
AENIGMA (Ænigma) réalisé par Lucio Fulci, disponible en Blu-ray chez Le Chat qui fume.
Acteurs : Jared Martin, Lara Naszinsky, Milijana Zirojevic, Ulli Reinthaler, Sophie d’Aulan, Jennifer Naud, Riccardo Acerbi, Kathi Wise…
Scénario : Lucio Fulci & Giorgio Mariuzzo
Photographie : Luigi Ciccarese
Musique : Carlo Maria Cordio
Durée : 1h29
Date de sortie initiale : 1987
LE FILM
Boston, années 1980 – Au sein du collège Saint Mary’s, Kathy subit les moqueries de la part d’un groupe d’élèves et d’un professeur de gymnastique. Un soir, à la suite d’une très mauvaise plaisanterie, l’adolescente, humiliée, est renversée par une voiture et tombe dans un coma profond. À l’hôpital, victime d’un arrêt cardiaque, une partie de son esprit sort de son corps. Un peu plus tard, une nouvelle élève, Eva, arrive dans l’établissement. Kathy la possède. Elle deviendra l’instrument de sa vengeance.

Il en est où ce bon vieux Lucio Fulci en 1987 ? Tout juste âgé de soixante ans, le cinéaste s’est tenu éloigné des studios en raison d’une maladie déclarée après la sortie de MurdeRock, succès en Europe, mais échec en Italie. Revenu avec Le Miel du diable – Il Miele del diavolo, le maestro s’adonne désormais à des productions de moindre envergure, peu aidées par des budgets très limités et des conditions drastiques de tournage. C’est le cas pour Aenigma, qui n’est assurément pas l’opus le plus connu de son auteur, mais qui n’en est pas moins dépourvu de quelques séquences particulièrement réjouissantes et qui témoignent que Lucio Fulci en avait encore sous le capot. Son style inimitable est reconnaissable à plusieurs reprises, quand bien même le cinéaste s’inspire ouvertement et très largement de Suspiria et de Phenomena, réalisés par Dario Argento, avec une touche de Carrie au bal du diable de Brian De Palma, ou même encore de Patrick de Richard Franklin, qui avait connu une suite (non autorisée et donc opportuniste) en Italie, Patrick vive ancora, mis en scène par Mario Landi. Tout cela pour dire que Aenigma est un pot-pourri de tout ce qui se faisait alors dans le genre horrifique, avec tous les codes du slasher qui arrivait franchement en bout de course. Et pourtant, cela fonctionne bien, Lucio Fulci conduit son train-fantôme comme une véritable attraction où certaines surprises font leur effet, d’autres non évidemment, mais on est à l’arrivée ravis d’y avoir pris place.


À St. Mary’s College, un pensionnat pour jeunes filles situé dans la banlieue de Boston, Kathy, une élève solitaire et peu attirante, devient la cible d’une cruelle farce orchestrée par une bande d’élèves et Fred Vernon, le professeur de gym, un homme séduisant mais sadique. Kathy est piégée et se retrouve à un rendez-vous avec M. Vernon. Lorsqu’elle tente, avec un enthousiasme débordant, de l’embrasser dans sa voiture garée en forêt, les élèves surgissent de leurs véhicules pour la narguer. Poursuivie par plusieurs voitures remplies de ses bourreaux, Kathy court sur une rue passante où elle est immédiatement percutée par une voiture et admise à l’hôpital local dans le coma. Mary, la mère étrange de Kathy, continue de rôder dans l’établissement, où elle travaille comme femme de ménage. Quelque temps plus tard, une nouvelle élève nommée Eva Gordon arrive à l’école. La directrice, la sévère Mlle Jones, lui fait visiter les lieux et lui attribue l’ancienne chambre de Kathy. Eva fait la connaissance de plusieurs des auteurs de la farce. Il s’avère qu’Eva est Kathy. Eva est en réalité possédée par l’esprit de Kathy, plongée dans le coma, qui utilise des pouvoirs surnaturels de télékinésie et de magie pour se venger de tous ceux qui ont participé à la farce qui l’a réduite au coma. La première victime est M. Vernon, qui invite Eva à sortir. Ce soir-là, alors qu’ils attendent Eva au gymnase pour leur rendez-vous secret, le narcissique M. Vernon est attaqué et étranglé par son reflet qui surgit d’un miroir. Ce n’est que le commencement.


Il y a de tout dans Aenigma, du sang, du gore, du giallo, du slasher, de la caméra subjective, du craspec, de la bave d’escargots, des seins, des nanas en petite tenue. Et puis le portrait d’une souffre-douleur, dont la vengeance sera terrible envers celles et ceux qui se sont moqués d’elle. L’histoire et le scénario ont été écrits par Giorgio Mariuzzo, complice Lucio Fulci, pour lequel il avait déjà signé L’Au-delà, La Maison près du cimetière et La Guerre des gangs. Le réalisateur avouait publiquement que Carrie était l’un des meilleurs films d’épouvante depuis une dizaine d’années et que celui-ci l’avait grandement inspiré pour Aenigma. Si les prises de vues principales se sont déroulées en Yougoslavie et que les décors ont indéniablement du mal à faire penser à la périphérie de Boston, la photo de Luigi Ciccarese (Demonia, Bianco Apache, Scalps, Opération K) ne manque pas d’attraits et le chef opérateur fait ce qu’il peut, avec les moyens du bord. Mais Sarajevo n’est pas dans le Massachusetts et cela ajoute un petit cachet série B-Z vintage.


Même chose pour la musique de Carlo Maria Cordio (Sonny Boy, Le Gladiateur du futur, Horrible et même de Troll 2, oh my Goooooood !), qui peut faire vibrer les tympans, mais dont les sons parfois stridents participent au charme de ce thriller fantastique. Le casting tient le choc avec des tronches et jolis minois reconnaissables tels que l’excellent Jared Martin (2072, les mercenaires du futur, Le Voyage extraordinaire), vraie présence et charismatique, la belle Lara Naszinsky (cousine de Nastassja Kinski, et cela se voit), vue dans La Maison de la terreur de Lamberto Bava, Milijana Zirojevic (Papa est en voyage d’affaires d’Emir Kusturica) et Ulli Reinthaler (Zombi 3).


Du point de vue passage de vie à trépas, Lucio Fulci et son équipe de maquilleurs/effets spéciaux redoublent d’imagination, à l’instar de cette scène qui préfigure La Nuit au musée, où une adolescente se retrouve la gorge prise entre les mains en pierre d’une statue, ou comme le prof de gym imbu de sa personne, qui voit son reflet sortir du miroir dans lequel il a l’habitude de s’admirer, pour aller l’étrangler. La séquence qui reste en mémoire demeure celle où une autre victime est allongée sur son lit, recouverte de gastéropodes à coquille, qui se multiplient et finissent par l’étouffer.


Sorti en France (et ce sera alors son dernier long-métrage à être distribué dans les salles chez nous) en décembre 1987, avec une interdiction aux moins de 12 ans, puis en Italie pour l’été 1988, Aenigma est petit à petit tombé dans l’oubli, dissimulé – et c’est compréhensible – par les monuments célébrés de Lucio Fulci. Pourtant, ce dernier a fait bien pire au cours de son illustre carrière et il est peut-être enfin temps de donner une nouvelle chance à ce divertissement généreux, qui ravira encore et toujours les amateurs de spectacles placés sous le signe de l’hémoglobine.


LE BLU-RAY
Petit à petit, la filmographie de Lucio Fulci a bénéficié d’un sacré regain d’intérêt grâce au boulot acharné des éditeurs. Le Chat qui fume tient une place de choix et propose désormais Aenigma dans son catalogue, en Haute-Définition, rejoignant ainsi Nightmare Concert, Manhattan Baby, Le Chat noir, L’Emmurée vivante, La Longue nuit de l’exorcisme, Le Venin de la peur et Perversion Story ! Rien que ça ! Le disque repose dans un boîtier Scanavo du plus bel effet, glissé dans un fourreau cartonné orné d’un visuel d’exploitation d’époque. Le menu principal est animé et musical. Signalons que Aenigma était précédemment sorti en DVD chez Neo Publishing il y a plus de vingt ans…

Disparu en 2023, le scénariste Giorgio Mariuzzo revenait sur Aenigma au cours d’une interview (14’). Ce dernier retraçait son parcours, évoquait sa rencontre, puis ses diverses collaborations avec Lucio Fulci. Cet entretien, quelque peu décousu avec des propos qui passent souvent du coq à l’âne, parle aussi de l’admiration de Lucio Fulci pour Steno et admet que le réalisateur « ne savait absolument pas comment écrire un film d’horreur ».

L’autre supplément est une intervention de Fabio Leoni, assistant caméra (13’). C’est ici que vous en apprendrez le plus sur les conditions de tournage d’Aenigma à Sarajevo (avant la guerre de Bosnie). Fabio Leoni aborde son travail avec le cinéaste (avec lequel il allait collaborer sur quatre de ses derniers films), déclare que l’équipe apprenait vraiment beaucoup auprès du réalisateur (« qui était comme une créature de ses films, un véritable artisan qui mettait la main à la pâte»), même si les journées étaient difficiles, tandis que la scène des escargots est passée au peigne fin.


L’interactivité se clôt sur la bande-annonce (qui raconte quasiment tout le film).
L’Image et le son
En 2003, Aenigma était le premier film de Lucio Fulci à connaître les honneurs d’une sortie en DVD dans nos contrées. Il est évident, à la découverte de ce master HD édité par Le Chat qui fume, que Aenigma n’a pas et n’aura probablement jamais le même traitement princier que d’autres titres plus prestigieux de Lucio Fulci. Néanmoins, malgré quelques éléments passables, la copie tient ses promesses, dans le sens où elle participe à sa redécouverte. Les couleurs semblent plus vives que dans nos souvenirs, alternant le chaud et le froid (avec de belles nuits bleutées), les noirs sont plutôt solides. Le piqué est somme toute aléatoire, tantôt acéré, tantôt émoussé, la définition est convaincante sur les scènes de meurtre se déroulant dans la pénombre avec les éclats intermittents des sources d’éclairage. Les scènes en extérieur, ne manquent pas de détails et s’avèrent les plus riches du lot. La texture argentique est quant à elle respectée, restituée et équilibrée.

Les pistes italienne (à privilégier) et française (au doublage aussi immonde que jubilatoire) sont présentées en DTS HD Master Audio 2.0 et instaurent toutes deux un bon confort acoustique, sans souffle, propre, avec une bonne délivrance des dialogues. La musique bénéficie d’une belle ouverture des canaux et les effets annexes sont riches.




Crédits images : © Le Chat qui fume / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr
