LA CHUTE DES HÉROS (Time Limit) réalisé par Karl Malden, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 19 août 2023 chez Rimini Editions.
Acteurs : Richard Widmark, Richard Basehart, Dolores Michaels, June Lockhart, Carl Benton, Reid Martin, Balsam, Rip Torn, Khigh Dhiegh…
Scénario : Henry Denker, d’après la pièce de Henry Denker & Ralph Berkey
Photographie : Sam Leavitt
Musique : Fred Steiner
Durée : 1h32
Année de sortie : 1957
LE FILM
Au cours de la guerre de Corée, le major Gargill est accusé d’avoir pactisé avec l’ennemi et traduit devant la cour martiale. Chargé de l’enquête, le colonel Edwards découvre la vérité.
La Chute des héros – Time Limit est un projet très personnel de Richard Widmark. Alors entre La Dernière Caravane – The Last Wagon de Delmer Daves et Sainte Jeanne – Saint Joan d’Otto Preminger, dans lequel il allait camper le Dauphin Charles VII, le comédien est immédiatement séduit par la pièce de théâtre Time Limit ! (sortie en parallèle sous la forme de roman) coécrite par Henry Denker et Ralph Berkey. Ne trouvant pas le soutien des studios, Richard Widmark décide de produire cette adaptation cinématographique (il obtient lui-même les droits pour la somme de 100.000$) avec l’aide de William Reynolds, habituellement monteur (Arrêt d’autobus, La Colline de l’adieu, Papa longues jambes, Les Bannis de la Sierra). Pour la mise en scène, il confie les manettes à son ami Karl Malden, avec lequel il avait tourné Sergent la Terreur – Take The High Ground de Richard Brooks, désireux de s’essayer à la réalisation. La Chute des héros est un quasi-huis clos (au décor limité donc) et vrai thriller psychologique de guerre, qui s’intéresse au traumatisme des soldats revenus de la guerre de Corée. La même année que Les Ailes de l’espérance – Battle Hymn de Douglas Sirk, inspiré de l’histoire vraie du colonel Dean Hess et Cote 465 – Men In War d’Anthony Mann, et après Le Bataillon dans la nuit – Hold Back The Night d’Allan Dwan et surtout l’exceptionnel Baïonnette au canon – Fixed Bayonets !, La Chute des héros confronte des jeunes soldats revenus du front avec un colonel, officier enquêteur et d’État major, dans le cadre de l’éclaircissement sur des accusations de trahison portées sur l’un des leurs. Si Karl Malden ne parvient pas toujours à masquer l’origine théâtrale de son sujet, l’ensemble demeure passionnant du début à la fin et Richard Widmark signe une nouvelle grande performance qui n’est pas sans rappeler le rôle qu’il tiendra dans le phénoménal Jugement à Nuremberg.
Le colonel de l’armée William Edwards enquête sur le cas du major Harry Cargill, accusé de collaboration avec l’ennemi alors que lui et son unité étaient retenus captifs dans un camp de prisonniers de guerre nord-coréen. Cargill admet volontiers sa culpabilité et apporte des preuves prouvant qu’il a signé des aveux sur la guerre bactériologique et qu’il a diffusé des discours anti-américains à la radio, ce qui semble être un acte de trahison. Il semble que ce soit une affaire close, n’eût été le refus inexplicable de Cargill de se défendre. Alors que ce dernier éveille davantage de soupçons et le fait que sa collaboration a immédiatement suivi la mort de deux de ses soldats, les survivants de l’unité récitent tous un récit identique, au mot près. Le commandant d’Edwards, le général Connors, a un fort intérêt personnel – son fils, le capitaine Joe Connors, était l’un de ceux qui sont morts – et presse Edwards d’aller en cour martiale, mais Edwards se penche sur le mystère, refusant d’accepter les explications faciles. En fin de compte, la vérité choquante éclate.
Pourquoi tout le monde accorde-t-il tant d’importance à la vérité ?
Si La Chute des héros n’est pas un chef d’oeuvre (cela ne peut pas être le cas chaque fois et on laissera ce qualificatif pour Un crime dans la tête – The Manchurian Candidate de John Frankenheimer) en raison de son dispositif formel un peu limité et ce même si Karl Malden s’en tire bien derrière la caméra (et surtout en direction d’acteurs), le propos transcende ce bémol, ainsi que l’interprétation de tous les acteurs, tous formidables. Outre Richard Widmark, celui qui se démarque le plus est sans aucun doute et une fois de plus Martin Balsam, à ses débuts au cinéma et pour la troisième fois sur grand écran après Sur les quais – On the Waterfront d’Elia Kazan et Douze hommes en colère – Twelve Angry Men de Sidney Lumet (avec lequel La Chute des héros partage quelques points communs), qui apporte la petite touche d’humour nécessaire comme soupape dans un récit pesant et même anxiogène.
Solide prestation également de la part de Richard Basehart, qui revenait de Moby Dick de John Huston et qui était déjà présent dans Baïonnette au canon, impressionnant dans le rôle central du Maj. Harry Cargill, pour lequel il sera d’ailleurs nommé aux BAFTA. Même chose pour June Lockhart (La Brigade du suicide, She-Wolf of London, Sergent York, la série Perdus dans l’espace), dans une scène courte, mais marquante, dans lequel elle campe l’épouse démunie de Cargill, qui aura attendu son époux pendant près de trois ans, pour voir revenir un homme complètement brisé. La ravissante et trop rare Dolores Michaels (L’Homme aux Colts d’or d’Edward Dmytryk) est l’atout charme (et même beaucoup plus) dans la peau du Caporal Jean Evans et son alchimie avec Richard Widmark apporte aussi une petite légèreté bienvenue.
Il n’y a pas de crime à être humain.
Dans La Chute des héros, l’ombre du maccarthysme, qui s’est déroulé de 1950 à 1954, plane encore tout du long, et l’originalité du film provient de la charge retenue contre Cargill, qui aurait donné à ses codétenus des cours de marxisme-léninisme, durant sa détention dans un camp de prisonnier coréen. Ce sera le seul et unique long-métrage de Karl Malden, qui remplacera momentanément Delmer Daves pour quelques scènes sur La Colline des potences – The Hanging Tree quand ce dernier tombera malade. En l’état, La Chute des héros demeure un film tendu, magistralement porté par ses fabuleux comédiens, joliment photographié par Sam Leavitt (Autopsie d’un meurtre, Carmen Jones, Major Dundee, L’Enterrée vive) et dont certaines scènes restent longtemps en tête.
LE COMBO
Voilà un nouveau titre inédit qui bénéficie d’un traitement de faveur de la part de Rimini Éditions ! La Chute des héros, jusqu’alors invisible en DVD et Blu-ray en France, débarque en Combo, sous la forme d’un Digipack à deux volets. Le menu principal est animé et musical.
En plus de la bande-annonce, nous bénéficions de l’intervention toujours très pointue et passionnante de Florent Fourcart, historien du cinéma et expert de l’Histoire au cinéma, dont nous avions déjà beaucoup apprécié le travail sur les éditions HD du Salaire du diable et Une âme perdue, déjà disponibles chez Rimini Éditions. En un peu plus de vingt minutes, ce dernier nous en apprend beaucoup sur la genèse du film qui nous intéresse aujourd’hui, sur l’unique (ou presque) travail de Karl Malden derrière la caméra, sur l’implication de Richard Widmark (à l’initiative du projet), les thèmes du film, le casting, ainsi que sur le contexte de la guerre de Corée.
L’Image et le son
Quelques tâches minuscules, de très légers points noirs, des rayures verticales, des décrochages sur les fondus enchaînés et d’autres poussières apparaissent encore, mais de façon subliminale. Le master HD de La Chute des héros, repris visiblement de l’édition Kino Lorber sortie en 2020, ne déçoit pas. Pas (ou très peu) de réducteur de bruit, le grain est présent, la gestion parfois aléatoire avec une image plus grumelée ou lissée selon les plans. Les très nombreux gros plans regorgent de détails (la sueur sur la peau), le rendu des matières est palpable, la copie est stable. Le N&B est peut-être un peu léger, mais les contrastes trouvent un équilibre plaisant. Blu-ray au format 1080p.
Seule la version originale est proposée ici. Une piste anglaise DTS-HD Master Audio 2.0 qui délivre ses dialogues avec suffisamment ardeur. Les sous-titres français ne sont pas imposés.
Crédits images : © Rimini Editions / Heath Productions / MGM / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr