LA PASSANTE DU SANS-SOUCI réalisé par Jacques Rouffio, disponible en DVD et Blu-ray le 11 mai 2021 chez Tamasa Diffusion.
Acteurs : Romy Schneider, Michel Piccoli, Helmut Griem, Dominique Labourier, Gérard Klein, Mathieu Carrière, Jacques Martin, Wendelin Werner……
Scénario : Jacques Rouffio & Jacques Kirsner, d’après le roman de Joseph Kessel
Photographie : Jean Penzer
Musique : Georges Delerue
Durée : 1h56
Date de sortie initiale : 1982
LE FILM
Paris 1981. Lors d’une audience, Max Baumstein, président respecté d’une organisation humanitaire, abat froidement l’ambassadeur du Paraguay, Federico Logo. Il se constitue prisonnier et commence à expliquer la raison de son geste à sa jeune compagne, Lina, qui ignore tout de son passé.
Dans La Passante du Sans-Souci, son soixantième et ultime film, il est difficile de ne pas faire le parallèle entre les rapports douloureux que Romy Schneider entretient à l’écran avec le jeune Wendelin Werner et la tragédie que venait de vivre la comédienne, des suites de la mort accidentelle de son fils David en juillet 1981, survenue juste après son divorce avec Daniel Biasini. Très librement adaptée par Jacques Rouffio, l’œuvre de Joseph Kessel publiée en 1936 (et donc ouvertement antifasciste) s’en trouve étonnamment et intelligemment prolongée en projetant le personnage de Max cinquante ans après les évènements narrés dans le livre. La comédienne y apparaît fatiguée, bouleversante et déchirante. Ses larmes et ses regards expriment une douleur incommensurable et non feinte, dont le cinéaste s’empare avec délicatesse au profit de l’histoire « commandée » par la comédienne elle-même, suite à sa découverte du roman qui lui rappelait sa propre enfance placée sous le signe du IIIe Reich et d’une mère alors proche d’Adolf Hitler. Le tournage sera interrompu à plusieurs reprises (Romy Schneider se casse le pied, puis doit se faire retirer un rein en raison d’une tumeur), mais l’actrice retrouve un semblant d’espoir suite à sa rencontre avec Laurent Pétain et s’investit corps et âme dans La Passante du Sans-Souci où elle tient d’ailleurs deux rôles. Dommage que les décors pèchent par manque de réalisme et que le rythme ait une fâcheuse tendance à faiblir dans la deuxième partie en raison d’une scène de procès trop classique, mais l’interprétation exemplaire, avec également Michel Piccoli au générique, secoue sans peine le spectateur.
Lors d’une audience, Max Baumstein, président respecté d’une organisation humanitaire, abat froidement l’ambassadeur du Paraguay, Federico Lego. Arrêté, il explique la raison de son geste à son épouse Lina. En 1933, encore enfant, il fut martyrisé par les nazis parce qu’il était juif et son père fut abattu sous ses yeux. Recueilli par Michel et Elsa Wiener, le jeune garçon dut fuir vers Paris devant les menaces dont faisaient l’objet ses parents adoptifs. Mais lorsque Michel tenta de rejoindre Elsa et Max, déjà en France, il fut arrêté et déporté en camp de concentration. Pour hâter sa libération, Elsa dut se donner à un certain Ruppert von Legaart, qui se dissimula plus tard sous l’identité de Federico Lego…
Celles et ceux qui auront lu le livre de Joseph Kessel risquent d’être décontenancé par cette transposition contemporaine, notamment en ce qui concerne le personnage féminin, différent de celui campé par Romy Schneider dans le film de Jacques Rouffio. Si l’on accepte ces partis pris, La Passante du Sans-Souci est tout de même une œuvre malade comme le disait François Truffaut. Néanmoins, le film reste avant tout testamentaire, puisqu’il sortira sur les écrans français un peu plus d’un mois avant le décès prématuré de la comédienne à l’âge de 43 ans. Pour sa dernière interprétation au cinéma, elle sera nommée pour la cinquième fois et malheureusement cette fois à titre posthume, pour le César de la meilleure actrice. Soyons honnêtes, rétrospectivement La Passante du Sans-Souci vaut essentiellement pour admirer la comédienne dans son chant du cygne, même si son partenaire Michel Piccoli est comme d’habitude sensationnel. L’alchimie entre les deux acteurs est évidente, sincère, et la caméra a alors peu à faire pour capturer cette osmose. En revanche, le film pèche par sa mise en scène, on peut le dire paresseuse et bien trop académique. Jacques Rouffio (1928-2016), réalisateur de l’immense Sept morts sur ordonnance, du formidable Violette et François, du passionnant Le Sucre, n’a finalement guère tourné pour le grand écran. La Passante du Sans-Souci, son cinquième long-métrage, restera son plus grand succès avec près de deux millions d’entrées.
Le scénario signé Jacques Kirsner (Allons z’enfants d’Yves Boisset), également l’auteur des dialogues, et Jacques Rouffio lui-même, croise deux époques, le présent (qui reflète la nouvelle montée des extrêmes) et le passé (la meilleure partie), quand Max assassine Logo, puis quand l’auteur du crime revient sur son enfance. Le montage peine à équilibrer ces deux parties distinctes. L’image est belle, rien à redire là-dessus, la photographie de Jean Penzer (La Voleuse, Tenue de soirée, Sans mobile apparent, L’Alpagueur, L’Héritier) est élégante, la musique de Georges Delerue superbe, mais il manque au film un supplément d’âme, un élément qui aurait pu l’élever plus haut, comme si tous les talents extraordinaires réunis ici pour une fois ne suffisaient pas pour embarquer pleinement les spectateurs.
Mais il reste encore cette scène où Romy Schneider, ou son personnage, on ne sait plus à ce moment précis, regarde son très jeune partenaire avec les yeux embués. Cette image demeure l’une des plus marquantes de toute sa carrière et s’imprime définitivement dans la mémoire des cinéphiles.
LE BLU-RAY
La Passante du Sans-Souci est un film qui s’était longtemps fait désirer en DVD. Sorti en 2000 dans un premier temps, il aura fallu attendre quasiment dix ans pour le voir revenir dans les bacs, toujours chez TF1. Depuis, plus aucune nouvelle. Douze ans plus tard, ce qui nous amène donc en mai 2021, le film de Jacques Rouffio fait son grand retour, en édition Standard, mais aussi et surtout en Haute-Définition ! Et l’on doit cette résurrection à Tamasa Diffusion. La jaquette, glissée dans un boîtier classique de couleur blanche, reprend l’un des célèbres visuels tirés du long-métrage. Le menu principal est fixe et musical.
Si le film est présenté dans un tout nouveau master, l’éditeur reprend le supplément déjà disponible sur l’ancienne édition TF1, à savoir un entretien avec Jacques Rouffio et Romy Schneider (6’30). Le 15 avril 1982 à l’occasion de la sortie du film, Romy Schneider répondait aux questions des journalistes sur l’adaptation du roman de Joseph Kessel tout en évoquant les témoignages reçus après la mort de son fils. Ses propos se dispersent au gré de ce segment où l’actrice n’accapare qu’1’30 sur l’ensemble, laissant la part belle au réalisateur Jacques Rouffio. Brièvement, ce dernier explique que c’est la comédienne qui est venue lui proposer l’adaptation du livre de Kessel. En revanche, le manque de tact du cinéaste au moment où il revient sur la tragédie ayant touché Romy Schneider nous semble assez déplacé.
L’interactivité se clôt sur la bande-annonce d’époque et celle de la ressortie.
L’Image et le son
La Passante du Sans-Souci a bénéficié d’une restauration 4K, réalisée à partir du négatif image et du magnétique français. Les travaux numériques et photochimiques ont été confiés aux Laboratoires Éclair en 2017. Et disons-le tout de go, ce lifting permet de redécouvrir le film de Jacques Rouffio sous un nouvel angle, ou plutôt d’apprécier pleinement les partis pris du directeur de la photographie Jean Penzer (Notre histoire, Buffet froid et La Femme de mon pote de Bertrand Blier, L’Incorrigible de Philippe de Broca, Peur sur la ville de Henri Verneuil). Exit donc les nombreux points blancs, les poussières et autres rayures verticales qui parasitaient l’écran sur l’ancien DVD et la texture argentique déséquilibrée ! Les teintes bleutées voire métalliques de la partie contemporaine et celles à la fois sépia et ambrées du passé sont ici remarquables dès la première séquence. Les contrastes ont été entièrement révisés, la propreté est irréprochable, tout comme la stabilité de la copie, les détails sont enfin précis sur les visages des comédiens (qui manquaient précédemment de précision), une nouvelle clarté fait oublier l’ancienne image terne. Le Blu-ray est au format 1080p.
La piste française est présentée en Dolby Digital 2.0 ! Cette piste sonore parvient à mettre en valeur le superbe thème musical composé par Georges Delerue, qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui de L’Important c’est d’aimer (1975). Les dialogues sont clairs, mais il n’est pas rare que le volume baisse au cours d’une même séquence. Un très léger souffle chronique se distingue du début à la fin et l’équilibre est parfois trop faible. Les belles envolées lyriques de la musique compensent le niveau aléatoire des dialogues. L’éditeur joint une piste Audiodescription, ainsi que les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.