
AILLEURS, L’HERBE EST PLUS VERTE (The Grass is Greener) réalisé par Stanley Donen, disponible en Combo Blu-ray + DVD le 1er juillet 2025 chez Rimini Éditions.
Acteurs : Cary Grant, Deborah Kerr, Robert Mitchum, Jean Simmons, Moray Watson…
Scénario : Hugh Williams & Margaret Vyner, d’après leur pièce de théâtre
Photographie : Christopher Challis
Musique : Noel Coward
Durée : 1h40
Date de sortie initiale : 1960
LE FILM
Lord et Lady Rhyall ont dû ouvrir au public leur manoir anglais pour arrondir les fins de mois. Ils vivent avec leurs deux enfants dans quelques pièces du château, pendant que les touristes se bousculent dans le reste de l’immense demeure. Lady Rhyall cultive des champignons qu’elle vend au village, et le majordome supplie qu’on le renvoie pour faire des économies. Un jour, un millionnaire américain, Charles Delacro, pousse la porte marquée « privé » et tombe sous le charme de Lady Rhyall. Elle part à Londres, sous couvert d’habiter chez son amie Hattie et vit quelques jours de rêve avec l’Américain. Lord Rhyall n’est pas dupe, mais tient à garder sa femme sans se montrer jaloux. Il organise un week-end au manoir où les quatre protagonistes vont redistribuer les cartes.

C’est toujours un petit jeu sympa entre cinéphiles. Citez au moins cinq films réalisés par Stanley Donen ! Chantons sous la pluie – Singin’ in the Rain (1952), oui évidemment. Drôle de frimousse – Funny Face (1957), certes, avec Audrey Hepburn ! On continue ? Charade (1953) ! Bravo, ensuite ? Euh…Voyage à deux – Two for the Road (1967) ? Évidemment, un de ses plus beaux d’ailleurs ? Et ? Ah oui, ça coince hein ? Pourtant, Stanley Donen aura signé près de trente longs-métrages en 35 ans. Alors, en regardant sa filmographie on peut aussi citer Indiscret – Indiscreet (1958) et Arabesque (1966), mais c’est après que cela devient vraiment très difficile. Ailleurs, l’herbe est plus verte – The Grass Is Greener apparaît au mitan de la carrière du cinéaste. Cette troisième collaboration avec Cary Grant, après Embrasse-la pour moi – Kiss Them for Me (1957), Indiscret (1958) et trois ans avant Charade (1963), demeure étonnamment oubliée et ce malgré son casting quatre étoiles, qui comprend aussi Deborah Kerr, Robert Mitchum et Jean Simmons. Comédie dite de « remariage », Ailleurs, l’herbe est plus verte est une sucrerie acidulée, qui vaut essentiellement pour ses quatre têtes d’affiche prestigieuse, qui se renvoient la balle avec une dextérité forcément virtuose, même si l’histoire n’a il faut bien le dire rien de transcendant. À l’instar d’Indiscret, Stanley Donen reste enfermé dans un théâtre filmé, d’ailleurs le film est la transposition d’une pièce à succès signée Hugh et Margaret Vyner créée à Londres en 1956, et tout cela s’avère quelque peu étouffant, étant donné que l’action est la plupart du temps enfermée dans le manoir des Rhyall. Mais les cinéphiles ne manqueront pas de se pencher sur The Grass Is Greener, car passer 1h40 en compagnie de tels monstres, cela ne se refuse évidemment pas.


Linley Hall est un magnifique manoir anglais où vivent, depuis douze ans, le comte Victor Rhyall et sa femme Hilary. Leur vie serait faite d’un bonheur parfait s’ils ne devaient pas faire face régulièrement à des problèmes d’argent. Aussi décident-ils, pour entretenir leur vaste demeure, de l’ouvrir en partie aux touristes. A la faveur de l’une de ces visites guidées, Charles Delacro, un milliardaire américain que les convenances n’embarrassent guère, force la porte de leurs appartements privés et rencontre la comtesse. Le coup de foudre est réciproque. Plutôt que de s’abandonner à un dépit accablé, Victor réagit promptement. Il demande à Hattie, une ancienne petite amie, de lui prêter son concours et de mettre ses charmes à la disposition de sa stratégie : la reconquête par la jalousie…


Il y a tout d’abord ce générique génial imaginé par Maurice Binder, qui annonce comme dirait les « Bébés Évian », où chaque département technique est représenté par l’action d’un bambin. Puis, une petite chanson plante le décor, « Les grandes demeures anglaises ont fait notre fieeeerté ! », avec une ironie qui restera jusqu’à la fin. Là-dessus, on comprend d’emblée que pour joindre les « deux bouts », le très fair-play lord Rhevyll autorise la visite payante de sa propriété, pour deux shillings et six pence. C’est ainsi qu’un touriste américain fera la connaissance de la très épouse et très mère de famille lady Rhevyll qui n’a pas été immunisée contre les surprises des sens.


Cary Grant, impérial, remplaçait Rex Harrison, préalablement choisi pour camper Lord Rhyall, mais qui avait dû décliner en raison de la disparition soudaine de sa femme Kay Kendall (également prévue, finalement remplacée par Deborah Kerr, déjà face à Grant dans Elle et lui de Leo McCarey), alors que Cary Grant devait lui jouer le rôle, finalement attribué à Robert Mitchum. Si nous ne sommes qu’en 1960, Ailleurs, l’herbe est plus verte est l’un des derniers films de Cary Grant, 56 ans, qui n’apparaîtra encore au cinéma qu’à quatre reprises, avant de prendre sa retraite en 1966.


Le planning est chargé pour Robert Mitchum cette année-là, avec pas moins de quatre films au compteur, dont Celui par qui le scandale arrive – Home from the Hill de Vincente Minnelli. S’il a finalement peu touché à la comédie, le comédien s’en tire formidablement bien et ses scènes avec Cary Grant sont les meilleures du film. De leur côté, les somptueuses Deborah Kerr et Jean Simmons ravissent le coeur de Victor et de Charles, mais aussi celui des spectateurs, la première retrouvant Robert Mitchum, son partenaire d’Horizons sans frontières – The Sundowners de Fred Zinnemann et de Dieu seul le sait – Heaven Knows, Mr. Allison de John Huston, avec lequel l’alchimie est indéniable et leur partie de ping-pong verbale irrésistible. Jean Simmons, qui nous fait l’honneur d’apparaître en tenue légère sous un manteau de vison, n’a rien à envier à ses camarades de jeu et son arrivée sur « l’échiquier », relance à la fois la partie et le rythme qui avait tendance à ralentir.


La mécanique est bien rodée, trop sans doute, car Ailleurs, l’herbe est plus verte pâtit d’un manque de rebondissements. Mais Stanley Donen est à son affaire et offre de fabuleux numéros d’acteurs, tout en expérimentant le cadre et les possibilités techniques. On y retrouve un split-screen, procédé déjà utilisé dans Indiscret, qui met ici en parallèle les deux couples, dont les propos et les actions sont quasi-identiques. Une belle chorégraphie où l’on retrouve la patte Donen, également reconnaissable dans d’autres fulgurances, à l’instar du duel entre Victor et Charles, sous l’oeil du majordome Trevor, interprété par Moray Watson, immense figure de la télévision britannique, ici dans une de ses rares incursions au cinéma et qui reprenait d’ailleurs le rôle qu’il avait créé au théâtre.


Si l’ensemble est don trop souvent confiné, la beauté de la photographie de Christopher Challis (Marie Stuart, Reine d’Écosse, Sentimentalement vôtre, Les Mutinés du Téméraire) distrait et flatte le regard, le montage du légendaire Jim Clark (Darling, Le Monde de suffit pas, Les Innocents, Marathon Man) est aussi très intelligent et remarquable, surtout quand il « prend le relais » pour évoquer comment se déroule la relation entre Hilary et Charles à New York, pendant que Victor, qui comprend ce qui se passe, commence à imaginer comment faire pour récupérer sa femme. Tout cela, avec le Brandy qui coule à flot du début à la fin, car il faut bien tromper l’ennui.


Si on pourra indéniablement reprocher une abondance de dialogues, qui demande beaucoup d’attention pendant les cent minutes du long-métrage, qui ne laissent aucun répit aux spectateurs comme aux personnages, Ailleurs, l’herbe est plus verte est comme on le disait en début de critique, un bonbon pour les amateurs de cinéma. Un spectacle au charme dévastateur, une invitation au théâtre, un divertissement clinquant, dont le programme est annoncé en bloc d’entrée de jeu et dont le produit correspond complètement à l’étiquette. Pas ou peu de surprises devant ce vaudeville assumé, mais nous ne sommes pas déçus.


LE COMBO BLU-RAY + DVD
Purée, un film de Stanley Donen inédit en DVD et en Blu-ray dans nos contrées ! Ailleurs, l’herbe est plus verte débarque sans crier gare chez Rimini Éditions, en Combo Blu-ray + DVD. Les deux disques reposent dans un boîtier classique transparent, tandis que la jaquette reprend l’un des visuels d’exploitation d’époque. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné. Le menu principal est animé et musical.

Le premier bonus concocté par Rimini est une rencontre avec Florent Fourcart (et non avec un d, comme la jaquette et le bandeau l’indiquent), spécialisé dans l’étude de la représentation de l’Histoire au cinéma (28’). Ce dernier replace Ailleurs, l’herbe est plus verte dans la carrière de Stanley Donen. Mais avant cela, il propose de retracer les débuts du réalisateur, d’abord comme danseur, puis comme cinéaste. Ses plus grands films sont passés en revue, son désir de liberté et d’indépendance mis en valeur, puis Florent Fourcart en vient plus précisément au film qui nous intéresse aujourd’hui, son dix-huitième long-métrage pour être exact. Les autres points abordés sont l’adaptation de la pièce de théâtre de Hugh et Margaret Williams, le tournage en Angleterre, le casting (Rex Harrison est obligé de se retirer après le décès de son épouse Kay Kendall, Cary Grant reprend le rôle, Rock Hudson et Charlton Heston refusent de jouer le personnage finalement tenu par Robert Mitchum), la photo de Christopher Challis, les costumes de Hardy Amies et Christian Dior, la musique de Noël Coward, le générique créé par Maurice Binder, les thèmes du film, les partis-pris de Stanley Donen (jouer sur la symétrie et le parallélisme entre les deux couples) et la suite de sa carrière, qui ne sera plus jamais la même après cet opus, son cinéma se faisant plus sombre et tendu.

L’autre supplément est un portrait de Deborah Kerr, cette fois dressé par Olivier Mudry, auteur de Mythologies de Deborah Kerr, disponible chez Marest (23’). La femme et l’artiste se croisent habilement au cours de cette belle présentation, qui revient sur les plus grands films de la comédienne (dont Ailleurs, l’herbe est plus verte), mais aussi sur son parcours, ses rencontres déterminantes, indiquant par la suite que beaucoup de thèmes (l’adultère notamment) et de personnages semblent liés et proches d’un film à l’autre, quand bien même Deborah Kerr aimait varier les genres. L’actrice, bien que nommée à six reprises pour l’Oscar de la meilleure actrice, devra attendre 1994 pour être récompensée par un Oscar d’honneur.


L’Image et le son
Ce master HD semble avoir quelques années de vol. L’image est néanmoins très propre et les couleurs pétillantes de la photographie du talentueux Christopher Challis (Meurtre au soleil, Le Miroir se brisa, Top Secret !) sont bien retranscrites via ce Blu-ray (au format 1080p) de bonne facture. La stabilité est de mise grâce à un codec AVC de bon aloi, les contrastes sont bien gérés, cependant le piqué est quelque peu émoussé. La texture argentique est plutôt agréable. Les (rares) séquences tournées en extérieur sont celles qui profitent le plus de cette promotion HD.

Sur la piste DTS-HD Master Audio 2.0 anglaise, la restitution des dialogues, qui prédominent dans le film, est exemplaire et profitent d’une belle ouverture sonore, aucun souffle sporadique n’est à déplorer. Le mixage se révèle ardent, limpide et riche, et permet aux spectateurs de se plonger complètement dans l’ambiance loufoque du film. Les sous-titres français ne sont pas imposés. À titre de comparaison, la version française semble plus couverte et l’ambiance musicale plus lointaine. Excellent doublage avec à la barre Maurice Dorléac, Jacqueline Ferrière, Raymond Loyer et Marcelle Lajeunesse.


Crédits images : © Rimini Éditions / Paramount Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr