Test DVD / Don’t Kill It, réalisé par Mike Mendez

DON’T KILL IT réalisé par Mike Mendez, disponible en DVD le 6 septembre 2017 chez M6 Vidéo

Acteurs :   Dolph Lundgren, Kristina Klebe, Elissa Dowling, Billy Slaughter, Michael Aaron Milligan, Tara Cardinal…

Scénario :  Dan Berk, Robert Olsen

Photographie : Jan-Michael Losada

Musique : Juliette Beavan,  Sean Beavan

Durée : 1h19

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Un démon antique est accidentellement libéré dans une petite ville dépeuplée du Mississippi. Le seul espoir de survie repose entre les mains d’un chasseur de démons et d’un agent du FBI.

Dolph Lundgren peut encore compter sur la fidélité de nombreux fans, y compris pour ses productions qui sortent directement dans les bacs. C’est le cas ici de Don’t Kill It. Si la carrière du comédien reste aujourd’hui marquée par quelques obscures séries B et Z, Les Maîtres de l’univers, Punisher, Universal Soldier, Au-dessus de la loi, Pentathlon ou encore Johnny Mnemonic, les épisodes de la franchise Expendables – Unité spéciale ont démontré qu’il restait une «  icône  » du genre dans le cinéma d’action. Né le 3 novembre 1957, Dolph Lundgren obtient une maîtrise en chimie après avoir suivi les cours du prestigieux Institut royal de technologie de sa ville natale Stockholm. Le nez plongé dans les livres et se consacrant à de hautes études, il souhaite devenir ingénieur comme son père. À 16 ans, il découvre les arts martiaux, le judo et le karaté, et commence la compétition de haut niveau en 1979, deux ans avant de devenir ceinture noire. Son gabarit et sa taille (1m96) impressionnent. Il participe au deuxième championnat du monde, emmagasine les titres nationaux au début des années 80. C’est alors qu’il rencontre Warren Robertson, professeur d’art dramatique, disciple de l’imminent Lee Strasberg. C’est une révélation, il décide de devenir comédien.

Il fait ainsi sa première apparition en 1985 dans le dernier James Bond de Roger Moore, Dangereusement vôtre. S’il n’est qu’une silhouette derrière Grace Jones, sa compagne d’alors, Lundgren enchaîne les auditions. Il passe celle pour Rambo II (la mission), mais Stallone l’imagine d’emblée pour incarner le rival de Rocky dans le quatrième opus. En 1985, Rocky IV sort sur les écrans et c’est un triomphe international. Acteur-phénomène, il est remarqué par les célèbres Menahem Golan et Yoram Globus, qui lui proposent le premier rôle dans l’adaptation live des Maîtres de l’univers. Le film est un échec critique et commercial, mais les années en ont fait un vrai objet de culte. Dolph Lundgren rebondit aussitôt et se voit offrir le scénario du Scorpion rouge que doit mettre en scène Joseph Zito, porté par les succès de Vendredi 13 – Chapitre 4 : Chapitre final, ainsi que Portés disparus et Invasion U.S.A. avec Chuck Norris. Les années 1990 sourient alors au comédien, mais les années 2000 seront difficiles et comme beaucoup de ses confrères spécialisés dans l’action (dont un certain Steven S à la coupe de cheveux en triangle), il enchaîne les films, la plupart du temps à petit budget, destinés au marché du DVD. Malgré cette période, Dolph Lundgren conserve aujourd’hui toute la sympathie des spectateurs nostalgiques de ce genre de divertissements et se voit souvent inviter par quelques réalisateurs qui ont grandi avec ses films. Il parvient d’ailleurs à tirer profit de ce regain de popularité puisqu’il est dernièrement apparu dans la série Arrow, et qu’il est déjà annoncé au casting d’Aquaman de James Wan et de Creed 2 dans lequel il reprendra son rôle mythique d’Ivan Drago ! Mais le film qui nous intéresse, Don’t Kill It, est une petite production au budget de 3,5 millions de dollars, qui intègre le haut du panier dans les DTV de l’ami Dolph, en l’occurrence une pure série B, une comédie fantastique et d’horreur, souvent gore, qui n’a pas peur du ridicule puisque le grotesque est volontaire.

Un mal très ancien sévit dans une petite ville du Mississippi, passant d’un hôte à un autre à la manière du Témoin du mal de Gregory Hoblit (1998), et semant mort et destruction sur son chemin. Seul espoir de survie, un grisonnant chasseur de démons ayant déjà fait face à cette horreur par le passé. Accompagné d’un agent du FBI réticent (Kristina Klebe), Jebediah doit découvrir comment détruire ce démon qui a la capacité de prendre possession de son tueur. Voilà. En partant sur un principe simple et usé jusqu’à la moelle, Don’t Kill It remplit son contrat et s’avère un film d’action bien bourrin et sanglant, qui repose autant sur la décontraction et le charisme buriné de Dolph Lungren, que sur d’efficaces effets de possession et les carnages qui s’ensuivent à coup de tronçonneuse, de machette et de coups de fusil à pompe.

Bien mieux et emballant que Le Dernier chasseur de sorcières avec Vin « Baboulinet » Diesel et animé par un amour contagieux de la série B, Don’t Kill It est l’oeuvre de Mike Mendez, découvert en 2000 avec Le Couvent et le déjà culte Big Ass Spider ! (2013), monteur, acteur, scénariste, le genre de type qui s’est fait tout seul, qui n’a jamais eu la prétention de révolutionner le cinéma, mais qui s’éclate à en faire et qui souhaite faire plaisir aux spectateurs. Et ça fonctionne ! Le scénario est généreux et ne se prend pas au sérieux une seconde. Dolph Lundgren s’éclate du début à la fin. Vêtu d’un long manteau usé jusqu’à la moelle, de boots et d’un chapeau de cowboy, il arbore des grigris autour du cou et vapote sa pipe électronique. Il est prêt à affronter le mal avec ses pétoires, son lance-filet à air comprimé et ses pièges à loups (oui), mais finalement, son personnage ne fait pas grand-chose à part observer le carnage tandis que le mal passe d’un flic à une grand-mère, en passant par un chasseur, une petite fille, un chien, etc. Son personnage de pistolero, il aurait d’ailleurs été un parfait Roland dans La Tour Sombre, reste cool et intervient finalement quand on le laisse en placer une, s’il n’est pas assommé avant.

Tourné en trois semaines, Don’t Kill It est une réussite dans le genre décomplexé et qui va droit à l’essentiel en à peine 80 minutes grâce à une mise en scène bien tenue, une photographie qui a de la gueule et un montage tonique. Très drôle et attachant, on en vient même à vouloir une suite, d’autant plus que la scène finale promet un affrontement plutôt…mordant.

LE DVD

Le test du DVD de Don’t Kill It, disponible chez M6 Vidéo, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est légèrement animé et musical. La jaquette reprend le visuel de l’affiche américaine.

Aucun supplément à part la bande-annonce en version française.

L’Image et le son

Pas d’édition HD pour Don’t Kill It, ce qui est d’autant plus dommage que le DVD proposé s’avère très médiocre. Cela faisait d’ailleurs longtemps que nous n’avions pas vu une copie aussi moche à vrai dire. Le premier plan sur la forêt donne le ton avec des couleurs délavées, des pixels à foison, un piqué émoussé, des contrastes aléatoires, des fourmillements, des moirages, tout y passe. On se demande même si le film n’a pas été tourné avec une Smartphone ou un appareil photo. Ceci dit, voir le film dans ces conditions rajoute presque un côté cradingue qui renforce l’aspect série B de Don’t Kill It. Certaines séquences semblent voilées, d’autres se révèlent plus claires et aiguisées.

Sans réelle surprise, la piste DTS 5.1 anglaise se révèle nettement plus homogène, naturelle et dynamique que les deux pistes Dolby Digital 5.1 française et également anglaise disponibles. Sans aucune commune mesure, le spectacle est beaucoup plus fracassant sur la première option acoustique que sur les deux autres, paresseuses, déséquilibrées et qui peinent à instaurer une spatialisation digne de ce nom. La version originale DTS 5.1 n’est pas avare en effets sur les scènes de carnage avec un grand soutien du caisson de basses et des latérales qui délivrent une musique qui risque d’alarmer vos voisins. Les sous-titres français sont de couleur jaune.

Crédits images : © Koch Films / M  Vidéo / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Aurore, réalisé par Blandine Lenoir

AURORE réalisé par Blandine Lenoir, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Diaphana

Acteurs :   Agnès Jaoui, Thibault de Montalembert, Pascale Arbillot, Sarah Suco, Lou Roy Lecollinet, Philippe Rebbot, Laure Calamy, Marc Citti…

Scénario :  Blandine Lenoir, Jean-Luc Gaget, Benjamin Dupas, Anne-Françoise Brillot, Océane Michel, Agnès Jaoui d’après une histoire originale de Blandine Lenoir

Photographie : Pierre Milon

Musique : Bertrand Belin

Durée : 1h29

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Aurore est séparée, elle vient de perdre son emploi et apprend qu’elle va être grand-mère. La société la pousse doucement vers la sortie, mais quand Aurore retrouve par hasard son amour de jeunesse, elle entre en résistance, refusant la casse à laquelle elle semble être destinée. Et si c’était maintenant qu’une nouvelle vie pouvait commencer ?

Excellente comédienne, notamment vue chez Gaspar Noé (Carne, Seul contre tous), Blandine Lenoir est aussi la réalisatrice de sept courts-métrages, d’Avec Marinette (2000) à L’Amérique de la femme (2015), traitant souvent de l’amitié et de la solidarité entre femmes, du rapport mère-fille et de la sexualité féminine. Ces thèmes sont d’ailleurs au centre de son premier long métrage, Zouzou, sorti en 2014, qui évoquait entre autres la sexualité après 60 ans. Son second film, Aurore, découle de ses œuvres précédentes et s’avère un film-somme de tous les sujets que la réalisatrice avait abordés. Né d’expériences personnelles, notamment l’angoisse d’arriver à la quarantaine et tout simplement la peur universelle de vieillir et du temps qui passe, Aurore est une comédie délicate qui témoigne d’une qualité d’écriture déjà évidente dans les courts-métrages de Blandine Lenoir, notamment Ma Culotte (2005) et L’Amérique de la femme déjà mentionné. Le film offre également un de ses meilleurs rôles à Agnès Jaoui, lumineuse, de tous les plans, attachante, belle, pour ainsi dire caressée par la cinéaste et la photo de Pierre Milon.

Elle incarne Aurore, 50 ans, divorcée, qui apprend cour sur coup qu’elle perd son travail, que sa fille aînée Marina attend un enfant et donc qu’elle va être grand-mère, que sa plus jeune fille Lucie souhaite quitter le domicile familial pour rejoindre son copain, que son ex-mari va se remarier avec une femme plus jeune. Mais le pire pour Aurore, ce sont ces bouffées de chaleur dues à la ménopause. Consciente d’être à un carrefour de sa vie – « Vous êtes en train de passer d’abeille à reine des abeilles » lui dit-on – Aurore va faire le point sur sa propre existence et penser à elle pour la première fois. C’est alors que ressurgit le premier homme de sa vie, Christophe alias Totoche. Sur les conseils de sa meilleure amie Mano, Aurore apprend à accepter et surtout à recevoir les belles choses qui lui arrivent.

Aurore est une comédie en apparence simple, mais qui traite de la vie sentimentale et sexuelle d’une femme de plus de cinquante ans, rarement représentée au cinéma, avec une énergie revigorante et une douceur qui réchauffe le coeur. Le choix d’Agnès Jaoui est aussi malin qu’évident, puisque la comédienne apparue pour la première fois à l’écran dans Le Faucon de Paul Boujenah en 1983 (oui oui, le film où Francis Huster souhaite manger un hamburger), devenue célèbre en 1996 grâce à Cuisine et dépendances de Philippe Muyl qu’elle avait coécrit avec Jean-Pierre Bacri, d’après leur pièce de théâtre, a su traverser les années ou jouant et en profitant de ses nouveaux atouts physiques de femme mûre et plantureuse comme dans Comme un avion de Bruno Podalydès en 2015. Elle est parfaite dans Aurore, drôle et émouvante, féminine et sensuelle, toujours séduisante. La comédienne s’épanouit devant la caméra de Blandine Lenoir dans la peau de ce personnage qui lui va comme un gant. Elle est également solidement épaulée, notamment la toujours pétillante Pascale Arbillot, Thibault de Montalembert, Sarah Suco (la révélation de Discount), Lou Roy-Lecollinet (découverte dans Trous souvenirs de ma jeunesse d’Arnaud Desplechin), sans oublier les apparitions des indispensables Samir Guesmi, Marc Citti, Laure Calamy, Florence Muller (la scène de Pôle Emploi est hilarante) et Philippe Rebbot.

Aurore est une comédie lumineuse et optimiste, tendre et spontanée, engagée et pertinente, rythmée par ses répliques soignées et le peps de ses acteurs. C’est ce qu’on appelle aujourd’hui un feel-good movie.

LE DVD

Le test du DVD d’Aurore, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film.

Après Aurore, précipitez-vous sur les courts-métrages de Blandine Lenoir proposés en guise de suppléments et qui évoquent les thèmes et certains motifs repris dans Zouzou et le second long métrage de la réalisatrice. Ne manquez pas la leçon sur le clitoris par la sublime Laure Calamy dans L’Amérique de la femme.

Ma culotte (2005 – 14’), avec Christine Boisson, Anaïs Demoustier : Claire, la cinquantaine, a très envie de faire l’amour avec ce type qu’elle a ramené chez elle. Depuis le temps qu’elle attend ça, un homme. Comment fait-on déjà ?

Pour de vrai (2006 – 12’), avec Nanou Garcia, Anaïs Demoustier : Une femme de quarante-cinq ans, bouleversée à l’idée de perdre son enfant actuellement dans le coma, erre chez elle, paralysée par son désespoir et son impuissance. Elle est totalement accaparée par sa petite voix intérieure qui répète toujours les mêmes mots d’amour fou pour son enfant endormi, et l’obsession de sa culpabilité de n’avoir pu éviter la chute fatale. Il y a quand même un truc qui cloche dans tout ce désespoir.

L’Amérique de la femme (2014 – 18’), avec Jeanne Ferron, Florence Muller, Laure Calamy, Sarah Grappin : Trois sœurs entre trente-cinq et quarante-cinq ans (Agathe, Lucie et Marie) débarquent chez leur mère, Solange, pour un week-end prolongé à la campagne. La fille d’Agathe, Zouzou, est là depuis une semaine, et d’après Solange, le séjour s’est bien passé. Mais quand les quatre femmes découvrent que la jeune fille de quatorze ans est en train de faire l’amour à l’étage, certainement pour la première fois, c’est la panique.
Qu’est-ce qu’on fait ? On monte les voir ? On les interrompt ?
Un dialogue commence alors autour de la question de l’éducation sexuelle : est-ce qu’Agathe a bien préparé sa fille ? Est-ce qu’elle a su mettre les mots ?

Finissez par le très bon entretien de Blandine Lenoir (18’) réalisé en juin 2017. La cinéaste revient sur la genèse d’Aurore, né d’observations sur ses amies et sur elle-même au moment de l’arrivée de la quarantaine et plus particulièrement sur les inégalités entre les hommes et les femmes de 40 voire plus de 50 ans. Son deuxième long métrage est aussi issu de l’envie de parler de la vie amoureuse et sociale d’un personnage féminin de 50 ans, peu représenté au cinéma. Blandine Lenoir évoque ensuite le choix d’Agnès Jaoui (dont elle voulait filmer le corps) pour incarner le rôle principal, mais aussi les autres comédiens qui l’accompagnent depuis de nombreuses années. Les thèmes du film sont longuement analysés et l’ensemble ne manque pas d’anecdotes de tournage.

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

Seule l’édition DVD a pu être testée. Evidemment, le piqué n’est pas aussi pointu qu’en Blu-ray et la colorimétrie peut avoir tendance à baver quelque peu, mais cette édition SD s’en tire avec les honneurs. Les contrastes sont corrects, les détails plaisants et l’encodage suffisamment solide pour pouvoir faire profiter de la photographie de Pierre Milon (Les Neiges du Kilimandjaro, Au fil d’Ariane). La clarté est appréciable, les teintes chaleureuses et solaires. Notons toutefois quelques baisses de la définition.

Outre une piste Audiodescription et des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, la version Dolby Digital 5.1 parvient sans mal à instaurer un indéniable confort phonique. Les enceintes sont toutes mises en valeur et spatialisent excellemment les effets, la musique et les ambiances. Quelques séquences auraient peut-être mérité d’être un peu plus dynamiques ou les dialogues parfois quelque peu relevés quand la partition s’envole. La piste Stéréo est de fort bon acabit et contentera largement ceux qui ne seraient pas équipés sur la scène arrière.

Crédits images : © Eddy BrièreKaré Productions / Diaphana Distribution / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Fences, réalisé par Denzel Washington

FENCES réalisé par Denzel Washingon, disponible en DVD et Blu-ray le 27 juin 2017 chez Paramount Pictures

Acteurs :   Denzel Washington, Viola Davis, Stephen Henderson, Jovan Adepo, Russell Hornsby, Mykelti Williamson, Saniyya Sidney…

Scénario :  August Wilson d’après sa pièce de théâtre Fences

Photographie : Charlotte Bruus Christensen

Musique : Marcelo Zarvos

Durée : 2h19

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

L’histoire d’une famille où chacun lutte pour exister et être fidèle à ses rêves, dans une Amérique en pleine évolution. Troy Maxson aspirait à devenir sportif professionnel mais il a dû renoncer et se résigner à devenir employé municipal pour faire vivre sa femme et son fils. Son rêve déchu continue à le ronger de l’intérieur et l’équilibre fragile de sa famille va être mis en péril par un choix lourd de conséquences.

Fences est tout d’abord est une pièce de théâtre écrite en 1983 par Frederick August Kittel dit August Wilson, écrivain et dramaturge américain, célèbre pour avoir obtenu le prix Pulitzer de la meilleure œuvre théâtrale à deux reprises, pour La Leçon de piano et pour Fences. Comme la plupart de ses écrits, Fences traite de la condition des Noirs dans l’Amérique des années 1950, plus particulièrement dans la ville de Pittsburgh. Longtemps envisagé pour la porter à l’écran, le comédien Denzel Washington préfère tout d’abord interpréter la pièce de théâtre à Broadway, même si August Wilson avait déjà rédigé le scénario avant d’être emporté par un cancer du foie en 2005 à l’âge de 60 ans. Cinq ans après son décès, la pièce est un triomphe et remporte trois Tony Awards, pour le meilleur acteur Denzel Washington, la meilleure actrice Viola Davis et pour la meilleure reprise. Longuement mûri, le projet au cinéma prend forme petit à petit. Denzel Washinton était déjà annoncé à la réalisation en 2013, mais le tournage n’a finalement lieu qu’en 2015. A cette occasion, tous les comédiens qui avaient créé la pièce à Broadway, Mykelti Williamson, Russell Hornsby et Stephen Henderson reprennent leurs rôles respectifs pour sa transposition au cinéma.

A l’écran et malgré toute la bonne volonté de Denzel Washington de respecter la pièce originale, Fences se révèle être un drame très académique, très long (2h20), extrêmement bavard. L’histoire est la même qu’à Broadway. Dans les années 1950 à Pittsburgh, Troy Maxson travaille depuis dix-huit ans en tant qu’éboueur. Il est amer car il aurait pu devenir joueur de football professionnel, or il était trop âgé quand les Noirs ont finalement été acceptés en Major League. Sa femme Rose l’a toujours soutenue. Son frère Gabriel est revenu de la guerre avec un handicap mental. Un jour, Cory, leur fils qui pratique également le football, annonce à Troy qu’il a quitté son emploi dans une épicerie pour pouvoir jouer devant un recruteur de Caroline du Nord. Troy se met en colère et ordonne à Cory de reprendre son travail. S’il n’évite pas le cabotinage (il est même souvent en roues libres puisque personne n’est là pour le freiner), on ne doute pas de la sincérité du comédien-réalisateur et que ce projet lui tenait à coeur au point d’y avoir consacré de nombreuses années, mais Fences souffre d’une mise en scène, de dialogues et de symboles qui n’ont de cesse de surligner l’émotion et le propos.

Bien que les acteurs soient très bons et impliqués, notamment Viola Davis, dont la puissante prestation a été justement récompensée par un Golden Globe, un British Academy Film Awards et un Oscar, le spectateur a souvent l’impression d’assister à une succession de scènes où les performances sont faites pour épater la galerie et flatter l’académie des Oscars. Quinze ans après Antwone Fisher et dix ans après The Great Debaters, Denzel Washington signe son retour derrière la caméra, tout en s’octroyant le premier rôle. Son troisième long métrage souffre d’une théâtralité jamais dissimulée avec des décors pourtant voulus réalistes dans le véritable quartier de Hill District à Pittsburgh (où August Wilson a grandi et où se déroulent neuf de ses pièces), mais qui s’avèrent limités (un jardin, une cuisine, une chambre), ce qui crée un sentiment de claustrophobie. Si cela renforce parfois l’intensité de certaines séquences, l’authenticité désirée par le réalisateur a du mal à prendre, surtout que le film enchaîne les longs tunnels de dialogues durant lesquels il est inévitable de perdre le fil. Le jeu parfois enflé et les dialogues souvent excessifs tuent l’émotion dans l’oeuf, tandis que la mise en scène ne fait rien ou pas grand-chose pour donner un semblant de vie et surtout un rythme suffisant pour maintenir l’intérêt de l’audience durant 140 minutes qui couvrent six années.

Etrangement, ces défauts n’empêchent pas de se sentir concerné par le destin poignant et finalement universel de ces personnages, qui ont tout pour s’aimer, mais qui ne savent pas comment le faire ou le dire. Fences est une œuvre attachante, y compris dans ses nombreuses maladresses – cette impression quasi-constante et même exténuante de théâtre filmé – et on en retient finalement de belles choses grappillées ici et là.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Fences, disponible chez Paramount Pictures, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, fixe et musical, reprend le visuel de la jaquette et de l’affiche originale.

C’est toujours un peu la même chose chez l’éditeur. L’interactivité est inutilement divisée en plusieurs segments puisque les sujets abordés restent quasiment les mêmes d’un module à l’autre. Les suppléments intitulés Un plus grand public : du théâtre au cinéma (9’), La Troupe de Fences (9’), La Création de Fences : Denzel Washington (7’), Dans son rôle : Rose Maxson (7’) et August Wilson : Le District de Hill (6’) se focalisent essentiellement sur la création de la pièce d’August Wilson à Broadway en 2010 puis de son adaptation cinématographique tournée en 2016 avec la même troupe menée par Denzel Washington.

Les acteurs, les producteurs, la directrice de la photographie, la costumière, le compositeur, le chef décorateur, le monteur, le metteur en scène de la pièce à Broadway prennent la parole à tour de rôle afin de parler de cette aventure qui s’est étendue sur plusieurs années, sur ce que la pièce a changé dans leur vie, sur les œuvres d’August Wilson et de leur importance. Denzel Washington s’exprime également sur les partis pris, ses intentions, le casting et les recherches faites pour l’adaptation cinématographique de la pièce de théâtre, dont nous pouvons apercevoir quelques clichés. Les thèmes du film sont également abordés, diverses images du plateau viennent illustrer les propos dithyrambiques des intervenants.

L’Image et le son

L’élévation HD (1080p) magnifie les beaux partis pris esthétiques de la photographie signée Charlotte Bruus Christensen (La Chasse, La Fille du train) qui fait la part belle aux teintes brunes, légèrement sépia, du plus bel effet. Le piqué dépend des volontés artistiques originales et s’avère plus incisif sur toutes les séquences tournées en extérieur. La copie est immaculée, les contrastes concis, les noirs souvent denses. En revanche, on aurait souhaité des gros plans plus détaillés, surtout que Denzel Washington reste souvent en plan fixe sur ses comédiens (et sur lui-même), mais la définition montre ses limites. Dans l’ensemble, l’image est élégante et flatteuse, le rendu des matières est palpable, tout comme un grain argentique caractéristique d’un tournage en 35mm.

Seule la version originale bénéficie d’un mixage DTS-HD Master Audio 7.1, contrairement à la piste française qui doit se contenter d’une pauvre piste Dolby Digital 5.1. Pour la première option acoustique, le mixage créé une spatialisation en adéquation avec le film. Les dialogues sont exsudés avec force, les effets et ambiances annexes sont bien présents sur les scènes en extérieur, ne cherchant jamais à jouer la surenchère. Nul besoin de monter le volume pour profiter pleinement de la musique discrète mais bien présente de Marcelo Zarvos (Raisons d’état, L’Elite de Brooklyn). Le caisson de basses intervient seulement durant la scène de l’orage. La version française reste acceptable, mais ne tient pas la comparaison avec son homologue.

Crédits images : © Paramount Pictures Corporation. All Rights Reserved. / David Lee / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / L’Alpagueur, réalisé par Philippe Labro

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L’ALPAGUEUR réalisé par Philippe Labro, disponible en Blu-ray le 5 septembre chez Studiocanal

Acteurs :  Jean-Paul Belmondo, Bruno Cremer, Jean Négroni, Patrick Fierry, Jean-Pierre Jorris…

Scénario :  Philippe Labro, Jacques Lanzmann

Photographie : Jean Penzer

Musique : Michel Colombier

Durée : 1h41

Date de sortie initiale : 1976

LE FILM

L’Alpagueur, ex-traqueur de fauves, est devenu un chasseur de primes et oeuvre dans l’ombre au-dessus des lois, pour le compte de la police, qui l’emploie sur des missions dangereuses et délicates. Un jour, après s’être occupé d’un commissaire corrompu, il décide de s’attaquer à l’ennemi public numéro 1…

Café, pousse-café, cigare !

Dans les années 1970, Jean-Paul Belmondo tournera une quinzaine de longs métrages et alternera les polars et les comédies avec le même talent. De Borsalino aux Mariés de l’an II, du Casse à Docteur Popaul, de La Scoumoune au Magnifique, de Peur sur la ville à L’Incorrigible. Un film se démarque quelque peu du lot, L’Héritier de Philippe Labro. Avec 2 millions d’entrées, ce drame policier démontre que Bebel n’a pas besoin de faire le clown ou d’avoir la pétoire à la main pour plaire aux spectateurs. Conforté une fois de plus par son aura auprès du public avec les 2,5 millions d’entrées de L’Incorrigible, Jean-Paul Belmondo retrouve une fois de plus Philippe Labro pour L’Alpagueur, d’après un scénario original de ce dernier, adapté avec Jacques Lanzmann, qui signe également les dialogues. Malgré ses indéniables qualités, L’Alpagueur est encore aujourd’hui plutôt méconnu et même sous-estimé dans l’immense filmographie de Bebel. C’est du moins l’un de ses films auxquels on pense le moins quand on évoque la carrière du comédien. Sans doute parce que sa prestation tout en retenue, sobre, parfois sombre ne repose pas sur un numéro bien rodé (rien de péjoratif à dire cela), d’autant plus que le film ne comporte aucune cascade (à part une impressionnante poursuite à pied de Bebel) et repose autant sur les silences (hérités du cinéma de Jean-Pierre Melville) que sur certaines séquences à la violence sèche et brutale.

Chasseur de primes des temps modernes, Roger Pilar dit l’Alpagueur remplit avec succès et en secret les délicates missions que le gouvernement français lui confie. A peine a-t-il démantelé un vaste réseau de drogue implanté à Rotterdam qu’il fait tomber quelques proxénètes. Il est ensuite chargé de démasquer l’Epervier. Ce tueur impitoyable, sadique et sans états d’âme se fait volontiers aider par de jeunes voyous, quitte à les abattre une fois l’opération terminée. Costa Valdes, l’un de ces malheureux complices, a toutefois survécu. Mais, placé derrière les barreaux, il reste muet lors des multiples interrogatoires qu’on lui fait subir. L’Alpagueur, sous une fausse identité, rejoint le délinquant dans sa cellule, gagne sa confiance et lui tire petit à petit les vers du nez.

Bon voyage Coco…

L’un des grands points forts de ce film aussi efficace qu’un roman de la collection Série noire est la présence au générique de Bruno Cremer. L’Alpagueur est l’un des rares cas où Jean-Paul Belmondo (également producteur) se fait littéralement voler la vedette, même si son partenaire apparaît finalement peu à l’écran. Glacial et glaçant, sensationnel, le comédien campe un assassin qui tue ses jeunes victimes (et ceux qui se mettent en travers de son chemin) à bout portant après s’être servi d’elles le temps d’un hold-up. Ses tirades, souvent ponctuées d’un « Coco » sont aussi tranchantes qu’une guillotine et signent d’ailleurs les dernières secondes de ceux qui l’entendent. De son côté, Jean-Paul Belmondo, visage fermé, incarne un fauve à la recherche d’autres animaux sauvages (Labro voulait d’ailleurs intituler son film « Des animaux dans la jungle »), ce qui lui permet de vivre et d’économiser pour pouvoir plus tard se retirer sur une île déserte qu’il a déjà achetée, jusqu’au jour où il rencontre Costa Valdes au cours de sa mission pour mettre la main sur L’Epervier. L’Alpagueur, habituellement solitaire, va prendre le jeune délinquant sous son aile et se prendre d’affection pour lui, tandis que ce dernier le verra comme un père de substitution et se mettra même à rêver de l’accompagner sur son île. Mais L’Alpagueur est une œuvre sombre et dérangeante où le destin n’a de cesse de s’acharner et de contrecarrer les rêves et les espoirs de chacun.

Très inspiré par Guet-Apens de Sam Peckinpah (1972) au point qu’il en reprendra la scène centrale du règlement de comptes au fusil à pompe, Philippe Labro livre un polar noir et pessimiste à la mise en scène carrée avec une excellente utilisation des décors naturels et urbains. Si le récit met un peu de temps à démarrer et peine à éveiller l’intérêt avec l’enquête sur les proxénètes durant le premier acte, L’Alpagueur s’avère ensuite attachant dans la relation Bebel-Patrick Fierry et chacune des apparitions de Bruno Cremer est marquante. La dernière partie est sans aucun doute la plus réussie avec un suspense bien maintenu et surtout le duel final anthologique visiblement très influencé par le cinéma de Sergio Leone, sur une composition magistrale de Michel Colombier aux accents par ailleurs morriconniens.

Avec 1,5 million d’entrées au cinéma en mars 1976, L’Alpagueur est considéré comme un demi-échec commercial, le public étant quelque peu dérouté par la noirceur du film. Même s’il ne bénéficie pas du même statut que les deux Verneuil tournés au même moment, Peur sur la ville et Le Corps de mon ennemi, qui profitaient entre autres de quelques soupapes d’humour grâce aux répliques de Francis Veber d’un côté et Michel Audiard de l’autre, L’Alpagueur demeure néanmoins un film prisé par de nombreux fans de l’éternel Bebel.

