Test Blu-ray / Ça – « Il » est revenu, réalisé par Tommy Lee Wallace

Ça – « Il » est revenu (It) réalisé par Tommy Lee Wallace, disponible en Blu-ray le 12 octobre 2016 chez Warner Bros.

Acteurs : Tim Curry, Harry Anderson, Dennis Christopher, Richard Masur, Annette O’Toole, John Ritter, Seth Green…

Scénario : Lawrence D. Cohen, Tommy Lee Wallace d’après le roman Ça (It) de Stephen King

Photographie : Richard Leiterman

Musique : Richard Bellis

Durée : 3h07

Date de sortie initiale : 1990

LE FILM

Octobre 1957. ÇA se réveille et la petite ville tranquille de Derry dans le Maine ne sera plus jamais la même. Stephen King révèle au grand jour toutes les peurs et les phobies de l’enfance, alors que sept enfants font face à une horreur inimaginable qui apparaît sous plusieurs formes, et notamment « Grippe-sou », un clown qui vit, chasse et tue dans les égouts de la ville. Des années plus tard, ces adultes qui ont survécu, sont assez courageux pour retourner à Derry et arrêter cette tuerie, et cette fois pour de bon…

C’est une madeleine pour beaucoup de (télé)spectateurs. Une mini-série culte qui compte des millions de fans à travers le monde et qui en gagne sans cesse de nouveaux, notamment en France où elle est très régulièrement diffusée sur la TNT après avoir été programmée pendant des années sur M6, sa première diffusion à la télé française remontant à octobre 1993 : Ça, plus connu en France sous le titre « Il » est revenu. Périodiquement, la ville de Derry dans le Maine est hantée par une terrible créature, un clown pervers capable de changer à loisir d’apparence afin de personnifier les peurs les plus intimes de ses victimes. Dans les années 1950, des événements tragiques se produisent à nouveau. S’attaquant uniquement aux enfants, qui disparaissent ou qui sont retrouvés morts dépecés, «Ça» est un jour vaincu par un groupe de sept jeunes amis de onze ans, six garçons et une fille, ayant fait la promesse de toujours poursuivre l’odieuse entité, qui a disparu dans les égouts abandonnés. Trente ans plus tard, alors que chacun mène une vie paisible aux quatre coins du pays, «Ça» réapparaît à nouveau à Derry. Conformément à leur promesse, le groupe des sept devra se reformer à l’âge de 40 ans pour affronter ses peurs d’enfants.

En 1990, cette adaptation est un événement. Certes, les plus passionnés du chef d’oeuvre absolu de Stephen King publié en 1986 trouveront toujours à redire sur sa transposition, le ton édulcoré pour toucher une plus large audience, les changements inévitables apportés pour le passage du livre à l’écran, mais Ça demeure une véritable référence et finalement le livre et la mini-série en deux parties se complètent parfaitement. D’ailleurs, ceux qui auront vu la mini-série avant de lire le roman, projeteront inévitablement le visage des comédiens au fil de mots du maître de l’horreur.

Le casting est remarquable, que ce soit les enfants ou les adultes, tous extrêmement attachants et solidement dirigés par Tommy Lee Wallace (Halloween 3 : Le Sang du sorcier, Vampire, vous avez dit vampire ? 2), qui par ailleurs soigne sa mise en scène et regorge d’inventions pour faire peur et divertir. L’alchimie entre les deux groupes est indéniable et participe à l’immersion du spectateur dans cette histoire fantastique, qui en a traumatisé plus d’un, au point d’en devenir coulrophobiques, autrement dit phobique des clowns. Il faut dire que Tim Curry est particulièrement angoissant dans le rôle-titre et signe une de ses plus grandes performances après The Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman et Legend de Ridley Scott. Si ses apparitions sont finalement limitées sur plus de trois heures, chacune demeure marquante et donne de nombreuses sueurs froides, tant aux personnages qu’aux spectateurs.

Si la télévision ne bénéficiait pas des mêmes budgets et de la même liberté créatrice qu’aujourd’hui, Ça« Il » est revenu fait partie de ces rares productions devenues des classiques dès leur première diffusion. Avec son aspect film-noir, notamment avec le personnage de Mike Hanlon qui mène son enquête et dont les mémoires sont dites en voix-off, combiné à une histoire fantastique, d’horreur, d’épouvante, dramatique, d’amour et d’amitié (les retrouvailles du Club des paumés 30 ans après sont très émouvantes), Ça traverse les décennies sans prendre de rides – à part au niveau des effets spéciaux, mais est-ce bien là le plus important ? – et reste précieux dans le coeur des spectateurs.

Il sera difficile pour la nouvelle adaptation cinématographique prévue dans les salles en 2017, envisagée un temps par le cinéaste Cary Fukunaga mais finalement réalisée par Andrés Muschietti (Mama) avec Bill Skarsgård dans le rôle de Pennywise, de toucher autant l’audience que la mini-série de Tommy Lee Wallace, même si les producteurs promettent une transposition beaucoup plus fidèle au roman original, autrement dit plus sombre, plus sanglante et sexuelle.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Ça, disponible chez Warner Bros., repose dans un boîtier Steelbook du plus bel effet ! Le visuel est reconnaissable entre mille. Le menu principal est fixe et muet. Contrairement à l’édition DVD 2003, le téléfilm est bel et bien présenté dans son intégralité sur une seule face.

Le seul supplément présent sur ce disque est le commentaire audio (non sous-titré) du réalisateur Tommy Lee Wallace, accompagné des comédiens Dennis Christopher (Eddie Kaspbrak adulte), Tim Reid (Mike Hanlon adulte), Richard Thomas (Bill Denbrough adulte) et John Ritter (Ben Hanscom adulte) décédé en 2003. Ce commentaire se suit sans déplaisir, malgré une ambiance un peu triste et de nombreux blancs, sur une durée qui excède quand même plus de trois heures. Tommy Lee Wallace est enregistré de son côté et livre quelques informations intéressantes sur la production de Ça. Les acteurs se livrent à quelques anecdotes liées au tournage et partagent leurs bons souvenirs.

L’Image et le son

Pour son quart de siècle (et même un peu plus), Ça bénéficie d’un lifting de premier ordre et d’une édition Haute-Définition 1080p (AVC). Le résultat est probant, même si le master 1.33 (4/3) n’est pas parfait, compte tenu des conditions de production originales. Ce qui frappe d’emblée, c’est avant tout la luminosité inédite sur les séquences diurnes, notamment l’été durant lequel les gamins font connaissance. Il en est de même pour la colorimétrie ravivée avec des teintes rutilantes sur les scènes des années 1950 et sur le costume bleu, rouge et jaune du personnage éponyme. Toutefois, la gestion du grain demeure aléatoire, y compris au cours d’une même séquence où la patine argentique est sensiblement différente dans un champ-contrechamp. Dans l’ensemble, les noirs sont profonds. L’image est d’une propreté absolue, les contrastes solides et en toute honnêteté, en dépit de quelques fléchissements et un piqué duveteux, sur le long terme, nous n’avions jamais vu Ça dans de telles conditions techniques. Ce grand classique méritait bien pareil traitement et rend caduque l’édition DVD éditée en 2003 !

Parlons des choses qui fâchent : le doublage français disponible ici n’est pas celui réalisé pour la télévision française dans les années 1990, mais bel et bien celui refait pour la sortie en DVD en 2003. Non seulement le doublage a été refait, mais en plus nous ne retrouvons pas les trois quarts des voix originales. Heureusement, Jacques Ciron prête toujours son timbre inimitable à Grippe-Sou le clown, mais toutes les voix des enfants ont évidemment changé, en dehors de Ritchie. Seuls les personnages de Bill adulte et d’Audra bénéficient également du même doublage. Les puristes risquent d’être vraiment déçus. Passée cette déconvenue, le mixage Stéréo se focalise sur les dialogues au détriment de quelques ambiances annexes et la musique. Bien qu’indiquée en DTS-HD Master Audio 5.1 sur le visuel, la piste anglaise n’est proposée qu’en DTS-HD Master Audio 2.0. Moins connue, et pour cause, que la version française, il est amusant de constater que Ça paraît beaucoup plus sombre dans l’interprétation originale de Tim Curry. Du point de vue technique, ce mixage l’emporte aisément du point de vue homogénéité entre les voix, la composition de Richard Bellis et les effets sonores, très riches et précis. D’ailleurs, certains semblent avoir été rajoutés pour le nouveau mixage du téléfilm au début des années 2000 pour élargir le spectre.

Crédits images : © Warner Bros. / Captures Blu-ray : Franck Brissard

 

Test Blu-ray / Mon deuxième frère, réalisé par Shōhei Imamura

MON DEUXIEME FRERE (Nianchan) réalisé par Shôhei Imamura, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 15 novembre 2016 chez Elephant Films

Acteurs : Hiroyuki Nagato, Kayo Matsuo, Takeshi Okimura, Akiko Maeda, Kô Nishimura, Yoshio Ômori, Taiji Tonoyama, Shinsuke Ashida

Scénario : Ichirô Ikeda, Shôhei Imamura

Photographie : Shinsaku Himeda

Musique : Toshirô Mayuzumi

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 1959

LE FILM

Dans une ville minière japonaise ravagée par la misère, une fratrie de quatre orphelins coréens de dix à vingt ans tente de subsister. Kiichi, l’aîné, trouve un travail dans la mine, mais celui-ci est très précaire.

A l’instar de son premier long métrage Désirs volés, Shōhei Imamura (1926-2006) démarre Mon deuxième frèreNianchan (1959) par un plan en altitude. C’est donc le réalisateur entomologiste qui à l’aide d’une loupe installe le décor social, culturel et géographique de son quatrième film. Une voix-off annonce qu’après une période de croissance et après la guerre de Corée, le Japon connaît au début des années 1950 une grave récession, la pire période pour l’industrie charbonnière. Les mines les plus importantes sont en déficit, tandis que plus de 200 petites et moyennes ferment leurs portes. Plus de 20.000 personnes perdent leur emploi. L’histoire, adaptée du journal intime d’une fillette de 10 ans, se déroule dans la préfecture de Saga, située dans la partie nord-ouest de Kyūshū. C’est ici que vit une famille composée de quatre enfants orphelins. Deux fils, 20 ans et 12 ans, deux filles, 16 et 10 ans. Dans leur petite ville où la mine est également menacée, cette famille garde l’espoir de s’en sortir, en dépit de leur extrême pauvreté. Les grèves se multiplient. Les deux aînés se voient contraints de partir à l’ouest du pays afin de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur frère et sœur plus jeunes, Koichi et Sueko la benjamine. Ces derniers sont recueillis par des familles solidaires, qui malgré leurs maigres revenus décident de s’occuper d’eux comme s’ils étaient des leurs.

Avec ce superbe drame, Shōhei Imamura expérimente encore le cadre (d’une suprême élégance), même si la beauté des comédiens et la « propreté » peuvent créer un décalage avec l’histoire racontée. Au fil de sa carrière, le cinéaste délaissera cet aspect au profit d’un réalisme dramatique. Mais pour l’heure, Mon deuxième frère demeure un très beau film, encore largement inspiré par le néoréalisme italien. Imamura évite tout pathos malgré la misère sociale évoquée et se concentre sur ses personnages en créant une empathie immédiate avec les spectateurs. Chaque plan est soigné, trop diront certains, mais on ne peut reprocher au metteur en scène de peaufiner – de manière quasi-obsessionnelle – chaque détail sur les plans composés au millimètre avec des personnages qui grouillent, qui vivent.

On s’attache très rapidement à cette famille parmi tant d’autres, livrée à elle-même, obligée de se séparer pour pouvoir survivre. Mon deuxième frère est le dernier film de commande pour Shōhei Imamura, qui en viendra ensuite à des projets uniquement personnels. Voulant obtenir une totale liberté artistique, le maître japonais surpasse les attentes des producteurs de la Nikkatsu afin qu’ils le laissent ensuite mettre en scène les histoires qui lui tiennent à coeur, notamment Cochons et cuirassés. Du point de vue politique et social, Mon deuxième frère montre tout de même un pays économiquement atteint, malgré une politique qui affirme le contraire, ainsi que la situation précaire de la communauté immigrée coréenne au Japon, les Zainichi, privés de leur identité et devant se conformer à une autre.

Par son immense sensibilité, sa pudeur et sa beauté plastique, Mon deuxième frère subjugue, alors même que le meilleur et les plus grands films de Shōhei Imamura sont à venir. C’est dire la préciosité de l’oeuvre de ce cinéaste !

LE BLU-RAY

Mon deuxième frère est édité en combo par Elephant Films dans sa collection Cinéma Master Class – La Collection des Maîtres, avec un joli fourreau cartonné et un boîtier plastique contenant le Blu-ray et le DVD du film. Le visuel de la jaquette est vraiment très élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

En plus d’un livret de 20 pages intitulé Shōhei Imamura, maître des désirs inassouvis par Bastian Meiresonne, de bandes-annonces (dont celles de la première salve Imamura sortie fin 2015 chez l’éditeur), d’une galerie de photos et des credits du disque, nous trouvons une courte mais très bonne présentation de Mon deuxième frère par Stephen Sarrazin (5’). Notre interlocuteur, spécialiste du cinéma japonais, s’avère plutôt critique avec ce quatrième film d’Imamura. S’il loue le soin apporté au cadre, Stephen Sarrazin dit que les plans sont « trop cadrés et trop beaux », l’ensemble « trop artificiel et trop propre » en contradiction avec le sujet traité. Il évoque également la communauté coréenne au Japon, les thèmes abordés et la critique récurrente d’Imamura envers les institutions japonaises.

L’Image et le son

Mon deuxième frère est proposé dans un nouveau master restauré en Haute-Définition. Le Blu-ray est format 1080p (AVC). Les premiers plans font un peu peur avec des rayures apparentes, des points blancs, quelques instabilités. Puis, la copie trouve un très bel équilibre et le cadre large NakkatsuScope regorge de détails. La stabilité est évidente, tout comme la propreté, le N&B est lumineux et les contrastes nuancés. En dehors d’une introduction passable et d’un défaut de pellicule, le master HD de Mon deuxième frère tient vraiment ses promesses et permet d’admirer les plans composés d’Imamura avec le grain de la photo heureusement conservé.

Seule la version originale DTS HD Master Audio Mono 1.0 est disponible et se révèle heureusement riche et propre. La musique est joliment restituée, le report des voix est appréciable, malgré quelques échanges sensiblement plus étouffés, mais les saturations sont évitées et l’ensemble est au final suffisamment dynamique et sans souffle parasite.

Crédits images : © Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard

Test DVD / Cyborg 2087 – Coffret La Guerre des Robots, réalisé par Franklin Adreon

CYBORG 2087 réalisé par Franklin Adreon, disponible en coffret DVD Prestige « La Guerre des Robots » le 6 décembre 2016 chez Artus Films

Acteurs : Michael Rennie, Karen Steele, Wendell Corey, Warren Stevens, Eduard Franz, Harry Carey Jr., Adam Roarke

Scénario : Arthur C. Pierce

Photographie : Alan Stensvold

Musique : Paul Dunlap

Durée : 1h19

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Le professeur Sigmund Marx a développé une machine permettant de contrôler l’esprit humain. Cependant, en 2087, son invention est détournée de son objectif originel par l’un de ses élèves qui a créé une armée de cyborg permettant la mise en place d’un régime totalitaire. Un cyborg, Garth, qui a réussi à acquérir une brève liberté de pensée, se transporte alors en 1966, afin de convaincre le professeur Sigmund Marx d’abandonner ses recherches. Notre voyageur de temps découvre bientôt qu’il n’est pas seul lorsque des agents du gouvernement du futur tentent de l’empêcher de mener à bien sa mission…

Hmmm…il semblerait qu’un certain James Cameron se soit grandement inspiré de Cyborg 2087 pour son Terminator ! Réalisé en 1966 par Franklin Adreon (1902-1979), ce film de science-fiction contient beaucoup d’éléments qui seront repris par le metteur en scène de Titanic dans ses deux volets de Terminator. En 2087, quelques rebelles envoient un cyborg dans le passé, en 1966, afin qu’il mette la main sur un scientifique, le Professeur Zellar, responsable sans le savoir d’un futur – de leur présent donc – où règne le chaos, où la liberté de pensée a cessé, où l’esprit humain est contrôlé par des dictateurs grâce à la radiotélépathie. Lors de son périple, ce cyborg Garth A7 (Michael Rennie, droit comme un i), organisme cybernétique, commencera à s’humaniser au contact d’une femme, le docteur Sharon Mason (Karen Steele), mais il se fait également poursuivre par d’autres de son espèce. Ces « Traceurs », plus perfectionnés, ont pour mission de lui mettre le grappin dessus et d’éliminer les humains qui lui viendraient en aide.

Alors certes, Cyborg 2087 est un film aujourd’hui redoutablement kitsch et la mise en scène uniquement fonctionnelle et illustrative, mais les troublantes similitudes avec Terminator et Terminator II : Le Jugement dernier (également le cyborg qui montre sa main robotisée comme le T-800) en font une très belle curiosité. Si les décors sont plutôt pauvres et les moyens visiblement limités (le genre étant alors peu considéré par les studios), le scénario est malin, les idées sont nombreuses et exploitées autant que le budget le permettait et l’histoire joue avec les codes d’un genre qui n’a finalement pas beaucoup évolué depuis.

Cyborg 2087 est une série B toujours aussi divertissante, qui contient quelques rebondissements et des scènes d’action bien menées, à l’instar de la poursuite dans la centrale électrique. Si les emprunts à Cyborg 2087 sont évidents pour Terminator, il en est de même pour Mondwest, puisque le Cyborg débarque dans une ville de l’Ouest abandonnée, tel un cowboy sophistiqué, qui se retrouve immédiatement en terrain hostile et se voit malmener par deux hommes et un chien pressés de lui chercher des noises. Pour toutes ces raisons, Cyborg 2087, réalisé au départ pour la télévision, est à (re)découvrir, d’autant plus que le film est encore très sympa et saura aisément contenter les nombreux adeptes de science-fiction vintage.

LE DVD

Cyborg 2087, est pour le moment uniquement disponible dans le coffret DVD La Guerre des Robots disponible chez Artus Films. Sont également disponibles dans ce coffret, Objectif Terre (Target Earth) de Sherman A. Rose (1954), Le Maître du monde – Tobor the Great de Lee Sholem (1954) et The Creation of the Humanoids de Wesley Barry (1962), tous déjà chroniqués dans nos colonnes.

Un premier menu (fixe et muet) nous propose de sélectionner le film à visionner, ici Objectif Terre ou Cyborg 2087. Puis un menu principal fixe et musical nous accueille. En guise d’interactivité, nous trouvons la bande-annonce originale, ainsi qu’un diaporama d’affiches et de photos d’exploitation. Le superbe Digipack – qui comblera les cinéphiles pour Noël – renferme les deux galettes, ainsi qu’un livret de douze pages Alerte aux robots – Le Robot au coeur de l’Age d’or de la SF cinématographique américaine (par Pr Brave Ghoul) et quatre reproductions de lobby cards reprenant les affiches des quatre films disponibles dans ce coffret.

L’Image et le son

En introduction, un panneau indique que le matériel de Cyborg 2087 n’a pas été conservé dans des conditions optimales. Malgré les efforts réalisés par l’équipe de la restauration, de nombreux défauts subsistent. En effet, l’image n’est jamais stable, reste floutée tout du long, tandis que la gestion des contrastes et des couleurs restent totalement aléatoires. Il faudra donc être très indulgent puisqu’il semble que l’éditeur ait mis la main sur un master – 1.37, 16/9 compatible 4/3 – déjà très fatigué, pour ne pas dire au bout du rouleau, même si la copie reste finalement assez propre. Si les yeux brûlent un peu en fin de séance avec cet aspect VHS, la rareté du film prime sur le reste, donc nous n’en voulons pas à notre cher éditeur Artus.

Seule la version anglaise mono est disponible avec des sous-titres français non verrouillés. Les craquements et chuintements, mais aucunement gênants, surtout que le souffle est limité. Les dialogues s’avèrent aérés, propres et fluides, tout comme la musique de Paul Dunlap (Shock Corridor).

Crédits images : © Artus Films / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / La Brune brûlante, réalisé par Leo McCarey

LA BRUNE BRULANTE (Rally ‘Round the Flag, Boys !) réalisé par Leo McCarey, disponible en DVD le 2 novembre 2016 chez Esc Conseils

Acteurs : Paul Newman, Joanne Woodward, Joan Collins, Jack Carson, Dwayne Hickman, Tuesday Weld, Gale Gordon

Scénario : Claude Binyon, Leo McCarey d’après le roman de Max Shulman

Photographie : Leon Shamroy

Musique : Cyril J. Mockridge

Durée : 1h46

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

Harry Bannermam vit à Putnam’s Landing, une petite ville américaine avec sa femme Grace et leurs deux enfants. Les multiples activités civiques de Grace commencent à exaspérer Harry qui se croit délaissé. Alors même qu’Angela, voluptueuse brune s’offre à lui pour le consoler, l’annonce que la ville va devenir le centre d’un projet militaire ultra-secret inquiète la population. Harry est chargé d’aller à Washington pour tenter de dissuader les autorités.

Avec La Brune brûlanteRally ‘Round the Flag, Boys !, le maître de la comédie de mœurs – mais pas que – américaine sophistiquée Leo McCarey (1898-1969) signe l’avant-dernier film d’une œuvre éclectique et dense, avec plus de 100 films répertoriés, parmi lesquels de nombreuses collaborations avec Laurel & Hardy. Capable de passer de la comédie au drame en passant par la romance et le mélodrame avec une rare dextérité, à l’instar de ses chefs d’oeuvre La Soupe au canard (1933) avec les Marx Brothers, L’Extravagant M. Ruggles (1935) avec Charles Laughton et Elle et lui (1939) avec Irene Dunne et Charles Boyer, Leo McCarey est un réalisateur malheureusement trop souvent oublié en France, malgré l’extrême richesse de sa filmographie.

Après avoir porté de nombreux sujets à l’écran, dont certains qui lui portaient plus particulièrement à coeur comme le somptueux Au crépuscule de la vie (1937), également connu sous le titre Place aux jeunes, son film le plus personnel et paradoxalement son plus grand échec public, le cinéaste ralentit fortement le rythme au cours des années 1940. Il entame ensuite les années 1950 avec un drame My son John, avant de réaliser son propre remake d’Elle et lui avec cette fois Cary Grant et Deborah Kerr. La Brune brûlante est également la dernière comédie de Leo McCarey, qui mettra en scène son dernier long métrage en 1962, Une histoire de ChineSatan never sleeps avec William Holden. En 1958, Paul Newman est encore au tout début de sa carrière. Il vient d’enchaîner les tournages successifs de Marqué par la haine et Femmes coupables de Robert Wise, Les Feux de l’été de Martin Ritt, Le Gaucher d’Arthur Penn et La Chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks. Le comédien vient aussi d’épouser celle avec qui il passera le reste de sa vie, l’actrice Joanne Woodward. Réunis pour la première fois devant la caméra de Martin Ritt dans Les Feux de l’été, ils se retrouvent devant celle de Leo McCarey pour La Brune brûlante. Cela va sans dire que l’alchimie entre les deux crève l’écran et fait le sel de cette comédie débridée, même si l’histoire, riche en rebondissements, a tendance à partir un peu dans tous les sens.

Le générique composé de dessins donne le ton. Le Technicolor est lumineux, la musique entraînante et une voix-off formidablement ironique installent le décor. Les américains n’hésitent pas à faire 3 heures de train par jour pour aller travailler à New York. Ils profitent aussi de l’alcool servi à bord des transports avant de rentrer à la maison où les attendent leurs femmes permanentées, qui s’occupent des enfants (ou les laissent devant la télévision) tout en préparant le dîner. Nous sommes dans une petite et paisible bourgade de banlieue, Putnam’s Landing, située au nord de la Grosse Pomme. Contrairement à certains de ses camarades, Harry (Paul Newman) reproche à sa femme Grace (Joanne Woodward) de ne pas passer de temps avec lui à cause des enfants, mais surtout parce que Grace a son emploi du temps surchargé en raison de toutes ses activités civiques, assemblées écologistes et meetings féministes. Ils ont pour voisine Angela (Joan Collins, la fameuse brune éponyme), une femme voluptueuse, qui n’est pas insensible au charme de Harry. Lors d’une réunion municipale, les habitants apprennent l’implantation d’une base militaire dans les environs. Grace est à nouveau désignée comme porte-parole de la ville afin de contrecarrer ce projet. Au grand désespoir de Harry, qui se faisait une joie d’avoir enfin pu planifier un petit séjour avec son épouse. Femme délaissée, Angela, décide d’attirer Harry entre ses griffes. Devant cette femme fatale pétillante et séductrice, incendiaire et aux atours affriolants, Harry va devoir lutter pour ne pas succomber.

En dépit d’un rythme en dents de scie, de dialogues parfois trop abondants et d’une deuxième partie – celle avec les militaires – plutôt décevante, La Brune brûlante demeure largement conseillé. La satire sociale de l’American Way of Life, récurrente dans l’oeuvre de Leo McCarey, fonctionne très bien, tout comme le thème également cher au réalisateur de la relation homme/femme où la femme possède un fort tempérament et l’homme doit se plier et se taire devant elle. Les comédiens sont tous formidables (Jack Carson, hilarant dans le rôle du Capitaine Hoxie, Tuesday Weld en adolescente émoustillée pour un rien) et toute la première partie du film reflète tout le savoir-faire du cinéaste en matière de quiproquos cocasses, de joutes verbales, de slapstick à la limite du vaudeville, de direction d’acteurs, sans oublier évidemment la vivacité de la mise en scène et un montage percutant. Peu importent donc les faiblesses du film, car La Brune brûlante est l’occasion d’admirer l’immense talent et la beauté des trois acteurs principaux, notamment Paul Newman, survolté, qui s’avère remarquable dans le registre de la comédie et dont le jeu physique n’est pas sans rappeler celui du James Stewart des années 1930.

LE DVD

Le DVD de La Brune brûlante repose dans un boîtier Amaray classique, lui-même glissé dans un surétui cartonné. La jaquette est estampillée du logo de la collection Hollywood Legends, disponible chez ESC Conseils. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur joint une présentation du film par Olivier Père (22’), intitulée Dernier feu d’artifices. Le directeur du cinéma d’Arte France se penche tout d’abord sur la carrière du cinéaste Leo McCarey, qu’il qualifie – avec raison – comme étant un des plus grands réalisateurs hollywoodiens. Il évoque quelques-uns de ses films les plus célèbres, les grandes étapes de sa longue et prolifique carrière, avant d’en venir à La Brune brûlante, en analysant à la fois le fond et la forme. Olivier Père aborde également les thèmes et le casting du film.

L’Image et le son

Présenté dans un nouveau master restauré en Haute-Définition, La Brune brûlante ravit les yeux. Le grain original est respecté et on ne peut qu’apprécier de (re)découvrir cette comédie de Leo McCarey dans de telles conditions techniques. Les points forts de ce nouveau master restauré étant sans nul doute sa luminosité, sa stabilité et sa propreté irréprochable. Les contrastes sont traités avec une belle délicatesse, tout comme le Technicolor, formidablement restitué. N’oublions pas une compression solide comme un roc, ainsi qu’un piqué parfois étonnant.

L’acoustique de cette édition s’avère très plaisante, en anglais comme en français. La musique accompagne les dialogues de manière très harmonieuse, les voix des comédiens demeurent claires et l’ensemble possède une dynamique exquise dépourvue du moindre souffle. Les sous-titres français ne sont pas imposés.

Crédits images : © ESC Conseils – 20th Century Fox / Captures Blu-ray : Franck Brissard

Test Blu-ray / Larry le dingue, Mary la garce, réalisé par John Hough

LARRY LE DINGUE, MARY LA GARCE (Dirty Mary, Crazy Larry) réalisé par John Hough, disponible en DVD et Blu-ray le 7 septembre 2016 chez Esc Conseils

Acteurs : Peter Fonda, Susan George, Adam Roarke, Vic Morrow, Kenneth Tobey, Eugene Daniels, Lynn Borden

Scénario : Leigh Chapman, Antonio Santean d’après le roman de Richard Unekis

Photographie : Michael D. Margulies

Musique : Jimmie Haskell

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1974

LE FILM

Larry, pilote de course féru de vitesse, Deke le mécanicien et Mary, l’amante de Larry sont tous les trois pourchassés par la police. Plus tôt, ils ont dévalisé les caisses d’un supermarché et se sont enfuis à bord d’un bolide qui fonce droit sur la route sans se soucier des dangers et des barrages placés par les forces de l’ordre. Parviendront-ils à quitter l’État et à participer au circuit international de course automobile ?

A l’instar de Point limite zéro Vanishing Point de Richard C. Sarafian (1971), Macadam à deux voiesTwo-Lane Blacktop de Monte Hellman (1971) et Electra Glide in Blue de James William Guercio (1973), Larry le dingue, Mary la garce Dirty Mary, Crazy Larry de John Hough (1974) demeure un symbole de la contre-culture américaine. A la fin des années 60, aux Etats-Unis, le road-movie prend son envol avec la sortie du film de Dennis Hopper, Easy Rider. C’est l’époque des grands chamboulements, la guerre du Vietnam a traumatisé l’Amérique, la révolution sexuelle bat son plein, les mœurs et les actes changent et se libèrent. Il y a eu Woodstock en 69 et l’affaire Charles Manson. Les films mentionnés se situent à une époque charnière de l’histoire de l’Amérique faite de bouleversements et de changements profonds. Le cinéma aussi se renouvelle avec la naissance du Nouvel Hollywood et l’émergence de jeunes réalisateurs : Coppola, Scorsese, Lucas, Spielberg. D’autres font figure d’outsiders et s’engouffrent dans la brèche du road-movie, parfois mystique et mélancolique. Si Easy Rider était un film sex, drug and rock n’roll, Macadam à deux voies se distinguait par son absence totale de violence, de sexe et de substances illicites.

Le pilote de course Larry et son mécanicien Deke réussissent de manière astucieuse à voler la recette d’un supermarché. Obligés d’emmener Mary Coombs, une rencontre d’un soir de Larry qui a été témoin du vol, ils parviennent à passer à travers tous les barrages que les policiers mettent sur leur route, grâce à leur bolide trafiqué, une Dodge Charger 1969 modèle sport. Le capitaine Franklin, qui dirige l’opération, commence à en faire une affaire personnelle et tente de les arrêter par tous les moyens possibles. Larry le dingue, Mary la garceDirty Mary, Crazy Larry marque la fin d’une époque, mais ne se résume pas à une des plus hallucinantes courses-poursuites de l’histoire du cinéma.

Durant 1h33, on ne saura quasiment rien des personnages, de leur vie et du but de ce voyage, à part celui de prendre la fuite avec le butin d’un casse, mis en scène de manière plutôt cool, afin de pouvoir concourir à une course sur un circuit professionnel. Ils se situent pleinement dans la contre-culture des années 70 avec un caractère bien trempé (Mary est d’ailleurs la plus explosive du trio), contestataire et provocateur. Larry le pilote (Peter Fonda, qui fait le lien avec Easy Rider), Deke son mécanicien (Adam Roarke) qui prend autant soin de la bagnole que de Larry quand il s’égare, et Mary (Susan George) la copine d’un soir de Larry qui s’est incrustée dans leur cavale, refusent d’obtempérer avec les autorités, qu’ils écoutent en étant branchés sur leurs ondes. D’où cette fuite éperdue où tous les coups sont permis, où Larry, lancé à fond sur le bitume, défie toutes les règles en tentant d’échapper à tous les flics – qui s’en donnent également à coeur joie sur la route – de la région, dont un en particulier, Everett Franklin (Vic Morrow, génial) qui les poursuit dans un hélicoptère, dans un affrontement encore très impressionnant aujourd’hui.

Larry et ses deux comparses, sont les derniers héros de l’Amérique, libres face aux forces répressives. Larry le dingue, Mary la garce est devenu pour de nombreux cinéphiles un vrai film de chevet et le mythe autour de ce film s’est construit avec le temps, certaines répliques vachardes étant même entrées dans le langage courant chez certains cinéphiles US. Grand fan de Larry le dingue, Mary la garce, Quentin Tarantino s’en est grandement inspiré (comme d’habitude) pour Boulevard de la mort. Pourtant ce n’est pas tant l’histoire qui nous captive mais les engueulades du couple principal, la splendeur des paysages américains, son rythme trépident, les routes longilignes à n’en plus finir, là où le réalisateur britannique John Hough (Les Sévices de Dracula, La Montagne ensorcelée, Les Yeux de la forêt), prend plaisir à nous égarer à fond la caisse, dans un nuage de poussière, pour son premier film américain. Approche palpable du chaos, dénouement brutal, désenchanté et étourdissant, film enragé, indispensable !

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Larry le dingue, Mary la garce, disponible chez ESC Conseils, repose dans un boîtier classique de couleur rouge. La jaquette aux couleurs flashy saura attirer l’oeil des cinéphiles. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur joint une présentation du film par Olivier Père (20’), intitulée En route vers la contre-culture. Le directeur du cinéma d’Arte France se penche tout d’abord sur la carrière du cinéaste John Hough. Il évoque ses films de genre et fantastiques, puis en vient ensuite au film qui nous intéresse en analysant à la fois le fond et la forme. Olivier Père considère Larry le dingue, Mary la garce comme un des films les plus intéressants du réalisateur, analyse les personnages, le dénouement et le casting.

L’Image et le son

Jusqu’alors inédit dans nos contrées en DVD et Blu-ray, Larry le dingue, Mary la garce nous arrive en Haute-Définition grâce aux bons soins d’ESC Conseils. Cette édition Blu-ray au format 1080p (AVC) nous propose des couleurs étincelantes, un piqué vif, des contrastes très élégants et une remarquable stabilité. L’élévation HD n’est pas négligeable pour un titre comme celui-là, loin de là. Saluons avant tout l’impeccable étalonnage qui rend justice aux tonalités originelles du film. L’image retrouve son caractère fluide et naturel, notamment au niveau des splendides décors, paysages et longues routes de l’Amérique profonde, mais également au niveau des visages. Le cadre est riche en détails. Chaque plan ou sujet d’arrière-plan est d’une qualité et d’une profondeur séduisantes. Aucune tâche ou défaut n’est constatable, si ce n’est quelques troubles et sensibles pertes de la définition sur les scènes sombres. Que les puristes soient rassurés, le superbe grain de la photo est savamment restitué. Larry le dingue, Mary la garce retrouve un éclat fantastique et la restauration demeure impressionnante.

Rien à redire à propos des pistes anglaise et française DTS-HD Master Audio Mono, amplement suffisantes et accompagnant élégamment le film de John Hough. Aucun souffle constaté sur les deux pistes et les dialogues restent très clairs tout du long. La musique tient également une place prépondérante et aucun accroc ne vient perturber sa restitution. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue ne peut se faire à la volée.

Crédits images : © ESC Conseils/ Captures Blu-ray : Franck Brissard

 

Test Blu-ray / Désirs volés, réalisé par Shōhei Imamura

DESIRS VOLES (Nusumareta yokujô) réalisé par Shôhei Imamura, disponible en DVD et Combo Blu-ray + DVD le 15 novembre 2016 chez Elephant Films

Acteurs : Osamu Takizawa, Shin’ichi Yanagisawa, Hiroyuki Nagato, Kô Nishimura, Toshio Takahara, Shôjirô Ogasawara

Scénario : Toshiro Suzuki

Photographie : Kuratarô Takamura

Musique : Toshirô Mayuzumi

Durée : 1h28

Date de sortie initiale : 1958

LE FILM

A Osaka, dans un quartier populaire, une troupe de Kabuki se voit contrainte pour faire venir le public et survivre de proposer des strip-teases en première partie. Mais lorsque le théâtre ferme, la troupe, fragilisée par des conflits amoureux et pécuniaires, est obligée de reprendre la route.

Sorti en 1958, Désirs volés est le premier long métrage réalisé par Shōhei Imamura (1926-2006), découvert en France avec La Femme insecte en 1963. Le cinéaste japonais se penche sur une troupe d’acteurs de théâtre itinérant de seconde zone expulsée d’Osaka. A la campagne, les comédiens reçoivent un accueil bien plus enthousiaste qu’en ville et rencontrent un vif succès. Cependant, des tensions existent dans la troupe entre le jeune metteur en scène Shinkishi qui a étudié à l’université, et les acteurs plus âgés. Il souhaiterait moderniser le répertoire et faire des répétions pour améliorer les pièces. Il est de plus amoureux de Chidori, une des filles du chef de la troupe pourtant mariée à l’acteur principal, tout en étant convoité par l’autre sœur, Chigusa.

Shōhei Imamura a fait ses classes en tant qu’assistant auprès d’illustres réalisateurs comme Nagisa Oshima et Yasujiro Ozu. Il aura une très mauvaise expérience auprès de ce dernier et voudra très tôt s’en démarquer. Inspiré par le cinéma européen, notamment par le néoréalisme italien, Désirs volés montre déjà l’attirance du cinéaste pour les personnages marginaux confrontés à la violence de la réalité sociale. S’il n’est pas un chef d’oeuvre, ce premier film est un vrai coup de maître et demeure impressionnant de maîtrise, de sensualité (pour ne pas dire de sexualité), d’humour et de sensibilité, qui détonne radicalement avec l’ensemble des productions japonaises de l’époque. On suit l’itinéraire de cette petite troupe de théâtre fauchée, menée par un auteur frustré, découragé en voyant que seuls les numéros de jeunes filles dénudées attirent les spectateurs durant la première partie. Certains membres expriment leur désir de quitter l’aventure.

La mise en scène d’Imamura impressionne par la beauté et la composition du cadre large – Nikkatsu Scope (le plan aérien d’ouverture est sublime), ainsi que par son énergie, mais également quand elle s’attarde sur les corps, tout en rendant compte des tromperies et de la perversité de certains personnages. Tout ce beau petit monde cohabite sous le même chapiteau, tandis que les ruraux ont du mal à calmer leurs ardeurs devant les atouts affriolants des danseuses, au point d’aller les reluquer sous la douche. Si l’intrigue peut paraître parfois confuse, Imamura commence à observer ses concitoyens avec l’oeil acéré d’un entomologiste. Le ton y est réaliste et provocateur, avec quelques touches poétiques et de cynisme, mélancolique et tendre.

Le cinéaste parvient d’emblée à imposer son univers, tout en posant les bases (les désirs contrariés et donc humains) d’une œuvre qui s’étendra sur près de 45 ans et qui sera récompensée par deux Palme d’or, pour La Ballade de Naramaya (1983) et pour L’Anguille (1997). Désirs volés est le premier jalon indispensable de la filmographie d’un des grands maîtres de la Nouvelle vague japonaise.

LE BLU-RAY

Désirs volés est édité en combo par Elephant Films dans sa collection Cinéma Master Class – La Collection des Maîtres, avec un joli fourreau cartonné et un boîtier plastique contenant le Blu-ray et le DVD du film. Le visuel de la jaquette est vraiment très élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

En plus d’un livret de 20 pages intitulé Shōhei Imamura, maître des désirs inassouvis par Bastian Meiresonne, de bandes-annonces (dont celles de la première salve Imamura sortie fin 2015 chez l’éditeur), d’une galerie de photos et des credits du disque, nous trouvons une courte mais très bonne présentation de Désirs volés par Stephen Sarrazin (8’). Notre interlocuteur, spécialiste du cinéma japonais expose les débuts de Shōhei Imamura dans le cinéma, notamment en tant qu’assistant de Yasujiro Ozu, puis les thèmes abordés dans son premier long métrage, qui seront ensuite repris dans ses autres films. L’histoire de Désirs volés est passée au crible, tout comme le traitement des personnages et l’opposition entre le corps et la culture.

L’Image et le son

Franchement, nous ne nous attendions pas à un résultat aussi beau. Malgré quelques imperfections, un léger fourmillement, des fondus enchaînés qui décrochent légèrement et des contrastes parfois déséquilibrés, ce nouveau master restauré HD (1080p, AVC) s’impose aisément comme l’une des plus belles surprises de cette fin d’année. Ce qui frappe d’emblée, mis à part le fantastique usage du cadre large, c’est la densité du N&B et la profondeur de champ qui est souvent admirable. La photo est formidablement nuancée avec une large palette de gris, un blanc lumineux et des noirs profonds. La gestion du grain est fort plaisante. La copie est lumineuse et le rendu des textures est très réaliste.

Seule la version originale DTS HD Master Audio Mono 1.0 est disponible (qui s’en plaindra ?) et se révèle heureusement riche et propre. La musique est joliment restituée, le report des voix est appréciable, évite toutes saturations exagérées et l’ensemble est au final suffisamment dynamique et sans souffle parasite.

Crédits images : © Elephant Films / Captures Blu-ray : Franck Brissard

Test DVD / Buck et son complice, réalisé par Sidney Poitier

BUCK ET SON COMPLICE (Buck and the Preacher) réalisé par Sidney Poitier, disponible en DVD le 21 novembre 2016 chez Sidonis Calysta

Acteurs : Sidney Poitier, Harry Belafonte, Ruby Dee, Cameron Mitchell, Denny Miller, Nita Talbot, John Kelly

Scénario : Ernest Kinoy

Photographie : Álex Phillips Jr.

Musique : Benny Carter

Durée : 1h38

Date de sortie initiale : 1972

LE FILM

Après la guerre de Sécession, Buck, un ancien sergent de la cavalerie de l’armée de l’Union, prend la tête d’un groupe d’esclaves affranchis voulant passer la frontière du Colorado. Dans ce groupe voyagent aussi sa femme et un pseudo pasteur dont la Bible truquée contient un revolver. Les voyageurs sont attaqués par des hordes d’anciens esclavagistes qui tentent de les renvoyer à leur misérable vie dans les fermes de Louisiane; Buck et ses compagnons devront faire preuve de courage pour parvenir à leur but ultime : s’installer dans une terre de promesses et connaître enfin une existence d’hommes libres.

Buck et son compliceBuck and the Preacher (1972), est le premier long métrage réalisé par l’immense comédien Sidney Poitier, même si le tournage avait été commencé par Joseph Sargent (L’Espion au chapeau vert, Les Pirates du métro et responsable plus tard de l’inénarrable Dents de la mer 4 – La revanche), rapidement remercié par les producteurs qui n’étaient pas satisfaits de son travail. Ce film issu de la célèbre vague dite de la Blaxploitation, réunit les deux comédiens afro-américains les plus célèbres, Sidney Poitier donc, et Harry Belafonte, tous les deux ayant été très actifs dans la lutte pour l’égalité des droits civiques aux États-Unis. Western atypique, mais intéressant, bien mené, drôle, violent, porté par le charisme et le talent des comédiens, notamment le jeu explosif d’Harry Belafonte, Buck et son complice se passe à la fin de la guerre de Sécession. L’esclavage est aboli, mais les Noirs restent privés de droits et de liberté. Nombreux partent vers l’Ouest, à la recherche de terres où ils seraient enfin libres. Mais de cruelles épreuves les attendent, notamment la chasse que leur font les rabatteurs de main-d’oeuvre, chargés de les ramener à leurs anciens maîtres. Buck et son complice est dédié « aux femmes, hommes et enfants en quête de liberté, dont les tombes sont aussi oubliées que leur rôle dans l’Histoire » indique un panneau en introduction.

Sidney Poitier fait preuve d’un indéniable talent de metteur en scène et s’en tire haut la main en ce qui concerne les scènes d’action et de fusillades, mais aussi pour instaurer une ambiance atypique, ici héritée du western italien dans l’usage systématique des zooms et des gros plans, y compris dans la partition aux accents très « morriconiens » (avec l’usage d’une guimbarde) de l’immense musicien de jazz Benny Carter. On ne s’ennuie pas une seconde dans cette histoire de traque où des bandits blancs à la solde de proprios terriens, désireux de mettre la main sur leurs anciens esclaves, n’hésitent pas à saccager, brûler, piller et tuer des convois entiers, afin d’obliger ces familles entières à rebrousser chemin et à retourner servir leurs anciens maîtres. Heureusement, ils peuvent compter sur Buck (Sidney Poitier), prêt à tout pour les aider à traverser l’Ouest, même s’il trouve sur son chemin un pasteur intrigant (Harry Belafonte) aux yeux exorbités et aux dents gâtés, qui se révèle être un as de la gâchette.

