalé, drôle, hilarant même, qui enchaîne les scènes cultes comme des perles sur un collier et qui compile tout ce qu’il ne faut pas faire au cinéma. Autrement dit, n’ayons pas peur des mots, Le Faucon est un chef d’oeuvre, un immense moment de drôlerie dans lequel Francis Huster, alors premier degré, croit à fond à son personnage et à son jeu. Non, ce n’est pas un plaisir coupable, car cette expression ne veut absolument rien dire, si ce n’est pour les spectateurs qui n’assument pas leurs goûts. C’est un fantastique plaisir de cinéma, inconscient, accidentel et irréfléchi certes, mais largement conseillé et à avoir vu au moins une fois dans sa vie.
Frank Zodiak se réveille brusquement. Depuis trois ans c’est le même cauchemar : il revoit l’accident qui a brisé sa vie avec la mort de sa femme. Sa fille, elle, est toujours plongée dans le coma. Comme chaque matin, il va directement à l’hôpital. Rétrogradé parce qu’auteur d’une bavure, celui qu’on appelait « le faucon » pour son efficacité est un homme fini. Le tueur fou, Gus, celui qui fut responsable du hold-up meurtrier au cours duquel Zodiak avait hésité à tirer, va se trouver à nouveau sur sa route. Un nouveau face à face commence. Mais à travers cette poursuite meurtrière, c’est non seulement Gus que poursuit Zodiak, mais aussi la possibilité d’effacer la mort de sa femme et le coma de sa fille. Mais de nouveau le tueur s’échappera, de nouveau Zodiak sera blâmé, de nouveau tout s’écroulera, jusqu’à ce que le Faucon se réveille.
Tout du long, Francis Huster, mâchoire serrée, même quand il court en moulinant des bras, réalise un festival de grimaces et de répliques à côté de la plaque. Après un générique interminable de plus de trois minutes faisant défiler les credits sur un fond noir et une musique jazzy qui rappelle les grands moments d’Hollywood Night sur TF1 (rendez-vous des coquins en deuxième partie de soirée le samedi), une très longue séquence expose l’accident qui a coûté la vie à la nana (Maruschka Detmers, la même année que Prénom Carmen de Jean-Luc Godard, grand écart) de ce pauvre Francis et plongé sa fillette dans le coma, ce qui est probablement mieux pour elle vu qu’elle ne se rendra pas compte du désastre à venir. Une scène très mal filmée et montée qui annonce déjà le bouzin, le tout prenant un faucon comme témoin. Jusqu’à ce que Francis se réveille, habillé, les yeux hagards, le menton crasseux. On le suit alors dans son pavillon où les détritus s’amoncellent. Francis se rase, se regarde dans le miroir, boit un coca, dessine, tandis que le saxophone s’affole toujours autant. Il se souvient alors d’un repas pris avec sa nana dans un fastfood où ils avaient commandé près d’une trentaine de « hambourgueurs », avant de se rouler des pelles aromatisées à l’oignon. Certains « auront toujours Paris », Francis aura toujours son « hambourgueur ».
S’ensuit une visite de sa môme à l’hôpital, un petit détour au commissariat où celui qu’on appelait alors le Faucon s’ennuie en prenant les dépositions de putes et de maquereaux, tout en envoyant chier une ancienne maîtresse qu’il éconduit en lui disant « Bon écoute, j’vais t’dire quelque chose, toi et moi j’en ai rien à foutre, rien à foutre. On a baisé deux fois et alors ? J’étais nul ! Complètement nul ! Le cul j’en ai rien à glander. Tu t’imagines si elle se réveille et qu’il y a une autre femme avec moi ? Elle sait même pas qu’sa mère est morte ! Si elle savait elle aurait pas envie de se réveiller. Tu sais ce qui m’intéresse ? Là, maintenant là, en ce moment ? C’est d’savoir si le mari de la girafe on dit le girafe ou une girafe… ». Séquence émotion avec notre Francis qui regarde au loin et sa partenaire qui ne sait pas si elle doit rire ou pleurer. Nous, nous sommes déjà hilares.
Le film prend la forme d’une course-poursuite pendant une heure, suite à l’arrivée inopinée de malfaiteurs dont la voiture est entrée dans la vitrine d’un magasin de jouets où déambulait notre Faucon. Et c’est parti pour soixante minutes quasiment ininterrompues de course à pied, de poursuite en voiture (« Suis la caisse rouge ! File-moi tes chocolats ! »), dans un hammam, dans les rues du XVIIIe arrondissement, jusqu’au règlement de comptes final dans l’ancienne Cinémathèque Française. Le tout, avec une petite pause « hambourgueur » pour éviter à ce cher Zodiak (puisque c’est son nom) la crise d’hypoglycémie, surtout après avoir rudoyé son collègue interprété par un débutant du nom de Vincent Lindon. Une scène immensément culte, souvent citée sur les sites et dans les livres consacrés aux nanars.
En réalité, Le Faucon apparaît comme un remake étendu de la scène de poursuite entre Jean-Paul Belmondo et Giovanni Cianfriglia dans Peur sur la ville, quand Letellier suit Marcucci dans les rues de Paris, avant que les deux hommes se retrouvent face à face dans le métro. Ici, Zodiak crache ses poumons, toujours en tenant son gros calibre, empruntant moult chemins de traverse, tout en aidant un armurier à mitrailler sa vitrine pour faire marcher l’assurance. Ce bon samaritain essaye également de suivre son adversaire Gus Sabor jusque dans les passages les plus escarpés et dangereux. Il est évident que Francis Huster avait Bebel dans la tête en tricotant des gambettes jusqu’à plus soif, allant même jusqu’à invectiver une passante qui lui dit de sauter d’un pont (ce que vient de faire le truand, comme un professionnel), Zodiak (qui essaye maladroitement de se redresser) lui répliquant alors « J’suis pas Belmondo ! ». A voir pour le croire.
A la base, Le Faucon, produit par Jacques Dorfmann (futur réalisateur du non moins culte Vercingétorix : La Légende du druide roi avec Christophe – Hin hin hin – Lambert) est le récit d’un flic traumatisé qui trouve le chemin de la rédemption. Au final, il s’agit d’une immense comédie portée par un acteur de génie (où apparaissent aussi les jeunes Agnès Jaoui et Isabelle Nanty dans leur premier film), vraisemblablement convaincu de participer à néo-polar violent, qui allait encore se surpasser dans le fantastique Parking de Jacques Demy deux ans plus tard. A sa sortie en septembre 1983, le film réalise un joli score dans les salles avec 750.000 entrées. Un succès qui ne s’est jamais démenti, mais dont les raisons ont muté. Le Faucon « Il n’a jamais tué », à l’exception des spectateurs, alors morts de rire. Et cela fait un bien fou.
LE BLU-RAY
Le Faucon est disponible en DVD et en Blu-ray chez LCJ Editions. En Haute-Définition ! Le Faucon ! La jaquette sobre est glissée dans un boîtier classique de couleur noire (contrairement à notre visuel), dont le visuel dissimule le visage de Francis Huster. Le menu principal est animé sur une séquence du film.
Seul supplément de cette édition, l’interview de mister Huster himself (33’) ! Pendant plus d’une demi-heure, le comédien, les yeux écarquillés et se pensant peut-être sur scène, revient sur l’ensemble de sa carrière (théâtre, cinéma, télévision), sur ses rencontres déterminantes, sur ses premiers souvenirs au cinéma (il cite forcément Gérard Philipe à plusieurs reprises), déclame tout son amour pour Bourvil et Raimu, compare Isabelle Adjani et Isabelle Huppert, tout en revenant également sur ses projets et quelques minutes sur Le Faucon. Voici un petit florilège de cet entretien, chaînon manquant entre JCVD période cocaïnée et Francis Lalanne période à laquelle il aurait dû en prendre :
« Le réalisateur a eu les couilles pour faire ça ! D’ailleurs le film a été un gros succès. »
« On a su imposer une nouvelle figure de flic ! »
« Mes filles n’ont jamais vu Le Faucon. J’ai hâte de savoir ce qu’elles vont en penser grâce à cette sortie en Blu-ray ! »
« Un homme et son chien a cartonné à la télévision en Belgique. Les critiques étaient positives. C’est devenu un petit film culte. »
« Je suis fier de 80% de mes films. »
« J’essaye de comprendre ce que je pourrais peut-être apporter au cinéma. Je prépare mon retour. » « Après mon triomphe à la télévision, ma carrière au cinéma va enfin pouvoir commencer ! J’ai hâte ! »
Une expérience à part entière qui complète celle du Faucon !
L’Image et le son
Le Blu-ray du Faucon est au format 1080i. La copie est très propre, hormis quelques fils en borde de cadre et de petits points noirs. Paul Boujenah étant probablement trop occupé avec sa direction d’acteurs, il n’est pas rare de constater quelques problèmes de mise au point, occasionnant évidemment divers plans flous, ce qui ajoute une « plus-value » au résultat final. La gestion du grain est aléatoire, tout comme celle des contrastes et de la colorimétrie, assez terne, emblématique des partis pris craspecs des polars français de l’époque. Le master HD est également stable et trouve au final un équilibre convenable, surtout au niveau des gros plans qui la plupart du temps ne manquent pas de détails.
La piste Dolby Digital Stéréo manque de dynamisme et les dialogues parfois d’intelligibilité. La musique est bien lotie, mais prend justement le pas sur les répliques, ce qui implique de bien tendre l’oreille afin de ne pas perdre une seule miette des punchlines de l’ami Francis. Un léger souffle chronique. Pas de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.