CHUT, CHUT CHÈRE CHARLOTTE (Hush… Hush, Sweet Charlotte) réalisé par Robert Aldrich, disponible en Blu-ray le 25 septembre 2019 chez BQHL Editions
Acteurs : Bette Davis, Olivia de Havilland, Joseph Cotten, Agnes Moorehead, Cecil Kellaway, Victor Buono, Mary Astor…
Scénario : Henry Farrell, Lukas Heller
Photographie : Joseph Biroc
Musique : Frank De Vol
Durée : 2h13
Date de sortie initiale : 1964
LE FILM
Quelque part en Louisiane. Depuis bientôt quarante ans, Charlotte Hollis vit recluse dans l’immense maison dont elle a hérité de son père, théâtre omniprésent dans son esprit malade de l’assassinat sauvage de son amant à coups de hache. Soupçonnée par beaucoup d’être la meurtrière, toujours sur le fil du rasoir entre raison et folie, Charlotte s’oppose violemment à son expulsion de la propriété, sur laquelle un pont doit être construit.
1962, Robert Aldrich réalise Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?. Anciennes égéries des Studios Warner et éternelles rivales, Bette Davis et Joan Crawford se trouvent réunies pour la seule et unique fois devant la caméra. Réputées pour leurs tempéraments explosifs sur les plateaux, les deux comédiennes livrent pourtant une de leurs plus grandes performances dans ce film culte, résolument moderne, oscillant entre plusieurs genres au point de désorienter encore admirablement les spectateurs contemporains. Robert Aldrich dirige d’une main de maître ces deux reines de l’âge d’or hollywoodien, ces deux icônes, dont il égratigne l’ancienne beauté grâce à son directeur de la photographie Ernest Haller (Autant en emporte le vent), n’hésitant pas à avoir recours à de nombreux gros plans montrant des visages chiffonnés, blafards, creusés, des cheveux filasse, des cernes marquées, des sourcils épais, un maquillage à outrance, grotesque, terrifiant. Deux ans plus tard, après Sodome et Gomorrhe et Quatre du Texas, le cinéaste souhaite reformer le duo vedette de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?.
Les prises de vue de Chut…chut, chère Charlotte démarrent, mais très vite, Joan Crawford est victime de problèmes de santé et doit se faire hospitaliser. Qui pour la remplacer dans le rôle de Miriam Deering ? Loretta Young, Barbara Stanwyck, Katharine Hepburn et Vivien Leigh déclinent la proposition. Finalement, contre toute attente, Olivia de Havilland succédera à Joan Crawford. Véritablement investies, Bette Davis et sa partenaire livrent une ahurissante composition, chacune jouant sa partition certes, mais qui met finalement l’autre en valeur. A l’instar de Qu’est-il arrivé à Baby Jane ?, Chut, chut chère Charlotte est un film anxiogène. Robert Aldrich joue avec les légendes des deux anciennes stars du cinéma des années 1930-1940, dont la carrière était alors sur le déclin. Sommet dans l’oeuvre de son auteur, Hush… Hush, Sweet Charlotte est un des chefs d’oeuvre de Robert Aldrich.
En 1927, en Louisiane. Lors d’une réception, la jeune Charlotte Hollis apparaît devant les invités couverte de sang. John Mayhew, son amant, vient d’être assassiné. Charlotte et John étaient sur le point de s’enfuir, loin de l’autorité d’un père possessif et de la jalousie d’une épouse. Des années plus tard, en 1964, Charlotte vit toujours dans la somptueuse propriété qui a été le théâtre du drame. Charlotte devenue la risée des habitants est considérée par tous comme folle. Celle-ci est menacée d’expropriation. N’entendant pas se laisser faire, elle fait appel à sa cousine Miriam Deering.
Expert en storytelling, Robert Aldrich convie les spectateurs dans le Sud des Etats-Unis, sur une ancienne plantation, qui appartient à la famille du personnage principal depuis la guerre civile. Le réalisateur dresse le tableau d’emblée. Après un prologue particulièrement cinglant et violent (le générique intervient au bout d’un quart d’heure), le récit fait un bond de 37 ans pour emmener l’audience en 1964. Le décor est planté, les personnages peuvent donc réellement entrer en scène.
Alors que son personnage dans Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? se raccrochait désespérément à son ancienne gloire et à sa carrière, au point de perdre complètement les pédales, celui que Bette Davis interprète ici se raccroche à son immense demeure. Pour cela, Charlotte peut compter sur l’aide de sa gouvernante, l’immense Agnes Moorehead, éternelle Endora de la série culte Ma sorcière bien-aimée. Nommée à l’Oscar du meilleur second rôle féminin, elle vole systématiquement la vedette à chaque apparition avec ses cheveux ébouriffés, sa démarche claudicante et sa voix éraillée. Le reste du casting se compose des illustres Joseph Cotten dans le rôle de l’inquiétant docteur Drew Bayliss, George Kennedy et Bruce Dern dans une de leurs premières apparitions au cinéma, tandis que Mary Astor (Le Faucon maltais) apparaissait pour la dernière fois sur le grand écran.
Quasi-huis clos, étouffant, Chut…chut, chère Charlotte ne tombe jamais dans le théâtre filmé. La mise en scène est sans cesse inventive, les cadres remarquables, le réalisateur distille un suspense qui joue avec les nerfs des spectateurs, la caméra est très souvent en mouvement. Avec son montage virtuose et sec (par le collaborateur fidèle Michael Luciano), Aldrich déjoue les attentes, étire ou au contraire contracte le temps. Le spectateur s’accroche à son fauteuil à plusieurs reprises suite aux très nombreux rebondissements, très largement inspirés par Les Diaboliques d’Henri-Georges Clouzot et Psychose d’Alfred Hitchcock.
Chut…chut, chère Charlotte reste un monument incontournable et exceptionnel du genre – lequel au fait ? – thriller psychologique époustouflant, film d’horreur violent et cruel, comédie surréaliste, folle et paranoïaque, qui a depuis fait moult émules, notamment chez la célèbre Hammer qui allait surfer sur la mode du thriller paranoïaque.
LE BLU-RAY
Chut…chut, chère Charlotte n’était disponible qu’en DVD chez 20th Century Fox, dans une édition qui ne se revend désormais qu’en occasion à prix élevé. Remercions donc BQHL Editions de ressortir ce chef d’oeuvre de Robert Aldrich, en édition restaurée et en combo Blu-ray+DVD ! Le menu principal est animé et musical.
Aucun supplément sur cette édition. D’ailleurs, nous ne trouvons pas non plus de chapitrage. Seul le lancement du film est disponible.
L’Image et le son
Quel plaisir de redécouvrir les bijoux de l’âge d’or d’Hollywood dans de telles conditions ! BQHL Editions se devait de restituer la beauté originelle du N&B de Chut…chut, chère Charlotte, présenté pour l’occasion dans sa version intégralement restaurée. L’apport HD demeure omniprésent, fabuleux, offrant aux spectateurs un relief inédit, des contrastes denses et chatoyants, ainsi qu’un rendu ahurissant des gros plans. La propreté du master est ébouriffante, la stabilité (y compris sur les fondus enchaînés) et la clarté sont de mise, le grain cinéma respecté et la compression AVC de haute volée. A l’exception de quelques plans peut-être plus vaporeux ou moins pointus, nous nous trouvons devant la plus belle copie à ce jour du chef d’oeuvre de Robert Aldrich.
Point de remixage 5.1 superflu à l’horizon. La piste anglaise unique est proposée en Dolby Digital Mono. Aucun souffle, craquement, ni fluctuations ne sont à déplorer, le confort acoustique est clair, net, précis tout du long.