
CHASSÉS-CROISÉS SUR UNE LAME DE RASOIR (Passi di danza su una lama di rasoio) réalisé par Maurizio Pradeaux, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Robert Hoffmann, Nieves Navarro, Jorge Martín, Anuska Borova, Serafino Profumo, Simón Andreu, Anna Liberati, Rosita Torosh…
Scénario : Alfonso Balcázar, Arpad DeRiso, Jorge Martín & Maurizio Pradeaux
Photographie : Jaime Deu Casas
Musique : Roberto Pregadio
Durée : 1h31
Date de sortie initiale : 1973
LE FILM
Alors que Kathy et ses parents, Suédois venus lui rendre visite à Rome, attendent l’arrivée d’Alberto Morosini, son fiancé, pour repartir à l’aéroport, celle-ci, guettant sa venue au moyen d’une longue-vue panoramique, est alors témoin du meurtre à l’arme blanche d’une jeune femme dans un appartement. De retour de l’aéroport, Kathy et Alberto se rendent au poste de police, où elle est interrogée par le commissaire Merughi. Peu de temps après, deux témoins potentiels qui se trouvaient non loin de la scène du crime, un vendeur de marrons et une femme de ménage, sont sauvagement assassinés. Kathy sera-t-elle la prochaine victime ?

Moui…mouarf…Chassés-croisés sur une lame de rasoir – Passi di danza su una lama di rasoio, comme son titre vous l’a peut-être indiqué, ou bien encore Devil Blade pour sa sortie VHS hexagonale, est un giallo méconnu, sorti en 1973 et réalisé par un certain Maurizio Pradeaux (1931-2022), jusqu’à présent inconnu pour l’auteur de ces mots. Assistant de production, il passe derrière la caméra en 1966 avec Ramon le Mexicain – Ramon il messicano, western avec Claudio Undari. Puis, le metteur en scène et scénariste va suivre les genres à succès du moment, entre le film de casse (Un casse pour des clous – 28 minuti per 3 milioni du dollari), le film de guerre (Les Léopards de Churchill – I Leopardi di Churchill), la comédie (I Figli di Zanna Bianca), puis enfin le giallo. Chassés-croisés sur une lame de rasoir sort sur les écrans alors que la mode est déjà au poliziottesco. Folie meurtrière de Tonino Valerii, Toutes les couleurs du vice de Sergio Martino, Mais… qu’avez-vous fait à Solange ? de Massimo Dallamano, À la recherche du plaisir de Silvio Amadio, Qui l’a vue mourir ? d’Aldo Lado, La Longue Nuit de l’exorcisme de Lucio Fulci et quelques autres pointures sont sorties l’année précédente, mais le thriller horrifique arrive quelque peu en bout de course. Peu de choses distinguent l’opus de Maurizio Pradeaux du tout-venant, à part sans doute la participation de la magnifique Susan Scott aka Nieves Navarro (d’où une coproduction hispano-italienne), l’une des plus belles créatures du cinéma italien d’exploitation après Edwige Fenech. Tout y est, un tueur vêtu d’un grand manteau noir, la tête surmontée d’un chapeau, les mains glissées dans des gants, arme blanche au poing, tandis qu’une caméra subjective adopte son point de vue. Et les meurtres de se succéder. Pour quelle raison ? La résolution (forcément décevante) sera dévoilée dans les toutes dernières minutes. Pas déshonorant, mais franchement peu excitant, Passi di danza su una lama di rasoio demeure complètement anecdotique et s’oublie immédiatement après visionnage. Au suivant !



Kathy, une jeune suédoise, assiste par hasard au meurtre du danseur Martinez depuis un télescope du Janicule, sans voir le visage du tueur. Après le meurtre de deux témoins, la police utilise Kathy comme appât, mais en vain. Son partenaire, Alberto Morosini, est soupçonné de ces crimes, car il existe des preuves que le coupable est un infirme, et lui-même s’est récemment blessé à une jambe. Le meurtre de Martinez est également lié à celui d’une autre danseuse, qui s’était déjà produit de manière identique : le tueur en série achève ses victimes avec une lame de rasoir. Au même moment, Lidia Arrighi, une journaliste du Paese sera, tente de découvrir la vérité.


C’est bien fait, on ne va pas dire le contraire. La mise en scène est fonctionnelle comme on dit, le montage imputable aux deux frères Alabiso (Enzo et Eugenio) fait son office, tout comme la photographie qui oscille entre le raffiné et le craspec. Dommage que la musique signée Roberto Pregadio (La Dernière maison sur la plage, Le Sourire de la hyène, Horreurs nazies : Le camp des filles perdues), intéressante au demeurant, soit omniprésente, redondante et plombe finalement l’ensemble. L’enquête s’avère assez molle, avance par à-coups, freine, repart, sans véritable entrain, quelques scènes érotiques viennent remplir les trous (nombreux) et débarquent comme ça, sans explication, tout comme une interminable danse dénudée.


Les protagonistes sont guère attachants, même si les acteurs font ce qu’ils peuvent pour tenter d’insuffler un intérêt à la chose. Nieves Navarro est aujourd’hui l’unique élément à sauver réellement de Chassés-croisés sur une lame de rasoir. Ses partenaires, Robert Hoffman (La 7ème cible, Le Vieux fusil, Spasmo, Trois chambres à Manhattan), Simón Andreu (La Mariée sanglante, La Mort caresse à minuit, La Mort marche en talons hauts), pour les plus connus, n’ont pas grand-chose à défendre et s’avèrent des pions placés sur un échiquier paresseusement composé, jusqu’au dénouement qui peut aisément se deviner à l’avance.


Quelques scènes sortent peut-être du lot, à l’instar de l’enquête de Kathy et Morosini à l’école de danse de Martinez, qui permet d’identifier le coupable. Mais c’est trop peu et classique, mineur, attendu et maladroit.



LE BLU-RAY
Chassés-croisés sur une lame de rasoir a connu les honneurs d’une sortie en VHS dans notre beau pays. Point de DVD par la suite et il aura donc fallu attendre 2025 pour qu’un éditeur exhume cette rareté en Blu-ray. Un travail que l’on doit au Chat qui fume, un des éditeurs français les plus actifs sur la scène hexagonale. Le disque repose dans un boîtier Scanavo, la jaquette s’avère soignée, tandis qu’un fourreau cartonné du plus bel effet emballe le tout avec un visuel hérité de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical. Version intégrale.


Un seul supplément au programme. Il s’agit d’une interview du monteur Eugenio Alabiso, non crédité au générique de Chassés-croisés sur une lame de rasoir, mais qui a bel et bine officié sur le film de Maurizio Pradeaux. Durant un peu plus de vingt minutes, ce caro Eugenio explique comment il est entré dans le monde du cinéma, par l’intermédiaire de son frère Enzo, déjà en place dans le milieu. La rencontre avec Sergio Leone sera déterminante sur Et pour quelques dollars de plus. Il évoque également ses collaborations avec certains réalisateurs de renom, Mino Loy, Umberto Lenzi, Sergio Martino, Enzo Barboni, Sergio Corbucci, parle de l’évolution du western vers le pastiche, de tout un pan du cinéma qui a aujourd’hui évidemment disparu.

L’Image et le son
C’est du très bon boulot. Comme bien souvent, ou comme d’habitude même, Le Chat qui fume a mis les petits plats dans les grands et déroule le tapis rouge à Chassés-croisés sur une lame de rasoir, qui certes n’est pas le thriller-giallo le plus connu de son catalogue, mais qui n’en reste pas moins soigné avec les mêmes honneurs réservés habituellement aux titres plus porteurs dirons-nous. La propreté du master est quasi-irréprochable (des poussières, points blancs et des sautes d’images subsistent), la stabilité est de mise, les contrastes sont élégants, la texture argentique présente et solidement gérée, la clarté éloquente, les détails foisonnants, le piqué étonnant, la palette chromatique riche et variée. Divers plans moins définis, pour ne pas dire flous. Master repris de l’éditeur Vinegar Syndrome.

En italien comme en français, les mixages 2.0 instaurent un bon confort acoustique. Les dialogues sont délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La musique dispose d’un très bel écrin. Doublage français réussi.



Crédits images : © Le Chat qui fume / Minerva / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr