ACIDE réalisé par Just Philippot, disponible en DVD & Blu-ray le 24 janvier 2024chez Pathé.
Acteurs : Guillaume Canet, Laetitia Dosch, Patience Munchenbach, Marie Jung, Martin Verset, Suliane Brahim, Clément Bresson, Pascal Parmentier…
Scénario : Just Philippot & Yacine Badday
Photographie : Pierre Dejon
Musique : Robin Doudert
Durée : 1h39
Date de sortie initiale : 2023
LE FILM
Selma, quinze ans, grandit entre ses deux parents séparés, Michal et Élise. Des nuages de pluies acides et dévastatrices s’abattent sur la France. Dans un monde qui va bientôt sombrer, cette famille fracturée va devoir s’unir pour affronter cette catastrophe climatique et tenter d’y échapper.
Remarqué en 2021 avec La Nuée, son premier long-métrage, Just Philippot s’était mis la critique dans la poche, ainsi que le public adepte de films fantastiques. Après avoir remporté le Prix spécial du jury au Festival international du film de Catalogne à Sitges, ainsi que celui de la critique et du public au Festival international du film fantastique de Gérardmer, le réalisateur était attendu au tournant pour son deuxième film. Et celui-ci ne déçoit pas avec Acide, qui découle de son court-métrage du même nom, mis en scène en 2018, projet déjà initié avant même le début du tournage de La Nuée et qu’il coécrit avec Yacine Badday, scénariste de Sous le ciel d’Alice de Chloé Mazio. Si Just Philippot ne reprend pas les mêmes personnages du court-métrage, il en conserve tout du moins le même concept centré sur les pluies acides et prend le pari d’allier à la fois le thriller d’anticipation avec le drame familial intimiste. Une très belle réussite que ce vrai film de genre, qui plonge une famille dysfonctionnelle dans une catastrophe naturelle, où les personnages doivent mettre de côté leurs frustrations et leurs rancoeurs, dans le but commun de survivre. Un double challenge que ce mélange des tons, qui doit aussi parvenir à rendre intéressants des protagonistes complexes, qui ne sont pas à première vue attachants, qui ne le deviendront pas forcément par la suite, mais auxquels on parvient tout de même à s’identifier. Après un énorme échec dans les salles (240.000 entrées c’est vraiment trop peu), Acide saura sûrement trouver une seconde vie dans les années à venir. C’est ce qu’on lui souhaite.
Après l’échec critique, public et artistique monumental de son Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, Guillaume Canet, devait trouver dans Acide l’un de ses meilleurs rôles. Nous ne l’avions probablement pas vu aussi intense depuis l’exceptionnel Espion(s) de Nicolas Saada il y a près de quinze ans et l’excellent Une vie meilleure de Cédric Kahn (2012). On avait fini par oublier à quel point celui-ci pouvait être imposant à l’écran quand il s’en donnait les moyens, ou plutôt quand il était dirigé par un vrai directeur d’acteurs. La scène d’ouverture donne le ton, peu importe son combat, Michal est un homme qui a fait preuve d’une extrême violence au cours d’un affrontement avec les C.R.S., comportement qui s’est retourné contre lui, au point d’avoir perdu son boulot et son épouse Élise. En plus d’avoir eu le dos brisé, Michal a également vu sa fille Selma lui échapper. Alors qu’il est sur le point de refaire sa vie avec une ancienne collègue, hospitalisée pour une maladie grave (bon d’accord, le récit n’épargne pas le personnage), la nature a décidé de se rebeller et de s’élever contre les êtres humains, en dévastant la planète de pluies acides, contaminant les sources d’eau et surtout en faisant fondre tout ce qu’elle touche. Ou presque.
Certes, beaucoup ont tiqué sur le fait que le liquide empoisonné n’entamait pas ou très peu les pneus des voitures, mais on « accepte » ce fait, car Acide est mené sans temps mort du début à la fin, se focalise sur un père, une mère et leur fille, qui en dépit du fiel qui les anime toujours, essayent de prendre la poudre d’escampette, de faire front ensemble, sans doute comme ils ne l’ont jamais fait auparavant. Si Guillaume Canet est sobre, magnétique même, sa partenaire Laetitia Dosch, inattendue dans ce genre, est tout aussi impeccable, tout comme la jeune Patience Munchenbach, que l’on avait découvert dans l’étonnant Perdrix d’Erwan Le Duc. Certains ont critiqué son personnage, qui « passe son temps à hurler ». Ceux-là sont les mêmes qui auraient également fustigé le fait si cette adolescente ne bronchait pas devant les événements ou qui aurait pris le temps de réfléchir à ce qu’il fallait faire alors que le danger apparaissait devant elle. Au contraire, l’écriture de Just Philippot et de sa scénariste trouve une spontanéité qui manque souvent à ce type de productions, avec des dialogues qui paraissent instinctifs et authentiques. Il en est de même pour les réactions de Selma, notamment lors de l’impressionnante séquence du pont suspendu, dont l’issue est aussi inattendue que brutale. Au passage, notons aussi la beauté des effets visuels, des décors et celle de la photographie de Pierre Dejon (Les Goûts et les couleurs, À la belle étoile, la série Irresponsable), qui nous gratifie de sublimes plans larges marqués de ciels lourds et menaçants.
Acide n’est pas tendre avec ceux dont on nous raconte l’histoire, qui sont obligés de mettre leurs ressentiments et leur colère de côté, pour se concentrer avant tout sur leur instinct de survie, une animalité primaire, mais universelle et surtout réaliste, bien plus convaincante que le très largement surestimé La Route – The Road de John Hillcoat, qui n’avait entre autres rien compris au chef d’oeuvre de Cormac McCarthy. Acide est un vrai et grand divertissement dont La Guerre des mondes de Steven Spielberg irrigue les veines, une œuvre haletante, sombre, anxiogène, nerveuse, immersive, souvent bouleversante, et confirme tout le bien qu’on pensait de son auteur depuis son premier coup de maître.
LE BLU-RAY
240.000 entrées. C’est peu et c’est surtout injuste pour Acide. Néanmoins, Pathé prend en charge le service après-vente pour sa mise à disposition dans les bacs et propose le film de Just Philippot en DVD et Blu-ray. L’édition HD prend la forme d’un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné. La jaquette reprend le visuel de l’affiche d’exploitation. Le menu principal est animé et musical.
Le making of (13’) donne la parole au réalisateur et aux comédiens, sur le plateau, au moment du tournage de l’impressionnante séquence du pont suspendu et celle de la fin du parcours de Selma et de son père. Des images des prises de vue dévoilent comment l’équipe des effets spéciaux avait mis au point un système pour faire croire à l’eau qui rongeait les corps, tandis que les cascadeurs répètent la séquence.
L’autre bonus compile les interviews promotionnelles de Guillaume Canet, Just Philippot et Laetitia Dosch (24’30). Certains propos font forcément écho avec ce qui a été entendu dans le premier supplément, notamment en ce qui concerne la genèse du film et la psychologie des personnages, mais les arguments avancés ici ne manquent pas d’intérêt. Le réalisateur s’exprime sur ses intentions, sur ce qui a nourri le scénario (les crises qui ont traversé le pays ou le monde ces dernières années, le mouvement des Gilets Jaunes, le COVID, la guerre en Ukraine), avec « l’envie de parler de la jeunesse qui va vieillir trop vite en raison de ces événements ». Les comédiens parlent du travail avec le metteur en scène, des thèmes d’Acide et des personnages. Just Philippot aborde également ses références, de Stéphane Brizé à Steven Spielberg, en passant par Elem Klimov (Requiem pour un massacre), ainsi que du travail du chef opérateur Pierre Dejon, « qui est parvenu à apporter du N&B dans la couleur, afin de caractériser la perte de repères des personnages ».
L’Image et le son
Pathé livre un très beau Blu-ray d’Acide. D’entrée de jeu, le travail sur les couleurs concocté par le chef opérateur Pierre Dejon (Les Goûts et les couleurs) s’impose, les partis pris esthétiques évoluant au fur et à mesure du parcours des protagonistes, les teintes chromatiques allant vers une désaturation progressive, jusqu’à devenir quasiment monochromes dans la dernière partie se déroulant de nuit. Les décors fourmillent de détails (merci au cadre large), la profondeur de champ est toujours appréciable, les contrastes sont profonds et les séquences nocturnes d’une densité inégalée. Les scènes diurnes sont également lumineuses, avec un piqué ciselé. Les gros plans sur les visages ne manquent pas de mordant, le relief est constamment palpable. Une édition HD fort élégante.
Dès le superbe générique, la piste DTS-HD Master Audio 5.1 sollicite l’ensemble des enceintes et offre une solide spatialisation. Ce mixage fait la part belle à la musique. Les dialogues se détachent sans mal sur la centrale, tandis que les ambiances naturelles en extérieur demeurent constantes. Le spectacle acoustique est assuré. L’éditeur joint une piste les sous-titres destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision et une Stéréo très dynamique.