Test Blu-ray / L’Armoire volante, réalisé par Carlo Rim

L’ARMOIRE VOLANTE réalisé par Carlo Rim, disponible en Coffret DVD ou Blu-ray « Fernandel – Coffret 3 films : L’Armoire volante + L’Héroïque Monsieur Boniface + Boniface somnambule » le 11 décembre 2024 chez Pathé.

Acteurs : Fernandel, Berthe Bovy, Germaine Kerjean, Yves Deniaud, Louis Florencie, Antonin Berval, Maximilienne, Paul Demange, Pauline Carton, Annette Poivre…

Scénario : Carlo Rim

Photographie : Nicolas Hayer

Musique : Georges Van Parys

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1948

LE FILM

Madame Lobligeois, octogénaire têtue, part pour Clermont-Ferrand avec deux déménageurs afin de rapporter à Paris ses quelques meubles, malgré la folle inquiétude de son neveu Alfred Puc, percepteur de son état. Il faut dire qu’il fait de nombreux degrés en dessous de zéro et qu’au retour, la brave dame meurt de froid. Affolés, les déménageurs laissent le corps dans une armoire à glace, et regagnent Paris en avertissant le neveu. Mais entre-temps le camion a été volé, début de palpitantes aventures du monsieur à la recherche du corps de sa tante.

Démobilisé un an après avoir été appelé suite à la déclaration de guerre à l’Allemagne en 1939, Fernandel n’a jamais cessé de tourner et ses films emballés durant les années du conflit armé portent principalement l’estampille de la Continental Films. Sous l’Occupation, s’il continue de se produire dans les cabarets, le comédien enchaîne les longs-métrages avec toujours autant de succès. Mais les grandes affaires reprennent en 1945 avec le triomphe de Naïs de Marcel Pagnol (3,5 millions d’entrées), suivi des succès du Mystère Saint-Val, des Gueux au paradis, de Pétrus, d’Émile l’Africain et L’Aventure de Gonfaron, qui totalisent à eux-seuls près de quinze millions d’entrées. Un retour en force. Toutefois, si l’on se penche un peu plus sur ces chiffres faramineux, un film se distingue par son score mitigé, celui réalisé par L’Armoire volante de Carlo Rim (1902-1989), qui n’atteint pas la barre du million et demi de spectateurs. Réalisé par l’ancien assistant de Marc Allégret, Maurice Tourneur et Richard Pottier, cette comédie noire et grinçante a certainement déconcerté le public au sortir de la Seconde Guerre mondiale, où l’humour macabre n’était probablement pas le bienvenu. Il n’empêche que le temps a fait son office et que L’Armoire volante est devenu culte pour beaucoup et même un objet de fascination pour beaucoup de cinéphiles, qui se sont depuis organisés pour le faire connaître dans leur réseau. Résolument moderne, magistralement mis en scène et surtout royalement photographié par le virtuose Nicolas Hayer (Le Doulos, Au Grand Balcon, La Chartreuse de Parme, Le Corbeau) avec ses éclairages provenant directement de l’expressionnisme allemand, L’Armoire volante est assurément un sommet dans la prolifique et éclectique carrière de Fernandel, annonçant trois ans avant certains partis-pris du mythique et plus reconnu L’Auberge rouge de Claude Autant-Lara. Autant dire que l’on se trouve devant un bijou quasi-inclassable, ambitieux et drôle, indiscutablement inévitable quand on s’intéresse de près à la légende de Fernandel.

Alfred Puc espère bien hériter un jour d’une tante acariâtre et avare qui, malgré son grand âge et un froid terrible, accompagne les déménageurs pour chercher des meubles à la campagne. Elle meurt en route. Les déménageurs bouclent le cadavre dans une armoire, mais leur camion est volé par des gangsters, alors qu’ils informent Monsieur Puc de son deuil. Celui-ci, par monts et par vaux, chez les receleurs, dans la chambre d’un jeune couple, dans un h tel de passe, à la salle des Ventes, en d’autres lieux encore, ne peut retrouver ni armoire, ni tante. Un vrai cauchemar sous un ciel d’hiver…

Ce qui a pu décontenancer le public à la sortie de L’Armoire volante, c’est que la star réelle du film n’est pas Fernandel lui-même, mais plutôt la mécanique scénaristique, à laquelle l’acteur-star participe, officiant ici comme un rouage à part entière. Une précision d’horloger que ce scénario écrit par Carlo Rim lui-même (qui signe aussi l’adaptation et les dialogues), qui compile les scènes anthologiques sans discontinuer. Fernandel et le metteur en scène (de son vrai nom Jean Marius Richard) avaient précédemment collaboré sur Hercule (sur un scénario de Carlo Rim) et surtout Simplet, officiellement réalisé par le premier, mais qui avait bénéficié du « soutien technique » du second. Le comédien s’en remet totalement au cinéaste pour L’Armoire volante, dans lequel il est filmé comme il ne l’avait jamais été auparavant et comme il ne le sera pour ainsi dire plus jamais ainsi, comme un piston ou un engrenage faisant partie d’une machine complexe, celle d’une intrigue magistrale qui repose sur un enchaînement ininterrompu d’événements.

Outre Fernandel, d’une étonnante et épatante sobriété, le cadavre ambulant est campé par la géniale Berthe Bovy (L’Affaire Maurizius de Julien Duvivier), Annette Poivre affiche une fois de plus sa gouaille titi (Porte des Lilas, Seul dans la nuit, Copie conforme), tandis que Carlo Rim privilégie des acteurs à tronche (Pauline Carton, Edmond Beauchamp, Louis Florencie pour ne citer que ceux-là). Les visages apparaissent la plupart du temps en clairs-obscurs, renforçant ainsi un aspect fantastique qui tend à s’appuyer au fil du récit, qui s’apparente à une spirale infernale dans laquelle Alfred est aspiré malgré-lui, sans parvenir à s’en tirer, mais au contraire en s’y enfonçant toujours plus. Le final, qui a pu laisser incrédule en 1948, est une pirouette osée, pour ne pas dire avant-gardiste, qui peut laisser sous-entendre que tout n’est qu’un rêve d’Alfred…sans doute prémonitoire.

L’Armoire volante, connu aussi sous le titre Mr Puc aux enfers, est bien plus qu’un simple divertissement, qui se double aussi d’un somptueux objet de cinéma, aux images souvent étourdissantes, un régal visuel (on se souviendra longtemps du défilé des armoires dans la cage d’escalier) auquel on repense et sur lequel nous n’aurons de cesse de revenir avec un plaisir toujours intact.

LE BLU-RAY

Pathé réunit dans un coffret Blu-ray (ou DVD, au choix) trois films avec Fernandel, récemment restaurés, L’Armoire volante, L’Héroïque Monsieur Boniface et Boniface somnambule, trois opus sans doute « difficiles » à proposer en solo. Nous parlerons des deux Boniface un peu plus tard, pour nous concentrer uniquement aujourd’hui que sur L’Armoire volante, précédemment dispo en DVD chez René Chateau, puis chez Pathé depuis 2006 dans une édition DVD devenue introuvable. Le menu principal est animé et musical.

Le seul supplément présenté sur ce coffret se trouve sur le Blu-ray de L’Armoire volante et celui-ci est absolument à découvrir (1h02). Il s’agit d’une longue, riche et passionnante intervention de Vincent Fernandel, fils de Franck Fernandel et donc petit-fils de Fernand Constandin, aka Fernandel (1903-1971). Dans la première partie de ce module, Vincent Fernandel revient sur l’histoire de sa famille, leurs origines italiennes, les premiers succès de Fernandel, ainsi que ses débuts au cinéma et sa rencontre avec Marcel Pagnol. Il en arrive à L’Armoire volante, parle de la collaboration entre son grand-père et Carlo Rim, avant d’analyser plus longuement le film qui nous intéresse aujourd’hui en croisant le fond et la forme. Le caractère quasi-inclassable de L’Armoire volante, les partis-pris de Carlo Rim et de son directeur de la photographie Nicolas Hayer, le casting, le succès mitigé à sa sortie et sa réhabilitation sont passés en revue. Puis, Vincent Fernandel aborde L’Héroïque Monsieur Boniface et Boniface somnambule (la première suite du comédien au cinéma), ainsi que la filmographie de Maurice Labro. Enfin, la dernière partie de ce bonus est consacrée à la suite et fin de la carrière de Fernandel, dont ses fructueuses collaborations avec Henri Verneuil et les triomphes des Don Camillo.

L’Image et le son

Un carton indique en introduction que L’Armoire volante a été restauré 4K en 2022 par L’Image retrouvée, à partir du négatif original nitrate 35mm. Certaines parties du négatif image étaient inexploitables. Un marron et une copie d’exploitation ont été utilisés en complément. Le résultat est comme d’habitude bluffant. Ce Blu-ray en met souvent plein les yeux dès le générique d’ouverture. La restauration est étincelante, les contrastes denses, les gris riches, les blancs lumineux et le grain original heureusement préservé. Les très nombreuses séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes diurnes, le piqué est joliment acéré et les détails étonnent parfois par leur précision. Toutefois, quelques plans plus grumeleux font parfois une apparition remarquée et des séquences paraissent plus douces. Cela n’empêche pas de s’extasier devant la beauté de ce master HD.

La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio Mono. Si quelques saturations et un aspect chuintant demeurent inévitables surtout sur les quelques dialogues aigus, l’écoute se révèle souvent fluide et limpide. Aucun craquement ou souffle intempestifs ne viennent perturber l’oreille des spectateurs, la musique de Georges Van Parys est admirablement restituée et les échanges sont clairs. Les sous-titres destinés aux spectateurs sourds et malentendants sont disponibles en option, ainsi qu’une piste Audiovision et les sous-titres anglais.

Crédits images : © Pathé / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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