LE BLU-RAY

L’édition HD de L’Alpagueur est disponible chez Studiocanal. Le DVD du film restauré en Haute-Définition était d’ailleurs déjà disponible chez le même éditeur depuis 2001 et avait été réédité avec une jaquette différente en 2007. Le menu principal est fixe et muet, triste…

A l’occasion de cette sortie en Blu-ray, l’éditeur propose une interview de Philippe Labro (22’30) réalisée récemment alors que la première édition DVD comprenait également un entretien avec le réalisateur filmé en décembre 2000, d’une durée à peu près identique et qui comprenait pour ainsi dire les mêmes informations. Le journaliste, écrivain, scénariste et metteur en scène revient sur la genèse de L’Alpagueur et de sa mise en route, notamment la façon dont Jean-Paul Belmondo s’est accaparé le projet en tant qu’unique producteur via sa compagnie Cerito Films, alors que le film devait être produit par Jacques-Éric Strauss à qui Bebel avait racheté les droits. Philippe Labro évoque ce qui a « changé la donne » une fois que son comédien est finalement devenu son « patron ». Une collaboration qui s’est bien passée, si ce n’est une « colère d’acteur » de Belmondo qui a débarqué un jour sur le plateau en passant sa rage (inexpliquée selon Labro) sur les éléments du décor. Le réalisateur donne d’autres informations sur le tournage de son cinquième long métrage, à l’instar de ses références (Sam Peckinpah et de Guet-Apens en particulier), le titre envisagé (Des animaux dans la jungle), les partis pris, le casting (surtout Bruno Cremer en fait), la partition de Michel Colombier (qui lui avait été recommandé par Jean-Pierre Melville), l’accueil réservé à la sortie du film, qui a su depuis traverser les années et devenir un petit film culte.

L’Image et le son

L’élévation HD pour L’Alpagueur est aussi frappante que pour les très beaux Blu-ray de Peur sur la ville et du Corps de mon ennemi sortis chez le même éditeur. Fort d’un master au format respecté et d’une compression AVC qui consolide l’ensemble, ce Blu-ray n’est peut-être pas aussi net et précis que les deux autres titres mentionnés plus haut, mais la restauration est de haut niveau avec des contrastes appréciables, une copie propre, le grain argentique préservé, un piqué élégant et des détails qui étonnent souvent par leur précision, en particulier les gros plans. La photo hivernale, grisâtre, sombre du chef opérateur Jean Penzer (Le Diable par la queue, Sans mobile apparent, L’Incorrigible) donne parfois du fil à retordre à l’encodage avec son brouillard environnant et ses teintes fanées, mais le résultat est là, l’image affiche une indéniable stabilité et certaines séquences tirent leur épingle du jeu.

Le mixage français DTS-HD Master Audio Mono 2.0 instaure un bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Michel Colombier dispose d’un très bel écrin. Mauvais point en revanche pour l’absence de sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, tout comme celle d’une piste Audiodescription qui manque à l’appel.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Jack l’Eventreur, réalisé par John Brahm

JACK L’ÉVENTREUR (The Lodger) réalisé par John Brahm, disponible en DVD et Blu-ray le 5 septembre chez Rimini Editions

Acteurs :  Merle Oberon, George Sanders, Laird Cregar, Cedric Hardwicke, Sara Allgood, Aubrey Mather…

Scénario :  Barré Lyndon d’après le roman de Marie Belloc Lowndes

Photographie : Lucien Ballard

Musique : Hugo Friedhofer

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1944

LE FILM

1888. Londres est secouée par une série de meurtres sanglants, et l’on vient de découvrir la quatrième victime de l’assassin. Au même moment, l’étrange M. Slade loue une chambre dans une maison bourgeoise et tombe amoureux de la nièce de sa logeuse.

Le cinéaste allemand John Brahm (1893-1982) fuit l’Allemagne à l’arrivée d’Adolf Hitler au pouvoir. Il arrive à Hollywood et signe son premier long métrage Le Lys brisé en 1936, sous le nom d’Hans Brahm. Eclectique, John Brahm passe facilement du drame à la comédie, d’une Prison centrale à un Pensionnat de jeunes filles, quand la consécration arrive avec son thriller Laissez-nous vivre (1939) avec Henry Fonda et Maureen O’Sullivan. En 1942, The Undying Monster est un tournant dans sa carrière. Pour le compte de la Fox, John Brahm suit le genre fantastique initié par les studios Universal, à travers une histoire de loup-garou mise en scène avec une esthétique expressionniste saluée de la part de la critique. Le cinéaste récidive dans le genre épouvante avec Jack l’EventreurThe Lodger en version originale, troisième adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes. Publié en 1913, cet ouvrage avait déjà été transposé au cinéma en 1927 par Alfred Hitchcock – sous le titre français Les Cheveux d’or – avec Ivor Novello et demeure entre autres célèbre pour sa séquence du plafond transparent où l’on aperçoit le tueur présumé faire les cent pas. Le réalisateur britannique Maurice Elveny signera également une adaptation en 1932, cette fois encore avec Ivor Novello.

D’après un scénario de Barré Lyndon (Crépuscule de Henry Hathaway), le film de John Brahm s’inspire très librement de la véritable histoire de Jack l’Eventreur, même si le récit est bel et bien situé dans le district londonien de Whitechapel en 1888. Il s’agit d’une interprétation parmi tant d’autres, résolument moderne et sexuellement explicite. Même si John Brahm a toujours déclaré n’avoir jamais vu la version d’Alfred Hitchcock, le réalisateur joue sur les attentes des spectateurs qui auraient en tête Les Cheveux d’or, pour mieux les prendre par surprise. Ainsi, la présence de l’imposant Laird Cregar, vu dans Le Cygne noir de Henry King et Le ciel peut attendre d’Ernst Lubitsch, peut à la fois être inquiétante (surtout quand il est filmé en contre-plongée), mais aussi créer un sentiment de doute quant à la véritable nature de son personnage, en faisant penser que nous sommes en présence d’un commissaire infiltré qui enquête sur les meurtres commis dans le quartier de Whitechapel. John Brahm brouille ainsi les cartes en jouant sur l’aura de la première transposition, tout en proposant une relecture différente, sans doute plus premier degré, mais tout autant efficace que le film d’Alfred Hitchcock.

La première séquence donne le ton en plongeant directement le spectateur dans un quartier animé où les passants se trouvent perdus dans le fog londonnien. Les décors sont très réussis avec ses murs défraîchis et ses ruelles pavées. Même si la présence de policemen a été renforcée depuis que trois meurtres de femmes se sont succédé, nous assistons (hors-champ) au quatrième à travers la voix de la nouvelle victime. Dans le Londres victorien, la terreur règne. Des chanteuses et danseuses de cabaret sont assassinées par un tueur en série et la police peine à trouver le coupable. Cette série macabre coïncide avec l’arrivée d’un étrange locataire, Mr Slade, dans la pension de famille des Bonting. Cet homme énigmatique dit être pathologiste. Mais très vite, ses étonnantes et multiples sorties nocturnes inquiètent les locataires, surtout quand Mr Slade semble s’intéresser à la nièce de sa logeuse, une certaine Kitty Langley, nouvelle vedette d’une revue dansante qui connaît un grand succès dans la capitale.

Jack l’Eventreur de John Brahm se regarde et s’apprécie en deux temps. La première fois, l’histoire rondement menée par le cinéaste allemand s’avère un formidable divertissement, prenant et qui comprend son lot de surprises. La deuxième fois, une fois au fait des rebondissements ou plutôt des soupçons qui se sont révélés exacts quant à la véritable nature de Mr Slade, le spectateur pourra encore plus apprécier la grande réussite technique de cette œuvre, sa mise en scène souvent virtuose mais également la sublime photographie expressionniste de Lucien Ballard (La Horde sauvage, L’Ultime razzia, Guet-apens) faite d’ombres et de perspectives, sans oublier le fond de l’histoire particulièrement ambigu. Sur ce point, la nature ouvertement bisexuelle de Mr Slade est étonnante pour un film de 1944, y compris son affection quasi-incestueuse qu’il entretenait pour son frère, dont le suicide pour l’amour d’une danseuse est devenu le déclencheur de la haine (mais y compris de l’attirance) de Slade pour les jeunes femmes artistes. Le roman de Marie Belloc Lowndes sert de support et John Brahm s’approprie le mythe du personnage de Jack l’Eventreur (qui tuait alors des prostituées et non des chanteuses), pour en livrer sa propre interprétation en l’inscrivant dans un trauma sexuel et psychologique d’une folle modernité qui n’est pas sans rappeler les motifs de l’assassin du Dressed to Kill de Brian de Palma.

En effet, Slade est à la fois tiraillé entre ce désir de venger son frère en tuant ces chanteuses de cabaret et l’envie sexuelle de ces femmes, notamment de Kitty (la belle Merle Oberon, la Cathy des Hauts de Hurlevent de William Wyler) dont il tombe amoureux malgré-lui. Les dialogues qui peuvent parfois paraître trop écrits et déclamés avec théâtralité par Laird Cregar, sont pourtant violents et encore une fois saisissants pour un film des années 1940. N’oublions pas la présence de George Sanders, qui incarne l’inspecteur de Scotland Yard chargé de l’enquête et qui use de son côté de nouvelles méthodes afin de démasquer le tueur, en ayant notamment recours aux empreintes digitales. Jack l’Eventreur version John Brahm est au final une très grande réussite, dont l’atmosphère poisseuse sur le fond et sur la forme demeure singulière plus de 70 ans après sa sortie.

LE BLU-RAY

Le Blu-ray de Jack l’Eventreur, disponible chez Rimini Editions, repose dans boîtier classique de couleur noire. Le visuel de la jaquette est très élégant. Le menu principal est animé et musical. L’éditeur joint également un livret de 32 pages rédigé par l’incontournable Marc Toullec, ancien rédacteur en chef de Mad Movies, intitulé John Brahm, l’illustre inconnu d’Hollywood.

Pour compléter le visionnage de Jack l’Eventreur, l’éditeur est allé à la rencontre du critique cinéma Justin Kwedi, qui officie pour les sites DVDClassik et Culturopoing (19’). Si l’intervention de Justin Kwedi, visiblement impressionné par l’exercice, manque de construction et s’avère parfois redondante, elle n’en demeure pas moins intéressante et donne entre autres envie de se pencher un peu plus sur l’oeuvre de John Brahm. Le portrait du réalisateur est dressé dans une première partie où Justin Kwedi démontre son éclectisme après son arrivée à Hollywood dans les années 1930. Puis le journaliste se penche sur la trilogie gothique constituée de The Undying Monster (1942), Jack l’Eventreur (1944) et Hangover Square (1945), qui a largement contribué à sa renommée. L’adaptation du roman de Marie Belloc Lowndes, le casting du film, ses qualités esthétiques (la photo, les décors) et la psychologie des personnages sont les sujets également abordés durant ces vingt minutes.

L’Image et le son

Ce master restauré de Jack l’Eventeur, jusqu’alors inédit en France, est on ne peut plus flatteur pour les mirettes. Tout d’abord, le splendide N&B de Lucien Ballard retrouve une densité inespérée dès le générique en ouverture. Même si elle semble déjà dater, la restauration est indéniable, aucune poussière ou scorie n’a survécu au scalpel numérique, l’image est d’une stabilité à toutes épreuves hormis quelques effets de pompages des noirs. La gestion des contrastes est certes aléatoire, mais le piqué s’avère convaincant la plupart du temps. Si les puristes risquent de rechigner en ce qui concerne le lissage parfois trop excessif (euphémisme) du grain argentique original, le cadre n’est pas avare en détails – sauf sur les scènes embrumées, difficiles à restituer – et cette très belle copie participe à la redécouverte de ce grand film méconnu.

L’unique version anglaise est proposée en DTS-HD Master Audio Mono. L’écoute demeure appréciable en version originale (avec sous-titres français imposés), avec une bonne restitution de la musique, des effets annexes et des voix très fluides et aérées, sans aucun souffle. Si elle manque parfois de coffre, l’acoustique demeure suffisante.

Crédits images : © Twentieth Century Fox Entertainment / Rimini Editions / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Prairies de l’honneur, réalisé par Andrew V. McLaglen

LES PRAIRIES DE L’HONNEUR (Shenandoah) réalisé par Andrew V. McLaglen, disponible en DVD et Blu-ray le 29 août 2017 chez ESC Editions

Acteurs :  James Stewart, Doug McClure, Glenn Corbett, Patrick Wayne, Rosemary Forsyth, Phillip Alford, Katharine Ross, George Kennedy…

Scénario :  James Lee Barrett

Photographie : William H. Clothier

Musique : Frank Skinner

Durée : 1h45

Date de sortie initiale : 1965

LE FILM

Charlie Anderson, fermier de son état à Shenandoah, en Virginie, se retrouve impliqué dans la guerre civile. Il refuse de soutenir les Confédérés, car il s’oppose fermement à l’esclavage, mais ne soutient pas non plus l’Union car il est profondément contre la guerre. Lorsque son fils est fait prisonnier, Charlie part immédiatement à sa recherche. Il va rapidement être confronté aux horreurs de la guerre et va devoir choisir son camp.

« Les croque-morts gagnent la guerre. Les Hommes politiques se gargarisent de la gloire de la guerre, les vieillards disent que c’est nécessaire. Les soldats n’ont qu’un seul désir, rentrer chez eux. »

Si son nom n’est pas vraiment connu du grand public, le réalisateur anglo-américain Andrew V. McLaglen (1920-2014) a pourtant signé quelques pépites et classiques très prisés par les cinéphiles comme Chisum (1970), Les Oies sauvages (1978) et Les Loups de haute mer (1980). Fils de Victor McLaglen, ancien boxeur poids lourd devenu comédien, Oscar du meilleur acteur pour Le Boxeur, chef d’oeuvre de John Ford dont il devient très proche, Andrew V. McLagen accompagne souvent son père sur les plateaux de cinéma et contracte très vite le virus du 7e art. Il grandit en côtoyant et en admirant John Ford et John Wayne, et décide très vite de devenir metteur en scène. Il est tout d’abord assistant-réalisateur, y compris sur L’Homme tranquille (1952) et passe enfin à la réalisation avec son premier long métrage, Légitime défenseGun the Man Down (1956), un western où il dirige James Arness et Angie Dickinson. Les séries télévisées Perry Mason et surtout Rawhide lui permettent de se perfectionner et de peaufiner son style. Il signe son retour au cinéma en 1963 avec le célèbre Le Grand McLintock avec John Wayne, Maureen O’Hara et Yvonne De Carlo. La consécration publique vient réellement en 1965 avec Les Prairies de l’honneurShenandoah et ce en dépit de critiques virulentes venues de la presse qui déclarent notamment que le réalisateur plagie le style de son modèle John Ford. Cela n’empêche pas le film d’être un grand succès (mérité), mais aussi de marquer le début d’une grande amitié et d’une collaboration fructueuse entre Andrew V. McLagen et le comédien James Stewart puisque les deux hommes travailleront ensemble sur trois autres films, Rancho Bravo (1966), Bandolero ! (1968) et Le Rendez-vous des dupes (1971).

Si Les Prairies de l’honneur a été réalisé en 1965 alors que le western vivait ses dernières heures de gloire aux Etats-Unis et triomphait en Europe, le film d’Andrew V. McLagen s’avère un drame familial attachant, marqué par un sous-texte humaniste et ouvertement antiguerre, qui reflète alors l’enlisement de l’Oncle Sam au Viêt Nam. 1863. En Virginie, alors que la Guerre de Sécession fait rage, le fermier Charlie Anderson (James Stewart) refuse de prendre part au conflit et prétend qu’il ne se sent pas concerné tant que la guerre n’arrive pas sur ses terres. Veuf, père d’une fille sur le point de se marier et de six garçons dont le plus jeune vient d’avoir 16 ans, Anderson interdit à ses enfants de participer à cette guerre. Mais la guerre n’épargne personne, et Charlie ne pourra pas longtemps rester à l’écart, surtout que Boy, son benjamin, s’est fait arrêter par des soldats de l’Union. Les Prairies de l’honneur est un film superbe, qui séduit d’emblée par son apparente simplicité et ses personnages menés par un James Stewart aussi impérial que magnifique en patriarche, galurin vissé sur la tête et cigare au bec, qui aime ses enfants et qui s’en occupe seul depuis que sa femme est morte en couches il y a une quinzaine d’années. Alors qu’il vient de marier son unique fille Jennie (Rosemary Forsyth, nommée pour le Golden Globe du meilleur espoir féminin en 1966) à un soldat sudiste (Doug McClure) appelé sur le champ de bataille juste après la cérémonie, Anderson voit son terrier voler en éclats quand son jeune fils disparaît. Accompagné de ses fils, sauf de James (Patrick Wayne) et de sa femme Ann, interprétée par Katharine Ross (Le Lauréat), qui viennent d’avoir un bébé, Anderson se rend compte des horreurs de la guerre dont il ne voulait pas entendre parler.

A sa sortie, le message pacifiste et antimilitariste a été salué. Mais Shenandoah ne se résume pas qu’à cela. Andrew V. McLaglen signe également l’un de ses plus beaux films. Toujours soucieux du travail bien fait, le cinéaste a confié la photo au célèbre chef opérateur William H. Clothier, à qui l’on doit les images de cinq films de John Ford, dont Le Massacre de Fort Apache (1948) et L’Homme qui tua Liberty Valance (1962). L’immense compositeur Frank Skinner se voit confier la musique. Si le budget est confortable, Les Prairies de l’honneur ne bénéficie pas des moyens alloués aux grandes productions passées, surtout que le western apparaît déjà comme un genre en fin de vie, mais l’immense talent d’Andrew V. McLaglen parvient à donner au film un véritable standing. L’histoire ne manque pas d’humour, de tendresse et d’émotions, les séquences d’affrontements sont impressionnantes, la violence est montrée frontalement (comme le soldat qui reçoit une balle dans la tête) et James Stewart fait preuve d’une immense sensibilité dans la peau de ce père qui voue un amour sans limite pour ses enfants.

Après une première partie qui installe une atmosphère plutôt légère – dont une bagarre endiablée au ton quasi-burlesque – malgré la guerre qui se déroule hors-champ avec des coups de canon qui résonnent jusque dans la vallée, le récit devient plus grave et désenchanté au fur et à mesure qu’Anderson se rend compte non seulement de la mort qui n’a pas épargné les jeunes soldats, mais également que les Etats du Sud ont perdu la guerre. Alors peu importe que Les Prairies de l’honneur ait pu être considéré comme anachronique à sa sortie quand Sergio Leone et Sam Peckinpah renouvelaient le genre, car aujourd’hui le film d’Andrew V. McLaglen demeure un très grand divertissement, la mise en scène apparaît toujours aussi élégante, le scénario intelligent et son final bouleversant.

LE BLU-RAY

L’édition HD des Prairies de l’honneur est disponible chez ESC Editions. Le visuel est élégant, tout comme le menu principal, animé et musical.

L’éditeur joint une présentation et une analyse du film qui nous intéresse par Mathieu Macheret, critique cinéma pour Le Monde (28’). Point par point, le journaliste revient sur tous les aspects des Prairies de l’honneur (« peut-être le meilleur western du réalisateur » dit-il), en indiquant tout d’abord le caractère quasi-désuet et old-school du film, alors que le cinéma américain connaît ses premiers bouleversements qui conduiront au Nouvel Hollywood. Mathieu Macheret évoque ensuite le casting, l’évolution du western dans les années 1960, la carrière du cinéaste Andrew V. McLaglen et la façon avec laquelle ce dernier use du classicisme comme d’une forme de résistance afin de faire passer son message antimilitariste. Une métaphore caractérisée par le personnage interprété par James Stewart, qui représente un héros d’un autre temps, qui croit pouvoir vivre en vase clos avec les siens, avant de se rendre à l’évidence devant la violence qui l’entoure lui et ses fils.

L’interactivité se clôt sur une comparaison de l’image avant/après la restauration avec à gauche l’image source et l’image restaurée à droite de l’écran.

L’Image et le son

Les Prairies de l’honneur avait tout d’abord connu une édition DVD sortie en 2004 chez Universal, avant de ressortir en 2009 chez le même éditeur. Le film d’Andrew V. McLaglen fait désormais peau neuve chez ESC Editions dans un nouveau master restauré HD. Si la propreté est indéniable, la restauration ne semble pas récente et a du mal à rivaliser avec les scans HD plus contemporains. Néanmoins, le Blu-ray des Prairies de l’honneur présenté ici n’a vraiment rien de honteux. La définition est correcte, surtout sur les plans rapprochés où les détails s’avèrent plus pointus et très plaisants. Le bât blesse au niveau des plans larges où on espérait une profondeur de champ plus dense. Les couleurs deviennent plus fanées, les contours manquent de finesse et le grain original a été beaucoup trop lissé. En revanche, l’image affiche une stabilité à toute épreuve, aucun fourmillement ne vient perturber le visionnage et les contrastes s’avèrent plutôt bons.

Les versions anglaise et française en DTS-HD Master Audio mono 2.0. Passons rapidement sur la version française au doublage récent, qui dénature tout le charme original du film, avec des voix inappropriées. Si l’écoute demeure correcte, elle ne vaut évidemment pas le naturel de la piste originale plus riche, vive, propre et aérée. Dans les deux cas, le souffle se fait discret et la musique bénéficie d’une jolie restitution. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.

Crédits images : © Universal Pictures / ESC Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Une vie ailleurs, réalisé par Olivier Peyon

UNE VIE AILLEURS réalisé par Olivier Peyon, disponible en DVD le 12 septembre 2017 chez Blaq Out

Acteurs :  Isabelle Carré, Ramzy Bedia, María Dupláa, Dylan Cortes, Virginia Méndez, Lucas Barreiro, Olivier Ruidavet, Flavio Quintana…

Scénario :  Olivier Peyon, Cécilia Rouaud, Patricia Mortagne

Photographie : Alexis Kavyrchine

Musique : Nicolas Kuhn

Durée : 1h36

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

C’est en Uruguay que Sylvie retrouve enfin la trace de son fils, enlevé il y a quatre ans par son ex-mari. Avec l’aide précieuse de Mehdi, elle part le récupérer mais arrivés là-bas, rien ne se passe comme prévu : l’enfant, élevé par sa grand-mère et sa tante, semble heureux et épanoui. Sylvie réalise alors que Felipe a grandi sans elle et que sa vie est désormais ailleurs.

Remarqué en 2007 avec son premier long métrage Les Petites vacances, interprété par Bernadette Lafont et Claude Brasseur, Olivier Peyon a tout d’abord suivi des études de sciences économiques, avant de devenir assistant de production pour le cinéma. Après un passage au CNC, il réalise quatre courts métrages, Promis, juré (1996), Jingle Bells (1997), Claquage après étirements (2000) et A tes amours (2001). A côté de ses activités de metteur en scène et de scénariste, Olivier Peyon traduit également en français plus d’une centaine de films anglophones, dont les œuvres des frères Coen, Danny Boyle, Stephen Frears, Ken Loach, Spike Jonze et bien d’autres. Egalement documentariste, Olivier Peyon signe ensuite deux documentaires pour l’émission Empreintes, diffusée sur France 5, le premier consacré à Élisabeth Badinter, le second à Michel Onfray. Vient ensuite la consécration critique et publique avec son long métrage documentaire Comment j’ai détesté les maths. Après avoir attiré 76.000 spectateurs dans les salles, le film est ensuite nommé aux César en 2014 dans la catégorie meilleur documentaire. Avec Une vie ailleurs, Olivier Peyon revient à la fiction et offre à Isabelle Carré son meilleur et son plus beau rôle depuis longtemps.

Depuis quatre ans, Sylvie se bat pour retrouver son fils, enlevé par son ex-mari. Elle vient de retrouver sa trace en Uruguay, où Felipe, le petit garçon, vit avec sa tante et sa grand-mère. Sylvie demande à Medhi, assistant social ému par sa peine, de lui ramener son fils. Sur place, Medhi rencontre la famille et se rend vite compte que Felipe est aimé et mène une existence heureuse. Medhi finit par renoncer, au grand désespoir de Sylvie, qui s’était imaginée de belles retrouvailles. Elle se rend sur place, bien décidée à prendre Felipe dans ses bras et à le ramener en France. Tourné à Montevideo et Florida en Uruguay, Une vie ailleurs crée un sentiment d’urgence dès les premières séquences. Avec cette mise en scène heurtée, on comprend très vite les sentiments qui animent le personnage de Sylvie, merveilleusement incarné par l’intense Isabelle Carré, et Medhi, qui démontre une fois de plus à quel point le drame sied bien à Ramzy Bédia comme dans Vandal de Hélier Cisterne sorti en 2013. Olivier Peyon parvient d’emblée à déstabiliser le spectateur en le plongeant dans un pays qu’il ne connaît pas et par ailleurs rarement filmé, l’Uruguay, tout en l’impliquant dans une quête à laquelle il est tout d’abord difficile d’adhérer.

Puis, la réalisation trouve un équilibre qui permet aux deux personnages principaux de réaliser ce pourquoi ils sont venus. Medhi et Sylvie sont alors séparés. Ils se dévoilent chacun de leur côté, vont à la rencontre de certaines personnes, partagés entre tendresse et violence. Ecrit, mis en scène et interprété avec une sensibilité à fleur de peau, Une vie ailleurs se dévoile par strates avec des sentiments tout d’abord intériorisés, qui vont ensuite submerger les personnages. Formidable directeur d’acteurs, Olivier Peyon entoure ses deux têtes d’affiche – qui s’étaient déjà croisées sur Des vents contraires de Jalil Lespert – d’excellents comédiens, parmi lesquels se distingue notamment l’argentine Maria Dupláa, qui interprète Maria, la tante de Felipe, qui illumine l’écran. Sur la forme, le cinéaste capture l’essence, la langue, le parfum et les couleurs d’un pays, qui contrastent avec une histoire d’amour contrariée, celle d’une mère pour son fils, la première étant bien décidée à récupérer ses droits sur le second, même s’il lui faut pour cela l’enlever à l’amour d’une tante, qui l’a élevé comme son propre fils, et d’une grand-mère.

Une vie ailleurs agrippe son audience du début à la fin pour l’emmener dans un tourbillon d’émotions à la fois profondes et contradictoires propres à la maternité, en évitant tout pathos. On en ressort à la fois étourdi, apaisé et ravi.

LE DVD

Le DVD d’Une vie ailleurs, disponible chez Blaq Out, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est fixe et musical.

Pas grand-chose à se mettre sous la dent en guise de suppléments. Néanmoins, ces sept séquences coupées au montage (22’30) méritent l’attention du spectateur. D’une part parce qu’elles sont très réussies, d’autre part parce que la première scène Llamadas (6’) et la dernière La danse d’Isabelle (2’) combinent à la fois les images du film avec celles du tournage. Un carton indique que tous les dimanche soirs dans chaque quartier de Montevideo, les habitants se réunissent dans la rue pour répéter, afin de participer aux Llamadas, le carnaval uruguayen, à base de percussions. Il s’agit ici du premier jour de tournage et de la première scène tournée en février 2016. Le carnaval venant juste de se terminer, tout le quartier de Jacinto a accepté de ressortir leurs instruments pour le film, pendant qu’Isabelle Carré et Lucas Barreiro interprètent leurs personnages. La Danse d’Isabelle n’est pas véritablement une scène coupée puisqu’on y voit la comédienne danser au rythme des percussions. En revanche, les cinq autres séquences sont bel et bien des séquences abandonnées (l’arrivée de Sylvie et Medhi à la douane, la rencontre de Medhi avec le Consul de France, la recherche d’un bateau qui pourrait emmener Sylvie et son fils en Argentine) ou allongées, à l’instar de la communion et du match de foot des enfants.

L’Image et le son

Point d’édition HD pour Une vie ailleurs, mais cela n’est pas trop grave puisque le DVD concocté par Blaq Out s’avère de fort bon acabit. La copie est très propre et claire, avec un cadre large qui fourmille de détails. La photo d’Alexis Kavyrchine (Les Petites vacances, Vincent n’a pas d’écailles, Je ne suis pas un salaud) fait la part belle aux teintes chatoyantes, ambrées et solaires, avec de fabuleux dégradés de bleus, de rouges et de jaunes, les contrastes sont denses et le piqué joliment acéré. L’encodage est solide, y compris sur les premières séquences qui reflètent l’agitation de Sylvie. Seul bémol au niveau des scènes nocturnes, moins précises que le reste. Sinon, la profondeur de champ permet d’apprécier les magnifiques paysages et ce DVD demeure très beau.

Au rayon acoustique, il va sans dire que la piste Dolby Digital 5.1 est à privilégier. Les enceintes sont mises à contribution avec des frontales qui délivrent des effets précis et immersifs, des dialogues clairs et précis sur la centrale, des latérales qui distillent quelques atmosphères palpables. Les ambiances annexes en extérieur apportent également leur lot de satisfaction. La piste 2.0 est tout aussi dense et excellente. A noter la présence de sous-titres disponibles pour les spectateurs sourds et malentendants.

Test Blu-ray / Le Fondateur, réalisé par John Lee Hancock

LE FONDATEUR (The Founder) réalisé par John Lee Hancock, disponible en DVD et Blu-ray le 1er septembre 2017 chez EuropaCorp

Acteurs : Michael Keaton, Nick Offerman, John Carroll Lynch, Laura Dern, Linda Cardellini, Patrick Wilson, B.J. Novak, Griff Furst…

Scénario : Robert D. Siegel

Photographie : John Schwartzman

Musique : Carter Burwell

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 2016

LE FILM

Dans les années 50, Ray Kroc rencontre les frères McDonald qui tiennent un restaurant de burgers en Californie. Bluffé par leur concept, Ray leur propose de franchiser la marque et va s’en emparer pour bâtir l’empire que l’on connaît aujourd’hui.

Le FondateurThe Founder est le cinquième long métrage du méconnu John Lee Hancock. Scénariste de métier, on lui doit les histoires de deux grands films de Clint Eastwood, Un monde parfait (1993) et Minuit dans le jardin du bien et du mal (1997). Sorti en 2002, son premier film en tant que réalisateur, Rêve de championThe Rookie est un grand succès aux Etats-Unis, ce qui lui donne l’opportunité d’accéder aux gros budgets. Ce sera le cas de son film suivant, Alamo en 2004, western porté par Dennis Quaid, qui se solde par un échec cinglant au box-office. Cinq ans plus tard, le metteur en scène revient derrière la caméra avec The Blind Side, inédit dans les salles françaises, mais triomphe national surréaliste (255 millions de dollars de recette pour un budget de 29 millions), qui vaut même à Sandra Bullock l’Oscar de la meilleure actrice. En 2013, Dans l’ombre de Mary qui raconte la genèse et la production du film Mary Poppins, interprété par Tom Hanks et Emma Thompson, produit par Disney, est un joli succès. Le Fondateur s’avère le meilleur film de John Lee Hancock. Démarrant comme un vrai feel-good movie au ton léger et aux couleurs scintillantes, le film se révèle être le portrait d’un monstre impitoyable auquel le génial Michael Keaton prête ses traits et son empathie immédiate. Autant dire que la surprise est de taille et que Le Fondateur s’avère un grand film sur la face cachée du rêve américain.

Représentant de commerce, Ray Kroc est un quinquagénaire originaire de l’Illinois qui court en vain après le succès en proposant des appareils à milk-shakes qui ne trouvent pas preneur. Il écume les états au volant de sa voiture, puis rentre chez lui, auprès de sa femme (Laura Dern) avec qui les relations se dégradent. Sa vie change lorsqu’il découvre que deux frères, Richard et Maurice McDonald, passent la commande de six machines à glace pour le même restaurant. Croyant tout d’abord à une erreur, il se rend compte que ces deux restaurateurs ont en fait besoin de huit machines au total. Ray reprend sa voiture et traverse les Etats-Unis jusqu’à San Bernardino en Californie. Il arrive devant un drive-in familial où des dizaines de personnes font la queue devant un guichet pour y passer commande, autrement dit la formule unique hamburger-frites-soda, servie dans des gobelets en carton et du papier jetable. Attiré par ce succès, Ray rencontre les deux frères McDonald. Ces derniers, très accueillants lui expliquent alors qu’ils ont mis au point une méthode de travail ingénieuse à fort rendement modeste pour leur restaurant de burgers, cuisinés et vendus en un temps-record, trente secondes au lieu des trente minutes habituelles et interminables chez leurs concurrents. Grisé par cette méthode révolutionnaire, Ray les persuade de lui confier la franchise leur invention. Ils acceptent. Devant leur frilosité et avide de faire rapidement de l’argent, Ray Kroc va prendre les devants et s’emparer de leur concept pour bâtir son empire, au grand désespoir des deux frères qui en voulant préserver leur intégrité finiront par tout perdre dans la bataille. Cela inclut leurs arches dorées et même leur nom qui deviendra une marque déposée pour laquelle ils ne gagneront pas un dollar de royalties (malgré une promesse verbale de leur reverser 1 % des bénéfices à vie), sauf lorsqu’ils seront obligés de se retirer de ce rouleau compresseur économique et capitaliste qui les dépasse.

Le Fondateur est un film formidable, qui n’a de cesse de surprendre le spectateur. Merveilleusement écrit par Robert D. Siegel (The Wrestler), mis en scène, interprété et reconstitué, le film de John Lee Hancock, un temps envisagé par les frères Coen qui adoraient le scénario, déjoue les attentes en faisant d’abord croire que l’on se trouve devant une comédie rutilante, menée à cent à l’heure, un portrait documenté sur l’un des empires économiques devenu omniprésent au quotidien et que le film est à la gloire du rêve américain. La séquence où les deux frères, incarnés par les épatants John Carroll Lynch (Zodiac, Gran Torino) et Nick Offerman (Parks and Recreation) racontent à un Ray Kroc abasourdi comment tout a commencé et la façon dont la chorégraphie du burger a été mise en place, est un très grand moment de cinéma. Puis sans prévenir, Le Fondateur devient plus sombre, même si les couleurs pétillantes des années 1950 sont toujours présentes et que la photo du chef opérateur John Schwartzman (Benny & Joon, Rock, Jurassic World) est lumineuse. Le contraste apparaît par couches successives, au fur et à mesure que Ray Kroc, animé par ce succès démentiel et qui n’a de cesse de s’étendre, décide de prendre les choses en main, sans tenir compte de l’avis des frères McDonald dont le récit adopte finalement le point de vue. Le Fondateur est un portrait fabuleux et ironique d’un loser ambitieux qui s’est servi du succès des autres comme point de départ pour sa propre initiative personnelle, dans le but de créer « la nouvelle église américaine ». Lui-même dépassé par les événements, mais malgré tout conscient qu’il était en train d’écraser ses partenaires, Ray Kroc est devenu un vampire avide de succès et d’argent, profondément égoïste et arriviste.

On savait Michael Keaton très grand comédien. Dans Le Fondateur, il hérite d’un rôle en or, tout d’abord destiné à Tom Hanks avant son désistement, et signe une de ses plus grandes interprétations. Quasiment de tous les plans, son énergie, son bagou, son charisme crèvent à nouveau l’écran. Epoustouflant, l’acteur parvient à rendre attachant ce petit représentant sans succès, qui devient ensuite foncièrement antipathique, une vraie crapule, un homme d’affaires monstrueux dont le génie visionnaire demeure pourtant indéniable et même fascinant. Alors, si vous connaissez évidemment la chaîne de fast-food, découvrez maintenant les véritables origines de ce succès planétaire. Votre burger vous restera certainement en travers de la gorge, mais en tout cas ce film virtuose et captivant ravira les cinéphiles.

LE BLU-RAY

Disponible chez EuropaCorp, le Blu-ray du Fondateur repose dans un boîtier classique de couleur bleue. Le visuel reprend celui de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

La première partie des suppléments est consacrée aux interviews du réalisateur John Lee Hancock (1’40) et des comédiens Michael Keaton (8’30), John Carroll Lynch (5’) et Nick Offerman (8’). Malgré leur courte durée et leur côté promotionnel, ces entretiens s’avèrent particulièrement intéressants. Chaque intervenant s’exprime sur la qualité du scénario (qui circulait pourtant depuis pas mal de temps à Hollywood), sur leur collaboration, sur la reconstitution des années 1950, les partis pris et les personnages ayant réellement existé. Mention spéciale à Nick Offerman qui indique que « le génie de Ray Kroc a amené des millions de personnages à devenir obèses ».

Les featurettes intitulées Les Frères McDonald (4’) et Les décors, un voyage dans le temps (7’) sont constituées d’images de tournage, d’interviews des producteurs, des comédiens, de Jason French (petit-fils de Dick McDonald), du réalisateur et du chef-décorateur Michael Corenblith, qui se focalisent sur la création du premier restaurant McDonald’s et la reconstitution du fast-food original à l’écran, des archives aux premiers concepts, jusqu’à la construction du décor principal. Un dernier supplément montre d’ailleurs ce dernier point à travers une vidéo en time-lapse (1’30).

L’Image et le son

Grands défenseurs du tournage en 35mm, le réalisateur John Lee Hancock et le chef opérateur John Schwartzman ont néanmoins décidé de tourner Le Fondateur en numérique en raison du budget du film. Afin de conserver une image proche de la pellicule, leur choix s’est porté sur la caméra Arri Alexa XT et des objectifs anamorphiques Panavision. Ces partis pris couplés au format 2.40 donnent à la photographie un aspect argentique très élégant. Le master HD concocté par EuropaCorp est sublime. Les couleurs sont étincelantes, le piqué aiguisé comme la lame d’un scalpel et les détails, y compris le visage taillé à la serpe de Michael Keaton, foisonnent du début à la fin. De jour comme de nuit, y compris sur les séquences tamisées, l’élévation Haute-Définition est omniprésent, évident et indispensable. On en prend plein les yeux avec ce cadre large à la profondeur de champ inouïe (voir le ciel chargé de nuages sur la Route 66) et des contrastes d’une densité jamais démentie.

Du point de vue acoustique, Le film profite à fond de l’apport HD grâce à deux pistes DTS-HD Master Audio 5.1 spectaculaires. Le score très présent de Carter Burwell, grand collaborateur des frères Coen depuis leur premier film est délivré par l’ensemble des enceintes, les basses sont parfois sollicitées, tout comme les latérales qui créent un environnement acoustique percutant. Les dialogues sont dynamiques et solidement délivrés par la centrale, jamais noyés par les effets sonores et la musique. L’éditeur joint également une piste Audiosdescription. Les sous-titres français sont imposés sur la version originale et le changement de langue verrouillé à la volée.

Crédits images : © Copyright Daniel McFadden / 2016 The Weinstein Company. All Rights Reserved. / Splendid-film / EuropaCorp / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Django, réalisé par Etienne Comar

DJANGO réalisé par Etienne Comar, disponible en DVD le 30 août 2017 chez Pathé

Acteurs : Reda Kateb, Cécile de France, Beáta Palya, Bimbam Merstein, Gabriel Mireté, Vincent Frade, Johnny Montreuil, Raphaël Dever, Patrick Mille, Xavier Beauvois…

Scénario : Etienne Comar, Alexis Salatko

Photographie : Christophe Beaucarne

Musique : Warren Ellis

Durée : 1h57

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

En 1943 pendant l’occupation allemande, le tsigane Django Reinhardt, véritable “guitare héros”, est au sommet de son art. Chaque soir il fait vibrer le tout Paris aux Folies Bergère avec sa musique swing alors qu’en Europe, ses frères sont pourchassés et massacrés. Lorsque la propagande allemande veut l’envoyer à Berlin pour une série de concerts, il sent le danger et décide de s’évader en Suisse aidé par une de ses admiratrices, Louise de Klerk. Pour passer, il se rend à Thonon-les-Bains, sur les bords du lac Léman, avec sa femme enceinte, Naguine et sa mère Negros. Mais l’évasion est plus compliquée que prévue, Django et ses proches se retrouvent plongés dans la guerre. Pendant cette période dramatique, il n’en demeure pas moins un musicien exceptionnel qui résiste avec sa musique, son humour, et qui cherche à approcher la perfection musicale…

On en entendait parler depuis plusieurs années déjà, mais le biopic sur Jean Reinhardt, plus connu sous le nom de Django Reinhardt (1910-1953), illustre guitariste de jazz, n’avait de cesse d’être repoussé. C’est finalement le producteur Etienne Comar, qui a entre autres produits les films de Laurent Bouhnik (Zonzon, 1999 Madeleine), Xavier Beauvois (Des hommes et des dieux, La Rançon de la gloire), Philippe Le Guay (Du jour au lendemain, Les Femmes du 6e étage) ou bien encore Maïwenn (Mon roi) et le multi-césarisé Timbuktu d’Abderrahmane Sissako, qui coproduit, coécrit et réalise ce Django, dont il s’agit du premier long métrage en tant que metteur en scène. Le film s’inspire du roman Folles de Django d’Alexis Salatko (également coscénariste du film), paru en 2013 pour le soixantième anniversaire de la mort du musicien. S’il n’est pas vraiment un biopic, Django, pour lequel a également collaboré David Reinhardt, le petit-fils de l’artiste, s’avère une illustration d’un des épisodes clés de la vie de l’artiste.

Si le film ne tient malheureusement pas ses promesses, Etienne Comar offre le rôle-titre au génial Reda Kateb, monstre de charisme et récompensé par le Swann d’or du meilleur acteur au Festival du film de Cabourg, qui s’empare véritablement du personnage au point de ne faire qu’un avec lui. Il est aussi élégamment et excellemment épaulé par Cécile de France dans le rôle d’un personnage fictif, mais finalement aussi marquant que celui tenu par son partenaire. Avouons-le, Django ne vaut que pour ses interprètes et rien d’autre.

Pourtant, le film démarre sur les chapeaux de roues avec l’effervescence d’un concert prêt à démarrer. La salle des Folies Bergère est remplie d’officiers allemands et des panneaux indiquent qu’il est formellement interdit de danser. Les musiciens sont prêts, mais Django n’est pas là. Ce dernier est tranquillement en train de pécher au bord de la Seine. On vient alors le chercher. Quelque peu éméché, il enfile son costume, sa vieille mère l’observe et le conseille. Le concert peut commencer, Django, plus grisé par sa musique que par l’alcool est enivré sur scène par les mélodies de son quintette. La salle est en transe, les spectateurs se lèvent et sont emportés par les mélodies, peu importent les interdictions. Une femme blonde, Louise de Klerk, entre dans la salle. On lui propose un siège, elle refuse et préfère rester debout. Elle observe Django puis les réactions dans la salle. Après ce triomphe, elle rejoint Django au moment certains officiers allemands lui annoncent qu’il devra se rendre à Berlin, afin d’y donner quelques concerts « monumentaux » auxquels participera probablement Adolf Hitler. Quelques jours après, Django décide de fuir avec les siens en direction de la Suisse.

En toute honnêteté, Django subjugue durant sa première demi-heure d’une folle élégance et son épilogue bouleversant. La reconstitution est simple, mais ne manque pas de classe, la photo de Christophe Beaucarne (Coco avant Chanel, Gemma Bovery, Irina Palm) est très belle et restitue l’atmosphère des salles enfumées. Ce concert est aussi l’occasion à Reda Kateb de montrer tout le travail de titan que le comédien a dû accomplir en amont pendant un an, afin de coller au plus près au style de jeu unique du guitariste. Cela fonctionne très bien à l’écran, tout part sous les meilleurs auspices, on tape même du pied au son du guitariste virtuose. Dommage que le soufflé retombe dès que le personnage décide finalement de s’enfuir afin de ne pas être envoyé à Berlin. Le film fait ensuite du sur-place pendant plus d’une heure où l’on voit Django attendre à Thonon-les-Bains, qu’un passeur veuille bien l’escorter avec sa mère et sa femme jusqu’en Suisse.

Comme s’il était lui-même stoppé dans son élan par son propre scénario, Etienne Comar semble ne plus savoir quoi faire de son personnage principal, qu’il filme souvent dans la nature, en train d’observer, tandis que les dialogues sonnent faux et semblent trop écrits. Django ne reprend la guitare que de manière sporadique, l’ennui s’installe progressivement, tout semble aller au ralenti. Pour que la mécanique soit relancée, il faut véritablement attendre le dernier acte, le concert donné au milieu des allemands et surtout la dernière séquence, celle où Django dirige le Requiem pour les frères Tsiganes, messe de sa composition jouée à la chapelle de l’Institut des jeunes aveugles de Paris en 1945, un hommage poignant aux victimes du génocide tsigane. Un panneau indique que cette œuvre n’a été jouée qu’une seule fois, la partition ayant été perdue par la suite et dont quelques bribes subsistent seulement. En dépit d’une remarquable exposition et un final déchirant, Django laisse une impression plus que mitigée. Si la qualité de l’interprétation est indéniable et marque les esprits, dommage que le film soit si déséquilibré et demeure d’un intérêt relatif.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de Django a été réalisé à partir d’un check-disc. Le visuel de la jaquette reprend le visuel de l’affiche. Le menu est animé et musical.

Pour une production de cet acabit, nous étions en droit d’attendre bien plus qu’une petite poignée de scènes coupées (6’) comme suppléments ! Aucun making of, aucune interview, pas de commentaires audio. Seulement quatre séquences laissées sur le banc de montage. La première montre Louise de Klerk marcher avec Django dans un cimetière parisien, en lui donnant les instructions pour son passage en Suisse. Louise annonce alors à Django qu’elle ne pourra pas le suivre et qu’elle est retenue sur la capitale. La seconde scène se déroule à Thonon-les-Bains. Django joue au billard, quand un lieutenant allemand lui propose une partie à cinquante francs le point. L’officier lui dit que son visage lui semble familier. Les deux séquences suivantes sont plus anecdotiques, avec d’un côté Negros qui fait semblant d’être morte pour s’amuser et flanquer la frousse, et de l’autre un repas entre amis où l’on se lance des assiettes pour rire.

L’Image et le son

Après un succès honorable dans les salles avec près d’un demi-million de spectateurs, Pathé prend soin de Django pour son arrivée dans les salons et en Haute Définition. Un master HD quasi-irréprochable au transfert immaculé. Respectueux des volontés artistiques originales, la copie se révèle un petit bijou technique alliant des teintes chaudes, ambrées et dorées, avec des teintes plus froides dans la partie suisse, le tout soutenu par un encodage AVC de haute volée. Le piqué, tout comme les contrastes, sont riches et tranchants, seuls les arrière-plans auraient pu être un peu plus détaillés. Les gros plans sont ciselés à souhait, la colorimétrie est vive et joliment laquée, le relief très présent. Un service après-vente remarquable et élégant.

Le mixage DTS-HD Master Audio 5.1 convient parfaitement à un film ambitieux comme Django en spatialisant tout d’abord la musique de Warren Ellis (Comancheria, Des hommes sans loi) et en plongeant généreusement les spectateurs dans l’ambiance du concert dans la première partie. Les effets latéraux sont probants, les ambiances naturelles éloquentes sur les séquences en extérieur, les basses sont utilisées à bon escient. Si les dialogues auraient également mérité d’être plus ardents sur la centrale, le confort acoustique est indéniable, la balance frontale saisissante. La piste DTS-HD Master Audio 2.0 se révèle également dynamique, percutante même, créant une véritable homogénéité entre les dialogues, la musique et les effets. Pour finir, nous disposons d’une piste Audiovision ainsi que des sous-titres français destinés au public sourd et malentendant.

Crédits images : © Roger Arpajou / Pathé Distribution / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Pris de court, réalisé par Emmanuelle Cuau

PRIS DE COURT réalisé par Emmanuelle Cuau, disponible en DVD le 22 août 2017 chez Ad Vitam

Acteurs : Virginie Efira, Gilbert Melki, Marilyne Canto, Renan Prévot, Jean-Baptiste Blanc, Zacharie Chasseriaud…

Scénario : Raphaëlle Valbrune, Emmanuelle Cuau, Eric Barbier, Lise Bismuth-Vayssières

Photographie : Sabine Lancelin

Musique : Alexandre Lecluyse

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Nathalie est joaillière et vient de s’installer à Paris pour un nouveau travail avec ses deux fils. Mais la direction de la bijouterie change soudainement d’avis et lui annonce que le poste ne sera pas pour elle. Nathalie veut protéger ses enfants et décide de ne rien leur dire. De ce mensonge vont naître d’autres mensonges de part et d’autre part.

Voilà dix ans que nous attendions impatiemment le retour de la réalisatrice Emmanuelle Cuau derrière la caméra après son second long métrage et coup de maître Très bien, merci, sorti en avril 2007. Venue de l’IDHEC, elle signe son premier film en 1995, Circuit Carole, avec Bulle Ogier et Laurence Côte. Elle est également l’auteure du scénario de Secret défense de Jacques Rivette (1998) et met en scène quelques épisodes de séries télévisées (Combats de femme, Pepe Carvalho) avant de reprendre la caméra pour Très bien, merci. En 2017, Pris de court est donc son troisième long métrage et c’est encore une fois une grande réussite.

Emmanuelle Cuau coécrit le scénario avec Raphaëlle Desplechin (Tournée), Lise Bismuth et surtout l’excellent Eric Barbier, auteur et réalisateur de deux brillants polars, Le Serpent (2006) et Le Dernier diamant (2014). Dans Pris de court, on retrouve cette rigueur propre au thriller et présente dans les deux films d’Eric Barbier, alliée à la structure en engrenages déjà présente dans Très bien, merci. Emmanuelle Cuau fait basculer le drame familial vers le film à suspense, et n’hésite pas à jouer la carte du romanesque. Nathalie, joaillière, veuve, quitte le Canada avec ses deux fils pour s’installer à Paris. Elle vient en effet de se voir proposer un poste intéressant. Mais, à la dernière minute, les bijoutiers pour lesquels elle doit travailler lui annoncent que le poste n’est plus pour elle. Nathalie, qui vient de trouver un logement et d’inscrire ses fils à l’école, est désespérée. Pour protéger ses enfants, elle décide de ne rien leur dire et cherche un emploi de remplacement. Elle trouve alors du travail dans une brasserie. Bientôt, Paul, son fils aîné découvre qu’elle leur a menti. De son côté, il commence à se livrer à quelques larcins au profit de Fred, un truand du quartier. Paul est pris également dans une spirale et sa famille en vient à être menacée. Nathalie décide de prendre les choses en main pour les sortir de ces ennuis.

Nathalie est interprétée par la désormais incontournable Virginie Efira. Décidément, la carrière de la comédienne a connu une sacrée accélération depuis Caprice d’Emmanuel Mouret, puisqu’elle aura enchaîné avec Victoria de Justine Triet et Elle de Paul Verhoeven, avec qui elle se prépare d’ailleurs à tourner à nouveau, cette fois en tant qu’actrice principale. A l’instar de Gilbert Melki dans Très bien, merci, présent également au générique de Pris de court, le personnage de Virginie Efira se retrouve entraîné dans une succession d’événements peu banals, mais bien que dépassée par ce qui lui arrive, Nathalie va tenter de garder la tête haute et de s’en sortir. Emmanuelle Cuau présente son film comme un thriller familial. Le mélange des genres peut tout d’abord être étonnant et même décontenancer les spectateurs, toujours est-il que cela fonctionne parfaitement. L’étau se resserre sur les personnages, la tension est permanente et repose sur des situations auxquelles on croit pouvoir échapper et qui ne nous concernent pas, mais qui finissent par arriver au sein d’une famille monoparentale (les deux jeunes acteurs sont très bons par ailleurs) et qui espérait un nouveau départ.

La prestation de Virginie Efira est aussi formidable qu’élégante, à l’image du film, et nous sommes également ravis de voir à ses côtés la trop rare et talentueuse Marilyne Canto. Pris de court est une œuvre épurée, dépouillée même, vive et dynamique, qui va droit à l’essentiel grâce aux ellipses, sans jamais s’appesantir sur le malaise des personnages, mais qui au contraire se concentre sur leur contre-attaque en emportant ainsi les spectateurs dans un courant jusqu’à son dénouement inattendu.

LE DVD

Le DVD de Pris de court, disponible chez Ad Vitam, repose dans un boîtier classique transparent. La jaquette reprend le visuel de l’affiche du film. Le menu principal est animé et musical.

Aucun supplément, si ce n’est la bande-annonce. Vraiment dommage.

L’Image et le son

Malgré l’engouement critique, il semble qu’Ad Vitam n’ait pas jugé bon de sortir Pris de court en Blu-ray. Il faudra donc se contenter de cette édition standard, mais heureusement la qualité est là. Les couleurs sont bien loties, entre chaud et froid, le piqué est suffisamment affûté, la clarté de mise sur toutes les séquences en extérieur et les contrastes élégants. Les détails ne manquent pas aux quatre coins du cadre, les noirs sont denses. On aurait vraiment aimé une édition HD !

Le mixage Dolby Digital 5.1 déçoit par son manque d’envergure et de peps, tant au niveau de la délivrance des dialogues que des effets latéraux. S’il n’y a pas grand-chose à redire sur la balance frontale, ce mixage ne parvient pas vraiment à créer une véritable spatialisation. Les enceintes latérales ne servent finalement qu’à mettre en relief les quelques ambiances naturelles de la ville. Bon point en revanche pour la version Stéréo, dynamique à souhait. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Ad Vitam / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr