Test 4K UHD / Garde à vue, réalisé par Claude Miller

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GARDE A VUE réalisé par Claude Miller, disponible en Combo Blu-ray + 4K UHD le 3 décembre 2024 chez Rimini Éditions.

Acteurs : Lino Ventura, Michel Serrault, Romy Schneider, Guy Marchand, Michel Such, Elsa Lunghini

Scénario : Claude Miller, Jean Herman, Michel Audiard d’après le roman A table ! de John Wainwright

Photographie : Bruno Nuytten

Musique : Georges Delerue

Durée : 1h27

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Le soir du 31 décembre, Jérôme Martinaud, un notaire, est convoqué au commissariat afin de témoigner sur l’assassinat et le viol de deux petites filles. Les inspecteurs Gallien et Belmont, persuadés de la culpabilité du notable, le mettent en garde à vue. Gallien essaye à tout prix de le faire avouer mais malgré tout, l’affaire piétine. C’est alors que Madame Martinaud, la femme du suspect, fait un témoignage décisif pour l’enquête.

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Emblématique du cinéma d’auteur populaire, Garde à vue de Claude Miller, adapté du roman noir BrainwashA table ! de John Wainwright, demeure une référence du genre policier à huis clos. Lino Ventura, Michel Serrault, Guy Marchand et Romy Schneider s’affrontent durant 1h25, la plupart du temps enfermés dans les bureaux de la police. Le premier campe un inspecteur usé, fatigué, les épaules basses et les yeux tombants, qui convoque le second, notaire renommé de province. Il est 21h le soir de la Saint Sylvestre, il pleut à verse. Alors que le divisionnaire réveillonne avec tout le gratin dans l’annexe de la Préfecture de police, Gallien (Ventura) rejoint son bureau où l’attendent déjà son adjoint Belmont (Guy Marchand), chargé de transcrire l’interrogatoire mais qui ronge son frein face à la légèreté et l’arrogance du suspect, et Martinaud, vêtu d’un smoking. Ce dernier est passé de témoin à principal suspect dans le cadre d’une affaire de double meurtre et de viol. Deux fillettes sont mortes à quelques jours d’intervalle. Martinaud commence à perdre patience face aux questions de Gallien. Sous la pression de ce dernier, il perd le fil de son témoignage et se contredit. Persuadé que Martinaud ment et alors que ce dernier décide de partir, Gallien le retient en le mettant en garde à vue. La soirée ne fait que commencer et la nuit sera même très longue.

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Au-delà des fabuleux numéros d’acteurs qui ravissent toujours autant les spectateurs 35 ans après sa sortie, la mise en scène de Claude Miller reste un modèle du genre puisqu’elle parvient à faire ressentir cette impression d’enfermement, sans jamais ennuyer l’audience. Le cinéaste ne se repose pas sur les simples champs-contrechamps et parvient à faire de la caméra – jamais statique – un protagoniste qui s’immisce dans cette pièce exiguë, qui arpente les lieux, qui scrute les tics nerveux des protagonistes, qui suit les regards complices ou de reproches entre Gallien et Belmont, comme une véritable valse qui traduit les esprits qui s’échauffent et qui fatiguent jusqu’à 7 heures du matin. Durant cette nuit interminable (mais pas pour le spectateur), la femme de Martinaud, interprétée par Romy Schneider dans son avant-dernière apparition au cinéma, déclare détenir une preuve qui accable son mari, avec qui elle fait chambre à part depuis plus de dix ans. Malgré son peu de présence à l’écran, la comédienne imprime le film de son visage grave et usé avant l’âge, sa voix basse et bouleversante qui donne des frissons. Garde à vue bénéficie également et surtout de puissants et incisifs dialogues signés Michel Audiard. Après la tragique disparition de son fils François dans un accident de voiture en 1975, le travail du célèbre scénariste-dialoguiste-réalisateur sera marqué d’une noirceur psychologique qu’on lui connaissait peu. Garde à vue reste un des films les plus sombres qu’il aura dialogués.

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Garde à vue apparaît comme un véritable film de guerre où les mots auraient remplacé les armes. Si le retournement inattendu de la voiture volée apparaît trop facile voire improbable, il n’en demeure pas moins que Garde à vue conserve son implacable force originale et distille encore un angoissant malaise, par ailleurs renforcé par la photo froide et clinique du chef opérateur Bruno Nuytten, ainsi que la composition mélancolique et presque inquiétante de Georges Delerue, jouée à l’orgue de barbarie.

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Ce troisième long métrage de Claude Miller après La Meilleure façon de marcher (1976) et Dites-lui que je l’aime (1977) qui s’était soldé par un échec public, reste un des plus grands succès au box-office en 1981 avec plus de 2 millions d’entrées, deuxième plus grand hit de la carrière du réalisateur derrière les 2,8 millions d’entrées de L’Effrontée en 1985. Garde à vue obtient le Grand prix du cinéma français Louis Lumière, le prix Méliès, ainsi que le prix du meilleur scénario au Festival de Montréal. La Cérémonie des César récompense également le film à quatre reprises (sur huit nominations) avec les compressions pour Michel Serrault, sacré meilleur acteur, Guy Marchand pour celle du meilleur acteur dans un second rôle, Albert Jurgenson pour le meilleur montage, et Jean Herman, Claude Miller et Michel Audiard pour celle du meilleur scénario ou adaptation. En 2000, le réalisateur australien Stephen Hopkins (Predator 2, Blown Away) a signé Suspicion, un remake initié par Gene Hackman, grand admirateur du film de Claude Miller, dans lequel il reprend le rôle de Michel Serrault, tandis que Morgan Freeman interprète l’inspecteur et Monica Bellucci le rôle principal féminin.

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LE COMBO BLU-RAY +4K UHD

Comme nous l’indiquions dans notre chronique consacrée à L’Effrontée, huit ans après TF1 Studio, Rimini Éditions reprend le flambeau et propose à nouveau Garde à vue, Mortelle randonnée et L’Effrontée en Haute-Définition. À noter que ce dernier et Garde à vue bénéficient d’une nouvelle restauration 4K et sont présentés pour la première fois en Ultra Haute-Définition. Cette nouvelle édition de Garde à vue apparaît sous la forme d’un boîtier classique de couleur noire, comporte le disque Blu-ray et le 4K, le tout glissé dans un fourreau cartonné au visuel élégant. Le menu principal est animé et musical.


L’éditeur reprend tout d’abord le documentaire rétrospectif de 34 minutes intitulé Garde à vue, histoire d’un succès (Claude Miller dans la cour des grands) coréalisé par Olivier Curchod et Luc Béraud. Ce dernier, collaborateur et ami de Claude Miller, intervient également dans ce module. Ce documentaire vaut évidemment pour les propos intéressants de Nathan Miller, fils de Claude Miller, qui avait 12 ans lors du tournage et qui se souvient de sa venue sur le plateau, sans oublier les interventions de Jean-Louis Livi, agent de Claude Miller, d’Annie Miller (la femme du cinéaste), de Lam Lê (directeur artistique), de Nadine Muse (monteuse son) et même du réalisateur Jean-Pierre Vergne (premier assistant-réalisateur, décédé en 2014) et surtout de Claude Miller lui-même (décédé en 2012). Les entretiens de ces deux derniers ont été réalisés par Jérôme Wybon, peu de temps avant leur décès.

garde-14garde-15garde-17garde-18Ce documentaire s’avère indispensable pour en savoir plus sur la genèse de Garde à vue, d’autant plus que Claude Miller semble ravi de revenir sur ce film qui a fait exploser sa carrière. La mise en route du projet, les partis pris, l’adaptation du roman de John Wainwright, la façon dont Claude Miller s’est approprié cette histoire malgré l’hégémonie de Michel Audiard, le casting (Yves Montand avait été envisagé pour le rôle finalement tenu par Lino Ventura), la création du storyboard (images à l’appui), la photo de Bruno Nuytten, la collaboration Ventura/Serrault, la sortie triomphale du film sur les écrans, tout est abordé posément avec parfois quelques photos et images issues du tournage.

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Le second supplément donne la parole au réalisateur Patrice Leconte (6′) qui déclare son amour pour le film et encense le travail de son confrère en disant que Garde à vue demeure une exemplaire leçon de mise en scène. Un film qui l’impressionne toujours aujourd’hui par sa rigueur formelle, qu’il qualifie d’intemporel et d’indémodable, tout en louant son classicisme dans le sens le plus noble du terme.

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Trois nouveaux suppléments viennent garnir la besace de cette nouvelle édition, que l’on imagine définitive de Garde à vue. Trois pépites encore découvertes par Jérôme Wybon.

Le premier module inédit est une interview de Michel Serrault (10’), enregistrée pour l’émission Le Carrousel aux images, le 27 décembre 1984. Interrogé par le journaliste Sélim Sasson (surnommé le «Monsieur cinéma» de la RTBF), le comédien revient sur sa condition d’acteur, sur la notion du jeu, même s’il confesse qu’il est « très compliqué de parler de ce métier ». Michel Serrault s’exprime ensuite sur sa façon d’aborder un personnage (comique ou non), en se basant avant tout sur une vérité, puis sur les intentions du metteur en scène et du scénariste (et/ou dialoguiste), en précisant « qu’on a tous quelque chose de fêlé quelque part et que l’on serait épaté par l’étrangeté qu’on peut dégager ». Il clôt cette interview en se penchant sur le rapport entre l’un de ses personnages et le spectateur.

Autre nouveau bonus à se mettre sous la dent, il s’agit d’une intervention croisée de Claude Miller et de Michel Audiard, enregistrée dans la même émission que précédemment, mais le 8 octobre 1981 cette fois, à l’occasion de la sortie de Garde à vue en Belgique (12’30). Claude Miller répond brillamment quand on lui demande s’il s’agit d’un film de commande, ce en quoi il déclare n’y voir aucune notion péjorative, puisqu’il s’agit d’un procédé classique depuis toujours au cinéma. Il justifie ensuite le choix d’un tournage essentiellement réalisé en studio, ce qui lui permettait « de trouver une stylisation, d’avoir la possibilité de contrôler le mieux possible la lumière comme il s’agit d’un huis clos, tout en bénéficiant d’une réelle liberté, afin de trouver une harmonie visuelle ». Michel Audiard évoque le roman de John Wainwright, À table ! – Brainwash, sur lequel est basé le scénario, parle des personnages et des liens (ou des différences) avec le livre. Le célèbre dialoguiste avoue qu’il a eu quelques petites angoisses pour écrire les répliques destinées à Romy Schneider, pour laquelle il créait pour la première fois de sa carrière. Puis, ce dernier indique que Prévert lui a sûrement donné sa vocation, avant de parler avec le journaliste de quelques-uns de ses dialogues restés dans les mémoires.

Le gros MUST de cette nouvelle édition est un numéro de l’émission Champ contrechamp, diffusée le 3 octobre 1981, avec pour thème « La Rentrée sous le signe du polar » (52’). « Le cinéma français a fait une rentrée brillante et bruyante » annonce le présentateur, avant de passer en revue ceux qui l’entourent. Et il y a du beau monde ! Alain Corneau, Claude Miller, Michel Audiard, Pierre Fabre (acteur et scénariste de La Bande à Bonnot de Philippe Fourastié), Michel Serrault, ainsi que Charles Pellegrini, chef de l’Office central de répression du banditisme (OCRB). C’est d’ailleurs ce dernier qui intéresse tout d’abord les autres, souhaitant son avis sur les polars au cinéma. Charles Pellegrini indique alors voir les films policiers au cinéma pour le changer de son « quotidien ». La clope et le whisky sont quasiment de chaque plan, les échanges sont passionnants (Alain Corneau, dont Le Choix des armes venait de sortir, toujours enflammé quand il évoque le film noir et policier américain), on parle de Gabin, Becker, Verneuil, Decoin, Duvivier, comment le film policier peut influencer les vraies forces de l’ordre, mais aussi les voyous…Si Michel Serrault est étrangement plus effacé (surtout dans la première partie), Michel Audiard lâche quelques propos inattendus («À part L’Inconnu du Nord-Express, tous les scénarios d’Alfred Hitchcock sont particulièrement idiots »). Quel bonheur d’avoir accès à ce genre d’archives, du temps où l’on savait s’exprimer, où l’érudition n’était pas pédante, mais contagieuse.

Le seul supplément non repris de l’édition TF1 est la rencontre de Michel Drucker avec Michel Serrault puis avec Lino Ventura sur le plateau du film (Archives de l’INA, 4’30). Dommage, car on y voyait les deux comédiens s’exprimer avec un grand respect mutuel sur leur collaboration, l’occasion de voir aussi rapidement Claude Miller à l’oeuvre avec ses acteurs.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Hormis une édition DVD complètement dépassée éditée chez TF1 Vidéo en 2000, avec une version tronquée du film (au format 4/3!) qui plus est, Garde à vue était apparu une première fois en HD sous la bannière TF1 Studio en 2016. 2024, le très grand classique de Claude Miller reçoit enfin les honneurs dus à son rang. Il aura donc fallu attendre encore huit ans pour que les bémols constatés sur l’ancien Blu-ray soient éradiqués. Garde à vue fait peau neuve dans une édition restaurée 4K et s’avère donc présenté en Ultra Haute-Définition ! N’oublions pas que Garde à vue est un huis clos, avec une action essentiellement confinée dans des bureaux. Aucune profondeur de champ attendue donc. La copie est propre, cette fois entièrement débarrassée des poussières diverses et variées. L’apport UHD n’a rien de facultatif pour Garde à vue et contrairement au Blu-ray TF1, ce disque repousse les limites. Plus aucun fourmillement n’est constaté, la gestion du grain est enfin gérée, équilibrée et organique, tandis que les contrastes sont également à la hauteur des espérances (déçues en 2016). La photographie froide – et éclairée aux néons – de Bruno Nuytten est somptueusement restituée et le format 1.66 respecté. Adieu les plans altérés sur le Blu-ray TF1 Studio, surtout ceux qui se focalisaient sur Guy Marchand attablé devant sa machine à écrire. La magie de l’UHD opère bel et bien.

Une piste unique en DTS-HD Master Audio Mono, qui instaure un confort acoustique agréable et qui restitue les petites ambiances environnantes. Aucun souffle constaté, les dialogues percutants de Michel Audiard, dont certains ont été réenregistrés en post-synchronisation en raison d’une incompatibilité entre la prise de vue à 25 images/seconde et la prise de son en 24 images/seconde (tout est expliqué dans les suppléments), sans parler du bruit de la fausse pluie qui martelait le décor au moment du tournage, sont vifs et dynamiques. Les sous-titres destinés aux spectateurs sourds et malentendants sont également disponibles.

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Crédits images : © TF1 Film Production / TF1 Studio / Rimini Éditions / Captures Blu-ray et Bonus : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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