LE FANFARON (Il Sorpasso) réalisé par Dino Risi, disponible en DVD et Blu-ray le 28 mai 2020 chez LCJ Editions.
Acteurs : Vittorio Gassman, Jean-Louis Trintignant, Catherine Spaak, Claudio Gora, Luciana Angiolillo, Linda Sini…
Scénario : Dino Risi, Ettore Scola, Ruggero Maccari
Photographie : Alfio Contini
Musique : Riz Ortolani
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1963
LE FILM
Bruno rencontre Roberto. Pendant tout le week-end, ils ne vont plus se quitter. Bruno, très volubile, désinvolte, charmeur et fanfaron, entraîne son nouvel ami à bord de sa voiture de sport pour une série d’aventures insolites.
Le Fanfaron – Il Sorpasso, réalisé par Dino Risi en 1962, demeure l’un des films emblématiques de l’âge d’or du cinéma transalpin. Succès international, malgré des critiques peu enthousiastes au départ, qui a influencé moult cinéastes dont Dennis Hopper pour Easy Rider (si si), ce chef d’oeuvre d’humour et d’émotions, co-écrit par Ettore Scola et interprété par deux immenses comédiens, Vittorio Gassman (le playboy) et Jean-Louis Trintignant (le jeune étudiant candide et mélancolique qui va s’ouvrir à la vie le temps d’un week-end), reste une oeuvre libre, cynique, provocante, hilarante et grave, qui n’a pas pris une seule ride.
A Rome, le jour férié du quinze août, la ville est déserte. Bruno Cortona, la quarantaine vigoureuse, amateur de conduite sportive et de jolies femmes, déambule en voiture à la recherche d’un paquet de cigarettes et d’un téléphone public. Roberto Mariani, un étudiant en droit resté en ville pour préparer des examens, l’accueille chez lui. Sous l’impulsion de l’exubérance et du sans-gêne de Cortona, ils entreprennent un voyage en voiture qui les emmènera vers des destinations toujours plus lointaines. Le jeune étudiant va découvrir l’écart entre la réalité et ce qu’il imaginait concernant l’amour et les rapports sociaux.
Dans Le Fanfaron, road-movie initiatique où les deux protagonistes sont lancés à fond la caisse dans leur Lancia Aurelia B24 au klaxon joyeux sur les routes de l’Italie de l’après-boom économique, on admire Vittorio Gassman dans son rôle de mec tour à tour attachant, sympa, intrigant, déjanté, mais aussi irresponsable, agressif, rustre, enjôleur et sans scrupules. En un mot, un italien. Cette grande histoire d’amitié naissant sous le soleil du Ferragosto et menée à cent à l’heure par le maestro Dino Risi, s’inscrit au Panthéon du genre. Le dénouement laisse toujours aussi pantois et dresse un constat amer sur les désillusions de la décennie de l’après-guerre. Agé de 40 ans, Vittorio Gassman accède enfin au rang de superstar dans son pays. Déjà reconnu comme un grand du théâtre transalpin, le cinéma tardait à lui offrir le grand rôle populaire qui lui manquait, malgré de très nombreuses apparitions, très souvent dramatiques (Riz amer – Riso amaro de Giuseppe De Santis, La Traite des blanches – La tratta delle bianche de Luigi Comencini), plus rarement comiques comme dans Le Pigeon – I soliti ignoti de Mario Monicelli en 1958, dans lequel la production lui demande de se grimer pour éviter que les spectateurs ne le reconnaissent. Néanmoins, c’est à la fin des années 1950 que son sourire carnassier, sa longue silhouette et son jeu explosif crèvent enfin l’écran avec La Grande Guerre – La Grande Guerra de Mario Monicelli, Lion d’or à la Mostra de Venise en 1959 et L’homme aux cent visages – Il mattatore de Dino Risi. Le Fanfaron est comme qui dirait le couronnement de sa carrière. Non seulement Vittorio Gassman devient incontournable au cinéma et le restera jusqu’à sa mort en 2000, mais il est désormais le partenaire indissociable du réalisateur Dino Risi, avec lequel il tournera quinze longs-métrages. Sans fard, sans avoir les oreilles décollées, le comédien enflamme l’écran – dans un rôle envisagé pour Alberto Sordi, mais qui avait décliné par peur d’être éclipsé par le second rôle – et emporte autant les spectateurs que le jeune Roberto dans son sillage durant 1h40.
Ce dernier, étudiant en droit studieux, timide et complexé n’est autre que Jean-Louis Trintignant, qui multipliait les propositions et les apparitions depuis Si tous les gars du monde (1956) de Christian-Jaque. Après Et Dieu…créa la femme et Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim, Eté violent – Estate violenta de Valerio Zurlini et Pleins feux sur l’assassin de Georges Franju, le comédien était de plus en plus demandé en Italie. Bien que ne parlant pas vraiment la langue de Dante, la postsynchronisation alors systématique dans le cinéma transalpin ne pose pas de problème. Le contraste entre les deux têtes d’affiche fait le sel du Fanfaron, entre le volcan en éruption d’un côté, et celui endormi de l’autre qui va s’éveiller et découvrir la vie en taillant la route, de Rome à Viareggio.
Si l’on ne peut jamais savoir ce que l’on va trouver au tournant, Bruno apprendra à Roberto à profiter de chaque instant, de chaque plaisir de la vie dans cette nouvelle Italie, celle du miracle économique. Le Fanfaron se clôt sur une séquence ahurissante de brutalité, mais n’en demeure pas moins inévitable et replace le film dans une nouvelle perspective, comme un ruban de Möbius, qui symbolise à la fois l’imprévu et l’inéluctable. Le dernier regard de Vittorio Gassman dans le film est de ceux que l’on n’oublie pas. Capolavoro.
A mon ami Raphaël Dehan.
LE BLU-RAY
Le Fanfaron a connu plusieurs vies en DVD. Tout d’abord proposé par Opening dès 2009, puis forcément chez Filmedia en 2011, avant de passer chez M6 Vidéo dès 2012, le chef d’oeuvre de Dino Risi arrive finalement chez LCJ Editions pour sa première exploitation en HD en France. Le disque repose dans un Digipack fragile, comprenant également un livret de 36 pages, excellemment illustré et écrit par l’incontournable Marc Toullec. Le visuel laisse quelque peu à désirer. On se serait bien passé de la photo de Catherine Spaak, ô combien charmante certes, mais qui se trouve posée maladroitement sur le capot de la voiture. Dommage aussi que l’indication « Inclus, un livret et des suppléments exclusifs sur le film » n’ait pas été mis sur un sticker à retirer et soit intégrée à l’ensemble. Le menu principal est animé et musical.
Bon…on ne va pas revenir sur ce que l’on pense d’Henry-Jean Servat, mais ce dernier a été appelé une fois de plus par l’éditeur afin de présenter le film qui nous intéresse aujourd’hui. Durant près d’une demi-heure, le journaliste et écrivain enchaîne les superlatifs sans pour autant analyser Le Fanfaron. On préférera retenir les quelques indications sur la mise en route du film, plutôt que les arguments du style « C’est un film plein de sperme » (non mais franchement). Si le master HD surpasse largement l’ancien DVD M6 Vidéo, n’hésitez pas à conserver ce dernier qui proposait des suppléments intéressants.
Le comédien Jean Sorel (Ça s’est passé à Rome – La Giornata balorda de Mauro Bolognini, Sandra – Vaghe stelle dell’Orsa de Luchino Visconti) avait été envisagé pour incarner Roberto, avant que le rôle soit proposé à Jacques Perrin, puis finalement à Jean-Louis Trintignant. En dehors de cela, Jean Sorel n’a rien à voir avec Le Fanfaron. C’est pourquoi on reste encore dubitatif sur son interview (26’) concernant le film de Dino Risi, par Henry-Jean Servat. Même si le comédien semble lui-même étonné qu’on lui ait demandé d’être interviewé, ce dernier, toujours très élégant, donne quelques indications et partage quelques souvenirs liés aux films qu’il a tournés en Italie. Cette fois encore, Henry-Jean Servat nous ressort son « film plein de sperme » que représente Le Fanfaron et essaye de tirer les vers du nez de son interlocuteur, afin d’en savoir plus sur un film qu’il n’a pas interprété. Les compliments du style « vous êtes une icône, vous êtes une idole, vous êtes un héros » ont rapidement raison de notre patience.
L’Image et le son
Exit les scories, les points noirs et blancs, les tâches, les griffures et les fourmillements présents sur les anciens DVD ! Faites place à cette superbe restauration 4K de haut niveau, que l’on doit une fois de plus au laboratoire de l’Immagine Ritrovata. La copie est très lumineuse, les noirs denses, la gestion des contrastes agréable, le grain heureusement préservé et le piqué joliment acéré. De nouveaux détails apparaissent en comparaison avec les anciens masters. Pour la première fois en France, les conditions sont entièrement remplies pour revoir ce bijou de l’âge d’or du cinéma italien. Attention toutefois, contrairement à ce qui est indiqué sur le packaging, le Blu-ray est au format 1080i.
La version française, où Jean-Louis Trintignant se double lui-même, met trop en avant les voix, souvent au détriment des effets annexes et de la musique. Aucun souffle n’est à déplorer sur ce mixage qui demeure propre. Evidemment, nous ne saurons que trop vous conseiller de vous reporter sur la piste italienne, plus riche, plus homogène et naturelle. De plus, la composition jazzy du prolifique Riz Ortolani y est puissamment délivrée. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale.
Les suppléments sont en effet indigents. L’analyse de Servat est complètement à côté de la plaque. Il en fait un film festif qui invite à boire un coup, alors que c’est un film tragique qui critique en définitive le côté insouciant et fanfaron des italiens du « boom » économique.
On reste heureux de découvrir le film en HD, même si le contraste est un peu forcé, rendant les noirs trop noirs.
pourquoi une restauration 4k et une sortie sipmlement en bluray, c’est vraiment dommage.