Test Blu-ray / L’Alpagueur, réalisé par Philippe Labro

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L’ALPAGUEUR réalisé par Philippe Labro, disponible en Blu-ray le 5 septembre chez Studiocanal

Acteurs :  Jean-Paul Belmondo, Bruno Cremer, Jean Négroni, Patrick Fierry, Jean-Pierre Jorris…

Scénario :  Philippe Labro, Jacques Lanzmann

Photographie : Jean Penzer

Musique : Michel Colombier

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

L’Alpagueur, ex-traqueur de fauves, est devenu un chasseur de primes et oeuvre dans l’ombre au-dessus des lois, pour le compte de la police, qui l’emploie sur des missions dangereuses et délicates. Un jour, après s’être occupé d’un commissaire corrompu, il décide de s’attaquer à l’ennemi public numéro 1…

Café, pousse-café, cigare !

Dans les années 1970, Jean-Paul Belmondo tournera une quinzaine de longs métrages et alternera les polars et les comédies avec le même talent. De Borsalino aux Mariés de l’an II, du Casse à Docteur Popaul, de La Scoumoune au Magnifique, de Peur sur la ville à L’Incorrigible. Un film se démarque quelque peu du lot, L’Héritier de Philippe Labro. Avec 2 millions d’entrées, ce drame policier démontre que Bebel n’a pas besoin de faire le clown ou d’avoir la pétoire à la main pour plaire aux spectateurs. Conforté une fois de plus par son aura auprès du public avec les 2,5 millions d’entrées de L’Incorrigible, Jean-Paul Belmondo retrouve une fois de plus Philippe Labro pour L’Alpagueur, d’après un scénario original de ce dernier, adapté avec Jacques Lanzmann, qui signe également les dialogues. Malgré ses indéniables qualités, L’Alpagueur est encore aujourd’hui plutôt méconnu et même sous-estimé dans l’immense filmographie de Bebel. C’est du moins l’un de ses films auxquels on pense le moins quand on évoque la carrière du comédien. Sans doute parce que sa prestation tout en retenue, sobre, parfois sombre ne repose pas sur un numéro bien rodé (rien de péjoratif à dire cela), d’autant plus que le film ne comporte aucune cascade (à part une impressionnante poursuite à pied de Bebel) et repose autant sur les silences (hérités du cinéma de Jean-Pierre Melville) que sur certaines séquences à la violence sèche et brutale.

Chasseur de primes des temps modernes, Roger Pilar dit l’Alpagueur remplit avec succès et en secret les délicates missions que le gouvernement français lui confie. A peine a-t-il démantelé un vaste réseau de drogue implanté à Rotterdam qu’il fait tomber quelques proxénètes. Il est ensuite chargé de démasquer l’Epervier. Ce tueur impitoyable, sadique et sans états d’âme se fait volontiers aider par de jeunes voyous, quitte à les abattre une fois l’opération terminée. Costa Valdes, l’un de ces malheureux complices, a toutefois survécu. Mais, placé derrière les barreaux, il reste muet lors des multiples interrogatoires qu’on lui fait subir. L’Alpagueur, sous une fausse identité, rejoint le délinquant dans sa cellule, gagne sa confiance et lui tire petit à petit les vers du nez.

Bon voyage Coco…

L’un des grands points forts de ce film aussi efficace qu’un roman de la collection Série noire est la présence au générique de Bruno Cremer. L’Alpagueur est l’un des rares cas où Jean-Paul Belmondo (également producteur) se fait littéralement voler la vedette, même si son partenaire apparaît finalement peu à l’écran. Glacial et glaçant, sensationnel, le comédien campe un assassin qui tue ses jeunes victimes (et ceux qui se mettent en travers de son chemin) à bout portant après s’être servi d’elles le temps d’un hold-up. Ses tirades, souvent ponctuées d’un « Coco » sont aussi tranchantes qu’une guillotine et signent d’ailleurs les dernières secondes de ceux qui l’entendent. De son côté, Jean-Paul Belmondo, visage fermé, incarne un fauve à la recherche d’autres animaux sauvages (Labro voulait d’ailleurs intituler son film « Des animaux dans la jungle »), ce qui lui permet de vivre et d’économiser pour pouvoir plus tard se retirer sur une île déserte qu’il a déjà achetée, jusqu’au jour où il rencontre Costa Valdes au cours de sa mission pour mettre la main sur L’Epervier. L’Alpagueur, habituellement solitaire, va prendre le jeune délinquant sous son aile et se prendre d’affection pour lui, tandis que ce dernier le verra comme un père de substitution et se mettra même à rêver de l’accompagner sur son île. Mais L’Alpagueur est une œuvre sombre et dérangeante où le destin n’a de cesse de s’acharner et de contrecarrer les rêves et les espoirs de chacun.

Très inspiré par Guet-Apens de Sam Peckinpah (1972) au point qu’il en reprendra la scène centrale du règlement de comptes au fusil à pompe, Philippe Labro livre un polar noir et pessimiste à la mise en scène carrée avec une excellente utilisation des décors naturels et urbains. Si le récit met un peu de temps à démarrer et peine à éveiller l’intérêt avec l’enquête sur les proxénètes durant le premier acte, L’Alpagueur s’avère ensuite attachant dans la relation Bebel-Patrick Fierry et chacune des apparitions de Bruno Cremer est marquante. La dernière partie est sans aucun doute la plus réussie avec un suspense bien maintenu et surtout le duel final anthologique visiblement très influencé par le cinéma de Sergio Leone, sur une composition magistrale de Michel Colombier aux accents par ailleurs morriconniens.

Avec 1,5 million d’entrées au cinéma en mars 1976, L’Alpagueur est considéré comme un demi-échec commercial, le public étant quelque peu dérouté par la noirceur du film. Même s’il ne bénéficie pas du même statut que les deux Verneuil tournés au même moment, Peur sur la ville et Le Corps de mon ennemi, qui profitaient entre autres de quelques soupapes d’humour grâce aux répliques de Francis Veber d’un côté et Michel Audiard de l’autre, L’Alpagueur demeure néanmoins un film prisé par de nombreux fans de l’éternel Bebel.

LE BLU-RAY

L’édition HD de L’Alpagueur est disponible chez Studiocanal. Le DVD du film restauré en Haute-Définition était d’ailleurs déjà disponible chez le même éditeur depuis 2001 et avait été réédité avec une jaquette différente en 2007. Le menu principal est fixe et muet, triste…

A l’occasion de cette sortie en Blu-ray, l’éditeur propose une interview de Philippe Labro (22’30) réalisée récemment alors que la première édition DVD comprenait également un entretien avec le réalisateur filmé en décembre 2000, d’une durée à peu près identique et qui comprenait pour ainsi dire les mêmes informations. Le journaliste, écrivain, scénariste et metteur en scène revient sur la genèse de L’Alpagueur et de sa mise en route, notamment la façon dont Jean-Paul Belmondo s’est accaparé le projet en tant qu’unique producteur via sa compagnie Cerito Films, alors que le film devait être produit par Jacques-Éric Strauss à qui Bebel avait racheté les droits. Philippe Labro évoque ce qui a « changé la donne » une fois que son comédien est finalement devenu son « patron ». Une collaboration qui s’est bien passée, si ce n’est une « colère d’acteur » de Belmondo qui a débarqué un jour sur le plateau en passant sa rage (inexpliquée selon Labro) sur les éléments du décor. Le réalisateur donne d’autres informations sur le tournage de son cinquième long métrage, à l’instar de ses références (Sam Peckinpah et de Guet-Apens en particulier), le titre envisagé (Des animaux dans la jungle), les partis pris, le casting (surtout Bruno Cremer en fait), la partition de Michel Colombier (qui lui avait été recommandé par Jean-Pierre Melville), l’accueil réservé à la sortie du film, qui a su depuis traverser les années et devenir un petit film culte.

L’Image et le son

L’élévation HD pour L’Alpagueur est aussi frappante que pour les très beaux Blu-ray de Peur sur la ville et du Corps de mon ennemi sortis chez le même éditeur. Fort d’un master au format respecté et d’une compression AVC qui consolide l’ensemble, ce Blu-ray n’est peut-être pas aussi net et précis que les deux autres titres mentionnés plus haut, mais la restauration est de haut niveau avec des contrastes appréciables, une copie propre, le grain argentique préservé, un piqué élégant et des détails qui étonnent souvent par leur précision, en particulier les gros plans. La photo hivernale, grisâtre, sombre du chef opérateur Jean Penzer (Le Diable par la queue, Sans mobile apparent, L’Incorrigible) donne parfois du fil à retordre à l’encodage avec son brouillard environnant et ses teintes fanées, mais le résultat est là, l’image affiche une indéniable stabilité et certaines séquences tirent leur épingle du jeu.

Le mixage français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Michel Colombier dispose d’un très bel écrin. Mauvais point en revanche pour l’absence de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, tout comme celle d’une piste Audiodescription qui manque à l’appel.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Jack l’Eventreur, réalisé par John Brahm

JACK L’ÉVENTREUR (The Lodger) réalisé par John Brahm, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre chez Rimini Editions

Acteurs :  Merle Oberon, George Sanders, Laird Cregar, Cedric Hardwicke, Sara Allgood, Aubrey Mather…

Scénario :  Barré Lyndon d’après le roman de Marie Belloc Lowndes

Photographie : Lucien Ballard

Musique : Hugo Friedhofer

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

1888. Londres est secouée par une série de meurtres sanglants, et l’on vient de découvrir la quatrième victime de l’assassin. Au même moment, l’étrange M. Slade loue une chambre dans une maison bourgeoise et tombe amoureux de la nièce de sa logeuse.

Le cinéaste allemand John Brahm (1893-1982) fuit l’Allemagne à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. Il arrive à Hollywood et signe son premier long métrage Le Lys brisé en 1936, sous le nom d’Hans Brahm. Eclectique, John Brahm passe facilement du drame à la comédie, d’une Prison centrale à un Pensionnat de jeunes filles, quand la consécration arrive avec son thriller Laissez-nous vivre (1939) avec Henry Fonda et Maureen O’Sullivan. En 1942, The Undying Monster est un tournant dans sa carrière. Pour le compte de la Fox, John Brahm suit le genre fantastique initié par les studios Universal, à travers une histoire de loup-garou mise en scène avec une esthétique expressionniste saluée de la part de la critique. Le cinéaste récidive dans le genre épouvante avec Jack l’EventreurThe Lodger en version originale, troisième adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes. Publié en 1913, cet ouvrage avait déjà été transposé au cinéma en 1927 par Alfred Hitchcock – sous le titre français Les Cheveux d’or – avec Ivor Novello et demeure entre autres célèbre pour sa séquence du plafond transparent où l’on aperçoit le tueur présumé faire les cent pas. Le réalisateur britannique Maurice Elveny signera également une adaptation en 1932, cette fois encore avec Ivor Novello.

D’après un scénario de Barré Lyndon (Crépuscule de Henry Hathaway), le film de John Brahm s’inspire très librement de la véritable histoire de Jack l’Eventreur, même si le récit est bel et bien situé dans le district londonien de Whitechapel en 1888. Il s’agit d’une interprétation parmi tant d’autres, résolument moderne et sexuellement explicite. Même si John Brahm a toujours déclaré n’avoir jamais vu la version d’Alfred Hitchcock, le réalisateur joue sur les attentes des spectateurs qui auraient en tête Les Cheveux d’or, pour mieux les prendre par surprise. Ainsi, la présence de l’imposant Laird Cregar, vu dans Le Cygne noir de Henry King et Le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch, peut à la fois être inquiétante (surtout quand il est filmé en contre-plongée), mais aussi créer un sentiment de doute quant à la véritable nature de son personnage, en faisant penser que nous sommes en présence d’un commissaire infiltré qui enquête sur les meurtres commis dans le quartier de Whitechapel. John Brahm brouille ainsi les cartes en jouant sur l’aura de la première transposition, tout en proposant une relecture différente, sans doute plus premier degré, mais tout autant efficace que le film d’Alfred Hitchcock.

La première séquence donne le ton en plongeant directement le spectateur dans un quartier animé où les passants se trouvent perdus dans le fog londonnien. Les décors sont très réussis avec ses murs défraîchis et ses ruelles pavées. Même si la présence de policemen a été renforcée depuis que trois meurtres de femmes se sont succédé, nous assistons (hors-champ) au quatrième à travers la voix de la nouvelle victime. Dans le Londres victorien, la terreur règne. Des chanteuses et danseuses de cabaret sont assassinées par un tueur en série et la police peine à trouver le coupable. Cette série macabre coïncide avec l’arrivée d’un étrange locataire, Mr Slade, dans la pension de famille des Bonting. Cet homme énigmatique dit être pathologiste. Mais très vite, ses étonnantes et multiples sorties nocturnes inquiètent les locataires, surtout quand Mr Slade semble s’intéresser à la nièce de sa logeuse, une certaine Kitty Langley, nouvelle vedette d’une revue dansante qui connaît un grand succès dans la capitale.

Jack l’Eventreur de John Brahm se regarde et s’apprécie en deux temps. La première fois, l’histoire rondement menée par le cinéaste allemand s’avère un formidable divertissement, prenant et qui comprend son lot de surprises. La deuxième fois, une fois au fait des rebondissements ou plutôt des soupçons qui se sont révélés exacts quant à la véritable nature de Mr Slade, le spectateur pourra encore plus apprécier la grande réussite technique de cette œuvre, sa mise en scène souvent virtuose mais également la sublime photographie expressionniste de Lucien Ballard (La Horde sauvage, L’Ultime razzia, Guet-apens) faite d’ombres et de perspectives, sans oublier le fond de l’histoire particulièrement ambigu. Sur ce point, la nature ouvertement bisexuelle de Mr Slade est étonnante pour un film de 1944, y compris son affection quasi-incestueuse qu’il entretenait pour son frère, dont le suicide pour l’amour d’une danseuse est devenu le déclencheur de la haine (mais y compris de l’attirance) de Slade pour les jeunes femmes artistes. Le roman de Marie Belloc Lowndes sert de support et John Brahm s’approprie le mythe du personnage de Jack l’Eventreur (qui tuait alors des prostituées et non des chanteuses), pour en livrer sa propre interprétation en l’inscrivant dans un trauma sexuel et psychologique d’une folle modernité qui n’est pas sans rappeler les motifs de l’assassin du Dressed to Kill de Brian de Palma.

En effet, Slade est à la fois tiraillé entre ce désir de venger son frère en tuant ces chanteuses de cabaret et l’envie sexuelle de ces femmes, notamment de Kitty (la belle Merle Oberon, la Cathy des Hauts de Hurlevent de William Wyler) dont il tombe amoureux malgré-lui. Les dialogues qui peuvent parfois paraître trop écrits et déclamés avec théâtralité par Laird Cregar, sont pourtant violents et encore une fois saisissants pour un film des années 1940. N’oublions pas la présence de George Sanders, qui incarne l’inspecteur de Scotland Yard chargé de l’enquête et qui use de son côté de nouvelles méthodes afin de démasquer le tueur, en ayant notamment recours aux empreintes digitales. Jack l’Eventreur version John Brahm est au final une très grande réussite, dont l’atmosphère poisseuse sur le fond et sur la forme demeure singulière plus de 70 ans après sa sortie.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Jack l’Eventreur, disponible chez Rimini Editions, repose dans boîtier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette est très élégant. Le menu principal est animé et musical. L’éditeur joint également un livret de 32 pages rédigé par l’incontournable Marc Toullec, ancien rédacteur en chef de Mad Movies, intitulé John Brahm, l’illustre inconnu d’Hollywood.

Pour compléter le visionnage de Jack l’Eventreur, l’éditeur est allé à la rencontre du critique cinéma Justin Kwedi, qui officie pour les sites DVDClassik et Culturopoing (19’). Si l’intervention de Justin Kwedi, visiblement impressionné par l’exercice, manque de construction et s’avère parfois redondante, elle n’en demeure pas moins intéressante et donne entre autres envie de se pencher un peu plus sur l’oeuvre de John Brahm. Le portrait du réalisateur est dressé dans une première partie où Justin Kwedi démontre son éclectisme après son arrivée à Hollywood dans les années 1930. Puis le journaliste se penche sur la trilogie gothique constituée de The Undying Monster (1942), Jack l’Eventreur (1944) et Hangover Square (1945), qui a largement contribué à sa renommée. L’adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes, le casting du film, ses qualités esthétiques (la photo, les décors) et la psychologie des personnages sont les sujets également abordés durant ces vingt minutes.

L’Image et le son

Ce master restauré de Jack l’Eventeur, jusqu’alors inédit en France, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Lucien Ballard retrouve une densité inespérée dès le générique en ouverture. Même si elle semble déjà dater, la restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves hormis quelques effets de pompages des noirs. La gestion des contrastes est certes aléatoire, mais le piqué s’avère convaincant la plupart du temps. Si les puristes risquent de rechigner en ce qui concerne le lissage parfois trop excessif (euphémisme) du grain argentique original, le cadre n’est pas avare en détails – sauf sur les scènes embrumées, difficiles à restituer – et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce grand film méconnu.

L’unique version anglaise est proposée en DTS-HD Master Audio Mono. L’écoute demeure appréciable en version originale (avec sous-titres français imposés), avec une bonne restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées, sans aucun souffle. Si elle manque parfois de coffre, l’acoustique demeure suffisante.

Crédits images : © Twentieth Century Fox Entertainment / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Prairies de l’honneur, réalisé par Andrew V. McLaglen

LES PRAIRIES DE L’HONNEUR (Shenandoah) réalisé par Andrew V. McLaglen, disponible en DVD et Blu-ray le 29 août 2017 chez ESC Editions

Acteurs :  James Stewart, Doug McClure, Glenn Corbett, Patrick Wayne, Rosemary Forsyth, Phillip Alford, Katharine Ross, George Kennedy…

Scénario :  James Lee Barrett

Photographie : William H. Clothier

Musique : Frank Skinner

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Charlie Anderson, fermier de son état à Shenandoah, en Virginie, se retrouve impliqué dans la guerre civile. Il refuse de soutenir les Confédérés, car il s’oppose fermement à l’esclavage, mais ne soutient pas non plus l’Union car il est profondément contre la guerre. Lorsque son fils est fait prisonnier, Charlie part immédiatement à sa recherche. Il va rapidement être confronté aux horreurs de la guerre et va devoir choisir son camp.

« Les croque-morts gagnent la guerre. Les Hommes politiques se gargarisent de la gloire de la guerre, les vieillards disent que c’est nécessaire. Les soldats n’ont qu’un seul désir, rentrer chez eux. »

Si son nom n’est pas vraiment connu du grand public, le réalisateur anglo-américain Andrew V. McLaglen (1920-2014) a pourtant signé quelques pépites et classiques très prisés par les cinéphiles comme Chisum (1970), Les Oies sauvages (1978) et Les Loups de haute mer (1980). Fils de Victor McLaglen, ancien boxeur poids lourd devenu comédien, Oscar du meilleur acteur pour Le Boxeur, chef d’oeuvre de John Ford dont il devient très proche, Andrew V. McLagen accompagne souvent son père sur les plateaux de cinéma et contracte très vite le virus du 7e art. Il grandit en côtoyant et en admirant John Ford et John Wayne, et décide très vite de devenir metteur en scène. Il est tout d’abord assistant-réalisateur, y compris sur L’Homme tranquille (1952) et passe enfin à la réalisation avec son premier long métrage, Légitime défenseGun the Man Down (1956), un western où il dirige James Arness et Angie Dickinson. Les séries télévisées Perry Mason et surtout Rawhide lui permettent de se perfectionner et de peaufiner son style. Il signe son retour au cinéma en 1963 avec le célèbre Le Grand McLintock avec John Wayne, Maureen O’Hara et Yvonne De Carlo. La consécration publique vient réellement en 1965 avec Les Prairies de l’honneurShenandoah et ce en dépit de critiques virulentes venues de la presse qui déclarent notamment que le réalisateur plagie le style de son modèle John Ford. Cela n’empêche pas le film d’être un grand succès (mérité), mais aussi de marquer le début d’une grande amitié et d’une collaboration fructueuse entre Andrew V. McLagen et le comédien James Stewart puisque les deux hommes travailleront ensemble sur trois autres films, Rancho Bravo (1966), Bandolero ! (1968) et Le Rendez-vous des dupes (1971).

Si Les Prairies de l’honneur a été réalisé en 1965 alors que le western vivait ses dernières heures de gloire aux Etats-Unis et triomphait en Europe, le film d’Andrew V. McLagen s’avère un drame familial attachant, marqué par un sous-texte humaniste et ouvertement antiguerre, qui reflète alors l’enlisement de l’Oncle Sam au Viêt Nam. 1863. En Virginie, alors que la Guerre de Sécession fait rage, le fermier Charlie Anderson (James Stewart) refuse de prendre part au conflit et prétend qu’il ne se sent pas concerné tant que la guerre n’arrive pas sur ses terres. Veuf, père d’une fille sur le point de se marier et de six garçons dont le plus jeune vient d’avoir 16 ans, Anderson interdit à ses enfants de participer à cette guerre. Mais la guerre n’épargne personne, et Charlie ne pourra pas longtemps rester à l’écart, surtout que Boy, son benjamin, s’est fait arrêter par des soldats de l’Union. Les Prairies de l’honneur est un film superbe, qui séduit d’emblée par son apparente simplicité et ses personnages menés par un James Stewart aussi impérial que magnifique en patriarche, galurin vissé sur la tête et cigare au bec, qui aime ses enfants et qui s’en occupe seul depuis que sa femme est morte en couches il y a une quinzaine d’années. Alors qu’il vient de marier son unique fille Jennie (Rosemary Forsyth, nommée pour le Golden Globe du meilleur espoir féminin en 1966) à un soldat sudiste (Doug McClure) appelé sur le champ de bataille juste après la cérémonie, Anderson voit son terrier voler en éclats quand son jeune fils disparaît. Accompagné de ses fils, sauf de James (Patrick Wayne) et de sa femme Ann, interprétée par Katharine Ross (Le Lauréat), qui viennent d’avoir un bébé, Anderson se rend compte des horreurs de la guerre dont il ne voulait pas entendre parler.

A sa sortie, le message pacifiste et antimilitariste a été salué. Mais Shenandoah ne se résume pas qu’à cela. Andrew V. McLaglen signe également l’un de ses plus beaux films. Toujours soucieux du travail bien fait, le cinéaste a confié la photo au célèbre chef opérateur William H. Clothier, à qui l’on doit les images de cinq films de John Ford, dont Le Massacre de Fort Apache (1948) et L’Homme qui tua Liberty Valance (1962). L’immense compositeur Frank Skinner se voit confier la musique. Si le budget est confortable, Les Prairies de l’honneur ne bénéficie pas des moyens alloués aux grandes productions passées, surtout que le western apparaît déjà comme un genre en fin de vie, mais l’immense talent d’Andrew V. McLaglen parvient à donner au film un véritable standing. L’histoire ne manque pas d’humour, de tendresse et d’émotions, les séquences d’affrontements sont impressionnantes, la violence est montrée frontalement (comme le soldat qui reçoit une balle dans la tête) et James Stewart fait preuve d’une immense sensibilité dans la peau de ce père qui voue un amour sans limite pour ses enfants.

Après une première partie qui installe une atmosphère plutôt légère – dont une bagarre endiablée au ton quasi-burlesque – malgré la guerre qui se déroule hors-champ avec des coups de canon qui résonnent jusque dans la vallée, le récit devient plus grave et désenchanté au fur et à mesure qu’Anderson se rend compte non seulement de la mort qui n’a pas épargné les jeunes soldats, mais également que les Etats du Sud ont perdu la guerre. Alors peu importe que Les Prairies de l’honneur ait pu être considéré comme anachronique à sa sortie quand Sergio Leone et Sam Peckinpah renouvelaient le genre, car aujourd’hui le film d’Andrew V. McLaglen demeure un très grand divertissement, la mise en scène apparaît toujours aussi élégante, le scénario intelligent et son final bouleversant.

LE BLU-RAY

L’édition HD des Prairies de l’honneur est disponible chez ESC Editions. Le visuel est élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

L’éditeur joint une présentation et une analyse du film qui nous intéresse par Mathieu Macheret, critique cinéma pour Le Monde (28’). Point par point, le journaliste revient sur tous les aspects des Prairies de l’honneur (« peut-être le meilleur western du réalisateur » dit-il), en indiquant tout d’abord le caractère quasi-désuet et old-school du film, alors que le cinéma américain connaît ses premiers bouleversements qui conduiront au Nouvel Hollywood. Mathieu Macheret évoque ensuite le casting, l’évolution du western dans les années 1960, la carrière du cinéaste Andrew V. McLaglen et la façon avec laquelle ce dernier use du classicisme comme d’une forme de résistance afin de faire passer son message antimilitariste. Une métaphore caractérisée par le personnage interprété par James Stewart, qui représente un héros d’un autre temps, qui croit pouvoir vivre en vase clos avec les siens, avant de se rendre à l’évidence devant la violence qui l’entoure lui et ses fils.

L’interactivité se clôt sur une comparaison de l’image avant/après la restauration avec à gauche l’image source et l’image restaurée à droite de l’écran.

L’Image et le son

Les Prairies de l’honneur avait tout d’abord connu une édition DVD sortie en 2004 chez Universal, avant de ressortir en 2009 chez le même éditeur. Le film d’Andrew V. McLaglen fait désormais peau neuve chez ESC Editions dans un nouveau master restauré HD. Si la propreté est indéniable, la restauration ne semble pas récente et a du mal à rivaliser avec les scans HD plus contemporains. Néanmoins, le Blu-ray des Prairies de l’honneur présenté ici n’a vraiment rien de honteux. La définition est correcte, surtout sur les plans rapprochés où les détails s’avèrent plus pointus et très plaisants. Le bât blesse au niveau des plans larges où on espérait une profondeur de champ plus dense. Les couleurs deviennent plus fanées, les contours manquent de finesse et le grain original a été beaucoup trop lissé. En revanche, l’image affiche une stabilité à toute épreuve, aucun fourmillement ne vient perturber le visionnage et les contrastes s’avèrent plutôt bons.

Les versions anglaise et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage récent, qui dénature tout le charme original du film, avec des voix inappropriées. Si l’écoute demeure correcte, elle ne vaut évidemment pas le naturel de la piste originale plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, le souffle se fait discret et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Universal Pictures / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Le Fondateur, réalisé par John Lee Hancock

LE FONDATEUR (The Founder) réalisé par John Lee Hancock, disponible en DVD et Blu-ray le 1er septembre 2017 chez EuropaCorp

Acteurs : Michael Keaton, Nick Offerman, John Carroll Lynch, Laura Dern, Linda Cardellini, Patrick Wilson, B.J. Novak, Griff Furst…

Scénario : Robert D. Siegel

Photographie : John Schwartzman

Musique : Carter Burwell

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Dans les années 50, Ray Kroc rencontre les frères McDonald qui tiennent un restaurant de burgers en Californie. Bluffé par leur concept, Ray leur propose de franchiser la marque et va s’en emparer pour bâtir l’empire que l’on connaît aujourd’hui.

Le FondateurThe Founder est le cinquième long métrage du méconnu John Lee Hancock. Scénariste de métier, on lui doit les histoires de deux grands films de Clint Eastwood, Un monde parfait (1993) et Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997). Sorti en 2002, son premier film en tant que réalisateur, Rêve de championThe Rookie est un grand succès aux Etats-Unis, ce qui lui donne l’opportunité d’accéder aux gros budgets. Ce sera le cas de son film suivant, Alamo en 2004, western porté par Dennis Quaid, qui se solde par un échec cinglant au box-office. Cinq ans plus tard, le metteur en scène revient derrière la caméra avec The Blind Side, inédit dans les salles françaises, mais triomphe national surréaliste (255 millions de dollars de recette pour un budget de 29 millions), qui vaut même à Sandra Bullock l’Oscar de la meilleure actrice. En 2013, Dans l’ombre de Mary qui raconte la genèse et la production du film Mary Poppins, interprété par Tom Hanks et Emma Thompson, produit par Disney, est un joli succès. Le Fondateur s’avère le meilleur film de John Lee Hancock. Démarrant comme un vrai feel-good movie au ton léger et aux couleurs scintillantes, le film se révèle être le portrait d’un monstre impitoyable auquel le génial Michael Keaton prête ses traits et son empathie immédiate. Autant dire que la surprise est de taille et que Le Fondateur s’avère un grand film sur la face cachée du rêve américain.

Représentant de commerce, Ray Kroc est un quinquagénaire originaire de l’Illinois qui court en vain après le succès en proposant des appareils à milk-shakes qui ne trouvent pas preneur. Il écume les états au volant de sa voiture, puis rentre chez lui, auprès de sa femme (Laura Dern) avec qui les relations se dégradent. Sa vie change lorsqu’il découvre que deux frères, Richard et Maurice McDonald, passent la commande de six machines à glace pour le même restaurant. Croyant tout d’abord à une erreur, il se rend compte que ces deux restaurateurs ont en fait besoin de huit machines au total. Ray reprend sa voiture et traverse les Etats-Unis jusqu’à San Bernardino en Californie. Il arrive devant un drive-in familial où des dizaines de personnes font la queue devant un guichet pour y passer commande, autrement dit la formule unique hamburger-frites-soda, servie dans des gobelets en carton et du papier jetable. Attiré par ce succès, Ray rencontre les deux frères McDonald. Ces derniers, très accueillants lui expliquent alors qu’ils ont mis au point une méthode de travail ingénieuse à fort rendement modeste pour leur restaurant de burgers, cuisinés et vendus en un temps-record, trente secondes au lieu des trente minutes habituelles et interminables chez leurs concurrents. Grisé par cette méthode révolutionnaire, Ray les persuade de lui confier la franchise leur invention. Ils acceptent. Devant leur frilosité et avide de faire rapidement de l’argent, Ray Kroc va prendre les devants et s’emparer de leur concept pour bâtir son empire, au grand désespoir des deux frères qui en voulant préserver leur intégrité finiront par tout perdre dans la bataille. Cela inclut leurs arches dorées et même leur nom qui deviendra une marque déposée pour laquelle ils ne gagneront pas un dollar de royalties (malgré une promesse verbale de leur reverser 1 % des bénéfices à vie), sauf lorsqu’ils seront obligés de se retirer de ce rouleau compresseur économique et capitaliste qui les dépasse.

Le Fondateur est un film formidable, qui n’a de cesse de surprendre le spectateur. Merveilleusement écrit par Robert D. Siegel (The Wrestler), mis en scène, interprété et reconstitué, le film de John Lee Hancock, un temps envisagé par les frères Coen qui adoraient le scénario, déjoue les attentes en faisant d’abord croire que l’on se trouve devant une comédie rutilante, menée à cent à l’heure, un portrait documenté sur l’un des empires économiques devenu omniprésent au quotidien et que le film est à la gloire du rêve américain. La séquence où les deux frères, incarnés par les épatants John Carroll Lynch (Zodiac, Gran Torino) et Nick Offerman (Parks and Recreation) racontent à un Ray Kroc abasourdi comment tout a commencé et la façon dont la chorégraphie du burger a été mise en place, est un très grand moment de cinéma. Puis sans prévenir, Le Fondateur devient plus sombre, même si les couleurs pétillantes des années 1950 sont toujours présentes et que la photo du chef opérateur John Schwartzman (Benny & Joon, Rock, Jurassic World) est lumineuse. Le contraste apparaît par couches successives, au fur et à mesure que Ray Kroc, animé par ce succès démentiel et qui n’a de cesse de s’étendre, décide de prendre les choses en main, sans tenir compte de l’avis des frères McDonald dont le récit adopte finalement le point de vue. Le Fondateur est un portrait fabuleux et ironique d’un loser ambitieux qui s’est servi du succès des autres comme point de départ pour sa propre initiative personnelle, dans le but de créer « la nouvelle église américaine ». Lui-même dépassé par les événements, mais malgré tout conscient qu’il était en train d’écraser ses partenaires, Ray Kroc est devenu un vampire avide de succès et d’argent, profondément égoïste et arriviste.

On savait Michael Keaton très grand comédien. Dans Le Fondateur, il hérite d’un rôle en or, tout d’abord destiné à Tom Hanks avant son désistement, et signe une de ses plus grandes interprétations. Quasiment de tous les plans, son énergie, son bagou, son charisme crèvent à nouveau l’écran. Epoustouflant, l’acteur parvient à rendre attachant ce petit représentant sans succès, qui devient ensuite foncièrement antipathique, une vraie crapule, un homme d’affaires monstrueux dont le génie visionnaire demeure pourtant indéniable et même fascinant. Alors, si vous connaissez évidemment la chaîne de fast-food, découvrez maintenant les véritables origines de ce succès planétaire. Votre burger vous restera certainement en travers de la gorge, mais en tout cas ce film virtuose et captivant ravira les cinéphiles.

LE BLU-RAY

Disponible chez EuropaCorp, le Blu-ray du Fondateur repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le visuel reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

La première partie des suppléments est consacrée aux interviews du réalisateur John Lee Hancock (1’40) et des comédiens Michael Keaton (8’30), John Carroll Lynch (5’) et Nick Offerman (8’). Malgré leur courte durée et leur côté promotionnel, ces entretiens s’avèrent particulièrement intéressants. Chaque intervenant s’exprime sur la qualité du scénario (qui circulait pourtant depuis pas mal de temps à Hollywood), sur leur collaboration, sur la reconstitution des années 1950, les partis pris et les personnages ayant réellement existé. Mention spéciale à Nick Offerman qui indique que « le génie de Ray Kroc a amené des millions de personnages à devenir obèses ».

Les featurettes intitulées Les Frères McDonald (4’) et Les décors, un voyage dans le temps (7’) sont constituées d’images de tournage, d’interviews des producteurs, des comédiens, de Jason French (petit-fils de Dick McDonald), du réalisateur et du chef-décorateur Michael Corenblith, qui se focalisent sur la création du premier restaurant McDonald’s et la reconstitution du fast-food original à l’écran, des archives aux premiers concepts, jusqu’à la construction du décor principal. Un dernier supplément montre d’ailleurs ce dernier point à travers une vidéo en time-lapse (1’30).

L’Image et le son

Grands défenseurs du tournage en 35mm, le réalisateur John Lee Hancock et le chef opérateur John Schwartzman ont néanmoins décidé de tourner Le Fondateur en numérique en raison du budget du film. Afin de conserver une image proche de la pellicule, leur choix s’est porté sur la caméra Arri Alexa XT et des objectifs anamorphiques Panavision. Ces partis pris couplés au format 2.40 donnent à la photographie un aspect argentique très élégant. Le master HD concocté par EuropaCorp est sublime. Les couleurs sont étincelantes, le piqué aiguisé comme la lame d’un scalpel et les détails, y compris le visage taillé à la serpe de Michael Keaton, foisonnent du début à la fin. De jour comme de nuit, y compris sur les séquences tamisées, l’élévation Haute-Définition est omniprésent, évident et indispensable. On en prend plein les yeux avec ce cadre large à la profondeur de champ inouïe (voir le ciel chargé de nuages sur la Route 66) et des contrastes d’une densité jamais démentie.

Du point de vue acoustique, Le film profite à fond de l’apport HD grâce à deux pistes DTS-HD Master Audio 5.1 spectaculaires. Le score très présent de Carter Burwell, grand collaborateur des frères Coen depuis leur premier film est délivré par l’ensemble des enceintes, les basses sont parfois sollicitées, tout comme les latérales qui créent un environnement acoustique percutant. Les dialogues sont dynamiques et solidement délivrés par la centrale, jamais noyés par les effets sonores et la musique. L’éditeur joint également une piste Audiosdescription. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © Copyright Daniel McFadden / 2016 The Weinstein Company. All Rights Reserved. / Splendid-film / EuropaCorp / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Django, réalisé par Etienne Comar

DJANGO réalisé par Etienne Comar, disponible en DVD le 30 août 2017 chez Pathé

Acteurs : Reda Kateb, Cécile de France, Beáta Palya, Bimbam Merstein, Gabriel Mireté, Vincent Frade, Johnny Montreuil, Raphaël Dever, Patrick Mille, Xavier Beauvois…

Scénario : Etienne Comar, Alexis Salatko

Photographie : Christophe Beaucarne

Musique : Warren Ellis

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

En 1943 pendant l’occupation allemande, le tsigane Django Reinhardt, véritable “guitare héros”, est au sommet de son art. Chaque soir il fait vibrer le tout Paris aux Folies Bergère avec sa musique swing alors qu’en Europe, ses frères sont pourchassés et massacrés. Lorsque la propagande allemande veut l’envoyer à Berlin pour une série de concerts, il sent le danger et décide de s’évader en Suisse aidé par une de ses admiratrices, Louise de Klerk. Pour passer, il se rend à Thonon-les-Bains, sur les bords du lac Léman, avec sa femme enceinte, Naguine et sa mère Negros. Mais l’évasion est plus compliquée que prévue, Django et ses proches se retrouvent plongés dans la guerre. Pendant cette période dramatique, il n’en demeure pas moins un musicien exceptionnel qui résiste avec sa musique, son humour, et qui cherche à approcher la perfection musicale…

On en entendait parler depuis plusieurs années déjà, mais le biopic sur Jean Reinhardt, plus connu sous le nom de Django Reinhardt (1910-1953), illustre guitariste de jazz, n’avait de cesse d’être repoussé. C’est finalement le producteur Etienne Comar, qui a entre autres produits les films de Laurent Bouhnik (Zonzon, 1999 Madeleine), Xavier Beauvois (Des hommes et des dieux, La Rançon de la gloire), Philippe Le Guay (Du jour au lendemain, Les Femmes du 6e étage) ou bien encore Maïwenn (Mon roi) et le multi-césarisé Timbuktu d’Abderrahmane Sissako, qui coproduit, coécrit et réalise ce Django, dont il s’agit du premier long métrage en tant que metteur en scène. Le film s’inspire du roman Folles de Django d’Alexis Salatko (également coscénariste du film), paru en 2013 pour le soixantième anniversaire de la mort du musicien. S’il n’est pas vraiment un biopic, Django, pour lequel a également collaboré David Reinhardt, le petit-fils de l’artiste, s’avère une illustration d’un des épisodes clés de la vie de l’artiste.

Si le film ne tient malheureusement pas ses promesses, Etienne Comar offre le rôle-titre au génial Reda Kateb, monstre de charisme et récompensé par le Swann d’or du meilleur acteur au Festival du film de Cabourg, qui s’empare véritablement du personnage au point de ne faire qu’un avec lui. Il est aussi élégamment et excellemment épaulé par Cécile de France dans le rôle d’un personnage fictif, mais finalement aussi marquant que celui tenu par son partenaire. Avouons-le, Django ne vaut que pour ses interprètes et rien d’autre.

Pourtant, le film démarre sur les chapeaux de roues avec l’effervescence d’un concert prêt à démarrer. La salle des Folies Bergère est remplie d’officiers allemands et des panneaux indiquent qu’il est formellement interdit de danser. Les musiciens sont prêts, mais Django n’est pas là. Ce dernier est tranquillement en train de pécher au bord de la Seine. On vient alors le chercher. Quelque peu éméché, il enfile son costume, sa vieille mère l’observe et le conseille. Le concert peut commencer, Django, plus grisé par sa musique que par l’alcool est enivré sur scène par les mélodies de son quintette. La salle est en transe, les spectateurs se lèvent et sont emportés par les mélodies, peu importent les interdictions. Une femme blonde, Louise de Klerk, entre dans la salle. On lui propose un siège, elle refuse et préfère rester debout. Elle observe Django puis les réactions dans la salle. Après ce triomphe, elle rejoint Django au moment certains officiers allemands lui annoncent qu’il devra se rendre à Berlin, afin d’y donner quelques concerts « monumentaux » auxquels participera probablement Adolf Hitler. Quelques jours après, Django décide de fuir avec les siens en direction de la Suisse.

En toute honnêteté, Django subjugue durant sa première demi-heure d’une folle élégance et son épilogue bouleversant. La reconstitution est simple, mais ne manque pas de classe, la photo de Christophe Beaucarne (Coco avant Chanel, Gemma Bovery, Irina Palm) est très belle et restitue l’atmosphère des salles enfumées. Ce concert est aussi l’occasion à Reda Kateb de montrer tout le travail de titan que le comédien a dû accomplir en amont pendant un an, afin de coller au plus près au style de jeu unique du guitariste. Cela fonctionne très bien à l’écran, tout part sous les meilleurs auspices, on tape même du pied au son du guitariste virtuose. Dommage que le soufflé retombe dès que le personnage décide finalement de s’enfuir afin de ne pas être envoyé à Berlin. Le film fait ensuite du sur-place pendant plus d’une heure où l’on voit Django attendre à Thonon-les-Bains, qu’un passeur veuille bien l’escorter avec sa mère et sa femme jusqu’en Suisse.

Comme s’il était lui-même stoppé dans son élan par son propre scénario, Etienne Comar semble ne plus savoir quoi faire de son personnage principal, qu’il filme souvent dans la nature, en train d’observer, tandis que les dialogues sonnent faux et semblent trop écrits. Django ne reprend la guitare que de manière sporadique, l’ennui s’installe progressivement, tout semble aller au ralenti. Pour que la mécanique soit relancée, il faut véritablement attendre le dernier acte, le concert donné au milieu des allemands et surtout la dernière séquence, celle où Django dirige le Requiem pour les frères Tsiganes, messe de sa composition jouée à la chapelle de l’Institut des jeunes aveugles de Paris en 1945, un hommage poignant aux victimes du génocide tsigane. Un panneau indique que cette œuvre n’a été jouée qu’une seule fois, la partition ayant été perdue par la suite et dont quelques bribes subsistent seulement. En dépit d’une remarquable exposition et un final déchirant, Django laisse une impression plus que mitigée. Si la qualité de l’interprétation est indéniable et marque les esprits, dommage que le film soit si déséquilibré et demeure d’un intérêt relatif.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Django a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette reprend le visuel de l’affiche. Le menu est animé et musical.

Pour une production de cet acabit, nous étions en droit d’attendre bien plus qu’une petite poignée de scènes coupées (6’) comme suppléments ! Aucun making of, aucune interview, pas de commentaires audio. Seulement quatre séquences laissées sur le banc de montage. La première montre Louise de Klerk marcher avec Django dans un cimetière parisien, en lui donnant les instructions pour son passage en Suisse. Louise annonce alors à Django qu’elle ne pourra pas le suivre et qu’elle est retenue sur la capitale. La seconde scène se déroule à Thonon-les-Bains. Django joue au billard, quand un lieutenant allemand lui propose une partie à cinquante francs le point. L’officier lui dit que son visage lui semble familier. Les deux séquences suivantes sont plus anecdotiques, avec d’un côté Negros qui fait semblant d’être morte pour s’amuser et flanquer la frousse, et de l’autre un repas entre amis où l’on se lance des assiettes pour rire.

L’Image et le son

Après un succès honorable dans les salles avec près d’un demi-million de spectateurs, Pathé prend soin de Django pour son arrivée dans les salons et en Haute Définition. Un master HD quasi-irréprochable au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées, avec des teintes plus froides dans la partie suisse, le tout soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont riches et tranchants, seuls les arrière-plans auraient pu être un peu plus détaillés. Les gros plans sont ciselés à souhait, la colorimétrie est vive et joliment laquée, le relief très présent. Un service après-vente remarquable et élégant.

Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 convient parfaitement à un film ambitieux comme Django en spatialisant tout d’abord la musique de Warren Ellis (Comancheria, Des hommes sans loi) et en plongeant généreusement les spectateurs dans l’ambiance du concert dans la première partie. Les effets latéraux sont probants, les ambiances naturelles éloquentes sur les séquences en extérieur, les basses sont utilisées à bon escient. Si les dialogues auraient également mérité d’être plus ardents sur la centrale, le confort acoustique est indéniable, la balance frontale saisissante. La piste DTS-HD Master Audio 2.0 se révèle également dynamique, percutante même, créant une véritable homogénéité entre les dialogues, la musique et les effets. Pour finir, nous disposons d’une piste Audiovision ainsi que des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Roger Arpajou / Pathé Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Butterfly Kiss, réalisé par Michael Winterbottom

BUTTERFLY KISS réalisé par Michael Winterbottom, disponible en combo DVD/Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Outplay

Acteurs : Saskia Reeves, Amanda Plummer, Kathy Jamieson, Des McAleer, Lisa Riley, Freda Dowie…

Scénario : Frank Cottrell Boyce, Michael Winterbottom

Photographie : Seamus McGarvey

Musique : John Harle

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1995

LE FILM

Eunice, une femme visiblement dangereuse, passe sa vie à arpenter les autoroutes du nord de l’Angleterre à la recherche d’Edith, la seule qui lui ait jamais témoigné de l’amour. Dans une station-service, elle rencontre Miriam, qui quitte tout pour la suivre, même si elle devine très vite qu’Eunice est une meurtrière.

« Je t’aurai corrompu bien avant que tu me bonifies. »

Inclassable et prolifique, le cinéaste britannique Michael Winterbottom (né en 1961) fait ses débuts à la télévision en 1990 avec le drame Forget About Me. Il enchaîne très vite en réalisant quelques séries (Family, Cracker), puis signe un deuxième téléfilm Under the Sun en 1992. Mais c’est avec son troisième film, cette fois réalisé pour le cinéma en 1995, que Michael Winterbottom se fait connaître sur la scène internationale. Sur une idée du scénariste Frank Cottrell Boyce, Butterfly Kiss est un road-trip mortel, éprouvant et hypnotique, rapidement devenu culte auprès des cinéphiles.

Le film est à l’image de ses conditions de prises de vues puisque réalisé dans l’urgence, avec une équipe réduite et un budget limité de 400.000 livres. Imprévisible et extravertie, Eunice arpente les autoroutes du nord de l’Angleterre à la recherche d’une dénommée Edith, qui lui aurait écrit des lettres d’amour. Dans une station-service, elle rencontre Miriam, jeune femme réservée et solitaire, coincée entre son métier de caissière et sa mère, âgée et invalide. Fascinée par Eunice, Miriam décide de tout quitter pour la suivre. Très vite, elle comprend qu’Eunice est une meurtrière mais ne peut se résoudre à la quitter. Film choc, Butterfly Kiss n’a rien perdu de son magnétisme. Absolument fascinant, viscéral, sombre et parcouru pourtant par un indéfectible amour, le troisième long métrage de Michael Winterbottom convie le spectateur à prendre place auprès de deux jeunes femmes à qui la vie n’a pas fait de cadeau, embarquées dans une mortelle randonnée. Si la violence est finalement « soft » à l’écran, ce sont avant tout les actes et leurs conséquences qui foudroient l’audience. Très tôt, Michael Winterbottom aimait déjà jouer avec l’empathie du spectateur envers des personnages détestables, difficile d’accès, peu recommandables. Des marginaux, des solitaires, des êtres rejetés par la société. Une marginalisation qui n’est pas volontaire ou le fruit d’une révolte.

Le réalisateur de Jude, Bienvenue à Sarajevo, 9 Songs, Tournage dans un jardin anglais, Un coeur invaincu et The Killer Inside Me dresse le portrait sans fard de deux jeunes femmes que tout oppose, mais dont l’alchimie est immédiate et qui se retrouvent unies par les sentiments qu’elles ont l’une pour l’autre. Eunice est interprétée par l’ahurissante et insaisissable Amanda Plummer. L’actrice américano-canadienne livre une prestation ébouriffante et inquiétante. Elle se fond totalement dans la peau d’Eunice, coincée malgré-elle dans une boucle constituée de voies rapides, qui passe de station-service en restaurants autoroutiers à la recherche une certaine Judith et une chanson d’amour en vinyle, même si on ne lui propose que des K7. Cheveux de feu, regard habité, son corps est recouvert de 17 tatouages, ses seins percés par des anneaux, son abdomen et son dos recouverts de chaînes et de cadenas. Elle rencontre Miriam, jeune employée d’une station-service. Timide, effacée, ingrate peut-être, douce, elle se prend d’affection pour Eunice et souhaite lui venir en aide. Elle lui propose alors l’hospitalité chez sa vieille mère, handicapée clouée sur un fauteuil roulant. Mais le désir de révolte est plus fort que tout et très vite Eunice envoie tout balader. Elle retourne sur la route. Pour la première fois de sa vie, Miriam quitte elle aussi son domicile, bien décidée à rejoindre Eunice sur la route, là où le destin voudra bien les conduire. Elle découvre très vite qu’Eunice est une tueuse, qui laisse des cadavres derrière elle, ou plutôt dans le coffre des voitures qu’elle trouve sur son chemin. Métamorphosée pour son rôle, Saskia Reeves livre une prestation tout aussi impressionnante et crève autant l’écran que sa partenaire, même si son personnage peut tout d’abord paraître plus effacé par nature. Pourtant, Miriam évolue autant qu’Eunice.

Ces deux jeunes femmes opposées rentrent en confrontation, se scrutent, s’embrassent, se caressent, s’avèrent les facettes d’une même pièce. Si Miriam souhaiterait bouffer la vie comme Eunice en agissant de façon impulsive sans se soucier des conséquences, Eunice voudrait être sereine comme Miriam. Ces deux corps qui s’attirent physiquement vont ensuite se tirer vers le haut, sur une route cimentée où le ciel grisâtre contraste avec la campagne verdâtre du Lancashire et le sang écarlate.

Résolument violent, même si les assassinats ne sont pas montrés à part ceux du chauffeur-routier et du représentant, Butterfly Kiss démontre que la société impitoyable est en partie responsable de cette implosion. Toutefois, Michael Winterbottom et son scénariste ne cherchent pas de circonstances atténuantes pour les actes commis par les personnages. Certains spectateurs n’y verront que deux pauvres nanas timbrées – il faut dire que le cinéaste ne fait rien pour les caresser dans le sens du poil – et un récit qui n’aspire visiblement que le rejet, mais l’empathie se crée, tandis que l’audience patiente et investie sera entraînée dans le sillage de Miriam et d’Eunice, jusqu’au dénouement libérateur, le châtiment rédempteur tant attendu, l’absolution dans une ablution, au crépuscule. Une folle, troublante et fiévreuse odyssée bercée par les chansons des Cranberries et PJ Harvey, qui n’a pas pris une ride depuis sa sortie. Un film coup de poing. Un chef d’oeuvre.

LE BLU-RAY

Pour cette sortie, l’éditeur Outplay a concocté un magnifique combo Blu-ray/DVD. Les deux disques reposent dans un superbe Digipack à trois volets, composé du portrait des deux personnages et d’un encart pour un livret. L’ensemble est glissé dans un fourreau cartonné au visuel très élégant et attractif. Grand travail éditorial.

Comme nous l’indiquons plus haut, cette édition comprend un livret de 16 pages composé de photos du film, mais surtout d’un entretien de Michael Winterbottom réalisé par Michel Ciment et Yann Tobin pour le n°430 de la revue Positif publié en décembre 1996. Le réalisateur revient sur les lieux du tournage, les conditions de prises de vues, son travail avec le scénariste Frank Cottrell Boyce, les thèmes du film, la création des personnages et leur difficulté à les faire accepter auprès des spectateurs.

En guise de supplément vidéo, Outplay a confié à l’imminent N.T. « Yann » Binh, journaliste, critique, enseignant de cinéma à Paris 1 Panthéon-Sorbonne, la présentation de Butterfly Kiss de Michael Winterbottom (31’). A travers cet exposé passionnant, mister Binh (pardon) reprend peu ou prou les mêmes arguments et informations distillés dans l’interview du cinéaste dont il avait recueilli les propos pour le magazine Positif il y a plus de vingt ans. Cela lui permet d’approfondir les thèmes, de se pencher un peu plus sur le fond et la forme de Butterfly Kiss, tout en replaçant le film dans la carrière du réalisateur. Yann Binh indique même l’influence du cinéma d’Ingmar Bergman, auquel Michael Winterbottom venait de consacrer deux documentaires, dans son premier long métrage pour le cinéma. La genèse de Butterfly Kiss, l’évolution des personnages, leur trajectoire, leur quête, le casting et encore bien d’autres éléments sont abordés dans cette remarquable analyse du film.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Alors qu’il demeurait inédit dans nos contrées en DVD, l’éditeur Outplay frappe fort puisque non seulement Butterfly Kiss est enfin disponible en DVD, mais aussi et pour la première fois en Blu-ray (1080p) ! C’est une exclusivité mondiale et cela mérite vraiment d’être souligné. Nous sommes donc face à un nouveau master Haute-Définition issu d’une restauration qui a visiblement quelques heures de vol, mais qui n’en demeure pas moins fort correcte. Ce master ne cherche pas à épater la galerie, cela serait d’ailleurs difficile avec les partis pris de la photographie de Seamus McGarvey (High Fidelity, World Trade Center, Avengers), mais les volontés artistiques sont heureusement respectées avec des couleurs atténuées qui se réchauffent au fur et à mesure du parcours des deux personnages, un grain cinéma aléatoire, des contrastes du même acabit. Le piqué est évident, les détails souvent plaisants et malgré divers points et tâches fréquemment constatables, la copie demeure propre et stable.

Seule la version originale est ici disponible en DTS-HD Master Audio 2.0, ainsi que les sous-titres français non verrouillés. L’écoute s’avère claire, sans aucun souffle, avec une restitution dynamique des dialogues, ainsi que des effets annexes, notamment du trafic automobile incessant. La musique de John Harle ainsi que les chansons qui illustrent le film (The Cranberries, Patsy Cline, Björk, PJ Harvey) ne manquent pas de coffre et le confort acoustique est largement assuré. Les sous-titres français pour le public sourd et malentendant sont également au menu.

Crédits images : © British Screen and The Merseyside Film Production Fund. / Dan Films LTD / Outplay / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Pris au piège, réalisé par Álex de la Iglesia

PRIS AU PIÈGE (El Bar) réalisé par Álex de la Iglesia, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez L’Atelier d’Images et Condor Entertainment

Acteurs : Blanca Suarez, Mario Casas, Carmen Machi, Secun de la Rosa, Jaime Ordonez, Terele Pávez, Joaquin Climent, Alejandro Awada…

Scénario : Álex de la Iglesia, Jorge Guerricaechevarría 

Photographie : Ángel Amorós

Musique : Carlos Riera, Joan Valent

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Madrid, 9 heures du matin. Des clients, qui ne se connaissent pas sont dans un bar. L’un d’entre eux sort et se fait tirer dessus, les autres se retrouvent bientôt prisonniers de l’établissement.

Le réalisateur espagnol fou, expert de l’humour noir et grinçant est de retour avec une satire socio-politique. A l’instar de son récent Un jour de chance, chaque protagoniste plongé dans une situation extraordinaire et dans laquelle dépend leur survie, va apparaître sous son vrai visage et dévoiler qui se cache réellement derrière la façade affichée quotidiennement. Comme souvent chez Álex de la Iglesia, la situation sociale est au centre de Pris au piège El Bar, comédie brutale et cinglante, jubilatoire et décalée.

Avec sa virtuosité coutumière (malgré un espace confiné), un montage alerte et une photographie à couper le souffle, Álex de la Iglesia signe un film ovni très attachant, virulent, émouvant et drôle. Merveilleux directeur d’acteurs, il offre à ses comédiens l’occasion de composer des personnages explosifs, sournois, pathétiques, menteurs, hypocrites et égoïstes que n’auraient pas reniés la comédie italienne, grande source d’inspiration du réalisateur, et qui s’apparentent souvent à des cousins ibériques des mythiques Monstres. A travers une galerie de personnages hétéroclites présentés dans un fabuleux plan-séquence en guise d’ouverture, une jeune femme belle et sexy qui a visiblement réussi dans la vie (Blanca Suárez), un représentant en lingerie fine (Alejandro Awada), un ex-flic (Joaquín Climent), un SDF aux dents gâtées prénommé Israel (sensationnel Jaime Ordóñez, déjà présent dans Les sorcières de Zugarramurdi), deux tenanciers de bar (Secun de la Rosa et la regrettée Terele Pávez), un hipster (Mario Casas), une accro au jeu (Carmen Machi) et d’autres individus de la vie de tous les jours, Álex de la Iglesia dresse le portrait d’une société effrayée qui se dissimule derrière des faux-semblants, qui s’écroulent dès que leurs petites habitudes sont rattrapées par la réalité.

Dans un quartier de Madrid, en début de matinée. Quelques clients, habitués ou non, qui se connaissent de visu ou qui se rencontrent pour la première fois, prennent tranquillement leur café dans un bar. Quand soudain, un homme qui vient de sortir est tué net sous leurs yeux par la balle d’un sniper. Ils réalisent alors qu’ils sont dans sa ligne de mire, se retrouvant de fait prisonniers du bar et en danger de mort. Le compte à rebours est lancé pour trouver le moyen de s’échapper ! Quelques minutes plus tard, un homme imposant, au corps enflé, sort des toilettes en toussant jusqu’à tomber raide mort à leurs pieds. Le petit groupe comprend alors que cet individu a été victime d’une arme bactériologique et qu’ils se trouvent tous confinés dans le bar, à la merci de l’armée, prête à les tuer l’un après l’autre. Pris au piège (d’où le titre français), la tension monte, les non-dits éclatent, certains sont plus facilement pris pour cible à l’instar du hipster qui fait peur en raison de sa barbe…Le réseau ne passe plus et les chaînes d’informations restent muettes. La paranoïa entre en éruption.

Álex de la Iglesia réalise un film fou, qui ne ressemble qu’à lui. Inclassable, capable de combiner le sordide au sexy en plongeant notamment la bombe Blanca Suárez (La Piel que habito, Les Amants passagers) dans les égouts, le cinéaste espagnol montre qu’il n’a rien perdu de sa verve et qu’il n’est pas prêt de se calmer à cinquante ans passés. Si la première partie peut parfois mettre les nerfs à rude épreuve avec son avalanche de dialogues vachards et sa musique omniprésente, Pris au piège devient très vite un redoutable tour de force et prend même la forme inattendue d’un survival invraisemblable avec errance dans les bas-fonds où tous les coups semblent permis, comme dans un thriller d’épouvante. Mais pour y accéder, il faut encore pouvoir glisser dans un espace réduit et s’enduire d’huile, séquence aussi tordante que tordue et même érotique quand Blanca Suárez (encore elle, mais ceux qui verront le film comprendront pourquoi), en petite tenue, est badigeonnée des pieds à la tête pour pouvoir s’introduire dans l’interstice.

Álex de la Iglesia réunit les différentes faces cachées de l’Espagne contemporaine, qui vit sous la crainte de devenir elle aussi la cible récurrente d’attentats comme Paris (qui sont évoqués au travers d’une réplique), repliée sur elle-même, victime d’amalgames, prête à dénoncer et à rejeter celui ou celle qui semble ne pas lui inspirer confiance. Pris au piègeEl Bar est donc un film 100 % Álex de la Iglesia qui à travers le genre, réalise une fois de plus une sensationnelle radiographie de son pays en crise et au bord du gouffre, traitée avec intelligence, maestria et une savoureuse amoralité. Un grand spectacle, injustement privé d’une sortie dans les salles françaises, comme le précédent film du cinéaste, Mi Gran Noche.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Pris au piège, coédité par L’Atelier d’Images et Condor Entertainment, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette est attractif. Le menu principal est animé sur la musique du film.

Cette édition comporte tout d’abord une interview d’Álex de la Iglesia (15’), réalisée en prévision de la sortie de Pris au piège dans les bacs français. Contrairement à ses films, le réalisateur apparaît toujours calme et posé et cet entretien ne déroge pas à la règle. Álex de la Iglesia revient sur son rapport aux spectateurs, sur les thèmes abordés dans Pris au piège (la peur et sur ce qu’elle engendre chez l’être humain), sur la longue gestation du film (entre dix et quinze ans) et l’évolution des personnages au fil du récit, tout en indiquant quelques-unes de ses références comme The Thing de John Carpenter, ainsi que ses intentions de mise en scène. Quelques photos dévoilent l’envers du décor.

Nous trouvons également un excellent making of (37’) constitué d’entretiens avec les comédiens du film et d’Álex de la Iglesia, ainsi que de très nombreuses et impressionnantes images de tournage. Dans la première partie, nous assistons à la première lecture du scénario avec toute l’équipe réunie, puis nous passons aux prises de vues souvent très difficiles quand les acteurs sont plongés dans la fange, même si les égouts ont évidemment été créés en studios. Les comédiens se montrent véritablement investis, notamment Jaime Ordóñez dont le corps était véritablement recouvert d’ecchymoses que devaient dissimuler les maquilleurs ! Chaque acteur présente son personnage et aborde les thèmes du film, tandis que la caméra s’immisce dans les loges où les maquilleurs s’apprêtent à donner naissance à Israel. Comment la scène du trou a-t-elle été tournée ? Les bagarres ? La poursuite dans les égouts ? L’affrontement final ? L’épilogue ? Il faudra visionner ce formidable documentaire pour le savoir.

L’Image et le son

Que voilà un bel objet ! Les deux éditeurs ont mis les petits plats dans les grands et offre à la belle photo d’Ángel Amorós (Mi Gran Noche) un superbe écrin qui restitue adroitement les partis pris esthétiques originaux. Le piqué est diaboliquement ciselé, le cadre large flatte les rétines, les contrastes sont particulièrement riches et tranchés, les noirs concis et la colorimétrie froide des décors est bigarrée à souhait. L’ensemble est soutenu par une compression AVC de haute volée et fort élégante, et malgré quelques sensibles pertes des détails sur quelques plans sombres, ce master français HD (1080p) est brillant, dense et minutieux, avec même un léger grain très plaisant.

Le confort acoustique a été soigné avec deux mixages DTS-HD Master Audio 5.1 espagnol et français, aussi probants dans les scènes agitées que dans les séquences plus calmes, même si effectivement il n’y en a pas beaucoup puisque tous les personnages sont sans cesse en train de parler « très fort ». Les pics de violence peuvent compter sur une balance impressionnante des frontales comme des latérales, avec des effets foisonnants qui environnent le spectateur de partout. A ce titre, l’acte final dans les égouts mettra à mal votre installation ! Les ambiances annexes sont omniprésentes et dynamiques, les voix solidement exsudées par la centrale, tandis que le caisson de basses souligne efficacement chacune des séquences au moment opportun. La spatialisation musicale est luxuriante avec un net avantage pour la version originale. Si possible, évitez la version française. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale et le changement de langue non verrouillé à la volée.

Crédits images : © Helher Escribano / L’Atelier d’Images / Condor Entertainment / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L.A. Rush, réalisé par Mark et Robb Cullen

L.A. RUSH (Once Upon a Time in Venice) réalisé par Mark et Robb Cullen, disponible en DVD et Blu-ray le 5 juillet 2017 chez AB Vidéo

Acteurs : Bruce Willis, Jason Momoa, Famke Janssen, John Goodman, Ana Flavia Gavlak, Elisabeth Röhm, Thomas Middleditch, Stephanie Sigman, Jessica Gomes…

Scénario : Mark et Robb Cullen

Photographie : Amir Mokri

Musique : Jeff Cardoni

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Steve Ford, vieux détective privé et légende de L.A, est engagé par un promoteur pour arrêter un graffiteur qui fait des dessins obscènes sur son immeuble. Menant son enquête, Steve voit sa vie prendre une autre dimension, lorsque son chien Buddy se retrouve aux mains de Spyder, un chef de gang lié aux cartels de la drogue. Face à cette situation, Steve est forcé d’utiliser la manière forte…

Au fait, il va comment Bruce Willis ? Cela fait longtemps qu’on ne l’a pas vu au cinéma ! Pourtant, à 62 ans, le comédien tourne – presque – autant qu’un Nicolas Cage et ses derniers films sont arrivés directement dans les bacs ou en VOD en France. En dehors d’un caméo dans Split (et pour cause) de M. Night Shyamalan, sa dernière véritable apparition sur le grand écran remonte à Sin City : J’ai tué pour elle de Frank Miller et Robert Rodriguez. Depuis, Bruce Willis enchaîne les séries B et Z comme des perles sur un collier dans des œuvres aux titres inconnus, Sans compromis, Fire with Fire : Vengeance par le feu, The Prince, Vice, Extraction, Braqueurs, Precious Cargo, Marauders, en affichant sur les visuels la même moue et les yeux plissés. Parfois, l’acteur semble se souvenir de son métier et qu’il peut être très bon quand il s’en donne la peine. C’est le cas de ce L.A. Rush Once Upon a Time in Venice.

Contrairement à ce que la jaquette pourrait faire penser, il ne s’agit en aucun cas d’un film d’action, bien que Bruce Willis et Jason Momoa y figurent la pétoire à la main. L.A. Rush est une comédie et cela tombe bien puisque Bruce Willis a toujours excellé dans le genre. S’il est indéniable que ce petit film léger et décalé aurait bien eu du mal à se démarquer du tout-venant pour une sortie dans les salles, il n’en demeure pas moins qu’on passe un bon et agréable moment. Bruce Willis a visiblement décidé de s’amuser et de sortir un peu de sa torpeur en jouant notamment avec son image, tout en rappelant son personnage de Joe Hallenbeck du Dernier Samaritain de Tony Scott. On le voit donc (sa doublure certes) en train d’échapper à quelques sbires, en faisant du skateboard dans le plus simple appareil et en dissimulant son pistolet dans la raie des fesses. Avec le sourire en coin bien entendu.

Il interprète Steve Ford, un détective de Los Angeles sur le déclin, qui voit sa vie prendre une autre dimension lorsque son chien est kidnappé par un gang. Car les dangereux trafiquants n’ont aucune idée de ce dont Ford est capable pour retrouver son fidèle compagnon. Voilà un pitch qui n’est pas sans rappeler le sublime John Wick de David Leitch et Chad Stahelski. Sauf que la comparaison s’arrête là puisque Steve Ford est tout sauf un homme d’action. Plus proche d’un Jeff Lebowski, le privé préfère rester là à ne rien faire, à prévenir quelques jeunes adolescents sur les dangers de la fumette ou des maladies vénériennes contractées avec quelques femmes de petite vertu. Le reste du temps, Steve range le bazar qui s’entasse sur son bureau, donne quelques indications à son jeune associé John (sympathique Thomas Middleditch de la série Silicon Valley), aide le promoteur immobilier Lou le Juif (Adam Goldberg) à mettre la main sur un artiste de rue qui a décidé de lui nuire en le représentant en fâcheuse posture sur la façade d’un immeuble qu’il souhaite mettre en vente. En dehors du travail, ou de ses occupations plutôt, Steve rend visite à son meilleur ami Dave Phillips (John Goodman, génial), propriétaire d’un magasin de planches de surf, qui déprime en raison de son divorce. Steve s’occupe également de sa sœur Katey (Famke Janssen) et de sa petite nièce, qu’il considère un peu comme la fille qu’il n’a pas eue, surtout depuis que le père de cette dernière les a abandonnées. Au milieu de tout ça, Steve voue un amour inconsidéré pour le chien de Katey, « même s’il a des gaz ». Jusqu’au jour où des petites frappes à la solde d’un chef de gang improbable (Jason Momoa excellent en abruti au bandana sur la tête) viennent cambrioler la maison de Katey en prenant avec eux le chien adoré de Steve. Ce dernier voit rouge. Il est bien décidé à retrouver son toutou.

Voilà L.A. Rush, une bonne et attachante comédie écrite et réalisée par les frères Cullen, qui avaient déjà signé Top Cops de Kevin Smith en 2010, avec Bruce Willis déjà en haut de l’affiche. Le film s’avère une chronique, celle d’un mec qui voulait se la couler douce sous le soleil ardent de la Californie et qui doit agir de temps en temps, d’une part parce que c’est son boulot (il est le seul privé de son quartier), d’autre part pour rendre parfois service à ses proches. L.A. Rush fonctionne grâce à l’alchimie de ses comédiens, mais aussi par l’abattage de Bruce Willis, qui a certes du mal à faire croire qu’il peut encore courir sans être essoufflé, mais qui ne recule devant rien pour faire marrer les spectateurs, quitte à arborer une robe, perruque et rouge à lèvres en étant poursuivi par une bande de travestis. Le film enchaîne les petits morceaux de bravoure sans se forcer, mais avec suffisamment d’efficacité et beaucoup de second degré pour ne pas ennuyer l’audience, tout en soignant la photographie et le montage. 5 minutes d’action sur 1h30, mais on rit le reste du temps et c’est déjà ça de pris !

LE BLU-RAY

L.A. Rush débarque directement en DVD et Blu-ray dans les bacs français, sous la houlette d’AB Vidéo. Le visuel de la jaquette est on ne peut plus trompeur puisque l’on pourrait croire qu’il s’agit d’un film d’action et que Bruce Willis et Jason Momoa ne sont pas là pour rigoler. Mais il s’agit bel et bien d’une comédie et Jason Momoa est loin d’inspirer la crainte ici. Le menu principal est animé et musical.

Outre la bande-annonce en version française, l’éditeur joint également un making of promotionnel, constitué de quelques images de tournage, d’autres tirées directement du film (un peu trop d’ailleurs) et d’interviews de quelques comédiens et même de Stuart Wilson, qui double le comédien Bruce Willis depuis une dizaine d’années. Aucune intervention de l’acteur principal ou des frères Cullen.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p. Très belle copie HD (master français d’ailleurs) que celle éditée par AB Vidéo et qui restitue des belles couleurs estivales et chaudes du chef opérateur Amir Mokri, habituellement occupé sur des grosses productions comme Pixels, Transformers: L’âge de l’extinction, Man of Steel et Fast and Furious 4. Le piqué est aiguisé, restituant chaque cheveu grisonnant sur le crâne de Bruce Willis, les contrastes sont denses, le cadre large fourmille de détails aux quatre coins. C’est superbe, c’est lumineux, on en prend plein les yeux, le ciel est azur, la mer verte et les décolletés ne manquent pas de profondeur.

Vous pouvez compter sur les mixages DTS-HD Master Audio 5.1 anglais et français pour vous plonger délicatement mais sûrement dans l’ambiance du film, bien que l’action demeure souvent réduite. La bande originale est la mieux lotie. Toutes les enceintes sont exploitées, les voix sont très imposantes sur la centrale et se lient à merveille avec la balance frontale, riche et dense, ainsi que les enceintes latérales qui distillent quelques effets naturels. Le caisson de basses se mêle également à la partie. Notons que la version originale l’emporte sur la piste française, se révèle plus naturelle et homogène, y compris du point de vue de la spatialisation musicale. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée. Deux pistes Stéréo sont également au menu.

Crédits images : ©Venice PL, LLC, All Rights Reserved / AB Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Crazy Six, réalisé par Albert Pyun

CRAZY SIX réalisé par Albert Pyun, disponible en DVD et Blu-ray le 12 septembre 2017 chez Metropolian Vidéo

Acteurs : Rob Lowe, Mario Van Peebles, Ice-T, Burt Reynolds, Ivana Milicevic, Thom Mathews…

Scénario : Galen Yuen

Photographie : George Mooradian

Musique : Anthony Riparetti

Durée : 1h34

Date de sortie initiale : 1997

LE FILM

Dix ans après la chute de l’Union Soviétique, de puissantes organisations mafieuses règnent sur la région et contrôlent le trafic des armes et des technologies de pointe. A Prague, plaque tournante du réseau, Billie, surnommé Crazy Six, et son gang se sont alliés à la bande de Dirty Mao pour contrer Raul, le chef d’un des plus puissants cartels du crime d’Europe. Mais l’affrontement tourne au massacre : face à l’argent et au pouvoir, c’est chacun pour soi…

Pour beaucoup d’amateurs de cinéma Bis, Albert Pyun (né en 1954), est le réalisateur de Cyborg (1989) avec Jean-Claude Van Damme. Depuis son premier long métrage, le film d’heroic-fantasy L’Epée sauvage (1982), le metteur en scène américain né à Hawaii est devenu un spécialiste du cinéma d’action tourné avec des moyens souvent dérisoires, mais une imagination débordante. On compte aujourd’hui à son palmarès plus de 50 séries B d’action et de science-fiction, parmi lesquelles Nemesis (1992) et ses suites, Kickboxeur 2 : Le Successeur (1991), un Captain America (1990) considéré comme un des pires films de tous les temps (merci la Cannon), Explosion imminente (2001) avec Steven Seagal, Tom Sizemore et Dennis Hopper ou bien encore Adrénaline (1996) avec Christophe(r) Lambert. Réalisé en 1997 dans le cadre d’une exploitation directe en VHS, Crazy Six possède une bonne réputation par les cinéphiles déviants qui s’intéressent à Albert Pyun.

Alors qu’il vient de mettre en scène l’excellent Mean Guns, le réalisateur parvient à délocaliser son équipe technique à Bratislava en Slovaquie, ainsi que son casting hétéroclite composé de has-been Rob Lowe, Mario Van Peebles, Ice-T et Burt Reynolds. Tout ce beau petit monde est réuni pour une histoire quasi-inclassable de casse et de vol de plutonium qui tourne mal. Avant même le générique, un carton écrit en lettres roses sur fond noir et de musique rock indique :  « Europe de l’Est. Dix ans après la chute du Communisme. Autrefois, il y avait de l’espoir, à présent les ténèbres règnent ! Désormais, c’est une route commerciale pour le trafic de drogue et d’armes. Des chasseurs de fortune sont venus du monde entier, des criminels, des toxicomanes, des âmes perdues. La région est aujourd’hui appelée le pays du crime ». Voilà, bienvenue dans un monde de brutes !

Tourné en à peine dix jours, Crazy Six démontre une fois de plus qu’Albert Pyun n’est sûrement pas un manchot ou un tâcheron – même si « ça fait toujours plaisir à entendre » – et crée une véritable expérience cinématographique avec les moyens qui ont pu être mis à sa disposition. Evidemment, on ne peut pas faire plus série B que Crazy Six, mais ce film n’est aucunement une série Z puisque porté par une véritable envie de cinéma et de faire du bon travail. Comme très souvent, les acteurs n’étaient présents qu’une seule journée et toutes leurs scènes ont été emballées à la suite, chacun de leur côté. Par la magie du montage, leurs prestations ont ensuite été rassemblées, du moins autant que faire se peut. C’est donc la raison pour laquelle les têtes d’affiche n’apparaissent jamais sur le même plan. De plus, Albert Pyun et son fidèle chef opérateur George Mooradian jouent avec les couleurs et plongent les personnages dans une palette spécifique, en les isolant encore plus. Cela rajoute au côté « chacun pour soi » de ce monde indéfinissable dans lequel déambule notamment un junkie aux cheveux gras interprété par un Rob Lowe émouvant et qui n’est plus l’ombre que de lui-même. Le comédien erre, les épaules voutées, complètement paumé et rend attachant ce pauvre type dévoré par ses démons.

Cinéphile et passionné par le polar, Albert Pyun joue avec les codes inhérents au genre, filme des tronches en gros plan, use des fondus enchaînés pour créer un état de transe et un sentiment de proche fatalité. Les personnages dont on retient à peine les noms s’affrontent dans une sorte de purgatoire peuplé de laissés-pour-compte. Ice-T joue un baron de la drogue aux dents acérées, Burt Reynolds incarne un shérif américain anachronique avec stetson et santiags, Mario Van Peebles s’adresse en français dans le texte à ses hommes de main et à son chihuahua prénommé Bijou. Crazy Six révèle également le talent et la beauté de l’actrice américaine d’origine croate Ivana Milicevic, qui n’a depuis jamais cessé de tourner pour la télévision (Gotham, Banshee) et le cinéma (Casino Royale, Bataille à Seattle, La Peur au ventre). Elle interprète une chanteuse qui essaye de donner un peu de vie dans un bastringue d’une ville indéterminée et dont les mélodies ponctuent le film quasiment du début à la fin. Grâce à elle, Billie (Rob Lowe) alias Crazy Six verra enfin le bout du tunnel.

Improbable, mais qui n’a d’ailleurs aucune volonté d’être réaliste et plausible, le film puzzle d’Albert Pyun n’a de cesse de décontenancer et d’intriguer. On peut s’ennuyer en raison d’un manque de rythme et d’intérêt certes, surtout que l’intrigue s’avère rapidement redondante, mais finalement le charme agit, d’autant plus que Crazy Six ne ressemble pour ainsi dire à aucun autre film, si ce n’est à Albert Pyun lui-même. Si elle s’avère bancale, cette œuvre est irriguée tout du long par un amour immense pour le cinéma, à l’instar d’un film réalisé par Ed Wood, ce qui la rend séduisante et finalement agréable.

LE BLU-RAY

Après une édition au rabais chez TF1 Vidéo en 2004, Crazy Six est enfin repris en main par Metropolitan Vidéo. L’éditeur n’a pas fait les choses à moitié pour les amateurs du cinéma d’Albert Pyun – il y en a et c’est tant mieux – puisque Crazy Six est accompagné d’Explosion imminente pour une séance double-programme ! A la manière de ses récentes sorties consacrées à Jean-Claude Van Damme et prochainement à Dolph Lundgren (bientôt sur Homepopcorn.fr), deux films d’Albert Pyun se trouvent donc réunis sur la même galette. Le test d’Explosion imminente suivra très prochainement. En attendant, une fois le disque inséré, un menu fixe et muet nous propose de sélectionner directement le film, la langue et le supplément désiré.

A l’occasion de cette édition HD de Crazy Six, nous trouvons une excellente présentation du film par Nicolas Rioult, journaliste, auteur de Starfix, histoire d’une revue et présenté ici en tant que « Pyunophile » (15’). Passionnée et passionnante, cette introduction est bourrée d’informations sur la production du film qui nous intéresse et sur les conditions de tournage de Crazy Six. Nicolas Rioult annonce d’emblée que Crazy Six est pour lui le chef d’oeuvre d’Albert Pyun. Il aborde également la méthode du cinéaste, le tournage en Slovaquie, le casting, le montage puzzle puisque les acteurs ne se sont jamais croisés sur le plateau, sans oublier les références au film de Walter Hill Les Rues de feuStreets of fire (1984) qui a beaucoup marqué Albert Pyun et qui en réalisera d’ailleurs une suite non-officielle en 2012 avec Michael Paré, Road to Hell. Le fond du film n’est pas oublié, ainsi que le travail du directeur de la photographie George Mooradian et le compositeur Anthony Riparetti. Cela fait vraiment plaisir de voir un film d’Albert Pyun être aussi bien défendu !

L’interactivité se clôt sur un supplément intitulé « Curiosités », qui s’avère en réalité une galerie de photos et qui indique également tous les passages musicaux du film.

L’Image et le son

Le master HD de Crazy Six est au format 1080p. Présenté dans son cadre large 2.35 original, le film d’Albert Pyun est disponible dans une copie stable, très bien restaurée et même flatteuse. Les fans du film seront ravis de revoir Crazy Six dans ces conditions avec les partis pris expérimentaux et stylisés du chef opérateur George Mooradian, fidèle collaborateur du réalisateur. La photo joue avec les couleurs, orange, jaune, rose, bleu, tout y passe, caractérisant souvent un personnage spécifique puisque le comédien est filmé devant un fond uni, à l’instar de la séquence du bar avant la fusillade. Le master est très propre, le grain bien géré, les flous sont inhérents aux conditions de tournage, le piqué est souvent étonnant et la gestion des contrastes fort correcte.

Etonnamment, la version française DTS-HD Master Audio 2.0 s’en tire mieux que son homologue, surtout en ce qui concerne la délivrance des dialogues et les effets annexes beaucoup plus percutants. Dans les deux cas, l’écoute est propre et les sous-titres ne sont pas imposés sur la version originale qui s’avère indispensable afin de profiter de la prestation en français (en partie du moins) de Mario Van Peebles. Aucun souffle constaté

Crédits images : © Metropolitan Filmexport / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Brimstone, réalisé par Martin Koolhoven

BRIMSTONE réalisé par Martin Koolhoven, disponible en DVD et Blu-ray le 23 août 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs : Guy Pearce, Dakota Fanning, Carice van Houten, Kit Harington, Emilia Jones, Ivy George…

Scénario : Martin Koolhoven

Photographie : Rogier Stoffers

Musique : Junkie XL

Durée : 2h29

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans l’Ouest américain, à la fin du XIX siècle. Liz, une jeune femme d’une vingtaine d’années, mène une vie paisible auprès de sa famille. Mais sa vie va basculer le jour où un sinistre prêcheur leur rend visite. Liz devra prendre la fuite face à cet homme qui la traque sans répit depuis l’enfance…

Depuis dix ans, rares sont les westerns qui ont su en plus marquer les cinéphiles. Citons pêle-mêle L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford d’Andrew Dominik (2007), 3h10 pour Yuma de James Mangold (2008), Appaloosa d’Ed Harris (2008), Blackthoarn de Mateo Gil (2010), True Grit des frères Coen (2010), Shérif JacksonSweetwater des frères Miller (2013), Gold de Thomas Arslan (2013), The Salvation de Kristian Levring (2014) et Bone Tomahawk de S. Craig Zahler (2015). Le Django Unchained de Quentin Tarantino s’avérait plus une parodie qu’un véritable western pur et dur comme pouvait l’être Les Huit Salopards en 2016. Dans cette poignée de films, trois se démarquent par la nationalité de leurs réalisateurs et donc par leur interprétation singulière du mythe américain, entre l’espagnol Mateo Gil, l’allemand Thomas Arslan et le danois Kristian Levring. Il faudra désormais compter sur le néerlandais Martin Koolhoven qui signe et réalise avec Brimstone un très grand film, un western à la frontière de plusieurs genres, qui n’est pas sans rappeler La Nuit du Chasseur de Charles Laughton (1955).

Sélectionné en compétition officielle à la Mostra de Venise en 2016 et interdit en salles aux moins de 16 ans en France, Brimstone voit ses 150 minutes divisées en quatre chapitres, Revelation, Exodus, Genesis et Retribution (Châtiment), qui racontent l’histoire à rebours. En se servant du western comme support et repères, Martin Koolhoven déjoue les codes et livre en réalité une redoutable et admirable relecture du boogeyman, ici caractérisé par le personnage d’un pasteur fou à lier, qui a décidé d’épouser sa propre fille et d’avoir des enfants avec elle.

Brimstone est un véritable jeu de pistes dans lequel la jeune Liz se retrouve comme enfermée dans un labyrinthe avec un prédateur lancé à sa poursuite. Le prêcheur déviant et conforté dans ses noirs desseins par la religion, du moins par sa manière d’interpréter les textes sacrés, est incarné par Guy Pearce. Acteur caméléon, passant d’un registre à l’autre, la théâtralité de son jeu a souvent créé un décalage inquiétant comme dans Des hommes sans loi de John Hillcoat. Ridicule et pathétique, il est aussi et surtout immonde, terrifiant et angoissant dans Brimstone, avançant comme un monstre invulnérable, bien décidé à rattraper sa fille qui s’est échappée après la mort brutale de sa mère, interprétée ici par Carice Van Houten.

Liz est aussi le rôle d’une résurrection, celle de Dakota Fanning. Alors que sa sœur Elle enchaîne les projets, celle qui avait estomaqué la planète entière à travers ses prestations dans Man on fire de Tony Scott (2004) et La Guerre des mondes de Steven Spielberg (2005), se faisait plus rare sur les écrans. A part quelques apparitions dans la saga Twilight et une première tentative pour sortir du carcan de l’enfant-comédien dans Les Runaways de Floria Sigismondi, Dakota Fanning avait quelque peu disparu du devant de la scène. Elle crève à nouveau l’écran dans Brimstone dans un rôle quasi-muet. N’oublions pas la grande performance de la jeune Emilia Jones, qui interprète le même personnage enfant et au stade de l’adolescence. Seul bémol au tableau avec la participation du falot Kit Harington (plus connu sous le nom de Jon Snow dans la série événement Game of Thrones), qui promène son absence de charisme et une mauvaise imitation de Woody Harrelson dans quelques séquences.

Magnifiquement photographié par le chef opérateur Rogier Stoffers (Rock academy, Je te promets) et sans oublier la composition hypnotique de Junkie XL, ce western crépusculaire, quasi-fantastique, brutal et très violent – certaines scènes demeurent déconseillées aux spectateurs les plus sensibles – réalisé d’un point de vue féminin, récit initiatique, drame psychologique et fable sur le fanatisme religieux subjugue du début à la fin, s’avère aussi éprouvant que puissant et flamboyant.

LE BLU-RAY

L’édition HD de Brimstone a été réalisée à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, animé et musical.

Celles et ceux qui auraient été subjugués par Brimstone, devront se ruer sur les scènes coupées (14’). Ces séquences auraient pu tout à fait être intégrées au montage final et ont sûrement été mises de côté en raison de la durée déjà conséquente du film. Quelques scènes sont introduites par le clap et la voix du réalisateur Martin Koolhoven, notamment lors de la scène alternative du duel dans la rue. D’autres séquences appuient le caractère rebelle du beau-fils de Liz à son égard (il demande à son père qu’elle s’en aille de la maison), ou bien prolongent la pendaison de la prostituée où toutes ses amies lui rendent hommage à travers une prière.

Le meilleur de cette interactivité demeure l’interview de Martin Koolhoven (23’), qui posément évoque la genèse de Brimstone (né après son refus de réaliser une comedie-romantique !) et la longue et difficile gestation de son western qu’il voulait personnel et original. Il évoque également la forme du récit, le désir de jouer avec les genres, ses références (Il était une fois dans l’Ouest est le film qui lui a donné envie de faire du cinéma), la façon d’aborder la violence à l’écran, le casting et le travail avec les comédiens, les personnages et leur évolution et les lieux de tournage en Hongrie, en Espagne, en Allemagne et en Autriche.

L’éditeur propose également un document (36’) essentiellement destiné aux musiciens ainsi qu’aux passionnés de musiques de films. Junkie XL de son vrai nom Tom Holkenborg, est le compositeur de la musique de Brimstone. On lui doit également les musiques de Deadpool, La Tour Sombre, Batman v Superman: L’aube de la justice et Mad Max: Fury Road. Filmé par plusieurs caméras et entouré d’ordinateurs, Junkie XL s’adresse directement à ses confrères, aux débutants et tout simplement aux plus curieux, dans le but de détailler toutes les étapes qui ont mené à l’un des thèmes principaux du film de Martin Koolhoven. Si l’entreprise est à saluer, ce module est beaucoup trop long et des néophytes risquent de décrocher rapidement, d’autant plus que Junkie XL utilise un jargon réservé aux initiés.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce et une galerie de photos du film et du tournage.

Signalons que l’édition 2 DVD contient en plus des entretiens avec Dakota Fanning, Guy Pearce et Kit Harington !

L’Image et le son

M6 Vidéo signe un sans-faute avec ce master HD immaculé de Brimstone. Tout d’abord, c’est la clarté et le relief des séquences diurnes qui impressionnent et flattent la rétine. Les couleurs sont chatoyantes puis deviennent de plus en plus froides jusqu’à la partie enneigée, le piqué est vigoureusement acéré, les détails abondent aux quatre coins du cadre large, restituant admirablement la beauté des paysages et les contrastes affichent une densité remarquable. Ajoutez à cela une profondeur de champ constante, des ambiances tamisées séduisantes et des teintes irrésistibles et vous obtenez le nec plus ultra de la Haute-Définition. Un transfert très élégant mais rien de très étonnant quand on sait que Brimstone a été tourné avec la caméra numérique Arri Alexa XT.

Les mixages anglais et français DTS-HD Master Audio 5.1 se révèlent particulièrement riches et instaurent un large confort acoustique. En version originale, les dialogues auraient néanmoins mérité d’être un peu plus relevés sur la centrale, mais nous vous conseillons d’éviter l’horrible doublage français. Dans les deux cas, la spatialisation musicale demeure évidente, les latérales soutiennent l’ensemble comme il se doit, les ambiances naturelles ne manquent pas tandis que le caisson de basses intervient à bon escient. Deux DTS-HD Master Audio 2.0, forcément moins enveloppantes, sont également disponibles, ainsi que les sous-titres français destinés aux spectateurs sourds et malentendants.

Crédits images : © The jokers / M6 Vidéo / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr