LA MUTINERIE (Riot) réalisé par Buzz Kulik, disponible en DVD et Blu-ray, depuis le 15 juin 2021 chez BQHL Éditions.
Acteurs : Jim Brown, Gene Hackman, Mike Kellin, Gerald S. O’Loughlin, Ben Carruthers, Clifford David, Bill Walker, Jerry Thompson…
Scénario : James Poe, d’après le roman de Frank Elli
Photographie : Robert B. Hauser
Musique : Krzysztof Komeda
Durée : 1h36
Date de sortie initiale: 1969
LE FILM
Dans le pénitencier d’Etat de l’Arizona, les prisonniers blancs et noirs se mêlent. En Arizona, deux détenus s’emparent des clés d’un gardien et tentent de prendre le pouvoir sur l’ensemble du pénitencier durant une gigantesque émeute qui mêle la confusion la plus total parmi les gardiens et les prisonniers. En réalité l’émeute doit servir à dissimuler une tentative d’évasion, au cours de laquelle de nombreux détenus et gardiens sont tués.
Complètement méconnu en France, La Mutinerie –Riot est basé sur un roman de Frank Elli, lui-même inspiré par une histoire vraie, celle d’une émeute qui a eu lieu dans une prison de l’Arizona, ayant entraîné la mort de plusieurs détenus, de peines endurcies pour ceux qui tentaient de se faire la belle et qui ont été repris avant de pouvoir le faire. Seul un homme, Cully Briston, a pu s’évader. La Mutinerie raconte ce fait divers et a pu être tourné dans le véritable pénitencier d’état de l’Arizona, avec le concours du directeur, des gardiens et même des vrais prisonniers. Le film est réalisé par Buzz Kulik (1922-1999), connu pour avoir écumé les séries télévisées (Climax !, Rawhide, Perry Mason, Gunsmoke, La Quatrième dimension), mais aussi fait tourner quelques stars comme Steve McQueen (Le Chasseur), Yul Brynner, Robert Mitchum et Charles Bronson (Pancho Villa), Burt Reynolds (Le Fauve), sans oublier Pierce Brosnan dans une adaptation en mini-série du Tour du monde en quatre-vingts jours à la fin des années 1980. Dans La Mutinerie, il dirige Jim Brown (né en 1936), joueur professionnel de football américain – considéré comme étant l’un des meilleurs de tous les temps – évoluant au poste de fullback, qui venait de mettre un terme à sa carrière sportive. Son charisme, sa popularité hors normes et son gabarit impressionnant (1m88 pour plus de cent kilos) attirent le monde du cinéma. Avant de tenir le haut de l’affiche de La Mutinerie, on le voit dans Rio Conchos de Gordon Douglas, Les Douze Salopards de Robert Aldrich, Le Crime, c’est notre business de Gordon Flemyng (dans lequel jouait aussi Gene Hackman), Le Dernier train du Katanga de Jack Cardiff, Destination Zebra, station polaire de John Sturge et Les 100 fusils de Tom Gries. Il obtient le rôle principal de Riot, où il donne la réplique à Gene Hackman, révélé deux ans avant dans Bonnie and Clyde d’Arthur Penn. Ne vous attendez pas à voir ce dernier de tous les plans dans La Mutinerie, car la star du film est bel et bien Jim Brown, que Buzz Kulik filme sous tous les angles, presque comme un Dieu, en prenant soin de laisser le temps aux spectatrices d’admirer sa parfaite musculature, notamment lors de la scène d’exposition où son personnage est montré à moitié nu, le corps transpirant à grosses gouttes car travaillant le goudron sous une chaleur torride, suffocante. Riot est un film âpre, violent et souvent passionnant sur les conditions de détention, parfois à la limite du documentaire, mais avant tout un spectacle divertissant qui incite constamment à la réflexion.
Le pénitencier d’État de l’Arizona, l’une des prisons les plus dures des États-Unis. Isolés au mitard, des détenus canalisent le gardien et s’emparent des clefs des cellules. Les rôles s’inversent, les prisonniers devenant maîtres d’une grande partie de l’établissement, d’où certains espèrent pouvoir s’évader. Une situation explosive qui pourrait s’achever dans un bain de sang. Si, dans l’attente d’une libération sur parole, Cully Briston se tient à l’écart du soulèvement, les criminels les plus dangereux tentent le tout pour le tout, conscients qu’ils n’ont rien à perdre à mettre le feu aux poudres…
On peut penser au Pénitencier du Colorado (1948) de Crane Wilbur, formidable long-métrage qui racontait la véritable évasion d’une dizaine de prisonniers d’un centre pénitentiaire du Colorado, et de la traque des forces de l’ordre lancées à leur poursuite. Certains éléments rappellent aussi The Brig (1964) de Jonas Mekas, centré sur l’entraînement des marines, ou bien encore Le Trou (1960) de Jacques Becker. A la fin des années 1960, le Nouvel Hollywood émerge, les principes de la narration traditionnelle sont remis en question, explosés même. La Mutinerie ne prend pas de gants et montre le quotidien des détenus, parqués comme des animaux dans quelques cellules déjà surchargées, comme des animaux envoyés à l’abattoir. Ceux qui ont osé défier les gardiens sont envoyés au gnouf. C’est là qu’explosera la révolte de ces prisonniers, même si cela cache un autre plan, élaboré par la tête pensante du groupe, Red (Mike en version française ) Fraker, interprété par Gene Hackman. Ce dernier souhaite faire diversion, faire penser à une mutinerie, protester contre les conditions de détention, injustes, à l’isolement notamment, alors qu’en réalité celui-ci et ses hommes souhaitent gagner du temps et emprunter un tunnel rebouché pendant la Deuxième Guerre mondiale, pour prendre la poudre d’escampette.
Comme Fraker ne peut pas emmener tout le monde avec lui, il compte sur le calme et la réflexion de Cully Briston (Jim Brown donc) pour calmer le jeu, le conseiller, tout en supervisant la fabrication d’un alcool « fait maison » qui fera le bonheur de l’ensemble des détenus (y compris des « folles » qui font leur numéro pour le plus grand bonheur de leurs mignons), pendant que Fraker et ses complices se feront la malle. Pendant ce temps, les gardiens, lourdement armés, ont pris position avec leur fusil à lunette et sont prêts à tirer à n’importe quel moment si cela devait dégénérer. Le temps se dilate, le soleil de plomb est omniprésent et porte sur les nerfs déjà mis à rude épreuve.
Le scénariste James Poe, auteur du Grand couteau et d’Attaque ! de Robert Aldrich, de La Chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks, du Dernier train de Gun Hill de John Sturges, d’Aux postes de combat de James B. Harris et d’On achève bien les chevaux de Sydney Pollack (excusez du peu) resserre au maximum son récit, tout en mettant en relief la complexité des personnages. Les prisonniers comme les gardiens sont tous logés à la même enseigne, par ailleurs tous placés derrière les barreaux et seul l’uniforme peut finalement les différencier. La folie est au coeur de La Mutinerie, parfois encore plus exacerbée et donc plus dangereuse chez ceux qui représentent l’autorité, y compris chez le directeur, cowboy tout droit venu d’une époque révolue. Au milieu de tous ces agités du bocal, Cully et Red semblent être les seuls capables à pouvoir communiquer sagement, à réfléchir, à penser, chacun ayant visiblement un grand respect pour l’autre et s’inspirant mutuellement. Buzz Kulik étire certaines séquences, utilisant d’ailleurs plusieurs fois la chanson 100 Years de Bill Medley, qui souligne la démarche décontractée de Cully, ce qui participe à faire monter la tension à mesure que le métrage avance, surtout quand le personnage est mis en joue par un gardien, que l’on imagine prêt à appuyer sur la gâchette.
La Mutinerie se clôt sur un bain de sang en deux temps. Si le premier est presque inévitable, son dénouement (et l’ultime séquence du film) est particulièrement glaçant car feutré, tandis que Cully parvient à disparaître dans l’ombre et que la pluie recouvre ses empreintes de pas laissées dans la boue…
LE BLU-RAY
Inédit dans les bacs français, La Mutinerie fait son apparition en DVD et en Blu-ray chez BQHL Éditions. Le disque HD repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné au visuel très attractif. Le menu principal est animé et musical.
Comme unique supplément sur ce Blu-ray, nous trouvons un entretien avec Laurent Bouhnik (28’). Le réalisateur de Sélect Hôtel, de 1999 Madeleine et surtout de Zonzon, qui abordait l’univers carcéral, dissèque La Mutinerie, qu’il semble avoir découvert peu de temps avant cette interview. Ainsi, il revient pêle-mêle sur l’histoire vraie à l’origine du film, sur les thèmes (la remise en question des institutions, de l’enfermement), sur la psychologie des personnages, aussi impitoyables des deux côtés des barreaux avec des matons violents et un directeur à moitié cinglé. L’histoire proprement dite est analysée, ainsi que le casting et la mise en scène de Buzz Kulik. Laurent Bouhnik en profite pour évoquer les conditions de détention actuelles, qui n’ont absolument pas changé depuis cinquante ans et qui s’avèrent même encore pires. Enfin, l’invité de BQHL indique que La Mutinerie est selon-lui un film essentiel sur le sujet de la prison au cinéma.
L’Image et le son
Bon…le master n’est pas de première jeunesse, surtout quand on voit dans quel état est le générique d’ouverture, constellé de poussières, de tâches, de points noirs et blancs, de rayures, de griffures…puis, soudain, la copie s’éclaire, les contrastes sont mieux gérés (même si les couleurs demeurent assez sombres tout du long), la copie est stable, le piqué est raffermi et surtout la propreté est plus éloquente (pléonasme). On note tout de même le retour des scories à chaque fin de bobine, qui entraîne aussi systématiquement divers fourmillements et décrochages. Dans l’ensemble, ce Blu-ray se tient bien hormis les credits et quelques plans plus altérés à droite à gauche. Les détails ne manquent pas, à l’instar du front luisant de transpiration des personnages, sans oublier un beau relief des matières et de la texture argentique.
Deux pistes LPCM Mono 2.0 très différentes. Homogène, mais plutôt feutrée en anglais, criarde et plus percutante en français. Privilégiez tout de même la première et n’hésitez pas à monter le son s’il le faut, car la seconde est souvent à la limite de la saturation et les dialogues sont nettement trop détachés et paraissent du coup artificiels. Les sous-titres français ne sont pas imposés.