Test Blu-ray / L’Aventure c’est l’aventure, réalisé par Claude Lelouch

L’AVENTURE C’EST L’AVENTURE réalisé par Claude Lelouch, disponible en DVD et Blu-ray le 26 mai 2022 chez Metropolitan Video.

Acteurs : Lino Ventura, Jacques Brel, Charles Denner, Johnny Hallyday, Charles Gérard, Aldo Maccione, Nicole Courcel, Yves Robert…

Scénario : Claude Lelouch & Pierre Uytterhoeven

Photographie : Jean Collomb

Musique : Francis Lai

Durée : 2h01

Année de sortie : 1972

LE FILM

Après 1968, devant un monde en apparente effervescence, trois truands (Lino, Jacques, et Simon) et leurs deux sous-fifres (Aldo et Charlot) recyclent leurs méthodes traditionnelles de gangsters et décident de jouer la politique pour leurs méfaits : enlèvement de Johnny Hallyday (avec sa complicité, pour une campagne promotionnelle), mercenaires pour des révolutionnaires d’Amérique du Sud, détournement d’avion non violent et bien d’autres surprises entre la France et l’Afrique.

Moi, en ce moment, je sais plus où donner de la tête. Je fais du tir au pigeon sur des PDG. C’est d’ailleurs assez marrant, parce que je tire sur des types de droite, je suis payé par l’extrême droite et c’est pour mouiller l’extrême gauche.

Quand on demande à un cinéphile ou même au simple spectateur, de lui citer trois films de Claude Lelouch, celui-ci vous répondra instantanément Un homme et une femme, L’Aventure c’est l’aventure ou Itinéraire d’un enfant gâté, ses trois plus grands succès au box-office, avec respectivement 4,3 millions, 3,8 millions et 3,3 millions d’entrées. Le second demeure avec le diptyque d’Yves Robert Un éléphant ça trompe énormément / Nous irons tous au paradis, la référence du « film de potes » dans le panorama cinématographique hexagonal. Après le triomphe du Voyou en 1970 (2,4 millions d’entrées) et la déroute de Smic, Smac, Smoc (à peine 300.000 spectateurs au compteur), le réalisateur réunit un casting pour le moins hétéroclite composé de Lino Ventura, Jacques Brel, Charles Denner, Aldo Maccione et de Charles Gérard et promène ces joyeux drilles entre la région parisienne et les Antilles, dans une succession de quiproquos rocambolesques, jamais crédibles, mais en tout point jubilatoires et lorgnant sur la bande dessinée. Mené à cent à l’heure, le récit, explosé, marqué par de nombreuses improvisations, y compris celle entrée dans l’histoire où nos cinq phénomènes, emmenés par Aldo « La Classe », paradent sur la plage pour épater quatre jeunes donzelles en maillot de bain, est un hymne au nawak absolument démentiel, merveilleusement mis en scène, dialogué et interprété par des comédiens heureux d’être présents, complémentaires, complices, talentueux et enflammant l’écran de leur charisme. Un demi-siècle après sa sortie, L’Aventure c’est l’aventure, conspué par la critique, mais adoré du public dès sa présentation en ouverture du Festival de Cannes en 1972, reste une valeur sûre de la comédie française, dense, riche, hilarante, belle à regarder, à la fois un témoignage d’un monde disparu et en même temps d’une folle modernité. Chef d’oeuvre culte et intemporel.

L’argent ne coule plus à flots dans les banques, les jeunes crachent sur les richesses et les prostituées réclament une couverture sociale : Lino, Jacques, Simon et leurs lieutenants, Charlot et Aldo, tous truands de la vieille garde, ne comprennent décidément plus rien au métier. Simon, le théoricien du groupe, a sa petite idée pour qu’ils puissent prendre le train en marche. Une série de conférences, donnée par des militants de tous bords, leur livre la clé des profits futurs : c’est sur le terrain politique qu’il faut désormais agir. Sitôt dit, sitôt fait. Les cinq hommes organisent d’abord, avec le consentement de l’intéressé, l’enlèvement de Johnny Hallyday. Une fois la rançon empochée, ils passent à la vitesse supérieure, dans la sphère internationale. Leur premier client est le révolutionnaire sud-américain Ernesto Juarez, qui leur monnaye le kidnapping de l’ambassadeur suisse. L’objectif étant d’obtenir ainsi la libération des camarades prisonniers de leurs ennemis jurés. Mais, une fois le contrat rempli, le révolutionnaire ne tient pas ses engagements…

Le capital, c’est foutu. La Cinquième, c’est foutu. Le PC, c’est foutu. La société de consommation, c’est fini tout ça, c’est foutu. Les bagnoles, foutu.

Ouais, certains diront L’Aventure c’est l’aventure c’est réac’, tout ça…puis après quoi ? Ça fait du bien non ? Immense défouloir où tout le monde en prend pour son grade, surtout les salauds et qui de mieux que Claude Lelouch pour dresser le portrait de ce type de mecs, cette comédie regarde la France post-soixante-huitarde en se marrant doucement, mais sûrement, avec une tendresse non feinte. Difficile de résumer le scénario coécrit par le cinéaste avec Pierre Uytterhoeven, tant il fourmille d’idées, de retournements de situations, d’ellipses, de gros plans, de paysages (superbe photographie de Jean Collomb, chef opérateur d’Adieu poulet, Le Silencieux), qui sont aussi les visages chez Lelouch. Dès le générique coloré et l’apparition du titre, dont les caractères et même la calligraphie pourraient faire penser à une publicité pour une lessive ou plutôt pour une compagnie aérienne, tandis qu’explose la magistrale partition de Francis Lai, le spectateur est invité à laisser ses soucis au vestiaire, pour mieux se laisser porter par cette tornade d’humour qui balaie tout sur son passage durant deux heures qui passent en un éclair.

Entre Boulevard du rhum de Robert Enrico et Cosa Nostra de Terence Young, Lino Ventura, a su faire confiance à Claude Lelouch et se laisser entraîner dans cette fantaisie, en apparaissant comme rarement à « visage découvert ». Emballés par cette expérience, les deux hommes se retrouveront dès l’année suivante pour La Bonne année. Attiré par la mise en scène, Jacques Brel, que l’on avait déjà vu dans Les Risques du métier d’André Cayatte, La Bande à Bonnot de Philippe Fourastié, Mon oncle Benjamin d’Édouard Molinaro et Les Assassins de l’ordre de Marcel Carné, accepte lui aussi de s’associer au délire du cinéaste, après le désistement de Jean-Louis Trintignant, tout en l’observant derrière la caméra, pour Franz, son premier long-métrage en tant que réalisateur. À l’affiche du Voyou, Charles Denner deviendra une figure récurrente du cinéma de Claude Lelouch, puisqu’il apparaîtra aussi dans Toute une vie (1974), Si c’était à refaire (1976) et Robert et Robert (1978). L’ancien Filochard dans l’adaptation des Pieds nickelés (1964) de Jean-Claude Chambon, dans laquelle Michel Galabru incarnait Ribouldingue et Jean Rochefort Croquignol, avait eu jusqu’alors peu d’occasions d’aborder la comédie. Dans L’Aventure c’est l’aventure, dans la peau du « névropathe cyclique », il trouve le terrain idéal et son style raffiné, plus intellectuel sans doute, s’accommode parfaitement au grain de ses quatre partenaires. Les « hommes de main » sont interprétés par Aldo Maccione et Charles Gérard, qui venaient de faire leurs débuts au cinéma dans Le Voyou et qui se montrent on ne peut plus à l’aise face à leurs trois illustres compagnons.

Aujourd’hui, le gagnant, c’est pas l’homme fort, intelligent, mais le petit, le petit combinard, celui qui sait manier le chantage comme une Winchester. Et surtout la confusion dans la clarté.

Pour L’Aventure c’est l’aventure, Claude Lelouch a plongé ses cinq ingrédients principaux dans un shaker géant, les a secoués très fort pour en sortir un nectar incomparable, celui de leur génie incomparable, pour au final livrer un cocktail explosif pour les zygomatiques.

LE BLU-RAY

L’Aventure c’est l’aventure a eu plusieurs vies en support physique en France. La première édition DVD remonte à l’an 2000, chez TF1 Studio, anciennement TF1 Vidéo. Lancaster avait ensuite pris le relais en 2006, puis le film de Claude Lelouch apparaissait en édition Standard chez Marco Polo Production en 2014. Décembre 2015, une Édition Collector – Version Restaurée arrivait dans les bacs, toujours chez le précédent éditeur, en DVD et pour la première fois en Haute-Définition. Mai 2022, Metropolitan Vidéo récupère ce titre phare. À cette occasion, un nouveau packaging qui reprend enfin le célèbre visuel d’exploitation. L’objet prend la forme d’un fourreau cartonné, qui contient un Digipack à trois volets, illustré par des photogrammes tirés du film, ainsi que d’une citation de François Chalais, reprise d’un article paru dans Le Figaro le 6 mai 1972. Nous y trouvons aussi le fac-similé de 56 pages extrait de la revue Schnock n°15 (parue en mai 2015), qui reprend la formidable interview de Claude Lelouch par Bruce Toussaint déjà proposée dans l’ancienne édition Marco Polo de 2015, tout comme le Dico L’Aventure c’est l’aventure signé Christophe Ernault, agrémentés cette fois d’un portrait d’Aldo Maccione par Gilles Botineau, un entretien avec Charles Gérard, ainsi que le témoignage de Maddly Bamy sur sa rencontre sur le plateau avec Jacques Brel. Le menu principal du Blu-ray est fixe et muet.

En plus de la bande-annonce, toujours un bonus à part entière chez Claude Lelouch, nous trouvons un reportage filmé sur le plateau (6’), qui compile moult images de tournage, mais aussi les propos de Lino Ventura, Claude Lelouch et Jacques Brel. Le réalisateur s’exprime sur ce portrait dressé « de cinq salopards sympathiques », tandis que les deux comédiens parlent de leur collaboration avec le cinéaste, « une découverte extraordinaire » pour Lino Ventura, « la jeunesse intelligente […] c’est très très bien, et je dis pas ça facilement » selon Jacques Brel.

L’Image et le son

Nous n’avons pas eu d’indications, mais d’après nos vérifications, il s’agit ici du même master restauré par Eclair, anciennement édité par Marco Polo. Une très belle copie ceci dit, sur laquelle nous avions écrit cette petite bafouille : Attendu par les fans de Claude Lelouch, L’Aventure c’est l’aventure s’offre à nous en Haute définition, dans une nouvelle copie entièrement restaurée par les Laboratoires Eclair. Parfois sensiblement ouatée, l’élégante photo de Jean Collomb n’a jamais été aussi belle à l’écran. Cette édition renforce les contrastes et l’homogénéité n’est jamais prise en défaut. Le codec AVC consolide l’ensemble, l’image est stable, entièrement débarrassée de poussières, les scènes en extérieurs affichent une luminosité inédite, tout comme un relief inattendu, un piqué souvent pointu, une texture argentique douce et équilibrée, et des couleurs vives et scintillantes. N’oublions pas les séquences aux éclairages tamisés, superbement rendues. Revoir ce chef d’oeuvre dans de telles conditions ravit les pupilles !

Ce mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Francis Lai se dote également d’un écrin phonique somptueux. Contrairement à l’édition Marco Polo, Metropolitan fournit ici les sous-titres français destinés au public sourd et malentendants. Pour information, les dialogues en italien de la première partie ne sont pas sous-titrés en français selon le désir de Claude Lelouch et ce depuis la sortie du film.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Les Films 13 / Les Films Ariane / Les Productions Artistes Associés / Produzioni Europee Associati / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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