LE BOUFFON DU ROI (The Court Jester) réalisé par Melvin Frank & Norman Panama, disponible en Blu-ray le 3 février 2021 chez Paramount Pictures.
Acteurs : Danny Kaye, Glynis Johns, Basil Rathbone, Angela Lansbury, Cecil Parker, Mildred Natwick, Robert Middleton, Michael Pate…
Scénario : Melvin Frank & Norman Panama
Photographie : Ray June
Musique : Walter Scharf & Vic Schoen
Durée : 1h41
Année de sortie : 1955
LE FILM
Au Moyen Age, Roderick, ignoble félon, a usurpé le trône d’Angleterre et règne en tyran sur le pays. Le véritable héritier, qui n’est encore qu’un bébé, porte sur les fesses la marque tatouée de son lignage. Une bande de rebelles veille sur le prince et attend son heure pour passer le pouvoir au légitime héritier de la couronne. Le vaillant «Renard noir», chef des nobles brigands, garantit de sa vie l’avenir de l’enfant. Un de ses fidèles parvient à se faire passer pour un bouffon italien à la cour de Roderick et se charge de glaner tous les renseignements utiles aux rebelles. Un complot se prépare pour démasquer le tyran et mettre fin à son règne…
En France, de nombreux cinéphiles semblent avoir Danny Kaye (1911-1987), comédien, danseur et chanteur américain, qui aura fait les beaux jours de l’âge d’or hollywoodien, à travers de grands spectacles, dont les plus célèbres demeurent La Vie secrète de Walter Mitty – The Secret Life of Walter Mitty (1947) de Norman Z. McLeod, d’après la nouvelle de James Thurber, qui avait connu un très bon remake réalisé en 2013 par Ben Stiller, ainsi que le hit de sa filmographie, Noël blanc – White Christmas (1954) de Michael Curtiz, où il fait face à Bing Crosby. Rétrospectivement, Danny Kaye a finalement peu tourné, un peu plus d’une quinzaine de films en 25 ans, mais la popularité, le talent et le charisme de cet homme-orchestre étaient gigantesques, dépassaient les frontières et avaient même donné envie à notre Pierre Richard national de devenir acteur. Si l’on peut citer en vrac Un fou s’en va-t-en guerre – Up in Arms (1944) d’Elliott Nugent, Le Laitier de Brooklyn – The Kid from Brooklyn (1946), Si bémol et Fa dièse – A Song Is Born (1948) de Howard Hawks, Vive monsieur le maire – The Inspector General (1949) d’Henry Koster, les deux collaborations de Danny Kaye avec le tandem Melvin Frank et Norman Panama se distinguent. Deux ans après Un grain de folie – Knock on Wood (1954), le comédien et les réalisateurs (également scénaristes et producteurs) se retrouvent pour Le Bouffon du roi – The Court Jester, parodie de film de cape et d’épée, non seulement très drôle encore aujourd’hui, mais fabuleusement mise en scène, photographiée et interprétée par des acteurs survoltés. Dans cette histoire de royaume volé, Danny Kaye trône en maître sur une formidable distribution composée de Glynis Johns, Basil Rathbone, Angela Lansbury et John Carradine. L’acteur principal se livre à un one-man show dantesque, sans jamais tirer la couverture à ses partenaires (aucun n’est laissé de côté), dans lequel il se déguise, chante, combat en armure, se fait hypnotiser, compte fleurette en se prenant pour Errol Flynn (beaucoup de références aux Aventures de Robin des Bois de Michael Curtiz et William Keighley), bondit de toit en toit, jongle avec les mots, tout cela en gardant le sourire et en faisant quelques sourires complices aux spectateurs. Près de soixante-dix ans après sa sortie, Le Bouffon du roi, film devenu rare, reste un modèle de comédie pastiche.
Roderick le Tyran (Cecil Parker) a fait assassiner tous les autres membres de la famille royale d’Angleterre. Il obtient le trône. Mais subsiste un nourrisson qui porte (sur les fesses) une marque de naissance attestant son origine royale, il est donc l’héritier légitime du trône. Le bébé est abrité par le Renard Noir (Edward Ashley) et son groupe de bandits, qui défient le pouvoir. Mais repéré, il envoie l’enfant vers un couvent, escorté par Hubert Hawkins (Danny Kaye) et Jean (Glynis Johns), la capitaine du groupe. En chemin, les trois passent une nuit dans un abri. Dans la soirée arrive Giacomo (John Carradine), le nouveau bouffon du roi venant d’Italie, et se rendant à la cour de Roderick le Tyran. Après s’être assuré que personne ne le connaît, Giacomo est assommé, et Hawkins prend sa place. Le nouveau plan est de s’immiscer dans l’appartement du roi pour dérober une clé ouvrant un passage secret, puis de faire parvenir la clé au Renard Noir. Le lendemain, Jean continue seule la route vers le couvent, mais est interceptée par des hommes du roi qui l’amènent au château. En effet, pour contrer la puissance de Renard Noir, Roderick se fait conseiller de s’allier avec sir Griswold (Robert Middleton), un seigneur. Cette alliance se matérialiserait par le mariage de sa fille la princesse Gwendolyn (Angela Lansbury) avec Griswold. Des jeunes femmes sont alors emmenées au château pour participer aux festivités. La princesse Gwendolyn ne veut pas se marier avec Griswold et s’entiche de Hawkins, qui est Giacomo a ses yeux. Lorsque Griswold se présente devant la cour, Gwendolyn annonce sa préférence pour Hawkins le bouffon. Pour résoudre ce différend, un combat à mort est organisé le lendemain.
Même s’il joue avec les codes du genre, Le Bouffon du roi est en réalité un VRAI film de cape et d’épée et d’aventures, bourré de rebondissements, de quiproquos qui se succèdent les uns à la suite des autres, le tout constamment marqué par un humour qui peut être aussi tendre que noir, puisque toute l’histoire part quand même d’un réel massacre où hommes, femmes et enfants ont tous été exterminés par un tyran voulant s’emparer de la couronne ! Cela contraste avec la chanson du générique, où Danny Kaye, qui s’amuse avec les credits du film qui apparaissent à l’écran en réalisant avec eux une vraie chorégraphie, déclare que « la vie ne pourrait pas être plus belle » ! Dès que le film démarre, ce qui frappe avant tout c’est la beauté incomparable des images, l’alliance parfaite du VistaVision et du Technicolor, Le Bouffon du roi demeurant l’un des longs-métrages de la Paramount à avoir été entièrement tourné dans ce format – lancé en 1954 par le studio – au même titre que Noël blanc, La Maison des otages, La Main au collet, La Prisonnière du désert, La Mort aux trousses, Les Boucaniers et Violence au Kansas. Le but était d’utiliser un défilement horizontal avec une image à 8 perforations au lieu de 4 sur le format 35mm standard. Forcément, cela impliquait aux salles de cinéma de s’équiper afin de bénéficier d’une réelle projection horizontale. Tout ceci pour essayer de concurrencer la télévision qui s’incrustait dans les foyers américains, mais aussi et surtout le CinemaScope lancé par la 20th Century Fox ! Si l’on ajoute à cela la photographie resplendissante signée Ray June (Ziegfeld Follies et Gigi de Vincente Minnelli, Drôle de frimousse – Funny Face de Stanley Donen), le soin apporté aux costumes par les éminentes Edith Head (pour les femmes) et Yvonne Wood (pour les hommes), les décors scintillants et des matte paintings très élégants, Le Bouffon du roi n’a justement rien d’une plaisanterie sur la forme (le budget conséquent de 4 millions de dollars n’aurait d’ailleurs pas été remboursé), qui n’a absolument rien à envier aux films du genre plus « sérieux ». Cela participe évidemment à la très grande réussite de The Court Jester, qui parvient à faire rire du début à la fin, mais aussi à ravir les yeux et à faire s’évader les spectateurs de tout âge.
Oyez, oyez ! Vous recherchez une comédie dite rétro-vintage, qui comblera à la fois les jeunes spectateurs comme les plus anciens ? Un film coloré, rythmé, blindé de gags burlesques et verbaux, de beaux et bons sentiments, d’action et d’amour ? Un divertissement fantaisiste, bourré de charme, qui traverse les décennies sans prendre trop de rides, dont le rythme semble branché sur les pulsations déchaînées de son acteur principal ? Alors Le Bouffon du roi est fait pour vous !
LE BLU-RAY
Croyez-le ou non, mais Le Bouffon du roi était jusqu’alors inédit dans les bacs français ! Point d’édition DVD cette fois encore, puisque Paramount Pictures ne propose le film de Norman Panama et de Melvin Frank qu’en Haute-Définition. Le visuel de la jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur bleue, aurait mérité d’être plus soigné et surtout attractif, Danny Kaye n’y étant pas vraiment à son avantage…Le menu principal est fixe et muet.
Oh des suppléments ! C’est plutôt rare pour être signalé sur les dernières éditions Paramount, puisque l’éditeur se contentait récemment de livrer le film en HD, sans proposer de bonus, pas même une bande-annonce. Sur cette galette du Bouffon du roi, vous trouverez le trailer original, ainsi qu’un petit module de sept minutes présenté par le critique de cinéma, écrivain, historien de l’animation et producteur américain, l’excellent Leonard Maltin. Ce dernier, grand fan de ce film qu’il compare à « un vieil ami, qu’on ne voudrait jamais perdre », revient sur les deux réalisateurs, sur le casting du film, le travail du chef opérateur Ray June, sur les numéros musicaux. Ces propos enjoués sont très largement illustrés par des photos de tournage.
L’Image et le son
Pour cette édition 65è anniversaire, Le Bouffon du roi a bénéficié d’un lifting de premier ordre, pour ne pas dire princier, royal même. Une restauration 6K (rien que ça) réalisée à partir du négatif VistaVision original, qui ressuscite littéralement le film de Norman Panama et de Melvin Frank. D’une propreté ahurissante, ce master HD (au format 1080p bien sûr) explose les yeux dès la première séquence, après un générique sensiblement plus tremblant (mais aux couleurs déjà sensationnelles), avec un Technicolor vibrant, acidulé, marqué par des teintes rouges, bleues, violettes, jaunes, vertes tout simplement électriques, luxuriantes, sans aucune bavure, nettes, vivantes. C’est riche, constamment saturé, vif, chaud, les décors possèdent un relief dingue, la texture des uniformes est palpable, les casques chromés des soldats brille de mille feux, le teint des comédiens est naturel et jamais parasité par l’arc-en-ciel qui les entoure. Quelques transparences demeurent visibles, mais rien de rédhibitoire. Et n’oublions pas la texture argentique, présente, fine, douce. En un mot, ce Blu-ray est éblouissant.
L’éditeur met à disposition une piste anglaise DTS-HD Master Audio Mono 2.0 et une version française en Dolby Digital 2.0. Si cette dernière est réussie du point de vue du doublage (les chansons restent en anglais, rassurez-vous), c’est au niveau de la musique, de la restitution des voix et des ambiances de fond que ça coince. En effet le tout manque d’ampleur (on peut même dire que c’est étouffé tout du long) et de clarté au niveau de la composition de Victor Schoen et Walter Scharf, des dialogues et des effets annexes. Tout le mérite revient à la piste originale, dynamique et vivante tout du long, sans souffle. Signalons que les paroles de chaque chanson sont sous-titrées aussi en français, ce qui n’est pas toujours le cas.