Test 4K UHD / Innocents (The Dreamers), réalisé par Bernardo Bertolucci

INNOCENTS (The Dreamers) réalisé par Bernardo Bertolucci, disponible en DVD, Blu-ray et Édition collector limitée – 4K Ultra HD + Blu-ray chez Metropolitan Film & Video.

Acteurs : Michael Pitt, Eva Green, Louis Garrel, Robin Renucci, Anna Chancellor, Jean-Pierre Kalfon, Jean-Pierre Léaud, Florian Cadiou…

Scénario : Bernardo Bertolucci & Gilbert Adair, d’après le roman de Gilbert Adair

Photographie : Fabio Cianchetti

Durée : 1h55

Date de sortie initiale : 2003

LE FILM

Mai 1968, à Paris. La révolte étudiante gronde, les manifestations se multiplient. Isabelle et son frère Théo, restés seuls dans la capitale pendant les vacances de leurs parents, invitent chez eux Matthew, un étudiant américain qu’ils ont rencontré à la Cinémathèque où ils passent le plus clair de leur temps. Dans cet appartement, ils rejouent les scènes de leurs films préférés, cherchent à se découvrir en se livrant à des jeux sensuels de plus en plus troubles.

La soixantaine venue, Bernardo Bertolucci (1941-2018) revient comme qui dirait à sa jeunesse, à ses premières armes, aux débuts de sa cinéphilie, à sa découverte de la capitale française. En effet, Les Innocents ou The Dreamers en version originale, est l’adaptation – libre – du roman de Gilbert Adair, The Holy Innocents, publié en 1988, inspiré des Enfants terribles de Jean Cocteau (19299), une histoire d’obsession sexuelle sur fond des émeutes de Paris de mai 1968, à travers laquelle le cinéaste a perçu moult éléments qui renvoyaient à sa propre histoire. Avec l’aide de l’écrivain lui-même, Bernardo Bertolucci s’approprie le récit original et y place ses propres obsessions, ses fantasmes, ses souvenirs. Rétrospectivement, Innocents sera l’avant-dernier long-métrage du cinéaste, qui ne reviendra derrière la caméra qu’en 2012 avec Moi et toiIo et te. Et tout Bertolucci se retrouve dans The Dreamers, la fougue de la jeunesse, la crudité des scènes de sexe, l’engagement (ou pas) politique, l’amour du septième art, un film somme de la part de celui qui a signé quelques-uns des plus beaux films du cinéma italien (pour ne pas dire mondial), Le Conformiste, Le Dernier tango à Paris, 1900, Le Dernier Empereur, Little Buddha, pour ne citer que ceux-ci. Innocents est tout sauf une œuvre banale dans cette immense filmographie, un huis clos, une introspection, un bilan. C’est un aboutissement, un dernier round. Et c’est pour cela que The Dreamers est bouleversant à plus d’un titre.

À Paris en 1968, Isabelle et son frère jumeau Théo fréquentent régulièrement la Cinémathèque française tout comme Matthew, un étudiant américain réservé. C’est devant la Cinémathèque fermée lors des manifestations de protestation à la suite du renvoi de son directeur Henri Langlois (Jean-Pierre Léaud et Jean-Pierre Kalfon, dans leur propre rôle et mis en parallèle avec des images d’archives de 1968) que les trois jeunes gens se rencontrent et sympathisent immédiatement. Matthew, qui loge dans une petite chambre de la rue Malebranche, est invité par Isabelle et Théo à dîner chez eux avec leurs parents. Restés seuls à Paris pendant les vacances de leurs parents, Isabelle et Théo invitent Matthew à rester chez eux. Celui-ci découvre vite la relation à la limite de l’inceste, entre Isabelle et Théo. Dans l’appartement où ils sont livrés à eux-mêmes, les jumeaux l’entraînent dans un jeu dangereux ayant pour fond le cinéma : lorsque Isabelle et Matthew ne parviennent pas à trouver un film évoqué par Théo, celui-ci demande à sa sœur de faire l’amour avec le jeune Américain, qui ignore qu’Isabelle est vierge. Par la suite, la relation amoureuse entre Matthew et Isabelle perturbe Théo et la tension s’installe dans l’appartement alors que dehors la grève générale paralyse la capitale.

Alors que le quartier latin est en pleine effervescence des manifestations violentes de Mai 68, Bernardo Bertolucci enferme ses trois jeunes dans un grand appartement, qui rappelle souvent celui de Marlon Brando dans Le Dernier tango à Paris. D’ailleurs, l’ombre de ce dernier plane sur Innocents, comme s’il s’agissait de l’oeuvre matricielle de sa carrière, encore à ce jour le sixième plus grand succès de tous les temps en Italie avec 15,6 millions d’entrées, entre Guerre et Paix de King Vidor et Ben-Hur de William Wyler. Alors que la manifestation estudiantine se prépare à passer sous leurs fenêtres, les jumeaux verront pour la première fois leur intimité bouleversée par Matthew, qui veut les mettre face à eux-mêmes. Isabelle et Théo, fusionnels, risquent d’être séparés, mais Matthew y parviendra-t-il et d’ailleurs les jumeaux en ont-ils l’envie ?

Bernardo Bertolucci plonge ses trois protagonistes dans cette luxueuse habitation (magnifique décor signé Jean Rabasse), comme des rats lâchés dans un labyrinthe, tout en observant leur comportement, alors qu’ils fixent les règles d’un jeu qui les amènera à explorer leur identité émotionnelle et sexuelle. Au fil des heures, la partie s’intensifie, les sens et les esprits s’exacerbent, tandis que le cinéma ne cesse d’imprégner leur quotidien, de Bande à part de Jean-Luc Godard (dont ils reproduisent la visite express du musée du Louvre) à Shock Corridor de Samuel Fuller, en passant par Johnny Guitare et La Fureur de vivre de Nicholas Ray, Scarface de Howard Hawks, Les Lumières de la ville de Charlie Chaplin, La Monstrueuse Parade de Tod Browning, Vénus Blonde de Josef von Sternberg et bien d’autres.

Innocents est un voyage initiatique, bercé par la chanson française (Edith Piaf, Michel Polnareff, Charles Trenet, Françoise Hardy, Nino Ferrer), et anglo-saxonne (Jimi Hendrix, The Doord, Bob Dylan, Janis Joplin), celui de trois adolescents, magistralement interprétés par Louis Garrel, Eva Green et Michael Pitt, au début de leurs carrières respectives, le troisième ayant tout de même déjà tourné pour Barbet Schroeder (Calculs meurtriers), Larry Clark (Bully), Gus Van Sant (À la rencontre de Forrester), ainsi que dans la série Dawson, testant leurs propres limites pour enfin se trouver.

Présenté en première mondiale à la Mostra de Venise en 2003, puis au Festival de Sundance, Innocents sera à la peine en France (moins de 80.000 spectateurs), mais connaîtra tout de même un joli succès dans le reste du monde, y compris aux États-Unis.

LE 4K UHD

Le film de Bernardo Bertolucci était depuis vingt ans disponible en DVD en France chez Lancaster. Depuis, Innocents sombrait dans les abysses des éditions revendues à 0,90 euros sur Rakuten…Miracle, Metropolitan Film & Video ressuscite The Dreamers et lui déroule même le tapis rouge en concoctant rien de moins qu’un sublime Combo Blu-ray + 4K UHD, une édition collector limitée, déclinée également en éditions standards DVD et Blu-ray. L’objet que nous avons dans les mains se présente sous la forme d’un boîtier Digipack à quatre volets (glissé dans un fourreau cartonné du plus bel effet), magnifiquement illustrés, renfermant les deux disques. Également inclus dans cette édition, un remarquable livret de 56 pages, comprenant la présentation issue du dossier de presse d’époque, une analyse toujours aussi pertinente, pointue et donc brillante du film signée Nicolas Rioult, sans doute l’une des meilleures critiques que l’on ait pu lire sur Innocents depuis vingt ans. Nicolas Rioult propose aussi un retour complet sur le scandale Henri Langlois évoqué dans The Dreamers, son contexte, ses conséquences, sa résolution. Non seulement cela, Nicolas Rioult expose ensuite les lieux de tournage et de l’action du film, ainsi que la liste complète des films évoqués dans Innocents, chose que l’on apprécie grandement. Présentation également d’une traduction en français, de propos de l’écrivain Gilbert Adair (décédé en 2011), qui revenait sur son expérience quant à l’adaptation cinématographique de son premier roman. Le menu principal est fixe et muet.

Le premier supplément, à ne pas rater et présenté en version originale sous-titrée en français (grand merci pour cela), est le commentaire audio de Bernardo Bertolucci, l’écrivain Gilbert Adair et le producteur Jeremy Thomas. Des propos croisés qui se complètent parfaitement et qui abordent à la fois le fond et la forme de The Dreamers. Tour à tout, chacun s’exprime sur l’adaptation du roman original (et donc les différences entre le livre et le film, surtout dans la deuxième partie), la cinéphilie parisienne (et comment la retranscrire à l’écran), les éléments renvoyant à la propre histoire de Bernardo Bertolucci, l’insertion des extraits de grands classiques, le casting, l’ombre des Enfants terribles de Jean Cocteau qui plane sur le récit, les lieux et conditions de tournage (notamment pour les scènes de sexe), le travail du réalisateur avec les acteurs, et bien d’autres sujets sont posément abordés au fil de ce formidable commentaire que les vrais cinéphiles ne manqueront pas d’écouter.

Nous trouvons ensuite un lot d’interviews réalisées à l’occasion de la sortie du film, à savoir Gilbert Adair, Louis Garrel, Eva Green et Michael Pitt, Jeremy Thomas et Bernardo Bertolucci (25’). Le réalisateur, qui se taille la part du lion, s’exprime sur le casting, sur la recherche de « visages qui sauront l’hypnotiser, lui et sa caméra tout le long du tournage », sur le travail avec Gilbert Adair (présent sur le plateau), les références aux films de la Nouvelle vague. Si les propos du producteur sont plus anecdotiques, l’écrivain parle de sa passion pour le cinéma dans les années 1960, tandis que les acteurs évoquent leur collaboration avec Bernardo Bertolucci, Eva Green déclarant que Le Dernier tango à Paris est l’un de ses films préférés.

L’autre gros morceau de cette interactivité est repris de l’ancienne édition DVD, à savoir le documentaire produit par la BBC intitulé Cinéma-Sexe-Politique (51’). Conçu à l’occasion de la sortie du film, ce module se compose d’interviews de l’équipe, de très nombreuses images de tournage et du plateau, ainsi que d’images d’archives dévoilant les événements de mai 68, y compris le licenciement d’Henri Langlois. Certains propos proviennent des entretiens mentionnés précédemment.

Nous trouvons ensuite un montage d’images brutes (sans commentaire, ni sous-titres donc) provenant du plateau et du tournage. Celles-ci ont pour la plupart été aperçues dans le documentaire précédent (11’30).

La making of de cinq minutes qui suit, n’apporte rien de nouveau, dans le sens où ce qu’on y trouve a déjà été vu dans les autres bonus.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Un panneau indique en introduction que The Dreamers a été restauré en 4K, à partir des éléments originaux, le tout sous la supervision du directeur de la photographie Fabio Cianchetti. Travaux numériques réalisés en 2023 par L’Immagine Ritrovata. Une version intégrale et restaurée, présentée en Ultra Haute Définition, Dolby Vision. Un magnifique lifting et un traitement princier pour cet avant-dernier long-métrage de Bernardo Bertolucci. Il serait difficile de faire mieux que cette nouvelle galette UHD qui respecte les volontés artistiques originales dont le grain original, tout en tirant intelligemment profit de cette promotion. La clarté est fort appréciable, notamment sur les quelques séquences en extérieur, la propreté du master est irréprochable, ainsi que la stabilité, le relief, la gestion des contrastes et le piqué qui demeure agréable. Les séquences tamisées sont également excellemment conduites avec des noirs denses et des éclairages ambrés.

Ne vous attendez pas à un déluge d’effets surround sur les deux pistes DTS HD Master Audio 5.1 qui se contentent seulement de faire entendre quelques rares ambiances naturelles ou tout simplement d’offrir une forte spatialisation de la bande-originale. Innocents ne se prêtant évidemment pas aux exubérances sonores, le principal de l’action se trouve canalisé sur les frontales. La version originale est également proposée en Stéréo, de fort bon acabit, même si proposée uniquement en DTS. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © Metropolitan FilmExport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

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