Buck et son complice joue avec les codes du genre, en offrant à son casting afro-américain des rôles forts, à travers lesquels s’insinue en filigrane le célèbre engagement politique des deux stars. Bien sûr, le film est un divertissement et le tandem n’hésite pas à tuer une dizaine, si ce n’est plus, de bad guys blancs particulièrement pourris, mais Poitier/Belafonte souhaitent montrer aux spectateurs que les comédiens afro-américains peuvent eux aussi interpréter des héros de l’Ouest, loin des clichés habituels qui voudraient que chaque personnage noir doive obligatoirement être un esclave, un valet ou une cuisinière. Ici, les deux sont armés de deux pétoires et n’hésitent pas à s’en servir pour se défendre ou pour récupérer ce qui leur appartient. Alors non, Quentin Tarantino n’a absolument rien inventé avec son Django Unchained dans lequel il ne fait que recycler encore les films qu’il aime. Buck et son complice est un film politique et incite à la réflexion tout en divertissant avec un aspect buddy-movie. Une très bonne surprise et à connaître donc.

LE DVD

Le test du DVD de Buck et son complice, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

En dehors de la bande-annonce et d’une courte galerie de photos et d’affiches, nous ne trouvons qu’une présentation du film par Patrick Brion (14′). Comme d’habitude, l’historien du cinéma démarre ce supplément en donnant quelques titres de westerns sortis la même année que le film qui nous intéresse, 1972, qui selon n’est pas une mauvaise année pour le genre. Ensuite, Patrick Brion replace Buck et son complice dans la Blaxploitation, évoque le réalisateur Joseph Sargent, très vite débarqué du tournage pour être finalement remplacé par Sidney Poitier. C’est l’occasion pour Brion de parler des comédiens, de leur filmographie et de leur combat pour l’égalité des droits civiques.

L’Image et le son

Le master présenté a été restauré. La copie est stable et propre, malgré des points blancs et poussières encore visibles. Le format 1.85 est respecté tout comme les partis pris esthétiques. Certaines séquences, apparaissent sensiblement plus granuleuses, mais la texture argentique est bien gérée. L’ensemble se tient avec notamment de très belles couleurs et des contrastes soignés y compris sur les séquences peu éclairées. La clarté est de mise et les détails ne manquent pas, surtout sur les paysages traversés par les personnages. Buck et son complice est un film très rare en France et la copie dénichée par Sidonis Calysta participe à sa résurrection dans l’Hexagone.

L’éditeur nous propose ici les versions originale et française restaurées en mono 2.0. Les mixages s’avèrent propres, dynamiques, et restituent solidement les voix et la musique, fluides, sans souffle. Le confort acoustique est largement assuré dans les deux cas avec de belles ambiances naturelles. Les sous-titres français sont imposés sur cette dernière et le changement impossible à la volée. En version française, Sidney Poitier est doublé par le grand Serge Sauvion.

Crédits images : © Sidonis Calysta / Captures DVD : Franck Brissard

 

Test Blu-ray / Le Grand chantage, réalisé par Alexander Mackendrick

LE GRAND CHANTAGE (Sweet Smell of Success) réalisé par Alexander Mackendrick, disponible en Édition Collector Blu-ray + 2 DVD + Livre de 224 pages le 7 décembre 2016 chez Wild Side Vidéo

Acteurs : Burt Lancaster, Tony Curtis, Susan Harrison, Marty Milner, Sam Levene, Barbara Nichols, Jeff Donnell

Scénario : Clifford Odets, Ernest Lehman d’après sa nouvelle « Tell Me About it Tomorrow »

Photographie : James Wong Howe

Musique : Elmer Bernstein

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 1957

LE FILM

J.J. Hunsecker est le puissant et redouté chroniqueur d’un journal à sensation, le «New York Globe», lu par soixante millions de personnes. Lorsqu’il apprend que sa soeur Susan, qu’il aime de façon possessive, est éprise d’un jeune guitariste de jazz, Steve Dallas, il entreprend de briser cette idylle naissante en diffamant ce dernier. Sidney Falco, attaché de presse à la botte de Hunsecker et assoiffé de pouvoir, insinue dans un premier temps que Dallas est drogué, avant de l’accuser d’appartenir au Parti communiste, charge gravissime dans les années 50. Steve est immédiatement renvoyé du cabaret où il jouait…

Avant Le Grand chantage, jamais nous n’avions vu Burt Lancaster et Tony Curtis – qui venaient de tourner Trapèze sous la direction de Carol Reed – interpréter des personnages aussi immondes et dépourvus de morale. Chef d’oeuvre à réhabiliter de toute urgence, Sweet Smeel of Success est réalisé par Alexander Mackendrick (1912-1993), réalisateur britannique, né aux Etats-Unis mais élevé en Ecosse. Après des études d’art à Glascow au début des années 1920, Alexander Mackendrick devient directeur artistique pour une agence de publicité londonienne, puis devient auteur de publicités avant de signer son premier scénario pour le cinéma. Durant la Seconde Guerre mondiale, il est engagé par le Ministère de l’Information et réalise des films de propagande pour son pays. Mackendrick tourne également des documentaires et des films d’actualité. Après la guerre, il est engagé par les célèbres studios Ealing. Il y restera neuf ans, tout d’abord en commençant par réaliser des storyboards, puis en mettant en scène lui-même des longs métrages pour le cinéma. Il se spécialisera dans la comédie avec des films aussi célèbres que Whisky à gogo ! (1949), L’Homme au complet blanc (1951) et Tueurs de dames – The Ladykillers (1955). Bien que méfiant envers l’industrie hollywoodienne, le cinéaste tente sa chance et se voit engager par la maison de production Hecht-Hill-Lancaster pour réaliser Le Grand chantage – Sweet Smeel of Success.

Il quitte alors la Grande-Bretagne et se voit confier un scénario écrit par le dramaturge Clifford Odets, auteur du Grand couteau (adapté par Robert Aldrich en 1955), qui malheureusement est resté célèbre pour avoir donné des noms à la Commission des activités antiaméricaines, ayant lui-même fait l’objet d’une enquête initiée par Joseph McCarthy. Odets adapte la nouvelle Tell Me About it Tomorrow (publiée en 1950), d’après Ernest Lehman (Sabrina, Le Roi et moi), qui collabore également à l’écriture. Mackendrick doit commencer le tournage alors que le scénario n’est pas encore terminé. Il faut dire que la production est houleuse. Dans son roman d’origine, Ernest Lehman s’inspirait ouvertement de Walter Winchell, véritable chroniqueur, qui demeure une des personnalités les plus influentes et puissantes de son temps. Ce dernier tente de faire pression sur Burt Lancaster, qui au départ ne devait que produire le film et Orson Welles interpréter le rôle de J.J. Hunsecker. De son côté, Alexander Mackendrick parvient à s’imposer malgré les remontrances de la production, grâce à son tempérament forgé en Ecosse.

Le Grand chantage – Sweet Smeel of Success est une charge virulente contre le milieu des agents, attachés de presse et chroniqueurs. Tony Curtis incarne Sidney Falco, minable agent publicitaire de Broadway, qui sert en réalité d’informateur au tout-puissant éditorialiste du journal Le Globe, J.J. Hunsecker (Burt Lancaster), qu’il hait et envie à la fois. Soumis aux basses oeuvres, ce rat nerveux, servile et noctambule, s’est vu confier une nouvelle mission par Hunsecker : briser par un scandale l’idylle nouée entre sa propre sœur Susan (Susan Harrison, belle et délicate), pour laquelle il voue un amour quasi-incestueux, et un jeune musicien de jazz, Steve Dallas. Après un premier échec, Hunsecker laisse une dernière chance à Falco pour arriver à ses fins. C’est la confrontation entre deux hommes dépourvus de scrupules, dont l’un envie le pouvoir, l’influence (60 millions d’auditeurs lisent chaque jour la chronique Les Yeux de Broadway), l’aura et l’omnipotence de l’autre bien installé sur un trône qu’il n’est pas prêt de céder. Falco va devoir redoubler de malice et faire jouer ses contacts, hommes et femmes, même s’il doit se compromettre lui-même. Le Grand chantage est avant tout l’occasion d’admirer deux immenses comédiens, absolument remarquables dans le rôle de deux individus pourris jusqu’à la moelle.

L’un, Falco, dévoré par l’ambition, ne tient pas en place (Mackendrick avait demandé à Tony Curtis de bouger sans arrêt comme une bête aux abois) et semble toujours prêt à éviter les coups, tandis que l’autre, monstre mégalo et narcissique qui considère que tout lui est acquis, demeure le plus souvent assis, à table ou bien campé sur ses deux jambes comme des piliers scellés dans le sol. Sur place, il est capable de ruiner la carrière ou de détruire plusieurs vies. Leur opposition fait des étincelles, Burt Lancaster étant absolument glacial, menaçant et très inquiétant avec son regard pénétrant qui filtre à travers ses grandes lunettes. Pour l’anecdote, afin de faire ressortir le côté oppressant du personnage de Lancaster, Mackendrick avait demandé au chef opérateur James Wong Howe d’éclairer le comédien par le haut, afin de faire ressortir les ombres et donner à son visage un aspect spectral. Par ailleurs, la photo du chef opérateur de La Glorieuse parade et de L’Introuvable est absolument magnifique et renvoie à l’essence des films noirs américains des années 1940. James Wong Howe capture l’effervescence du New York by night. En effet, Le Grand chantage est un des premiers films à capturer la Grosse Pomme, la nuit, la ville devenant ainsi un véritable personnage à part entière avec ses rues luisantes de pluie et ses clubs de jazz enfumés. Ainsi, la ville s’apparente à une souricière où tous les coups sont permis dès que le soleil se couche. Ajoutons à cela la fiévreuse partition de l’immense Elmer Bernstein, entêtante et enivrante.

A sa sortie, Le Grand chantage est éreinté par la critique, les fans de Tony Curtis reprochent au comédien de jouer une ordure et le film connaît un bide retentissant en juillet 1957. Considéré comme un des « responsables » de cet échec, Alexander Mackendrick finira par être renvoyé du tournage – puis remplacé par Guy Hamilton – de l’adaptation de The Devil’s Disciple de George Bernard Shaw, également produite par Hecht-Hill-Lancaster, quelques jours après le début des prises de vues parce que son travail était jugé trop lent par Lancaster, à défaut de parler de perfectionnisme. Il faudra attendre près d’un demi-siècle pour que Le Grand chantage soit enfin reconnu comme un vrai chef d’oeuvre, sombre et redoutablement pessimiste, de l’histoire du cinéma.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray du Grand chantage, disponible chez Wild Side, a été réalisé sur un check-disc. Cette superbe édition se compose du Blu-ray, de deux DVD (le film et ses suppléments), ainsi que d’un livre remarquable, exhaustif, exclusif et impressionnant de 224 pages sur le film, sa genèse, son tournage et sa sortie, écrit par Philippe Garnier (journaliste et historien du cinéma), illustré de magnifiques photos, d’affiches et de documents d’archives rares. Le menu principal est animé et musical.

Commençons par le documentaire exclusif sur la carrière de Mackendrick intitulé The man who walked away (43′ – 1986). Composé des propos des réalisateurs Charles Crichton et John Milius, des acteurs Gordon Jackson, Burt Lancaster et James Coburn et du producteur James Hill, ce documentaire donne également la parole au cinéaste Alexander Mackendrick lui-même, qui revient sur l’ensemble de sa carrière. Les autres protagonistes évoquent la méthode de travail du metteur en scène, ses films les plus illustres, tandis que Mackendrick aborde son travail avec franchise et modestie.

Auteur de Lethal Innocence : the cinema of Alexander Mackendrick, l’historien du cinéma Philip Kemp propose ensuite une présentation du Grand chantage (26′) avec en fond quelques images tirées du film, diverses photos et d’autres archives. Philip Kemp croise le fond avec la forme à travers un exposé brillant – dans lequel il égratigne également les deux jeunes comédiens – et indispensable pour les cinéphiles avides d’en savoir un peu plus sur les conditions de tournage, la carrière d’Alexander Mackendrick et sa direction d’acteurs.

Philip Kemp est également présent dans le supplément suivant, pour commenter quelques scènes clés et spécifiques du Grand chantage (32′) : le bureau de Sidney, à la rencontre de J.J., Sidney et Rita, le piège de Hunsecker, Harry Kello, l’épreuve de force, Mackendrick et la postérité. Devant ces propos passionnants, on regrette que Philip Kemp n’ait pas commenté l’entièreté de ce chef d’oeuvre !

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Quel plaisir de (re)découvrir ce bijou noir dans de telles conditions ! Wild Side se devait de restituer la beauté originelle du N&B (noirs denses, blancs éclatants) du Grand chantage, présenté pour l’occasion dans sa version intégralement restaurée. L’apport HD demeure omniprésent, fabuleux, impressionnant, offrant aux spectateurs un relief inédit, des contrastes denses et chatoyants, ainsi qu’un rendu ahurissant des gros plans, des clubs de jazz enfumés et des rues sombres et luisantes de pluie. La propreté du master (1.66, 16/9 compatible 4/3) est ébouriffante, aucune scorie n’a survécu au lifting numérique, la stabilité (y compris sur les fondus enchaînés) et la clarté sont de mise, le grain cinéma respecté et la compression AVC de haute volée restitue les clairs-obscurs et les sous-expositions pour le plus grand plaisir des cinéphiles…et des yeux.

Les versions originale et française bénéficient d’un mixage DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Dans les deux cas, l’espace phonique se révèle probant et dynamique, le confort est indéniable, et les dialogues sont clairs, nets, précis. Sans surprise, au jeu des comparaisons, la piste anglaise s’avère plus naturelle et harmonieuse.. Que vous ayez opté pour la langue de Shakespeare (conseillée) ou celle de Molière, aucun souffle ne vient parasiter votre projection et l’ensemble reste propre. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue se fait grâce au menu pop-up.

Crédits images : © Wild Side Vidéo / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Généalogies d’un crime, réalisé par Raoul Ruiz

GENEALOGIES D’UN CRIME réalisé par Raoul Ruiz, disponible en combo Blu-ray+DVD le 15 novembre 2016 chez Blaq Out

Acteurs : Catherine Deneuve, Michel Piccoli, Melvil Poupaud, Andrzej Seweryn, Bernadette Lafont, Mathieu Amalric

Scénario : Pascal Bonitzer, Raoul Ruiz

Photographie : Stefan Ivanov

Musique : Jorge Arriagada

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 1997

LE FILM

Jeanne, une analyste freudienne, croit voir dans son neveu, âgé de cinq ans, des tendances homicides. Or elle sait que – selon un mot de Freud – à l’âge de cinq ans « tout est joué » pour tout individu. Elle décide donc d’étudier l’évolution inexorable de ses penchants criminels, jusqu’au moment où il commet le crime tant attendu : il tue sa tante, seule personne à connaître ses penchants. Le jeune criminel, René, est défendu par Solange, une avocate qui cherchera à démonter les mécanismes du jeu subtil auquel se sont livrés la victime et le futur criminel, pendant plus de dix ans. Peu à peu, le jeune homme commence à voir dans l’avocate, sa tante morte. Et l’avocate voit dans le jeune homme, son propre fils, mort dans un accident. Voilà donc que le fantôme de Jeanne, la victime, s’incarne dans Solange, l’avocate, pour ainsi peut-être donner une nouvelle chance au jeune criminel.

Généalogies d’un crime de Raoul Ruiz (1941-2011) n’est pas du cinéma mais LE Cinéma, libre, inventif, rafraîchissant. Véritable jeu de pistes, mais aussi jeu de reflets, de mots, d’ombres, de miroirs sans tain et teinté de peinture, jouant avec virtuosité avec la caméra (sans cesse en mouvement), les récits et époques (d’où le pluriel du titre) entrelacées de manière vertigineuse, nous sommes bien devant une œuvre, un chef d’oeuvre du réalisateur franco-chilien et conteur baroque par excellence. Impossible de résumer Généalogies d’un crime tant le film regorge de tiroirs, de fantasmes, de non-dits, de mensonges, de points de vue, parfois tout cela pendant une même séquence.

Magnifiquement mise en scène, photographiée par Stefan Ivanov et bercée par la splendide composition de Jorge Arriagada (Les Femmes du 6e étage), cette histoire renversante s’amuse avec les spectateurs en lui faisant croire que ce qu’il voit est réel ou inventé au cours du récit. Dès la première séquence introduite par la citation de Saint-Just « Rien ne ressemble à la vertu comme un grand crime », le cinéaste happe l’attention du spectateur et ne le relâchera pas une seconde pendant près de deux heures, en démontrant que l’histoire – ici inspirée par la véritable affaire Hermine Von Hug-Hellmuth – n’est finalement qu’un éternel recommencement et que les êtres humains ne sont que des pantins manipulés par une force qui les domine.

Après La Vocation suspendue (1977) et Trois vies et une seule mort (1995), Pascal Bonitzer et Raoul Ruiz collaborent à nouveau pour offrir un formidable et jubilatoire drame-policier bourré d’humour, un film inclassable qui jongle constamment avec les genres et qui offre à tous ses magnifiques comédiens, Catherine Deneuve (blonde et rousse, sublime), Melvil Poupaud, Michel Piccoli (magistral), Bernadette Lafont, Mathieu Amalric et même Patrick Modiano dans une courte apparition, l’occasion de briller et surtout de s’amuser au jeu du chat et de la souris, dont les rôles ne font que s’inverser sans cesse, à travers une intrigue de plus en plus hermétique qui n’est pas sans rappeler l’univers de Raymond Chandler.

Certes, Généalogies d’un crime peut laisser (et lasser) quelques spectateurs en cours de route avec son ton dispersé et unique et qui n’appartient qu’à son auteur, mais ceux qui voudront bien se laisser emporter par ce brillant exercice de style, à la fois intellectuel, psychologique, littéraire et populaire, ne le regretteront pas, surtout que le twist final s’avère remarquable et l’on demeure ravi de s’être fait manipuler et surtout d’avoir joué. Réalisé entre Trois vies et une seule mort (1995) et Le Temps retrouvé (1998) d’après Marcel Proust, Généalogies d’un crime a obtenu l’Ours d’argent au Festival de Berlin en 1997.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Généalogies d’un crime, disponible chez Blaq Out, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est élégant, fixe et musical.

Seul supplément disponible sur cette édition Blu-ray, l’interview de Raoul Ruiz (25’), réalisée par Philippe Piazzo en juin 2009. A l’instar de ses films, le réalisateur entrecroise les sujets, parle de la magie, de l’art de s’échapper, de littérature, de l’évolution du cinéma, du numérique, de son style, de ses « collections d’apocalypses », de faits à accomplir. Il n’est pas interdit de se perdre au fil de cette interview, illustrée par des extraits tirés de plusieurs de ses films. C’est non seulement conseillé, mais également inévitable.

L’Image et le Son

Généalogies d’un crime est disponible en Haute-Définition, dans un master restauré à 2K par l’incontournable Immagine Ritrovata de la Cinémathèque de Bologne. La propreté de l’image de ce Blu-ray (1080p, AVC) flatte les mirettes, d’autant plus que les couleurs retrouvent une belle vivacité, notamment les bleus, quasiment omniprésents. En dehors de divers plans plus ternes, le relief est palpable, y compris sur les plans en intérieur, tout comme le piqué, vif et acéré. Les noirs sont denses, les contrastes solides, et les superbes partis pris de la photo du chef opérateur Stefan Ivanov trouvent ici l’écrin idéal avec le grain respecté.

Que ce soit en DTS-HD Master Audio 5.1 ou 2.0, le confort acoustique est indéniable. La musique est doucement spatialisée, les dialogues bien installés sur la centrale et les effets riches sur les frontales à l’instar de la pluie en ouverture. Si la Stéréo est évidemment plus « plate », elle s’avère tout aussi dynamique. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Copyright Blaq Out / Captures du Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / The Creation of the Humanoids – Coffret La Guerre des Robots, réalisé par Wesley Barry

creation-of-the-humanoids2

THE CREATION OF THE HUMANOIDS réalisé par Wesley Barry, disponible en coffret DVD Prestige « La Guerre des Robots » le 6 décembre 2016 chez Artus Films

Acteurs : Don Megowan, Erica Elliott, Frances McCann, Don Doolittle, David Cross, Richard Vath, Reid Hammond, Malcolm Smith

Scénario : Jay Simms

Photographie : Hal Mohr

Musique : Edward J. Kay

Durée : 1h15

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

Dans un monde post-apocalyptique, des robots aident la race humaine mourante en leur donnant des corps androïdes.

vlcsnap-2016-12-08-12h05m47s196vlcsnap-2016-12-08-12h14m11s121

Après plusieurs explosions nucléaires, une voix-off bercée par les notes dissonantes d’un thérémine annonce « Cela s’est produit. La Guerre atomique ». Elle fut très brève et ne dura que 48 heures. En deux semaines, 92 % de la population a disparu, victimes des bombardements et des radiations. Les rescapés se sont lancés dans l’automatisation robotique afin de reconstruire les villes et pour garder un niveau de vie élevé. L’intelligence artificielle a connu un bond en avant, au point que les humanoïdes furent créés. Mais devant cette avancée inattendue, les hommes deviennent hostiles à ces robots ultra-perfectionnés et anthropomorphes, qu’ils traitent avec mépris et qu’ils appellent les « cliqueurs ». Ces robots-humanoïdes au visage bleuté à la Fantômas, au crâne dégarni à la Dr Evil et aux yeux métalliques – maquillages conçus par l’immense Jack Pierce (Frankenstein, Dracula) – sont contrôlés par le Comité de Surveillance de l’Ordre de Chair et de Sang, afin qu’ils demeurent à leur « place ». Malgré les contrôles quotidiens, les robots-humanoïdes préparent l’extermination progressive des êtres humains, en les remplaçant par leurs répliques mécaniques. Et si certains individus ignoraient qu’ils étaient eux-mêmes des humanoïdes ?

vlcsnap-2016-12-08-12h13m30s220vlcsnap-2016-12-08-12h13m41s84vlcsnap-2016-12-08-12h14m01s31

Etrange film que ce The Creation of the Humanoids, réalisé par Wesley Barry (1907-1994) en 1962, qui aura commencé sa carrière en tant qu’acteur, puis qui passera occasionnellement derrière la caméra, mais qui sera principalement assistant-réalisateur jusqu’aux années 1970. D’après un scénario de Jay Simms, auteur du sympathique The Giant Gila Monster de Ray Kellogg (1959) et de Panique année zéro de et avec Ray Milland (1962), ce film de SF vintage interroge sur les rapports de l’homme avec la machine. Bien sous tous rapports et ayant pour seul objectif de protéger l’Homme contre ce qui le menace, les robots vont s’affranchir de leur devise Servir, obéir et protéger l’homme de tout danger, même si finalement ils en viendront à vouloir protéger l’homme contre lui-même en programmant leur extinction. Si le fond est souvent passionnant, The Creation of the Humanoids est aussi et surtout un film très pesant et qui ennuie souvent en raison de dialogues interminables et trop explicatifs.

vlcsnap-2016-12-08-12h14m28s44vlcsnap-2016-12-08-12h14m35s112vlcsnap-2016-12-08-12h15m12s226

Au-delà des décors fauchés et des costumes futuristes qui rappellent les pyjamas de Star Trek et de Cosmos 99, l’intrigue est très théâtrale, comme si elle était composée de plusieurs actes figés, quasiment dans des décors uniques et confinés. Ainsi on passe de la séquence dans le repaire des robots à celle du laboratoire, puis à celle de la conférence, de l’appartement puis à nouveau dans le repaire pour la révélation finale. Certains échanges interpellent, mais ces éléments sont à glaner dans d’interminables logorrhées qui mettent souvent la patience du spectateur à rude épreuve, surtout qu’aucune scène d’action (à part une complètement ratée) ne vient le secouer de temps en temps. De plus, le maquillage des comédiens en robots peut faire sourire tout du long et contraste avec le sérieux de l’entreprise. Car The Creation of the Humanoids a laissé tout humour de côté pour un ton premier degré, afin de sensibiliser l’audience sur ce sujet, quasi-révolutionnaire et novateur pour l’époque.

vlcsnap-2016-12-08-12h14m46s220vlcsnap-2016-12-08-12h15m21s63vlcsnap-2016-12-08-12h15m54s127

Mais la mise en scène demeure figée, tout comme le jeu des comédiens, qui ont l’air d’avoir été placés sur un balai et qui récitent leur texte sans y croire, en particulier Don Megowan (Capt. Kenneth Cragis), dont le visage inexpressif peut à la fois paraître risible et également servir son personnage, dont la nature est révélée dans les cinq dernières minutes. The Creation of the Humanoids n’est pas déplaisant en soi, c’est juste que cette petite série B d’exploitation aux couleurs psychédéliques (que l’on doit au chef opérateur oscarisé Hal Mohr), n’a rien de réellement divertissant. En revanche, ce film se révèle être un traité ambitieux, ambigu et pessimiste sur la nature humaine. Intéressant malgré ses nombreux défauts.

LE DVD

The Creation of the Humanoids, est pour le moment uniquement disponible dans le coffret DVD La Guerre des Robots disponible chez Artus Films. Sont également disponibles dans ce coffret, Objectif Terre (Target Earth) de Sherman A. Rose (1954), Le Maître du monde – Tobor the Great de Lee Sholem (1954) déjà chroniqués dans nos colonnes, et Cyborg 2087 de Franklin Adreon (1966), qui sera testé prochainement.

71m-seikzyl-_sl1200_

Un premier menu (fixe et muet) nous propose de sélectionner le film à visionner, ici Le Maître du monde – Tobor the Great ou Creation of the Humanoids. Puis un menu principal fixe et musical nous accueille. En guise d’interactivité, nous trouvons la bande-annonce originale, ainsi qu’un diaporama d’affiches et de photos d’exploitation. Le superbe Digipack – qui comblera les cinéphiles pour Noël – renferme les deux galettes, ainsi qu’un livret de douze pages Alerte aux robots – Le Robot au coeur de l’Age d’or de la SF cinématographique américaine (par Pr Brave Ghoul) et quatre reproductions de lobby cards reprenant les affiches des quatre films disponibles dans ce coffret.

vlcsnap-2016-12-08-12h16m16s98

L’Image et le son

Cela commence assez mal avec des tâches et des points partout, une image qui tremble, un grain hasardeux, un manque de netteté qui fait venir les larmes aux yeux, des couleurs ternes et de multiples effets de pompage. Heureusement, le master s’arrange peu après et parvient à trouver un équilibre convenable. Les teintes baves très légèrement, le piqué est doux et la propreté est plus évidente. La gestion des contrastes s’avère plus ferme, tout comme la gestion de la patine argentique.

vlcsnap-2016-12-08-12h05m31s32

Seule la version anglaise est disponible avec des sous-titres français non verrouillés. Les craquements, chuintements et le souffle sont plutôt rares. Les dialogues s’avèrent aérés, propres et fluides, tout comme la musique électronique réalisée au thérémine.

vlcsnap-2016-12-08-12h16m43s108creation-of-the-humanoids4

Crédits images : © Artus Films / Captures : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr