Test Blu-ray / Man on the Moon, réalisé par Miloš Forman

MAN ON THE MOON réalisé par Miloš Forman, disponible en DVD et Blu-ray le 24 avril 2018 chez ESC Editions

Acteurs :  Jim Carrey, Danny DeVito, Courtney Love, Paul Giamatti, Christopher Lloyd, Reiko Aylesworth, Gerry Becker, Leslie Lyles, George Shapiro, Budd Friedman, Carol Kane, Vincent Schiavelli…

ScénarioScott Alexander, Larry Karaszewski

Photographie : Anastas N. Michos

Musique : R.E.M.

Durée : 1h58

Année de sortie : 1999

LE FILM

Andy Kaufman a toujours aimé se mettre en scène. Petit, il s’imaginait présentateur de télévision. Devenu adulte, il fait des numéros d’imitation dans des cabarets puis s’invente un premier personnage, celui de « l’Étranger ». Il est alors abordé par un agent, George Shapiro, qui lui obtient un passage dans la célèbre émission Saturday Night Live et lui trouve un rôle dans le sitcom Taxi. C’est le début de la gloire. Mais au lieu de se reposer sur ses lauriers, Andy Kaufman multiplie les personnages et les défis, repoussant un peu plus loin les limites de la comédie et du bon goût…

Andy Kaufman au New York Times : « Je ne suis pas un comique, je ne raconte jamais de blagues… La promesse du comique, c’est d’arriver à vous faire rire de lui… Ma seule promesse, c’est d’essayer de divertir du mieux que je peux. Je sais manipuler les réactions des gens. Il y a différentes sortes de rire. Le rire des tripes, c’est quand vous n’avez pas le choix, vous êtes obligés de rire. Le rire des tripes ne vient pas de l’intellect, et c’est beaucoup plus difficile à pratiquer pour moi maintenant que je suis connu. Ils se disent : « Wow, Andy Kaufman, ce type est vraiment marrant », mais je n’essaie pas d’être drôle, je veux simplement jouer avec leur tête ».

A l’instar de son confrère Lenny Bruce, Andy Kaufman (1949-1984) reste l’un des comiques américains les plus célèbres, insolents, libertaires et controversés des années 1970. A la fin des années 1990, le réalisateur américain d’origine tchécoslovaque Miloš Forman décide de raconter l’histoire hors-norme de cette icône de la contre-culture, dont les improvisations caustiques et happenings auront autant rencontré le succès que décontenancé les spectateurs. S’attirant les foudres de l’Amérique bien-pensante, entre scandales et indignations, ce maître du politiquement incorrect se fera la voix de toute une génération. Il n’y avait que l’immense Jim Carrey qui pouvait interpréter à l’écran ce comique irrévérencieux et controversé. Ce chef d’oeuvre, c’est Man on the Moon, dont le titre provient d’une chanson du groupe R.E.M. qui rend hommage à Andy Kaufman.

Enfant, dans les années 50, Andy Kaufman animait déjà des émissions imaginaires, pour son seul plaisir. Devenu adulte, il entreprend d’imiter Elvis dans un cabaret, tout en se faisant passer pour un réfugié d’Europe de l’Est. Contacté par l’agent George Shapiro, il abandonne son apparente modestie pour confesser sa plus chère ambition : conquérir le monde, ni plus ni moins. Après avoir chanté, sans trop convaincre, sur le plateau du célèbre show «Saturday Night Live», il s’impose dans la série comique «Taxi», où il incarne, il est vrai, son personnage fétiche de petit immigré. Ayant monté sa propre émission, il recrute un chanteur sans classe, Tony Clifton…

Trois ans après l’exceptionnel Larry Flynt, Miloš Forman se penche sur l’une des personnalités les plus complexes et ambiguës du spectacle américain. Porté par un sublime Jim Carrey, véritablement habité par son rôle, Man on the Moon dresse le portrait d’un homme intrigant croisé avec celui d’une Amérique puritaine, encore sclérosée par les années Nixon et la guerre du Vietnam, et se révèle un véritable plaidoyer pour la liberté d’expression. De son propre aveu, Andy Kaufman détestait les blagues et pratiquait une forme d’anti-humour, loin de la comédie dite « traditionnelle », en privilégiant les situations absurdes voire surréalistes, dans le but de faire perdre leurs repères aux spectateurs, à la fois outrés et empathiques. Ses personnages de Foreign Man (L’Etranger) venu de Caspiar, qui se transforme en Elvis Presley, ou bien encore Latka, qui découle de Foreign Man, que Kaufman interprètera dans la sitcom Taxi sur la chaîne ABC aux côtés de Danny DeVito (qui interprète George Shapiro dans Man on the Moon), et surtout celui de Tony Clifton, artiste de music-hall antipathique et vulgaire, ne sont que des exemples des multiples facettes de l’artiste.

Avec une reconstitution élégante  doublée d’une très belle photo signée Anastas N. Michos, Miloš Forman suit au plus près le succès souvent accompagné de polémique d’Andy Kaufman. Un homme qui a osé se dresser face à l’hypocrisie américaine grâce à son immense talent pour l’improvisation et sa liberté de ton. Longtemps critiqué à son époque, Andy Kaufman est aujourd’hui réhabilité par les comédiens américains actuels qui le considèrent comme une véritable référence. A l’écran, Jim Carrey lui prête non seulement son immense talent, mais aussi son corps et même son âme, comme l’a récemment montré le documentaire Jim et Andy de Chris Smith, dans lequel le comédien revient sur sa crise existentielle et comment Andy Kaufman s’est réellement « emparé » de lui. A tel point que Miloš Forman lui-même indiquera n’avoir jamais eu affaire à Jim Carrey sur le plateau, mais à Andy Kaufman lui-même uniquement. Ou comment entretenir la légende du comique puisque de nombreux fans qui n’ont jamais cru à sa mort prématurée en 1984, continuent de le célébrer en attendant son retour.

On peut donc parler de véritable « incarnation » en ce qui concerne le jeu de Jim Carrey. Alors à un tournant de sa carrière et en quête de respectabilité comme de nombreux acteurs de comédie, l’acteur canadien sortait du magnifique The Truman Show de Peter Weir. Dans Man on the Moon, Jim Carrey est allé plus loin, beaucoup plus loin. C’est ce trouble psychologique, cette dépression que Miloš Forman capte à l’écran. Non pas par voyeurisme, mais pour l’art. Star internationale alors au sommet de son succès critique et commercial, Jim Carrey ne joue pas à être Andy Kaufman, il est bel et bien Andy Kaufman et les happenings reproduits à l’identique (le catch, l’altercation à la télévision, les bagarres sur le plateau) vont au-delà du simple mimétisme. Aux côtés de Jim Carrey, Courtney Love trouve l’un de ses plus grands rôles, celui de la compagne de l’humoriste, trois ans après avoir interprété Althea Leasure Flynt chez le même Miloš Forman.

Man on the Moon n’est pas une œuvre facile d’accès et qui ne recherche pas l’adhésion des spectateurs (dont le réalisateur capte la réaction), au même titre que les sketchs d’Andy Kaufman. Le film de Miloš Forman ne cesse de déstabiliser. Le personnage est à la fois attachant et agaçant, émouvant et pathétique, génial et naïf, toujours insaisissable. Plus que Jim Carrey, c’est donc le film dans son entièreté qui restitue l’âme d’Andy Kaufman. Par ailleurs, la première séquence donne le ton, puisque Carrey-Kaufman s’adresse directement aux spectateurs et s’empare du « film » en décidant de faire défiler d’entrée de jeu le générique de fin, mentionnant que Jim Carrey interprète Andy Kaufman. En brouillant ainsi les pistes, on se croirait presque dans un film de Spike Jonze, par ailleurs producteur du documentaire Jim & Andy, scénarisé par Charlie…Kaufman.

Etant donné que cet artiste de performance était quasi-inconnu dans nos contrées, Man on the Moon, qui a pourtant valu l’Ours d’argent du meilleur réalisateur à Miloš Forman, est passé complètement inaperçu en France à sa sortie. Presque vingt ans après, cet immense et fascinant biopic – qui d’ailleurs n’en est pas vraiment un – est considéré comme l’un des plus grands films de son auteur, tandis que l’interprétation de Jim Carrey, saluée par un Golden Globe, demeure l’une des plus ébouriffantes du cinéma américain des années 1990.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Man on the Moon, disponible chez ESC Editions, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est un peu cheap, animé sur la chanson éponyme de R.E.M. Pas de chapitrage.

S’il s’agit d’une exclusivité française, ce Blu-ray de Man on the Moon perd néanmoins le making of de 19 minutes présent sur le DVD disponible chez Warner, qui comprenait d’ailleurs quelques images de tournage. Même s’il ne disposait pas de sous-titres français, au moins le réalisateur, les acteurs et les producteurs intervenaient pour parler du film. Même chose, les 13 minutes de scènes coupées ont également disparu, tout comme le clip vidéo de R.E.M., les spots commerciaux et la bande-annonce.

Cependant, l’éditeur ne vient pas les mains vides, loin de là, puisque nous disposons ici d’1h40 de bonus !

Dans un premier temps, le journaliste Jacky Goldberg propose une formidable présentation de Man on the Moon (26’30), brillamment replacé dans les carrières respectives de Miloš Forman et de Jim Carrey. Jacky Goldberg mentionne les précédents biopics du réalisateur, Amadeus et Larry Flynt, tout en exposant les points communs et les passerelles dressées entre ces trois œuvres. Les thèmes de Man on the Moon sont analysés, la performance de Jim Carrey passée au peigne fin, tout comme le « show » qui se déroulait en dehors du tournage avec le comédien qui est pour ainsi dire resté dans la peau – ou les peaux devrait-on dire – de son personnage. Cela permet à Jacky Goldberg d’évoquer comment Jim Carrey a su convaincre Miloš Forman et ses producteurs qu’il était le seul et unique acteur capable d’interpréter Andy Kaufman à l’écran. Les performances de ce dernier sont également passées en revue et mises en parallèle avec le film de Miloš Forman.

Ensuite, Jacques Demange, auteur du livre Les mille et un visages de Jim Carrey (chez ROUGE PROFOND), s’attarde encore plus en profondeur sur l’interprétation du comédien (23’). A travers sa présentation et son analyse, Jacques Demange replace Man on the Moon dans la carrière, mais aussi et surtout dans la vie personnelle de Jim Carrey. Alors en quête de légitimité, l’acteur commence à se tourner vers des rôles plus ambigus, comme dans Disjoncté de Ben Stiller. Man on the Moon se situe entre The Truman Show de Peter Weir et Eternal Sunshine of the Spotless Mind de Michel Gondry, qui apparaît presque comme une radiographie de la propre vie de Jim Carrey. D’ailleurs, comme si le comédien avait tourné une page, sa carrière apparaît depuis en dents de scie. Ce module très riche et passionnant rend également un formidable hommage à la star des années 1990, à ses créations, à ses personnages emblématiques et à son jeu unique.

Le segment le plus imposant, Andy Kaufman : le funambule du rêve américain, croise les interventions de Florian Keller, essayiste et auteur de Comique extrémiste : Andy Kaufman et le rêve américain (Capricci Editions), l’essayiste Pacôme Thiellement et les humoristes et comédiens Jean-Philippe de Tinguy et Marc Fraize (53’). Ce documentaire, uniquement disponible sur l’édition Blu-ray de Man on the Moon, propose un portrait doublé d’une analyse du travail d’Andy Kaufman. Si certains propos restent plus anecdotiques que d’autres, il serait dommage de passer à côté de ce supplément réalisé sans temps mort et souvent pertinent.

L’Image et le son

Jusqu’alors disponible chez Warner, dans une édition DVD devenue rare, Man on the Moon apparaît pour la première fois dans le monde en Haute-Définition chez ESC Editions/Progam Store. Ce nouveau master relève les couleurs et les contrastes, la stabilité fait plaisir et le grain original est heureusement respecté. En revanche, quelques poussières subsistent, le piqué est émoussé et les détails manquent parfois à l’appel sur le cadre large. La définition est aléatoire, plus convaincante sur les séquences en extérieur, mais le lifting est quand même indéniable.

Les versions anglaise et française sont présentées en DTS-HD Master Audio 5.1. Comme sur le DVD, les deux pistes sont plutôt percutantes et peuvent compter sur quelques séquences spécifiques comme les matchs de catch et le show final à Carnegie Hall pour une spatialisation alors adéquate. La musique profite également d’un bon dosage frontales-latérales. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale. En revanche, malgré l’investissement d’Emmanuel Curtil qui double Jim Carrey, la version française reste franchement anecdotique.

Crédits images : © ESC Editions / Program Store / Warner Bros. / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Epouse-moi mon pote, réalisé par Tarek Boudali

ÉPOUSE-MOI MON POTE réalisé par Tarek Boudali, disponible en DVD et Blu-ray le 6 mars 2018 chez Studiocanal

Acteurs :  Tarek Boudali, Philippe Lacheau, Charlotte Gabris, Andy Rowski, David Marsais, Julien Arruti, Baya Belal, Philippe Duquesne…

ScénarioKhaled Amara, Tarek Boudali, Pierre Dudan, Nadia Lakhdar

Photographie : Antoine Marteau

Musique : Maxime Desprez, Michaël Tordjman

Durée : 1h32

Année de sortie : 2017

LE FILM

Yassine, jeune étudiant marocain vient à Paris faire ses études d’architecture avec un visa étudiant. Suite à un événement malencontreux, il rate son examen, perd son visa et se retrouve en France en situation irrégulière. Pour y remédier, il se marie avec son meilleur ami. Alors qu’il pense que tout est réglé, un inspecteur tenace se met sur leur dos pour vérifier qu’il ne s’agit pas d’un mariage blanc…

Non mais là, stop ! S’il vous plaît, arrêtez tout ! Les deux trublions de l’’ancienne Bande à Fifi du Grand Journal sur Canal+ sont de retour, pour le pire…et pour le pire. Succès surprise de 2014, Babysitting avait attiré 2,4 millions de spectateurs et 3,2 millions pour sa suite sortie en décembre 2015 ! Puis, Alibi.com avait confirmé l’aura de la troupe auprès du jeune public en attirant plus de 3,5 millions de spectateurs ! Pour Epouse-moi mon pote, Philippe Lacheau a laissé sa place derrière la caméra (rires) à son partenaire et ami Tarek Boudali. Ecrite et réalisée (encore des rires) par ce dernier, cette comédie est encore plus irresponsable et ratée que les opus précédents de la bande. Misogyne, homophobe, tout y est puant, has-been, laid et immature. Tout ça au service du rire. Vive la France !

Evidemment, Philippe Lacheau est quand même de la partie pour « jouer » dans le film de Tarek Boudali. S’il n’a pas eu le même succès que les deux derniers opus de la bande, Epouse-moi mon pote a quand même totalisé près de 2,5 millions d’entrées. Impressionnant. Il n’y a aucune explication pour ce phénomène, d’autant plus que les comédiens, en particulier Philippe Lacheau, ne sont jamais crédibles, que leur jeu d’acteur laisse franchement à désirer (on se croirait dans Oui-Oui), tout autant que leur charisme lisse. Pas une seule de leurs répliques ne tombe juste. L’exploit d’Epouse-moi mon pote est d’être encore plus exécrable qu’Alibi.com avec des seconds rôles qui ont constamment l’air de se demander ce qu’ils font là. Tarek Boudali et Philippe Lacheau s’en moquent bien, ça marche, ça cartonne et le box-office s’enflamme. Si Nathalie Baye et Didier Bourdon parvenaient à sauver quelques scènes dans Alibi.com, rien ne permet à Epouse-moi mon pote de sortir de la mélasse et de la crasse, à part peut-être l’apparition du génial David Marsais, membre du Palmashow, qui montre que l’on peut faire rire tout en restant sobre.

C’est bien simple, nous n’avions pas vu une telle accumulation de clichés sur la communauté gay depuis, bah en fait jamais et voir un tel ramassis de gags éculés, vieux-jeu, vulgaires en 2017 est en soi un exploit à part entière. Il faut voir comment les deux têtes d’affiche, dans le but de faire rire, essayent de s’intégrer dans la « faune » du quartier du Marais, terme utilisé car la scène s’apparente à un safari, en tortillant du croupion et en s’habillant de façon identique (avec une marinière et un jean troué donc), en tenant un petit chien dans les bras et en mangeant des pâtisseries en forme de phallus. Quelques éléments comiques renvoient à ceux chers à Franck Gastambide, mais contrairement à ce dernier, il n’y a aucune affection pour les vieux, les gros, les gays, les femmes chez Boudali/Lacheau. Tout est gênant là-dedans.

A l’instar d’Alibi.com, Epouse-moi mon pote n’est ni plus ni moins qu’un très mauvais vaudeville aux blagues grasses basées sur des mensonges, des quiproquos pouët-pouët, des vannes rouillées et blagues molles qui se terminent presque par un « Ba Dum Tss! ». Une succession de sketchs improbables, jamais inspirés, usés jusqu’à la moelle, comme un remake du formidable Green Card de Peter Weir sur fond de mariage pour tous. Les comédies de Tarek Boudali/Philippe Lacheau sont du même acabit que celles d’un Fabien Onteniente (People à côté c’est du Billy Wilder) ou de Philippe de Chauveron puisque Epouse-moi mon pote n’a rien à envier à l’exécrable et nauséabond A bras ouverts. Poussif, fatigant, sans rythme, sans aucun effort de mise en scène.

Le mystère reste donc entier quant au triomphe de ce genre de comédies ringardes dans les salles. D’accord, on peut rire de tout, encore faut-il que ça ne soit pas dégradant et condescendant. De l’humour Cyril Hanouna quoi. En attendant l’adaptation live de…Nicky Larson écrit, réalisé et interprété par Philippe Lacheau, qui sortira en 2019. Que Dieu ait pitié de nous.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Epouse-moi mon pote, disponible chez Studiocanal, repose dans un boîtier classique de couleur bleue, glissé dans un surétui cartonné qui reprend le visuel de l’affiche originale. Le menu principal est animé et musical.

En plus de la bande-annonce, l’éditeur joint un making of classique (20’), qui donne la parole à l’ensemble de l’équipe et propose des images de tournage, ainsi que de prises ratées assez drôles, contrairement au film. L’essentiel de ce documentaire est aussi focalisé sur les blagues lourdingues de Philippe Lacheau sur le plateau. Et mention spéciale à Tarek Boudali qui clôt ce making of en déclarant « On m’a demandé si j’avais kiffé de réaliser. Et en fait si tu veux j’étais tellement dans le coup, dans l’taf, que tu te rends pas compte en fait que t’es réalisateur. T’as pas l’temps de te dire putain t’es réalisateur. En fait c’est vraiment à la fin du tournage, j’me suis dit putain j’ai fait mon premier film. Une fois qu’tu finis, tu t’dis putain j’ai envie d’y r’tourner », alors que le module montre un « superviseur de la mise en scène », David Diane, derrière son combo qui s’occupe de tout et qui n’est pas mentionné en tant que réalisateur à part entière.

L’Image et le son

Le chef opérateur Antoine Marteau (Les Kaïra, Bienvenue au Gondwana) ne s’encombre pas de partis pris esthétiques extraordinaires et livre une photo passe-partout, dont le transfert HD renforce les contrastes et la luminosité des séquences en extérieur, dès le générique d’ouverture. La colorimétrie est riche et chatoyante, le piqué probant. Seules certaines séquences en intérieur ne sont pas autant définies, sans pour autant que les détails s’en trouvent amoindris aux quatre coins du cadre large. Studiocanal prend autant soin de l’apport HD pour ses comédies que pour un blockbuster, ce qui n’est pas le cas chez les autres éditeurs.

Epouse-moi mon pote n’est pas un film à effets mais la piste française DTS-HD Master Audio 5.1 parvient à distiller ici et là quelques ambiances latérales plaisantes, comme les séquences de fiesta ou celle de la danse finale. Certes, la plupart des scènes se déroulent en intérieur et les mixages se concentrent sur les enceintes avant, mais dès que la caméra met le nez dehors, quelques atmosphères parviennent sans mal à environner le spectateur. Les dialogues sont excellemment délivrés par la centrale, la balance frontale est savamment dosée et la spatialisation musicale est systématique. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste française Audiodescription.

Crédits images : © Axel Films Production / Hassen Brahiti / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Ruelles du malheur, réalisé par Nicholas Ray

LES RUELLES DU MALHEUR (Knock on any door) réalisé par Nicholas Ray, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 6 mars 2018 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  Humphrey Bogart, John Derek, George Macready, Allene Roberts, Candy Toxton, Mickey Knox, Barry Kelley, Florence Auer…

ScénarioDaniel Taradash, John Monks Jr. d’après le roman « Les Ruelles du malheur » (Knock on Any Door) de Willard Motley

Photographie : Burnett Guffey

Musique : George Antheil

Durée : 1h50

Année de sortie : 1949

LE FILM

Contre l’avis de ses partenaires, l’avocat Andrew Morton choisit de défendre l’affaire de Nick Romano, un jeune homme dérangé des quartiers pauvres sans doute car il s’en sent proche, ayant lui-même vécu là-bas. Nick est accusé d’avoir tué un policier et son avocat est persuadé de son innocence.

Les Ruelles du malheurKnock on Any Door n’est que le troisième long métrage du réalisateur Nicholas Ray (1911-1979), de son vrai nom Raymond Nicholas Kienzle. Alors qu’il vient de fonder Santana, sa société de production, Humphrey Bogart repère le film Les Amants de la nuit et décide d’engager son metteur en scène, Nicholas Ray donc, pour Les Ruelles du malheur, l’adaptation du best-seller de Willard Motley édité l’année précédente. Oeuvre de commande certes, mais ce film va permettre à Nicholas Ray de poser les bases de son cinéma. De plus, enthousiasmés par cette expérience, le réalisateur et la star collaboreront à nouveau l’année suivante pour Le Violent. En attendant, Les Ruelles du malheur reste un film méconnu dans la carrière de Bogey et s’il paraît souvent entre deux eaux, vaut encore aujourd’hui largement le coup, ne serait-ce que pour la confrontation Humphrey Bogart-John Derek.

Accusé du meurtre d’un policier, Nick Romano (John Derek), jeune délinquant qui est né et a vécu dans le quartier interlope de « Skid Row », est défendu par l’avocat Andrew Morton (Humphrey Bogart), né lui aussi dans ce quartier. L’histoire de Nick est une longue suite de vols et de délits : une enfance malheureuse (son père est mort en prison), de mauvaises fréquentations ont fait de lui un voyou. Morton le suit, même s’il n’est pas toujours là pour le défendre. Un temps, Nick « se range ». Il se marie avec Emma (Allene Roberts), exerce plusieurs emplois. Emma lui annonce qu’elle est enceinte. Mais ce bonheur est de courte durée : trop faible pour lutter, Nick retombe dans l’ornière. Il commet à nouveau des vols. « Vivre vite, mourir jeune et faire un beau cadavre! » est sa devise. Il commence à participer à des vols à main armée.

Les Ruelles du malheur détonne dans l’immense carrière d’Humphrey Bogart, puisque ce dernier interprète ici un avocat, qui se prend d’affection pour un jeune voyou d’un quartier défavorisé. Le personnage de Bogey est intéressant à plus d’un titre puisque Morton voit en Romano ce qu’il aurait pu devenir lui-même s’il n’avait pas embrassé ses études de droit. S’ils n’ont pas eu la même chance, Morton est bel et bien décidé à faire gagner son procès à Romano, jeune homme extrêmement sensible, fou de chagrin après avoir perdu sa jeune épouse, alors enceinte, qui a mis fin à ses jours. Cette disparition provoquera la chute de Romano, de plus en plus impliqué dans de graves délits. Accusé d’avoir assassiné un inspecteur de police, Romano s’en remet totalement au talent, à la confiance et au professionnalisme de Morton. Au procès, Morton défend donc Nick, qui jure son innocence. Le District Attorney Kerman (suintant George Macready, balafré et enragé) n’arrive pas à détruire l’alibi de Nick. Morton se lance dans un long réquisitoire contre cette société qui sécrète ces « ruelles du malheur ».

Alors certes le discours du film n’a rien de bien nouveau et souhaite pointer du doigt le fait que l’inégalité des chances, l’environnement et la violence omniprésente gangrène l’âme humaine. Mais le message passe, surtout quand il sort de la bouche d’Humphrey Bogart, très à l’aise dans un rôle prolixe qui lui va comme un gant. A ses côtés, John Derek crève l’écran. S’il demeure malheureusement plus connu pour avoir été un homme à femmes (Bo Derek, Ursula Andress, Linda Evans) et photographe de charme pour le magazine Playboy, il est excellent, beau, charismatique et très attachant dans Les Ruelles du malheur. Son personnage à fleur de peau n’est d’ailleurs pas sans rappeler celui qu’interprètera James Dean en 1955 dans La Fureur de vivre, du même Nicholas Ray.

Certes, Les Ruelles du malheur paraît souvent déséquilibré entre ses scènes de procès et les flashbacks qui racontent la descente aux enfers du jeune italo-américain, mais les personnages sont heureusement passionnants et la mise en scène est étonnante de maîtrise. Jusqu’au final particulièrement inattendu et émouvant, ainsi que le dernier plan qui annonce quelque part le De sang froid de Truman Capote et son adaptation en 1967 par Richard Brooks.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Les Ruelles du malheur, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. L’édition contient à la fois le DVD et l’édition HD. Le menu principal est élégant, animé et musical.

Comme d’habitude, ou presque, les fidèles François Guérif (7’) et Patrick Brion (12’30) sont au rendez-vous pour parler du film qui nous intéresse ici. Le premier se penche surtout sur l’adaptation du roman de Willard Motley et les différences avec le film de Nicholas Ray, notamment en ce qui concerne le personnage de Bogart, secondaire dans le livre, mais évidemment central dans le film puisqu’interprété par la star hollywoodienne, également producteur ici. Guérif parle également de John Derek, qui selon-lui « n’a pas eu la carrière qu’il méritait ». De son côté, Patrick Brion, qui paraît quelque peu fatigué depuis quelques titres, évoque quant à lui la situation de Bogart producteur, qui a bouleversé la structure du roman pour sa transposition à l’écran. Les deux hommes s’accordent en tout cas sur les points faibles du film, notamment la lourdeur du scénario.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Hormis quelques tâches, points blancs et des fourmillements durant le générique, le transfert HD répond à toutes les exigences et la restauration ne déçoit pas. Le N&B affiche une nouvelle jeunesse, les blancs sont lumineux et les noirs rutilants, le piqué n’a jamais été aussi affiné mais quelques séquences apparaissent beaucoup plus douces et lisses. Le grain tend à s’accentuer sur les scènes sombres, mais reste globalement bien géré, les gros plans ne manquent pas de détails (le front perlé de sueur de Bogart) et la profondeur du plein cadre 1.33 est inédite. Notons également divers décrochages sur les fondus enchaînés. Au final, ce lifting numérique sied à merveille à la photo de l’immense Burnett Guffey (Tant qu’il y aura des hommes, Bonnie et Clyde). Le Blu-ray de Les Ruelles du malheur est une exclusivité française.

La version anglaise (aux sous-titres français imposés) est proposée en DTS-HD Master Audio Mono. L’écoute demeure appréciable et propre, avec une excellente restitution de la musique de George Antheil, des effets annexes et des voix très fluides et aérées. En revanche, la piste française DTS-HD Master Audio Mono, est à éviter. Aucun relief, doublage vieillot et voix étouffées.

Crédits images : © Sidonis Calysta/ Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

 

Test Blu-ray / Les Amoureux sont seuls au monde, réalisé par Henri Decoin

LES AMOUREUX SONT SEULS AU MONDE réalisé par Henri Decoin, disponible en combo Blu-ray/DVD le 11 avril 2018 chez Pathé

Acteurs :  Louis Jouvet, Renée Devillers, Fernand René, Dany Robin, Philippe Nicaud, Janine Viénot, Brigitte Auber…

ScénarioHenri Jeanson, Henri Decoin

Photographie : Armand Thirard

Musique : Henri Sauguet

Durée : 1h45

Année de sortie : 1948

LE FILM

Gérard Favier est un compositeur célèbre, très amoureux de son épouse Sylvia. Le couple fait la connaissance de Monelle, une jeune pianiste jolie, talentueuse et fervente admiratrice de Gérard Favier. Le musicien prend la jeune fille sous son aile et la propulse vers le succès. Mais un journal à scandale (Entre nous soit dit) annonce les amours du compositeur et de sa protégée. L’information est fausse, mais Monelle se prend à rêver et Sylvia commence à douter.

Une noce qui ne danse pas, rien ne la distingue d’un enterrement.

Grand sportif, il a notamment été champion de France de natation, ancien officier de cavalerie et d’aviation pendant la Première Guerre mondiale, chef d’escadrille, Henri Decoin (1890-1969) se reconvertit ensuite dans l’écriture et devient journaliste. Puis, il se tourne vers le théâtre et tout naturellement vers le cinéma, en devenant assistant-réalisateur à la fin des années 1920. Il passe ensuite derrière la caméra en 1933 pour son premier long métrage, Toboggan. Il rencontre Danielle Darrieux, qu’il épouse et qu’il suit à Hollywood à la fin des années 1930. Cette expérience lui permet d’assimiler les méthodes américaines. A son retour en France, Henri Decoin s’évertuera à appliquer ses acquis dans son propre travail, en variant les genres, passant du polar (Razzia sur la chnouf) au film d’espionnage, en passant par les films historiques et drames psychologiques. S’il n’est pas son opus le plus célèbre, Les Amoureux sont seuls au monde, réalisé en 1947, est considéré par la critique comme étant le meilleur film d’un des réalisateurs les plus prolifiques de sa génération. Et devant la beauté de cette œuvre méconnue, on ne peut qu’acquiescer.

Gérard Favier (Louis Jouvet) est un compositeur dont la renommée n’est plus à faire. Marié depuis dix-huit ans, il aime toujours sa femme Sylvia (Renée Devillers) comme au jour de leurs fiançailles. Un jour, il fait la connaissance de l’une de ses jeunes admiratrices, Monelle (Dany Robin), et l’aide à débuter sa très prometteuse carrière musicale. Interprétant ce rapprochement comme une idylle en train de naître, la presse à scandale, avide d’affaires de coeur croustillantes, se déchaîne sur l’infidélité conjugale présumée de Favier. Monelle comprend alors qu’elle est amoureuse de son maître. Quant à Sylvia, trop éprise de son mari pour songer à le faire souffrir, elle sombre dans le désespoir et préfère céder la place…

Si rétrospectivement Louis Jouvet amorce la dernière partie de sa carrière, l’immense comédien trouve un de ses plus beaux rôles dans Les Amoureux sont seuls au monde. Sur un scénario de Henri Decoin, coécrit avec le grand Henri Jeanson, qui signe également les sublimes dialogues du film, le « patron » comme il aimait être appelé, livre une fois de plus une sublime performance, dont la modernité ne cesse d’épater soixante-dix ans après. Drame intense, intimiste, mélancolique, psychologique et teinté de poésie, porté par des acteurs en état de grâce et photographié par l’immense Armand Thirard (Le Salaire de la peur, Les Diaboliques), Les Amoureux sont seuls au monde parle de la pérennité de l’amour, de la différence d’âge dans un couple, du désir amoureux, à travers une poignée de personnages passionnants.

Alors que les films du cinéaste remportaient souvent un grand succès populaire, Les Amoureux sont seuls au monde est malheureusement sorti dans une indifférence générale. Frileux devant la fin pessimiste, les producteurs demandent à Henri Decoin de tourner une fin « heureuse ». Ce dernier accepte, à condition que la fin originale soit conservée pour l’exploitation française du film. Dans le dos du réalisateur, les distributeurs projettent les deux fins à la suite. Averti de cette manipulation, Henri Decoin attaquera les responsables en justice. Le temps qui passe a heureusement fait son office puisque ce chef d’oeuvre est enfin réhabilité par la critique et a su depuis toucher de très nombreux cinéphiles, qui n’ont de cesse de le conseiller et de le faire découvrir.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Les Amoureux sont seuls au monde, disponible chez Pathé, a été réalisé à partir d’un check-disc. Cette édition comporte également le DVD du film. Le menu principal est animé et musical.

Pour accompagner le film, Pathé propose un formidable documentaire rétrospectif de 52 minutes, composé d’entretiens avec Didier Decoin, fils d’Henri Decoin et romancier, Clara Laurent, journaliste et enseignante en histoire du cinéma français, Christophe Moussé, spécialiste de Henri Jeanson, Marc Véron, auteur de l’ouvrage « Louis Jouvet ou le grand art de plaire ». Le portrait d’Henri Decoin, l’homme et le réalisateur, se dessine progressivement, à travers des propos qui évitent la redondance et qui se croisent habilement. Les Amoureux sont seuls au monde, est excellemment replacé dans la carrière du cinéaste et surtout bien réhabilité. Les intervenants n’oublient pas d’évoquer le casting, ainsi que les deux fins tournées.

Par ailleurs, les deux fins tournées et proposées en France (sans le consentement d’Henri Decoin), sont proposées dans un second temps (7’). Après la fin souhaitée par le cinéaste, un panneau apparaissait à l’écran « Que personne ne sorte ! Si par ces temps moroses, vous préférez les fins heureuses, voici comment notre histoire pouvait finir… ». A vous de découvrir celle souhaitée par les producteurs, qui n’a évidemment pas le même impact.

L’Image et le son

La numérisation du négatif nitrate original 35mm a été scanné en 2K. La restauration numérique image (300 heures de palette graphique) et son a été confiée au Laboratoire Mikros Image. Et les traces de moisissures, les perforations arrachées et toutes les scories possibles et imaginables ont totalement disparu ! Les Amoureux sont seuls au monde rejoint ainsi le catalogue des films restaurés de Pathé. Comme ses récentes sorties en Haute Définition, ce Blu-ray en met souvent plein les yeux avec une définition haute de gamme. Le nouveau master HD au format 1.37 (1080p/AVC) ne cherche jamais à atténuer les partis pris esthétiques originaux. La copie se révèle souvent étincelante et pointilleuse en matière de piqué (les scènes en extérieur), de gestion de contrastes (noirs denses, blancs lumineux), de détails ciselés et de relief. La propreté de la copie est constante, la stabilité de mise, la photo retrouve une nouvelle jeunesse doublée d’un superbe écrin, et le grain d’origine a heureusement été conservé. Les fondus enchaînés sont vraiment les seuls moments où la définition décroche quelque peu, mais cela ne dure que quelques secondes.

La piste mono bénéficie d’un encodage en DTS HD-Master Audio. Si quelques saturations et chuintements demeurent inévitables, l’écoute se révèle fluide, équilibrée, limpide. Aucun craquement intempestif ne vient perturber l’oreille des spectateurs, les ambiances sont précises. Si certains échanges manquent de punch et se révèlent moins précis, les dialogues sont dans l’ensemble clairs, dynamiques, même sans souffle parasite. Les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / La Villa, réalisé par Robert Guédiguian

LA VILLA réalisé par Robert Guédiguian, disponible en DVD et Blu-ray le 3 avril 2018 chez Diaphana

Acteurs :  Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet, Anaïs Demoustier, Robinson Stévenin, Fred Ulysse…

ScénarioRobert Guédiguian, Serge Valletti

Photographie : Pierre Milon

Durée : 1h43

Année de sortie : 2017

LE FILM

Dans une calanque près de Marseille, au creux de l’hiver, Angèle, Joseph et Armand, se rassemblent autour de leur père vieillissant. C’est le moment pour eux de mesurer ce qu’ils ont conservé de l’idéal qu’il leur a transmis, du monde de fraternité qu’il avait bâti dans ce lieu magique, autour d’un restaurant ouvrier dont Armand, le fils ainé, continue de s’occuper. Lorsque de nouveaux arrivants venus de la mer vont bouleverser leurs réflexions…

Depuis son retour en force au cinéma populaire dans le sens noble du terme avec Les Neiges du Kilimandjaro (2011), le cinéaste marseillais Robert Guédiguian n’a pas déçu. Si Au fil d’Ariane était avant tout une fantaisie, une récréation solaire, poétique, ludique, marquée par les mêmes élans de bonté et les excès de coeur qui restent la marque de fabrique de son auteur, le film ne faisait que renforcer encore et toujours sa « famille » de cinéma, dans le but de se faire plaisir, en toute liberté. Au fil d’Ariane avait été réalisé dans une intention de lâcher prise, doublé d’un vibrant hommage d’un homme à son épouse, sa muse, une véritable déclaration d’amour à celle qui partage sa vie. En revanche, Une histoire de fou, né de la rencontre entre le cinéaste et l’écrivain José Antonio Gurriarán, auteur du livre autobiographique La Bombe, permettait au réalisateur d’aborder le centenaire du génocide arménien. Film engagé, fresque passionnante, difficile, Une histoire de fou rendait compte du feu qui anime toujours le cinéaste. Pour son vingtième film, Robert Guédiguian est de retour chez lui, et plus précisément dans la calanque de Méjean où il trouve le repos depuis quarante ans. La Villa permet au cinéaste de faire un nouveau point sur sa vie.

Le bonheur de retrouver Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet, et les plus jeunes Robinson Stévenin, Anaïs Demoustier,Yann Trégouët est intact. La Villa est une chronique, un instantané, une fable humaniste qui sait rester chaleureuse malgré la violence des sentiments qui anime les personnages. Mais c’est celle d’aimer et de pardonner qui prédomine.

Angèle (Ariane Ascaride), Joseph (Jean-Pierre Darroussin) et Armand (Gérard Meylan) se retrouvent auprès de Maurice (Fred Ulysse), leur père âgé devenu aphasique après une attaque. Angèle n’est pas retournée dans la maison d’enfance depuis 20 ans, brisée par la mort accidentelle de sa fille Blanche. Des souvenirs mélancoliques s’échangent sur la calanque autrefois populaire et communiste, désormais livrée à la spéculation immobilière et qui a perdu son vie d’antan. Angèle n’accepte pas que son père, terrassé de remords d’être le responsable de la mort de Blanche dont il avait la responsabilité, lui réserve une plus importante part d’héritage que ses frères pour l’achat de son pardon. Benjamin (Robinson Stévenin), un pêcheur trentenaire de la calanque, retrouve avec délice Angèle, l’actrice qu’il avait tant admirée au théâtre à Marseille, qui lui avait donné le goût des planches, et dont il est secrètement amoureux. Ce faisant, des militaires en armes surveillent régulièrement la côte où échouent des migrants venus d’Afrique, afin de les arrêter et de les renvoyer dans leur pays. Un jour, les deux frères trouvent dans la falaise trois enfants sans parents, transis et affamés. Ils les cachent chez eux, ce qui les ramène à une réalité beaucoup plus dramatique que la mélancolie ambiante des souvenirs vieillissants.

Comme dans ses œuvres précédentes, la sensibilité, l’authenticité, l’optimisme et l’humour du metteur en scène marseillais font mouche et tendent à une universalité pure et essentielle. D’ailleurs, La Villa est devenu le cinquième plus grand succès de la carrière de Robert Guédiguian, en attirant plus de 550.000 spectateurs. Ce vingtième opus est comme l’indique le réalisateur un huis clos à ciel ouvert où les personnages, réunis après un drame familial, sont mis face à l’inéluctabilité du temps qui passe. En revenant dans la villa qui l’a vue grandir vingt ans après être partie, Angèle ne peut que constater que ses frères et même le monde a changé. Et qu’il faut bien continuer à avancer, même si les repères et piliers s’effondrent ou disparaissent. De toute façon, la planète continuera de tourner, avec ou sans eux.

La Villa va progressivement vers cet apaisement. Peu importe les colères et rancunes d’antan, seules comptent les étreintes et même la présence de celles et de ceux qu’on aime. Parallèlement, Robert Guédiguian, que l’on peut voir à la fois dans la figure du père de famille et aussi dans chaque membre qui la compose, livre une nouvelle oeuvre testamentaire. Une vraie famille comme celle-là est rare dans le cinéma français. Ce qui fait aujourd’hui son importance et sa beauté, c’est finalement de nous avoir invités, puis de nous avoir intégrés, pour pouvoir dialoguer, ou même de profiter des silences qui en disent parfois plus longs sur les sentiments.

La Villa est un sommet d’émotion, de mélancolie (au détour d’un extrait de Ki lo sa ?, long-métrage de Guédiguian tourné en 1985, au même endroit, avec les mêmes acteurs et I want you de Bob Dylan en fond) et d’élégance, dans la désormais immense carrière de Robert Guédiguian et nous nous souviendrons longtemps de ces petites maisons encastrées dans les collines où décline le soleil d’hiver, tout comme de ce viaduc qui fait encore résonner le bruit des trains qui passent, ainsi que le rire des enfants d’hier et d’aujourd’hui.

LE DVD

Le test du DVD de La Villa, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Pas grand-chose sur cette édition SD.

Le premier module de cinq minutes intitulé Scènes perdues, compile des plans ou de très courtes scènes non gardées, prolongeant par exemple l’accident de la petite fille d’Angèle.

L’autre bonus est un joli petit documentaire (7’) tourné sur le plateau et donnant la parole aux comédiens et à Robert Guédiguian. L’histoire et les personnages sont rapidement présentés, mais c’est surtout la délicatesse et l’émotion des intervenants qui touchent beaucoup ici, comme s’ils dressaient un bilan après ces trente années d’amour et d’amitié, devant comme derrière la caméra.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Nous voici devant un très beau master, très propre et clair, avec un cadre fourmillant de détails. La photo saturée de Pierre Milon (Foxfire, confessions d’un gang de filles, Les Neiges du Kilimandjaro) fait la part belle aux teintes chatoyantes, ambrées et solaires, avec de fabuleux dégradés de bleus, les contrastes sont denses et le piqué joliment acéré. L’encodage est solide, bien que les scènes nocturnes soient peut-être moins précises.

Le mixage Dolby Digital 5.1 est immédiatement immersif avec des ambiances souvent très présentes sur les enceintes latérales. Les voix sont d’une précision sans failles sur la centrale, la balance frontale est constamment soutenue, la musique spatialisée de bout en bout. L’éditeur joint également une piste Stéréo dynamique et suffisante, une piste Audiodescription ainsi que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © AGAT FILMS & CIE / France 3 CINEMA / Diaphana/ Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Jalouse, réalisé par David et Stéphane Foenkinos

JALOUSE réalisé par David et Stéphane Foenkinos, disponible en DVD et Blu-ray le 16 mars 2018 chezStudiocanal

Acteurs :  Karin Viard, Dara Tombroff, Anne Dorval, Thibault de Montalembert, Bruno Todeschini, Marie-Julie Baup, Corentin Fila, Anaïs Demoustier…

ScénarioDavid Foenkinos, Stéphane Foenkinos

Photographie : Guillaume Deffontaines

Musique : Paul-Marie Barbier, Julien Grunberg

Durée : 1h49

Année de sortie : 2017

LE FILM

Nathalie Pêcheux, professeure de lettres divorcée, passe quasiment du jour au lendemain de mère attentionnée à jalouse maladive. Si sa première cible est sa ravissante fille de 18 ans, Mathilde, danseuse classique, son champ d’action s’étend bientôt à ses amis, ses collègues, voire son voisinage…

Lauréat de dix prix littéraires et vendu à plus de 800.000 exemplaires depuis sa publication, La Délicatesse de David Foenkinos a très vite été envisagé au cinéma. Avec l’aide de son frère Stéphane, l’écrivain en avait profité pour passer derrière la caméra, afin d’adapter lui-même son best-seller. Coup d’essai et petit coup de maître, La Délicatesse était un vrai moment de poésie, d’humour, de tendresse burlesque, magnifiquement interprété par Audrey Tautou et François Damiens. Six ans plus tard, les deux frères se retrouvent pour leur second long métrage en commun, Jalouse, dans lequel on retrouve volontiers leur ironie, à travers le portrait d’une femme aux portes de la cinquantaine. Et qui mieux que Karin Viard, pour qui le rôle a été écrit, pouvait à la fois se permettre d’être parfois odieuse et cynique, tout en restant « attachiante » et charismatique ?

Le Karin Viard Movie est presque devenu un genre à part entière, un Cinematic Universe. Après presque trente ans de carrière, deux César (Haut les coeurs ! et Les Randonneurs) pour neuf nominations et plus de soixante films à son actif, la comédienne dispose aujourd’hui d’une place très enviée au sein du cinéma français. Alternant les films d’auteur (Sólveig Anspach, les frères Larrieu, Anne Villacèque) et le cinéma populaire (Dany Boon, Eric Lartigau, Jean-Marie Poiré), Karin Viard peut choisir aujourd’hui les rôles qu’elle souhaite, en étant sûre d’attirer quasi-systématiquement les spectateurs dans les salles. Loin de se reposer sur ses lauriers, elle trouve dans Jalouse l’occasion d’aborder un personnage en apparence moins accessible, une mère de famille divorcée, qui commence à voir apparaître certains signes de la ménopause, qui devient petit à petit aigrie avec sa fille de 17 ans, dont elle envie la jeunesse, le bonheur, la réussite et la vie amoureuse. Même chose envers une nouvelle et rayonnante collègue de travail (Anaïs Demoustier) et son entourage. Sa jalousie empiète également sur la vie de son ex-mari (Thibault de Montalembert) désormais en couple avec Isabelle (la lumineuse Marie-Julie Baup), une femme pétillante et plus jeune.

Comme dans la comédie italienne, ce portrait de « monstre » permet aux frères Foenkinos et donc à Karin Viard, de mettre en relief les contradictions et l’ambiguïté de l’âme humaine, ainsi que les doutes d’un personnage de tous les jours, mi-ange mi-démon, que l’on ne peut s’empêcher d’aimer en dépit de ses nombreux défauts. En incarnant cette femme au bord de la crise de nerfs, la comédienne se délecte de ses répliques vachardes et savoureuses, capable de dire à sa meilleure amie Sophie (la superbe actrice canadienne Anne Dorval) qu’elle ne doit pas avoir de soucis à se faire avec sa fille « moche », ou bien d’envoyer balader son prétendant (Bruno Todeschini, élégant et sensible) sous prétexte qu’il aurait regardé sa fille Mathilde (Dara Tombroff, jolie révélation) avec l’oeil d’un prédateur.

Récit initiatique, Jalouse possède ce charme qui nous avait tant séduits dans La Délicatesse, mais se révèle plus réaliste, moins conte de fée, donc plus terrien, grinçant, grave et plus rustre, en laissant également une belle part à l’émotion. Le film des frères Foenkinos s’élève bien au-dessus du cinéma français, grâce à un œil aiguisé et une étude psychologique complexe aussi intelligente qu’aboutie.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Jalouse, disponible chez Studiocanal, repose dans un boîtier classique de couleur bleue. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est fixe et musical.

Le making of (35’) compile quelques instantanés de tournage, des repérages des décors principaux, jusqu’au clap final. Divers propos des comédiens et des réalisateurs sont illustrés par des images tirées des répétitions et des prises de vue. L’ambiance a l’air détendue, chaleureuse et les comédiens prennent visiblement beaucoup de plaisir sur le plateau, surtout en voyant les frères Foenkinos devenir spectateurs de leur propre film.

L’interactivité se clôt sur le clip Jealous (3’).

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p-AVC. Studiocanal soigne le master HD de Jalouse, qui se révèle exemplaire. Les contrastes sont d’une densité rarement démentie, à part peut-être durant les séquences tamisées où l’image paraît plus douce et moins affûtée, mais cela demeure franchement anecdotique. La clarté demeure frappante, le piqué est affûté, les gros plans détaillés, les contrastes denses et la colorimétrie reste chatoyante, riche et bigarrée.

Le spectateur a le choix entre les pistes DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0. Notre préférence va pour la première qui instaure un confort acoustique très plaisant, une spatialisation musicale convaincante et des effets latéraux probants. Les ambiances naturelles sont présentes, la balance frontale est toujours dynamique et équilibrée, et le report des voix solide. La piste stéréo est évidemment plus plate, mais riche et remarquablement équilibrée. L’éditeur joint également les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Mandarin production / Studio Canal / France 2 Cinéma / Séverine Brigeot / Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

 

Test Blu-ray / L’Oeil du témoin, réalisé par Peter Yates

L’OEIL DU TÉMOIN (Eyewitness) réalisé par Peter Yates, disponible en DVD et Blu-ray le 2 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  William Hurt, Sigourney Weaver, Christopher Plummer, James Woods, Irene Worth, Kenneth McMillan, Pamela Reed, Albert Paulsen, Steven Hill, Morgan Freeman…

Scénario :  Steve Tesich

Photographie : Matthew F. Leonetti

Musique : Stanley Silverman

Durée : 1h42

Date de sortie initiale : 1981

LE FILM

Le corps d’un notable vietnamien est retrouvé sans vie dans un immeuble de Manhattan. Gardien de nuit dans le même immeuble, Daryll prétend connaître l’identité du tueur, mais il n’est en fait qu’intéressé par la séduisante journaliste Tony Sokolow, qui mène l’enquête et qu’il espère séduire avec ses prétendues informations. Dans l’ombre, le véritable tueur guette toujours.

Pour les cinéphiles, Peter Yates (1929-2011) est avant tout le réalisateur du mythique Bullitt (1968) avec Steve McQueen, et des Grands fonds (1977) dans lequel Jacqueline Bisset aura marqué de nombreux spectateurs avec son célèbre t-shirt mouillé. Bien qu’il ait travaillé avec les plus grands, Dustin Hoffman, Mia Farrow, Peter O’Toole, Robert Redord, George Segal, Robert Mitchum, le reste de la filmographie de Peter Yates reste étonnamment peu connu. C’est le cas de L’Oeil du témoinEyewitness, réalisé en 1981, qui détonne avec œuvres précédentes puisque le cinéaste y dirige une nouvelle génération de comédiens, William Hurt, Sigourney Weaver et James Woods, tout juste âgés de trente ans. Ni tout à fait un polar, ni tout à fait un drame ou un thriller, L’Oeil du témoin est un film étrange, constamment entre deux eaux, qui peine à trouver un équilibre et à éveiller l’intérêt.

Vétéran du Viêt Nam, Daryll Deever (William Hurt) est aujourd’hui gardien de nuit dans un immeuble de Manhattan. Une nuit, Long, un homme d’affaires douteux d’origine vietnamienne, est assassiné dans son bureau. Daryll, qui a découvert le corps, soupçonne son ami Aldo (James Woods), récemment mis à la porte par la victime, d’être le meurtrier. Soupçons confortés par le regain de fortune dont Aldo profite depuis peu. Dehors, les journalistes sont déjà là, avides de révélations. Pour séduire la belle et brillante Tony Sokolow (Sigourney Weaver), dont il est secrètement amoureux, Daryll lui fait croire qu’il en sait plus qu’il ne le dit. Alors qu’une enquête est entamée par les autorités, la police le porte sur sa liste des suspects…

L’Oeil du témoin donne cette impression d’être balancé entre divers courants. A la fois old-school dans son traitement, teinté de Nouvel Hollywood et ouvrant les années 1980, le film de Peter Yates peine à convaincre et ce malgré de nombreux points positifs. Tout d’abord le casting. Eyewitness n’est que la seconde apparition au cinéma de William Hurt après Au-delà du réel de Ken Russell, sorti l’année précédente. Et il y est déjà très bien dans la peau de ce personnage qu’on imagine triste et paumé. La femme dont il est épris, et on le comprend, est interprétée par la grande Sigourney Weaver qui venait de faire ses débuts fracassants au cinéma, en apparaissant tout d’abord dans Annie Hall de Woody Allen en 1977, avant d’enchaîner avec Alien, le huitième passager de Ridley Scott (1979) qui a fait d’elle une star planétaire. L’Oeil du témoin marquait alors son retour sur le grand écran, deux ans après avoir affronté la créature du Nostromo. A leurs côtés, James Woods, Christopher Plummer, Morgan Freeman et Pamela Reed sont également de la partie.

Autre réussite, l’atmosphère trouble que le réalisateur britannique parvient à instaurer, comme si l’on ne pouvait situer L’Oeil du témoin dans le temps. Peter Yates filme ses personnages comme s’ils étaient perdus, sans repères, en particulier Daryll, ancien du Viêt Nam, qui vit depuis toujours dans un appartement exigu avec son chien et qui parvient chichement à joindre les deux bouts en faisant le ménage et en vidant les poubelles d’un immeuble, la nuit, après que les hommes d’affaires soient rentrés chez eux. Il y a un attachement de Peter Yates pour son protagoniste, solitaire, qui a visiblement eu du mal à se réinsérer après son retour chez l’Oncle Sam. Rien n’est expliqué, juste suggéré. Le personnage le plus ambigu reste celui campé par Sigourney Weaver, que l’on imagine alléchée par une promesse de scoop et qui en même temps se prend d’affection (ou plus) pour l’homme étrange qu’est Daryll.

Finalement, on se soucie beaucoup moins de cette histoire de meurtre, qui passe quasiment au second plan, tout comme le thème de l’émigration de juifs soviétiques aux Etats-Unis. D’ailleurs, les révélations et les motivations de cet assassinat déçoivent. L’Oeil du témoin manque également de rythme, mais cette fois encore cela fait partie de l’ambiance distillée par le réalisateur. Le film est lent, un peu mou, mais on ne s’y ennuie pas grâce au jeu impliqué des acteurs, que l’on a de cesse d’admirer. Et le final au milieu des chevaux reste aussi original que marquant.

LE BLU-RAY

L’Oeil du témoin est disponible en Haute-Définition chez Movinside. Il intègre la collection de l’éditeur « Suspense-Polar ». La jaquette élégante est glissée dans un boîtier classique de couleur noire. C’est la première fois que le film de Peter Yates est disponible dans nos contrées en DVD et Blu-ray. Le menu principal est animé et musical.

Aucun supplément.

L’Image et le son

Ce nouveau master restauré est propre et stable. Point de poussières à l’horizon, ni de points ou de griffures. En revanche, les noirs paraissent tantôt concis tantôt poreux, manquent d’équilibre et dénaturent quelque peu le piqué. Cela est d’autant plus visible, parfois gênant, sur les nombreuses séquences qui se déroulent dans l’appartement terne de Daryll ou dans le sous-sol où il travaille. Pas de profondeur de champ. Mais s’il est vrai que le film a déjà plus de 35 ans, cette copie HD s’en sort plutôt bien et l’apport de la Haute Définition demeure flagrant au niveau des plans rapprochés ainsi que de la palette chromatique des séquences diurnes. Un grain cinéma, parfois un peu hasardeux c’est vrai, est heureusement conservé donnant une texture non déplaisante à l’image. Certes ce master ne rivalise pas avec les standards HD actuels mais offre au film de Peter Yates un écrin inédit et finalement idéal pour être redécouvert.

Les version originale et française sont proposées en DTS HD Master Audio 2.0. La première est plus naturelle, plus immersive avec de très belles ambiances intimistes bien que les voix des comédiens auraient pu être un poil plus ardentes. La partition de Stanley Silverman est dynamique et l’ensemble est bien plus fluide, riche et équilibrée qu’en version française. Celle-ci jouit d’un excellent doublage avec Richard Darbois (pour William Hurt), Evelyn Selena (pour Sigourney Weaver) et Dominique Collignon-Maurin (pour James Woods). Cette piste est de bon acabit. Cependant, bien que le niveau des dialogues demeure vif, l’aspect feutré reste moins convaincant. La version anglaise s’impose également par une homogénéité plus évidente.

Crédits images : © Twentieth Century Fox Home Entrertainment LLC. All rights reserved Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Gold, réalisé par Peter R. Hunt

GOLD réalisé par Peter R. Hunt, disponible en DVD et Blu-ray le 2 avril 2018 chez Movinside

Acteurs :  Roger Moore, Susannah York, Ray Milland, Bradford Dillman, John Gielgud, Tony Beckley…

Scénario :  Stanley Price et Wilbur Smith d’après le roman de ce dernier “Gold Mine”

Photographie : Ousama Rawi

Musique : Elmer Bernstein

Durée : 2h04

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

La plus grande mine aurifère de Johannesburg est ravagée par une explosion. Rod Slater prend la tête de l’équipe de secours. Il ne peut plus rien pour son chef, qui agonise alors sous les gravats. Il pense ne devoir qu’à son courage et à sa compétence la promotion que lui propose alors Manfred Steyner, le gendre du grand patron. Il ignore que ce dernier, acoquiné avec des spéculateurs, entend se servir de son innocence pour provoquer une nouvelle catastrophe, qui aurait pour effet d’enflammer les cours de l’or. Afin d’endormir sa méfiance, Steyner laisse Slater filer le parfait amour avec sa propre femme, Terry.

Pour qui s’intéresse un minimum à la saga James Bond, le nom de Peter R. Hunt n’est pas inconnu puisque l’intéressé a contribué à créer cette saga, au même titre que le réalisateur Terence Young. Monteur sur James Bond 007 contre Dr. No, Bons baisers de Russie, Goldfinger, puis superviseur du montage sur Opération Tonnerre et On ne vit que deux fois, Peter R. Hunt se voit confier la mise en scène d’Au service secret de Sa Majesté en 1969, l’opus avec George Lazenby dans le rôle de l’agent 007. Rejeté par une bonne partie des spectateurs à sa sortie, surtout en raison du choix de l’interprète vedette, le sixième épisode de la franchise est aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs, certains le plaçant même en première place dans les classements. Avec son James Bond, Peter R. Hunt a su démontrer tout son savoir-faire et sa virtuosité technique. Après ce coup d’essai et coup de maître, le réalisateur passe ensuite par la télévision en signant un épisode de la série Amicalement vôtre. Il faudra attendre 1974, pour que Peter R. Hunt fasse son retour au cinéma avec Gold.

L’ombre de James Bond plane sur ce second long métrage avec la présence de Roger Moore en haut de l’affiche (il en était alors à sa deuxième Vodka Martini), John Glen (futur réalisateur de cinq 007) en tant que monteur, Maurice Binder qui crée le générique inoubliable du film, sans oublier le chef décorateur Syd Cain. Gold est une œuvre culte, un divertissement haut de gamme, qui n’a rien perdu de son charme et dont les rebondissements demeurent bluffants. Le scénario de Stanley Price (Arabesque de Stanley Donen) et Wilbur Smith (Le Dernier train du Katanga de Jack Cardiff), basé sur le roman de ce dernier intitulé Gold Mine, offre à Roger Moore et au réalisateur un cadre idéal pour leurs aventures, filmées principalement en Afrique du Sud à Johannesburg, mais également entre Londres et New York.

Les séquences de fêtes locales et surtout celles d’extraction de l’or sont tournées comme un documentaire, à plusieurs centaines de mètres de profondeur, tandis que celles impliquant les effets spéciaux, comme l’inondation du dernier acte, sont elles filmées aux mythiques studios Pinewood en Angleterre. Ce qui étonne encore aujourd’hui, c’est la modernité de la mise en scène de Peter R. Hunt, souvent très impressionnante, alliée à un montage nerveux dans les scènes catastrophe, le tout agrémenté de la superbe partition du grand Elmer Bernstein, qui rappelle elle aussi certains thèmes de John Barry. Même chose pour la chanson en ouverture entonnée par Jimmy Helms, qui n’est pas sans faire penser au thème d’Opération TonnerreThunderball immortalisé par Tom Jones en 1965. Heureusement, Gold ne se limite pas à ces accents « bondiens » et reste avant tout un très grand film d’aventures, mâtiné de romance et d’intrigue politique.

Roger Moore est parfait, très à l’aise dans un rôle qui lui va comme un gant, toujours à la croisée de Simon Templar, James Bond et Lord Brett Sinclair, mais avec un truc hargneux en plus. Le comédien a l’air de se délecter des scènes tendres avec Susannah York, dont le personnage est loin de se résumer à être la « belle nana que le héros emballe ». Atout charme certes, mais aussi bad-ass aux commandes d’un petit avion qui aidera Rod Slater à se rendre à la mine où près de mille ouvriers se trouvent en danger. Les retournements de situation, conspirations et scènes romantiques se croisent habilement, sans ennui, sur un rythme soutenu. De la très bonne came pour résumer, à tel point que le final dans la mine inspirera l’une des grandes séquences de…Dangereusement vôtre, dernier tour de piste de Roger Moore dans le costard de l’agent secret. La boucle est ainsi bouclée.

LE BLU-RAY

Gold est enfin disponible en Haute-Définition chez Movinside. Il intègre la collection de l’éditeur « Suspense-Polar ». Précédemment, le film de Peter R. Hunt était disponible en DVD chez PVB Editions, puis chez Seven7 Editions. Le menu principal est animé sur le thème principal d’Elmer Bernstein.

Aucun supplément.

L’Image et le son

Longtemps attendu par les fans de Roger Moore, Gold débarque enfin en Haute Définition. La copie affiche une stabilité et une propreté absolues, même si la séquence du générique apparaît moins riche et bigarrée que par la suite. Le cadre large a souvent l’occasion de briller, la clarté est de mise et le piqué nettement appréciable sur toutes les séquences en extérieur. Les scènes dans la mine restent marquées par un grain plus accentué, des petits points blancs, quelques pertes de la définition et un piqué émoussé sur des plans plus vaporeux. Cela n’empêche pas la colorimétrie de retrouver une nouvelle jeunesse, tout comme les contrastes dont la gestion se révèle savamment entretenue par un encodage AVC solide. Un Blu-ray très élégant.

Gold est disponible en version originale et française DTS-HD Master Audio 2.0. La première instaure un confort acoustique plaisant avec une délivrance suffisante des dialogues, des effets annexes convaincants et surtout une belle restitution de la musique d’Elmer Bernstein. La piste française est un peu plus étriquée, mais reste dynamique. Le doublage est aussi particulièrement réussi, avec bien sûr Claude Bertrand qui prête sa sublime voix à Roger Moore comme sur les James Bond. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © 1974 Avton Film / Killamey Film Studios / Movinside / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Bronco Apache, réalisé par Robert Aldrich

BRONCO APACHE (Apache) réalisé par Robert Aldrich, disponible en combo Blu-ray/DVD le 8 mars 2018 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  Burt Lancaster, Jean Peters, John McIntire, Charles Bronson, John Dehner, Paul Guilfoyle, Walter Sande, Ian MacDonald…

Scénario :  James R. Webb d’après le roman “Bronco Apache” de Paul Wellman

Photographie : Ernest Laszlo

Musique : David Raksin

Durée : 1h25

Date de sortie initiale : 1954

LE FILM

Avril 1866, les Apaches déposent les armes face aux colonisateurs blancs.  Leur chef Geronimo se rend. Seul l’un d’entre eux, Massaï, refuse cette reddition. Capturé comme ses semblables, il s’échappe du train qui le conduit vers les réserves de Floride. Un grand voyage l’attend pour retrouver sa terre et Nalinle, enceinte de lui. En chemin, il fait escale à St Louis où il découvre le mode de vie des colons et rencontre Dawson, un Cherokee chez qui il trouve refuge dans une réserve de l’Oklahoma…

Bronco Apache est le troisième long métrage de l’immense Robert Aldrich (1918-1983), son premier western ainsi que sa première collaboration avec Burt Lancaster, également producteur. C’est par ailleurs le comédien lui-même qui a choisi le réalisateur, après avoir remarqué l’efficacité de son second film, Alerte à Singapour en 1953. Si l’on compare Bronco Apache avec les films et chefs d’oeuvre du maître qui viendront plus tard, on est ici loin de la virtuosité qui apparaîtra déjà par petites touches dans Vera Cruz, mis en scène la même année. En revanche, la solide direction d’acteurs de Robert Aldrich est ici indéniable. Il fallait au moins cela pour rendre crédible la transformation de Burt Lancaster en Indien aux yeux bleus étincelants. Sa première apparition fait peur puisque l’acteur est recouvert de plusieurs couches de fond de teint et d’une perruque mal ajustée. Mais finalement, on oublie rapidement ce manque de goût grâce au jeu solide du comédien, en très grande forme, bondissant, courant dans tous les sens, brutal, déterminé, qui n’en fait jamais trop en adoptant une posture et une démarche différentes. On finit par croire à son personnage et à s’attacher à sa quête. Bronco Apache n’est sans doute pas l’un des grands films de Robert Aldrich, mais n’en demeure pas moins sympathique, surtout que le film adopte le point de vue et la cause des Indiens.

Le jour de la reddition de Geronimo (Monte Blue), Massai (Burt Lancaster), un jeune guerrier, refuse d’abandonner le combat contre l’armée américaine. Vite arrêté, il est conduit en train vers la réserve de Floride où seront gardés Geronimo et ses guerriers apaches. Mais Massai s’enfuit et se retrouve dans une grande ville de Blancs, St Louis. Il décide de regagner sa terre natale. Chemin faisant, il rencontre Dawson (Morris Ankrum), un Indien Cherokee « civilisé », qui vit en paix avec les blancs, grâce à son savoir-faire de la culture du maïs, dont il donne quelques graines à Massaï. De retour chez lui au Nouveau-Mexique, Massai va voir Nalinle (Jean Peters), la femme qu’il aime. Mais Santos (Paul Guilfoyle), le père de celle-ci, dénonce Massai. Il est arrêté par le scout Al Sieber (John McIntire) et l’Apache renégat Hondo (Charles Buchinsky, pas encore Charles Bronson), à qui Santos a promis sa fille. Massai n’a pas dit son dernier mot. Se considérant comme le seul Apache au monde, il décide de mener son dernier combat contre les militaires qui le poursuivent, lui et sa femme, alors enceinte.

C’est donc sur Bronco Apache qu’allait naître l’association Aldrich-Lancaster, puisque les deux hommes referont équipe sur Vera Cruz (1954), Fureur Apache (1972) et L’Ultimatum des trois mercenaires (1977). L’intrigue de Bronco Apache n’est pas des plus passionnantes, mais ce n’est pas là le plus important du film. Ce qui compte dans Bronco Apache c’est sa spontanéité, son énergie et ses deux têtes d’affiche, Burt Lancaster et la ravissante Jean Peters (Capitaine de Castille, La Flibustière des Antilles, Viva Zapata !). Si le premier parvient donc à faire oublier le maquillage outrancier dont il est affublé, la seconde (également recouverte de cirage) n’est pas ménagée par son partenaire. Au-delà de sa performance physique car sans cesse malmenée, traînée par terre, ligotée, obligée de laper l’eau d’une rivière comme un animal, la comédienne, conserve son charme et c’est de son personnage que Massaï, souvent montré au bord de la folie, apprendra à tourner la page et à accepter son destin.

Le scénario de James R. Webb, futur auteur de Trapèze de Carol Reed, Les Grands espaces de William Wyler et Les Cheyennes de John Ford, est étonnamment épuré et le résultat à l’écran du même acabit. Son western pro-Indien est fort en symboles forts, comme le spectre de la déportation qui plane lors de la déportation des Indiens, obligés de monter dans un train qui les emmènera loin de leurs terres, ou bien encore dans cette quasi-relecture d’Adam et Eve, unis dans un paradis de sécheresse, de rochers et de poussière.

Sans doute moins marquant que La Flèche brisée de Delmer Daves et La Porte du diable d’Anthony Mann, tous deux sortis en 1950, Bronco Apache participe néanmoins à la démythification de la conquête de l’Ouest. En dépit d’une fin plus ou moins positive imposée par la United Artists, Bronco Apache, fuite en avant tragique et à l’issue inéluctable, ne manque pas d’attraits et d’intérêt.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Bronco Apache, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. Cette édition contient le DVD et le Blu-ray.

La section des suppléments s’ouvre sur un documentaire intitulé Burt Lancaster, un doux parfum de succès (50’). Ce module produit à la chaîne comme tant d’autres, n’a pas vraiment d’intérêt, si ce n’est compiler des extraits et des bandes-annonces des films les plus célèbres (et d’autres moins) du comédien. Quelques images d’archives et photos rares viennent illustrer les propos (doublés en français) des intervenants comme le biographe Gary Fishgall, les réalisateurs Sydney Pollack et Ted Post, la comédienne Terry Moore, le producteur James Hill et l’acteur Peter Riegert, qui reviennent sur l’enfance, les débuts et la carrière de la star. Franchement, ne perdez pas votre temps, vous n’apprendrez rien ici ou presque, surtout que la musique sirupeuse en fond a très vite raison de notre patience.

Bertrand Tavernier (26’) et Patrick Brion (13’) ont également répondu à l’appel de l’éditeur, afin de présenter Bronco Apache, avec le style qui leur est propre. Tout d’abord, le premier déclare avoir vu le film à sa sortie et se souvient du choc qui l’a immédiatement sensibilisé au cinéma de Robert Aldrich. Puis, Bertrand Tavernier en vient très vite au caractère pro-Indien de Bronco Apache, en fustigeant les critiques sur le choix de Burt Lancaster pour interpréter un Apache à l’écran. Le fond et la forme se croisent ensuite habilement, et l’on sent le réalisateur vraiment heureux de parler de ce film qu’il affectionne beaucoup. Le scénariste, le reste du casting et la fin imposée par la United Artists (que Tavernier apprécie quand même) sont également abordés.

De son côté, Patrick Brion peine à trouver des arguments inédits pour parler du film qui nous intéresse. Dommage que l’éditeur ne fasse pas se concerter ces historiens du cinéma en amont, cela éviterait des interventions redondantes. Néanmoins, cette présentation reste agréable à écouter.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Un carton en introduction indique que le master présenté ici a été restauré à partir du seul élément HD disponible aujourd’hui…recadré au format 1.77 au lieu du cadre 1.33 original ! Le Blu-ray est au format 1080i. L’image bénéficie d’une restauration indéniable (des raccords de montage et des poussières subsistent quand même), mais qui paraît avoir déjà quelques heures de vol. Soyons honnêtes, le résultat peine à convaincre quant à l’élévation en Haute définition. Les couleurs sont fanées, le générique d’ouverture semble le plus mal loti avec des fourmillements. Le codec AVC a souvent du mal à consolider certaines scènes sombres, la gestion du grain demeure aléatoire et le piqué n’est guère concluant. La compression n’est pas irréprochable et nous notons de capricieux manques de définition adoucissant les détails et les textures sur les plans rapprochés. Signalons que cette édition HD de Bronco Apache est une exclusivité mondiale.

L’éditeur ne propose pas un remixage inutile, mais encode la version originale en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française (également en DTH-HD MA) au doublage old-school très réussi, mais au rendu métallique des voix, qui restent bien trop étriquées, chuintantes et manquant d’ardeur. Elle n’est donc pas aussi fluide et homogène que la version originale. Dans les deux cas, aucun souffle n’est à déplorer, mais au jeu des comparaisons, la VO l’emporte aisément sur les séquences d’action, dynamiques et vives, tout comme le score de David Raksin qui profite d’une excellente exploitation des frontales. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale. Autre problème, la scène d’exposition possède un double sous-titrage, rendant la lecture difficile.

Crédits images : © Columbia / Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Symphonie pour un massacre, réalisé par Jacques Deray

SYMPHONIE POUR UN MASSACRE réalisé par Jacques Deray, disponible en combo Blu-ray/DVD le 11 avril 2018 chez Pathé

Acteurs :  Jean Rochefort, Michèle Mercier, Charles Vanel, Michel Auclair, Claude Dauphin, José Giovanni, Daniela Rocca…

ScénarioJacques Deray, José Giovanni, Claude Sautet d’après le roman « Les Mystifiés » d’Alain Reynaud-Fourton

Photographie : Claude Renoir

Musique : Michel Magne

Durée : 1h50

Date de sortie initiale : 1963

LE FILM

Cinq hommes, Paoli, Clavet, Valoti, Moreau et Jabeke sont associés dans le trafic de la drogue. Un arrivage vient précisément d’avoir lieu à Marseille : il y en a pour 500.000 dollars que doublera la revente en détail. Mais Serutti, le transitaire, exige que chacun des membres du gang verse cash une mise de fond de 100.000 dollars. Jabeke, qui a de grosses difficultés financières, doit réaliser pour pouvoir  » être à la hauteur de la situation « . Mais, dans son esprit, germe un plan qui, s’il réussit, lui permettra de s’approprier pour lui tout seul, non seulement la drogue, mais encore la mise des associés. Moreau a été chargé de convoyer les dollars à l’aller et la drogue au retour.

Quelle claque ! Symphonie pour un massacre est le troisième long métrage du réalisateur Jacques Deray (1929-2003). Après avoir fait ses débuts en tant que comédien, il devient assistant sur les tournages de Gilles Grangier, Luis Buñuel et Jules Dassin. En 1960, il écrit et réalise son premier film, Le Gigolo, drame psychologique interprété par Jean-Claude Brialy et Alida Valli. Ses deux films suivants, Rififi à Tokyo et Symphonie pour un massacre sortent la même année, en 1963, à quelques mois d’intervalle. Si le premier est un film policier intégralement tourné au Japon, le second, celui qui nous intéresse, est un polar dans la tradition du film noir américain, qui se déroule entre la France et la Belgique. Un fabuleux exercice de style, un chef d’oeuvre du genre complètement et malheureusement oublié aujourd’hui, qu’il est désormais temps de réhabiliter, d’autant plus que le cinéaste offre à Jean Rochefort son premier grand rôle dramatique. Il y est magnifique et accompagné d’acteurs tout aussi exceptionnels.

Paoli (Charles Vanel), Valotti (Claude Dauphin), Clavet (Michel Auclair) et Jabeke (Jean Rochefort) sont associés dans l’affaire d’un cercle de jeux, couverture d’activités illicites. Un caïd marseillais leur offre un important stock de drogue contre cinq cent mille dollars qui pourront leur rapporter le double. Une fois réunie, la somme est convoyée de Paris à Marseille par Moreau (José Giovanni), cinquième associé de l’opération, qui au retour devra ramener la drogue. Mais Jabeke a décidé de faire cavalier seul. Censé être à Bruxelles, il s’y installe ostensiblement dans un grand hôtel puis rentre discrètement à Paris et prend le même train de nuit que Moreau. Il surprend celui-ci dans son sommeil, le tue, dérobe la mallette de billets, descend à Lyon où il a préalablement laissé sa voiture et regagne Bruxelles juste à temps pour se faire livrer le petit-déjeuner dans sa chambre. À l’annonce par la presse de la découverte du corps, Paoli le doyen convoque ses troupes.

S’il est à la base inspiré par le roman Les Mystifiés d’Alain Reynaud-Fourton, publié en 1962 dans la collection Série Noire, le scénario écrit par Jacques Deray, José Giovanni et Claude Sautet rend compte du talent des trois compères, de leurs connaissances du « milieu » et de l’authenticité des dialogues. D’ailleurs, comme le récit adopte le point de vue du personnage de Jean Rochefort, qui prépare seul son coup monté, Jacques Deray ne s’encombre pas de voix-off superflue qui pourrait refléter et paraphraser les pensées et les actions du personnage de Jabeke. Une bonne partie du film, en gros la préparation de l’alibi et le vol, repose sur la mise en scène, le montage, la musique entêtante de Michel Magne, l’interprétation et le charisme de Jean Rochefort.

D’une part, cela permet à Jacques Deray de démontrer toute sa virtuosité et ses connaissances de la grammaire cinématographique, liées au genre du polar qu’il affectionne tout particulièrement. Il n’y a pas de « gras » dans Symphonie pour un massacre. Chaque plan est indispensable au déroulement de l’histoire et rien n’est laissé au hasard. D’autre part, Jean Rochefort, qui était jusqu’alors apparu au cinéma dans quelques films de cape et d’épée, Le Capitaine Fracasse de Pierre Gaspard-Huit, Cartouche de Philippe de Broca et Le Masque de fer d’Henri Decoin, accède ici en haut de l’affiche. Visage fermé, regard fuyant sous des paupières basses, bouche pincée, la présence du comédien dans un film noir est non seulement inattendue, mais aussi et surtout un coup de génie. Son éternel flegme britannique donne à son personnage un côté glaçant, impénétrable et imperturbable.

D’une précision d’orfèvre, le scénario enchaîne les rebondissements du début à la fin. Le réalisateur s’amuse à jouer avec les spectateurs en les laissant avoir un coup d’avance sur les personnages. A l’instar de Jean-Pierre Melville, l’audience est prise d’empathie pour des criminels. Du coup, on espère que Jabeke ne fasse pas de mauvais pas et si tel est le cas, qu’il parvienne à s’en sortir, même s’il lui faut se débarrasser de son adversaire pour cela. Loin d’être sacrifiés, les autres personnages campés par d’autres pointures du cinéma français, sont certes montrés comme des criminels, mais qui ont eux aussi du mal à faire tourner leur boutique. Et c’est par les ennuis d’argent d’un des complices de Jabeke qu’un premier rouage se mettra à grincer dans une machine jusque-là trop bien huilée.

Avec une édition restaurée en 2018 qui restitue tous ses contrastes à la photo N&B de l’illustre chef opérateur Claude Renoir, Symphonie pour un massacre est un must pour les amoureux du polar et du cinéma de Jacques Deray, qui allait devenir alors un de nos meilleurs metteurs en scène, mondialement reconnu cinq ans plus tard avec le triomphe international de La Piscine.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Symphonie pour un massacre, disponible chez Pathé, a été réalisé à partir d’un check-disc. Cette édition comporte également le DVD du film. Le menu principal est animé et musical.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent dans les bonus. Un seul module de 27 minutes, qui entrecroise les propos de Jean-Philippe Guérand, journaliste, biographe et auteur de Jean Rochefort, Prince sans rire, et ceux de François Guérif, auteur du Cinéma policier français et Le Film noir américain. Les arguments avancés se complètent sans être redondants. Symphonie pour un massacre est replacé dans la filmographie de Jacques Deray, la mise en scène analysée, tout comme le traitement des personnages. Le casting est également passé au peigne fin. Un documentaire classique, informatif, mais un peu court.

L’Image et le son

Le négatif original n’a pas pu être retrouvé. Un marron, autrement dit un élément de tirage intermédiaire a donc été utilisé, numérisé 4K puis restauré 2K. Il s’agissait alors du meilleur élément à ce jour. Après le travail de titan des Laboratoires Eclair, Symphonie pour un massacre peut enfin être redécouvert dans un nouveau master au format respecté 1.66. Ce Blu-ray au format 1080p (AVC) en met souvent plein les yeux, malgré un générique qui laisse d’abord perplexe avec un N&B léger et divers fourmillements. Heureusement, cela s’arrange immédiatement. La restauration est étincelante, les contrastes denses, la copie est stable, les gris riches, les blancs lumineux, la profondeur de champ évidente et le grain original heureusement préservé. Les séquences sombres sont tout aussi soignées que les scènes diurnes, le piqué est joliment acéré pour un film de 1963 et les détails étonnent parfois par leur précision, surtout sur nombreux les gros plans. Quelques flous et deux ou trois scènes plus douces, mais rien d’important.

La partie sonore a été restaurée numériquement par L.E. Diapason. Résultat : aucun souci acoustique constaté sur ce mixage DTS-HD Master Audio Mono. Le confort phonique de cette piste unique est total, les dialogues sont clairs et nets. La musique de Michel Magne est joliment délivrée. L’éditeur joint également les sous-titres anglais et français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiovision.

Crédits images : © Pathé / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr