CORSAGE réalisé par Marie Kreutzer, disponible en DVD et Blu-ray le 18 avril 2023 chez Ad Vitam.

Acteurs : Vicky Krieps, Colin Morgan, Tamás Lengyel, Ivana Urban, Finnegan Oldfield, Alma Hasun, Aaron Friesz, Jeanne Werner…

Scénario : Marie Kreutzer

Photographie : Judith Kaufmann

Musique : Camille

Durée : 1h53

Date de sortie initiale : 2022

LE FILM

En 1877, durant la période de Noël, Elisabeth, impératrice d’Autriche, fête son 40e anniversaire. Du fait de ses titres, elle a énormément de devoirs envers la Cour qui limite sa vie par des rituels ancestraux. Consciente qu’elle vieillit, Elisabeth quitte Vienne pour se rendre en Angleterre et en Hongrie afin de retrouver sa jeunesse. Au cours de son voyage, la souveraine rendra visite à d’anciens amants et alliés politiques. Ce faisant, elle élaborera un plan pour protéger son héritage…

Élisabeth Amélie Eugénie de Wittelsbach (1837-1898) — plus connue sous le surnom de « Sissi » — duchesse en Bavière puis, par son mariage, impératrice d’Autriche et reine de Hongrie, de Bohême et de Lombardie-Vénétie. Quand on évoque ce personnage historique, son visage prend immédiatement les traits de Romy Schneider, qui l’aura interprété à quatre reprises, dans la trilogie d’Ernst Marischka de 1955 à 1957, mais aussi près de vingt ans plus tard dans Ludwig : Le Crépuscule des dieux de Luchino Visconti. Pourtant, d’autres avant (Edwige Feuillère, Marguerite Jamois) et après (Ava Gardner, Sandra Ceccarelli) elle l’auront également incarné, aussi bien pour le petit (on ne compte plus les séries télévisées) que le grand écran. Cela faisait une bonne dizaine d’années qu’une comédienne ne s’était pas frottée à ce rôle disons-le emblématique au cinéma et c’est désormais chose faite pour la talentueuse et magnétique actrice luxembourgeoise Vicky Krieps, dans Corsage de l’autrichienne Marie Kreutzer (née en 1977), très justement récompensée par le Prix de la meilleure performance au Festival de Cannes 2022, où le film faisait partie de la sélection Un Certain Regard. Quasiment de toutes les scènes et même de tous les plans, elle signe une impressionnante prestation et apporte un vent de fraîcheur dans sa composition de la Première dame d’Autriche, femme de l’Empereur François-Joseph Ier, âgée de 40 ans. Pour cet anniversaire particulier, Elisabeth décide de se rebeller contre le protocole, l’image qu’elle doit afficher et colporter. Ainsi, elle n’a pas le droit de s’exprimer et doit rester à jamais la belle et jeune impératrice. Pour satisfaire ces attentes, elle se plie à un régime rigoureux de jeûne, d’exercices, de coiffure et de mesure quotidienne de sa taille. Mais ces conventions commencent à l’étouffer. Avide de savoir et de vie, Élisabeth veut se prouver qu’elle est encore bel et bien en vie. N’attendez surtout pas un biopic en bonne et due forme, ou d’un respect formel aux événements réels, mais plutôt à une formidable et culottée adaptation de la vie de l’impératrice d’Autriche.

Votre mari a une image précise de vous et ne peut en accepter aucune autre !

Toujours là où on l’attend le moins, Vicky Krieps tourne à travers le monde, chez Joe Wright (Hanna), Roland Emmerich (Anonymous), Eric Rochant (Möbius), Philippe Claudel (Avant l’hiver), Anton Corbijn (Un homme très recherché), Paul Thomas Anderson (Phantom Thread), en français, en anglais, en allemand, avec la même élégance et une aisance remarquable. Avec Corsage, elle retrouve la réalisatrice Marie Kreutzer avec laquelle elle avait déjà tournée en 2016 (Was hat uns bloß so ruiniert) pour un projet ambitieux dont elle est également coproductrice et par ailleurs à l’origine du film. Elle se glisse dans la peau de l’Impératrice Élisabeth, pour en faire ressortir le côté féministe avant l’heure, sans en faire des tonnes et c’est là que l’ensemble tient du miracle. Corsage est blindé d’anachronismes évidemment volontaires, comme cette rencontre entre Élisabeth et Louis Le Prince (Finnegan Oldfield), pionnier du cinéma, qui lui présente son invention et lui propose de l’immortaliser avec.

Oubliez les Converse dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola, ici il n’est pas rare de voir un téléphone, un interrupteur ou même un panneau lumineux de sortie de secours. Et pourtant, même si on voit ces éléments, on s’en moque, car tout ne fait que refléter la modernité et même la contemporanéité de cette femme, qui n’est plus « de première jeunesse », on ne cesse de le lui rappeler (« votre teint a changé », « 40 ans est l’espérance de vie d’une femme du peuple »), mais qui est tout de même fatiguée de se conformer à l’image qu’elle traîne depuis près d’un quart de siècle.

Désormais, Sissi (qui d’ailleurs ne sera jamais appelée comme ça dans le film) n’hésite pas à réveiller sa petite fille en pleine nuit, pour aller faire du cheval alors qu’il fait très froid dehors, ce à quoi son époux lui rétorquera qu’il ne souhaite pas qu’elle lui transmette son « exaltation ». Alors que son fils lui reproche aussi de ne pas tenir son rang et de jouer son rôle, Élisabeth peut quitter un repas qui l’ennuie à mourir, avant de dresser le majeur aux convives de son mari en guise d’adieu, ou alors taper du poing sur la table comme l’empereur qui avait fait de même, avant de traiter un des valets de son époux de gros connard.

Si elle est excellemment épaulée par des comédiens chevronnés, il est difficile de ne pas voir que Vicky Krieps, dans Corsage, qui porte « souverainement » ce magnifique portrait de femme sur ses épaules du début à la fin, jusqu’au générique de fin, qui le vampirise encore bien après, tout comme la chanson She Was de Camille, qui revient comme une ritournelle particulièrement entêtante.

LE BLU-RAY

Seulement 80.000 spectateurs français sont venus applaudir Vicky Krieps lors de la sortie du film en décembre 2022. Cela n’empêche pas Ad Vitam de proposer le long-métrage de Marie Kreutzer en DVD et en Blu-ray. L’édition HD prend la forme d’un boîtier standard de couleur bleue, le visuel de la jaquette reprenant celui de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.

Deux petits modules à se mettre sous la dent. Le premier est un making of de 4 minutes, ou un montage d’instantanés de tournage, sans commentaire (et sur une musique étrange qui rappelle Auteuil, Neuilly, Passy des Inconnus), où l’on peut voir l’ambiance plutôt légère (malgré la pandémie) qui régnait sur le plateau.

Le second supplément est également un montage de scènes laissées sur le banc de montage, d’improvisations et d’autres éléments insolites, conservés car « trop bons pour finir à la poubelle » (5’) comme l’indique un carton de la réalisatrice.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Ad Vitam sort l’un de ses titres forts en HD, Corsage. Ce master HD s’en tire avec une grande élégance, une superbe restitution de la photo riche et lumineuse du chef opérateur Judith Kaufmann (L’Audition), alliant les teintes chaudes et ambrées avec les gammes plus froides et éthérées des extérieurs. Le piqué est acéré comme la lame d’un scalpel, y compris sur les plans plus sombres, les détails sont riches aux quatre coins du cadre large ainsi que sur les visages des comédiens, la gestion des contrastes est solide, les scènes en extérieur diurnes sont magnifiques et dignes du support.

Le mixage multilingue DTS HD Master Audio 5.1, combinant l’allemand, le français, l’anglais et le hongrois propose une plongée intimiste dans l’histoire de Corsage, en usant avec parcimonie des ambiances latérales et une délivrance saisissante des dialogues sur la centrale. La musique jouit d’une jolie spatialisation, quelques effets naturels sont mis en valeur. Une piste Stéréo est aussi présente. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Ad Vitam / Films AG – SAMSA FILM – KAZAK PRODUCTIONS – ORF FILM – FERSEH-ABKOMMEN – ZDF – ARTE – ARTE FRANCE / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr