Test Blu-ray / Le Fascinant Capitaine Clegg, réalisé par Peter Graham Scott

LE FASCINANT CAPITAINE CLEGG (Captain Clegg) réalisé par Peter Graham Scott, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs :  Peter Cushing, Yvonne Romain, Patrick Allen, Oliver Reed, Michael Ripper, Martin Benson, David Lodge, Daphne Anderson, Milton Reid…

ScénarioAnthony Hinds, d’après les romans de Russell Thorndike

Photographie : Arthur Grant

Musique : Don Banks

Durée : 1h22

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

En, 1792, le capitaine Collier et son groupe de soldats débarquent à Romney Marsh sur la côte britannique afin d’enquêter sur une histoire de fantômes des marais semant la terreur dans le village voisin. Il soupçonne vite le révérend local d’être pour quelque chose dans les événements qui s’y déroulent. Il s’avère que le révérend Blyss est un ancien chef pirate, connu sous le nom de capitaine Clegg, qui s’est réfugié dans ce village pour s’y faire oublier.

Malgré les triomphes internationaux de leurs relectures de la créature de Frankenstein, Dracula, la Momie et du Docteur Jekyll, les fondateurs de la Hammer Films ont peur d’être catalogués uniquement dans le registre horrifique et souhaitent donc aborder d’autres genres. William Hinds et Enrique Carreras se mettent donc à la recherche de sujets originaux, de nouveaux filons qui pourraient s’accorder avec leurs conditions de production, à savoir un sujet spectaculaire susceptible d’intéresser tous les âges, tourné avec un budget modeste, afin d’assurer une meilleure rentabilité. Et pourquoi pas une histoire de pirates ? Celles du Doctor Syn par exemple ! D’autant plus que cette série de 8 romans écrits par Russell Thorndike de 1915 à 1944, avait déjà connu une adaptation en 1937. Alors qu’ils pensaient les droits accessibles, les producteurs apprennent que les pontes de Disney les détiennent, ainsi que ceux sur les noms des personnages, dans le but de réaliser une série intitulée L’Epouvantail. Finalement, un accord est trouvé entre la Hammer et la maison de Mickey. Le scénariste Anthony Hinds, crédité sous le nom de John Elder, est libre de s’inspirer des romans de Thorndike, mais doit changer les noms originaux. Exit le Dr Syn, place au Capitaine Clegg !

1776, Le Capitaine Clegg règne en maître au sein de Rommey, un petit village des Cornouailles. L’homme a beau se réclamer de la justice, c’est une sorte de tyrannie qu’il a pourtant instaurée. Les accusations peuvent même s’avérer infondées, ainsi un mulâtre est-il condamné à avoir la langue coupée avant d’être abandonné sur une île déserte pour avoir voulu abuser de la femme du capitaine. 1792. Le Capitaine Collier et ses soldats marins débarquent dans une petite ville côtière anglaise, où repose désormais la dépouille du Capitaine Clegg, pour enquêter sur des fantômes des marais, qui sévissent dans la région. Il soupçonne bientôt le sinistre révérend Blyss, de ne pas être étranger à ces apparitions.

Le Fascinant Capitaine Clegg, Night Creatures aux Etats-Unis, ou bien encore tout simplement Captain Clegg, est un formidable film de pirates, sans batailles navales et sans même voir un bateau en mer ! Le réalisateur Peter Graham Scott fait fi d’un budget somme doute modeste et livre une œuvre d’aventures aux personnages bien dépeints, au récit intelligent et solidement interprété par une ribambelle de comédiens emmenés par l’immense talent et le charisme de Peter Cushing, qui s’en donne à coeur joie dans la peau de Blyss/Clegg au(x)quel(s) il apporte une grande ambiguïté. Sur un rythme vif et une durée ramassée (1h20), Le Fascinant Capitaine Clegg plonge le spectateur à la fin du XVIIIe siècle, en Angleterre, dans un village peuplé d’une petite poignée d’habitants, qui se retrouvent le soir à la taverne ou à l’église pour écouter les sermons du pasteur Blyss, qui n’est autre que le Capitaine Clegg. La nuit, avec certains de ses anciens hommes de main qui lui sont restés fidèles et des villageois contrebandiers, ils arborent un costume sombre représentant un squelette phosphorescent et arpentent les marais sur leurs chevaux plongés dans la nuit brumeuse, comme des spectres, dans le but d’effrayer certains quidams qui se posent trop de questions sur leur affaire de trafic d’alcool.

Parmi ces hommes-spectres, se distingue sans mal l’acteur Oliver Reed, amoureux transi d’Imogene, la fille cachée de Clegg et qui ignore que Blyss est son père. Chose amusante, après avoir interprété la mère d’Oliver Reed dans La Nuit du Loup-garou de Terence Fisher, Yvonne Romain incarne ici sa maîtresse. De jour comme de nuit, Blyss/Clegg entend bien résister aux soldats de sa Majesté, pour préserver son havre de paix, qui lui sert de base pour son commerce illégal depuis près de quinze ans, mais aussi pour assurer la sécurité des habitants qu’il aide au quotidien. Mais c’était sous-estimer l’obstination du Capitaine Collier, interprété par le génial Patrick Allen et sa voix inimitable.

Sorte de relecture gothique et baroque de Robin des Bois, Le Fascinant Capitaine Clegg n’est pas avare en scènes d’action, en émotions et en péripéties, sans oublier les conflits intimes qui animent les personnages. Merveilleusement photographié par le grand Arthur Grant, le film de Peter Graham Scott a su très vite trouver son public et reste très prisé par les fans de la Hammer.

LE BLU-RAY

Le Fascinant Capitaine Clegg est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.

Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de vrais auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !

Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation du Fascinant Capitaine Clegg (12’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production du Fascinant Capitaine Clegg. Le journaliste replace donc ce film dans l’histoire de la Hammer Films, au moment où le studio souhaitait s’orienter vers d’autres genres dans le but de ne pas rester enfermé dans le domaine de l’horreur gothique. Les démêlés avec Disney pour l’adaptation des romans de Russell Thorndike, le casting, l’investissement personnel de Peter Cushing (très grand admirateur des romans de Thorndike) qui avait même pensé réaliser le film, les points communs avec Les Contrebandiers de Moonfleet de Fritz Lang, sont abordés avec intelligence et spontanéité.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.

L’Image et le son

L’apport HD pour Le Fascinant Capitaine Clegg n’est pas aussi que pour Les Maîtresses de Dracula, La Nuit du Loup-Garou et Le Fantôme de l’opéra. Le grain se révèle plus hasardeux, notamment sur les effets spéciaux qui accompagnent la chevauchée des spectres aux abords du marais. Quelques scories et points ont échappé à la restauration, la définition est aléatoire voire chancelante sur les séquences de brume, ou lors d’un échange à la 41e minute où le champ-contrechamp sur Peter Cashing reste inexplicablement flou. Cependant, la copie trouve un équilibre convenable, qui fait honneur au support, même si les couleurs restent plutôt pâles tout du long.

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française est tantôt sourde, tantôt criarde, au détriment des ambiances annexes et de la partition de Don Banks. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Universal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Roseaux sauvages, réalisé par André Téchiné

LES ROSEAUX SAUVAGES réalisé par André Téchiné, disponible en Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Studiocanal

Acteurs :  Élodie Bouchez, Gaël Morel, Stéphane Rideau, Frédéric Gorny, Michèle Moretti, Jacques Nolot…

ScénarioAndré Téchiné, Gilles Taurand, Olivier Massart

Photographie : Jeanne Lapoirie

Durée : 1h54

Date de sortie initiale : 1994

LE FILM

En 1962, en pleine guerre d’Algérie, alors que les attentats OAS se multiplient, l’intrusion d’un garçon pied-noir exilé va bouleverser la vie paisible de l’internat du lycée où il est accueilli.

Les Roseaux sauvages est probablement l’oeuvre centrale de toute la filmographie d’André Téchiné. Pourtant, à l’origine, cette chronique douce-amère et mélancolique sur la jeunesse française au début des années 1960 était uniquement destinée à la télévision dans un format d’une heure, dans le cadre d’un projet pour la télévision. Aujourd’hui, Les Roseaux sauvages demeure pour beaucoup de cinéphiles leur film préféré d’André Téchiné, celui qui regroupe tous ses thèmes de prédilection.

La guerre d’Algérie touche à sa fin. Dans le Sud-Ouest de la France, le frère de Serge, soldat, fils de paysans italiens, épouse la première venue pour obtenir une semaine de permission. Le jeune marié songe à déserter et compte sur madame Alvarez, la mère de Maïté, professeur et militante communiste, pour l’aider. Mais il repart en Algérie et se fait tuer dans le djebel. Des lycéens du village sont témoins de ces événements tragiques. Henri, un jeune pied-noir, vient passer son bac en métropole. L’oreille collée à un transistor, il suit minute par minute le dénouement du conflit. Un soir, à l’internat, François, le petit ami de Maïté, découvre son homosexualité dans les bras de Serge. Derrière la valse et les flonflons de cette année 1962, certains jeunes terminent laborieusement leurs études au lycée, dans l’espoir d’obtenir leur baccalauréat, même s’ils ont d’autres idées en tête en étant bouleversés par leurs sentiments et leurs désirs.

André Téchiné demeure l’un des rares cinéastes français à avoir su dépeindre les émois propres à l’adolescence, mais également la révélation du libre-arbitre, de la conscience politique, l’éveil sexuel, la sensualité, en d’autres termes, l’adieu à l’enfance et l’entrée dans le monde responsable des adultes. Plus de vingt ans après sa sortie, François, Maïté, Madame Alvarez et Serge sont des personnages qui restent dans la conscience des cinéphiles. Même si Maïté et François ressentent beaucoup de choses l’un pour l’autre, le jeune homme ressent encore plus d’attirances pour Serge, ce qui le déconcerte beaucoup dans un premier temps, tandis que Maïté doit accepter cette situation. Il y a aussi le pied-noir Henri, compagnon de chambre de Serge, qui a quitté l’Algérie où son père est décédé. Le jour où Serge apprend que son frère est mort en Algérie, le lycéen est alors animé par une rage ardente envers Henri, tandis que la mère de Maïté, professeur de français et communiste, rongée de culpabilité pour ne pas avoir pu le frère de Serge, part en cure de sommeil. Son remplaçant, Monsieur Morelli, cherche à aider Henri à avoir le bac. Mais ce dernier, révolté par les décisions de de Gaulle et le retrait de la France en Algérie, décide de quitter la ville.

Les Roseaux sauvages dresse le portrait d’une jeunesse qui se voulait insouciante, mais qui se trouve très vite rattrapée par l’Histoire. André Téchiné confie les rôles principaux à une poignée de jeunes comédiens inexpérimentés, mais néanmoins charismatiques et très attachants. C’est le cas d’Elodie Bouchez, qui avait fait ses débuts au cinéma dans Stan the Flasher de Serge Gainsbourg (1989), qui après une apparition dans Tango de Patrice Levonte (1993) et Le Péril jeune de Cédric Klapisch (1994), explose à l’écran dans Les Roseaux sauvages, pour lequel elle obtient le César dans la catégorie meilleur espoir féminin. Au générique, se démarque également Gaël Morel, dans le rôle de François, adolescent introverti et tourmenté, sans doute le personnage le plus proche d’André Téchiné. Apparu ensuite dans Le Plus bel âge et Zonzon, Gaël Morel deviendra ensuite un précieux réalisateur, à qui l’on doit entre autres Le Clan (2004) et Après lui (2007).

A l’origine des Roseaux sauvages, il y a la collection commandée par Arte intitulée Tous les garçons et les filles de leur âge. Après Ma saison préférée en 1993, André Téchiné accepte de rejoindre ce projet collectif avec un téléfilm intitulé Le Chêne et le roseau, d’après la fable éponyme de Jean de La Fontaine, dont Les Roseaux sauvages deviendra finalement la version longue. Cette collection regroupe neuf téléfilms français, totalement indépendants entre eux, seulement reliés par le thème de l’adolescence et diffusés sur Arte au dernier trimestre 1994. André Téchiné, mais aussi Chantal Akerman, Claire Denis, Olivier Assayas, Laurence Ferreira Barbosa, Patricia Mazuy, Emilie Deleuze, Cédrick Kahn et Olivier Dahan relèvent le défi. Comme ses confrères, André Téchiné dispose alors d’un budget modeste et doit répondre à une liste de contraintes (la durée d’une heure, le thème principal, intégrer une scène de fête, une durée de tournage de 20 jours en moyenne, des prises de vue en Super 16), malgré une grande liberté créatrice laissée aux cinéastes, comme le choix de situer le récit entre les années 1960 et 1990. Chaque réalisateur doit utiliser la musique rock, filmer de jeunes comédiens peu ou alors pas connus. André Téchiné reconnaîtra lui-même la grande liberté qui leur avait été accordée, sans contrainte ni l’obstacle lié au box-office.

Trois de ces téléfilms connaîtront les honneurs d’une version allongée, qui sera exploitée dans les salles. Les Roseaux sauvages donc, mais aussi Trop de bonheur de Cédric Kahn et L’Eau froide d’Olivier Assayas, présentés par ailleurs au Festival de Cannes. Le Chêne et le roseau, qui durait à l’origine 56 minutes, devient alors Les Roseaux sauvages, vrai film de cinéma d’1h55, placé sous le sceau de l’authenticité, qui n’épargne pas ses jeunes protagonistes, rattrapés par la dure réalité de la vie qui s’ouvre devant eux. André Téchiné réalise ici l’un de ses chefs d’oeuvre, en état d’apesanteur, trouvant l’équilibre délicat et parfait entre récits initiatiques – pour la première fois, il y parle ouvertement de l’homosexualité – et rendez-vous avec la grande Histoire, avec pudeur, une immense sensibilité et une justesse confondante, sous un soleil ardent et des couleurs estivales.

Largement inspirée par les propres souvenirs liés à l’adolescence du cinéaste, Les Roseaux sauvages est une œuvre qui marque définitivement la mémoire des cinéphiles. Le film a été récompensé par le prix Louis-Delluc en 1994 et par quatre César en 1995, Meilleurs film, réalisateur, scénario original et espoir féminin.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray des Roseaux sauvages, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, fixe et muet, reprend une partie du visuel de l’affiche originale.

A l’instar de l’édition HD de J’embrasse pas, l’éditeur reprend l’interview d’André Téchiné (20’), réalisée à l’occasion de la sortie des Roseaux sauvages en DVD en 2004. Cependant, contrairement à l’autre entretien mentionné, le réalisateur semble presque gêné de parler du film qui nous intéresse. De manière succincte, le cinéaste revient sur la genèse du projet alors qu’il s’agissait encore d’un téléfilm intitulé Le Chêne et le roseau. André Téchiné indique que c’est surtout l’envie d’évoquer la guerre d’Algérie, plus que de réaliser un film sur les adolescents, qui l’a surtout convaincu de mettre en scène ce qui allait devenir Les Roseaux sauvages. Brièvement et de manière saccadée, le module est par ailleurs trop souvent entrecoupé par des extraits du film, le cinéaste aborde les thèmes, les personnages, le casting, les conditions de tournage, ainsi que les éléments autobiographiques qui ont inspiré le scénario.

L’Image et le son

Tourné en 16 mm, Les Roseaux sauvages a ensuite été gonflé pour une exploitation dans les salles. Evidemment, nous sommes loin du clinquant CinemaScope, format habituellement utilisé par André Téchiné, mais cette édition Haute-Définition s’en sort avec les honneurs. Certes, les couleurs restent sensiblement délavées, notamment les teintes vertes très présentes, mais la clarté est de mise, le piqué agréable, la copie très propre, en dehors d’un fil en bord de cadre lors de la scène de l’enterrement. Les séquences sombres s’avèrent moins définies, avec un grain plus hasardeux et une perte des détails. Toutefois, ce Blu-ray des Roseaux sauvages, permet au film d’André Téchiné de bénéficier d’une petite cure de jouvence bienvenue.

Le mixage DTS-HD Master Audio Stéréo instaure un très bon confort acoustique. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. Dommage que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant soient indisponibles.

Crédits images : © Studiocanal /  Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / Le Fantôme de l’Opéra, réalisé par Terence Fisher

LE FANTÔME DE L’OPÉRA (The Phantom of the Opera) réalisé par Terence Fisher, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs :  Herbert Lom, Heather Sears, Edward de Souza, Thorley Walters, Michael Gough, Harold Goodwin, Michael Ripper…

ScénarioAnthony Hinds

Photographie : Arthur Grant

Musique : Edwin Astley

Durée : 1h24

Date de sortie initiale : 1962

LE FILM

1900. Une malédiction semble frapper l’Opéra de Londres. Alors que les tragédies se succèdent, la rumeur de la présence d’un mystérieux fantôme orchestrant en coulisse les accidents enfle de plus en plus. Lors d’une première prestigieuse, son existence ne fait plus de doute quand Christine Charles, l’étoile montante de l’Opéra, est enlevée par le fantôme. Elle va découvrir les terribles secrets cachés sous le masque couvrant son terrifiant visage.

Le roman fantastique de Gaston Leroux (1868-1927), Le Fantôme de l’Opéra, publié en feuilleton dans Le Gaulois en 1910, a connu moult adaptations au cinéma, de 1925 par Rupert Julian à celle de Joel Schumacher en 2004, la dernière à ce jour. Une dizaine de transpositions parmi lesquelles se distinguent la toute première, interprétée par l’illustre Lon Chaney, mais aussi et surtout celle de maître Terence Fisher, l’homme qui avait déjà revisité Dracula, le monstre de Frankenstein, la Momie et le Loup-Garou pour le compte de la Hammer Films. Rétrospectivement, Le Fantôme de l’OpéraThe Phantom of the Opera version Fisher, est l’un des opus les plus ambitieux du mythique studio, qui désirait livrer sa version du mythe depuis 1958, mais qui n’avait de cesse de le reporter, faute de moyens suffisants. Quand Cary Grant indique un jour qu’il voudrait s’associer avec la Hammer pour un film, il n’en fallait pas plus pour que le studio mette en route ce long métrage tant désiré. Si cette rencontre Grant-Hammer n’aura finalement jamais lieu, au moins ce fantasme aura-t-il permis la réalisation d’un des plus grands films du studio.

L’histoire se déroule en 1900 à Londres. Le London Opera House est, dit-on, hanté par un fantôme depuis que Lord Ambrose D’Arcy tente d’y présenter un nouvel opéra. Lors de la première, le spectacle est gâché par le corps d’un pendu qui apparaît en se balançant au bout d’une corde au-dessus de la scène. La chanteuse engagée refuse d’y jouer de nouveau. Le directeur artistique, Harry Cobtree auditionne de nouvelles chanteuses et tombe sur Christina Charles, qui semble beaucoup promettre. Elle est engagée et présentée à D’Arcy. Celui-ci tente de la séduire mais elle se refuse à lui. Elle est sauvée par Harry. En colère, D’Arcy les met tous les deux à la porte. Lorsque Harry visite Christina à sa pension de famille, il trouve des manuscrits sur lesquels est écrite une ébauche de l’opéra supposément composé par D’Arcy. La patronne, Mme Tucker, lui avoue que ces papiers ont appartenu à un ancien pensionnaire, le professeur Petrie, qui a été tué lors de l’incendie d’une maison d’imprimerie. Son corps n’a jamais été retrouvé. Il procède à une rapide enquête qui lui apprend que Petrie n’est pas mort dans l’incendie mais que son visage a en réalité été éclaboussé par de l’acide nitrique au moment où il tentait d’éteindre l’incendie. Christina est alors enlevée et emmenée dans les bas-fonds de l’Opéra où un homme hideux portant un masque et jouant de l’orgue lui déclare qu’il lui apprendra à chanter.

La Hammer dispose d’un budget beaucoup plus conséquent que pour ses films d’épouvante, grâce à un partenariat avec Universal, qui en contrepartie demande au studio d’y aller mollo sur les effets sanguinolents, sur la violence et l’érotisme, ceci afin d’attirer un public plus familial, en espérant ainsi rembourser la mise investie. Si effectivement Le Fantôme de l’Opéra demeure un opus plus « traditionnel », cela n’empêche pas le film d’être une nouvelle merveille concoctée par Terence Fisher. Bridé par les producteurs, le cinéaste s’approprie néanmoins le roman de Gaston Leroux. Sa mise en scène lyrique, sa solide direction d’acteurs (très bons Edward de Souza et Heather Sears), la beauté des décors – dont le Royal Opera House de Covent Garden par ailleurs sublimés par la photo du chef opérateur Arthur Grant, son rythme enlevé et l’émotion qui émane de sa nouvelle « créature », qui n’a jamais été autant humaine et donc empathique, ne cessent d’émerveiller les spectateurs.

L’art et la virtuosité de Terence Fisher imprègnent chaque plan et chaque séquence, la dualité chère au cinéaste est ici explicite avec le Fantôme – magnifique Herbert Lom – tiraillé entre le bien et le mal, tout comme son visage dissimulé par un masque, où seul un œil demeure visible. Le véritable monstre du film n’est évidemment pas celui que l’on croit puisque celui-ci agit à visage découvert, et quel visage puisqu’il s’agit du célèbre Michael Gough, prolifique comédien britannique, qui interprétait entre autres Alfred Pennyworth du Batman de Tim Burton au Batman & Robin de Joel Schumacher. Particulièrement abject, sadique et repoussant, il est bel et bien l’être inhumain du Fantôme de l’Opéra.

A sa sortie, Le Fantôme de l’Opera n’a pas rencontré le succès espéré. Heureusement, le temps a fait son office et les cinéphiles en ont fait un film aujourd’hui très prisé.

LE BLU-RAY

Le Fantôme de l’Opéra est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.

Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de véritables auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, véritable érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !

Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation du Fantôme de l’Opéra (23’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production du Fantôme de l’Opéra. Le journaliste considère ce film comme l’un des plus personnels de Terence Fisher, le chaînon manquant entre la version avec Lon Chaney et Phantom of the Paradise de Brian De Palma, comme la clé de voûte méconnue de toute la filmographie du réalisateur. Il replace ensuite Le Fantôme de l’Opéra dans l’histoire de la Hammer Films, qui souhaitait reprendre le mythe adapté de Gaston Leroux depuis 1958, mais dont le projet n’avait de cesse d’être repoussé en raison du manque de moyens. La genèse du film, la transposition et les différences avec le roman original, le casting, mais aussi et surtout le fond comme la forme sont abordés avec intelligence et spontanéité.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.

L’Image et le son

Oubliez le DVD sorti chez Bach Films il y a dix ans et précipitez-vous sur ce master Haute-Définition royalement offert par Elephant Films ! Car en dehors de quelques points blancs et de décrochages chromatiques sur les fondus enchaînés, la copie présentée tient toutes ses promesses. Les teintes rouges, jaunes et bleues sont éclatantes, les contrastes sont à l’avenant, les détails élégants sur le cadre large et le piqué pointu. Quel plaisir de (re)découvrir les films de la Hammer dans ces conditions !

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. Le doublage de la piste française est soigné, avec notamment la présence au générique des immenses Claude Bertrand et Jean-Claude Michel. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Unversal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test Blu-ray / J’embrasse pas, réalisé par André Téchiné

J’EMBRASSE PAS réalisé par André Téchiné, disponible en Blu-ray le 5 septembre 2017 chez Studiocanal

Acteurs :  Manuel Blanc, Philippe Noiret, Emmanuelle Béart, Hélène Vincent, Ivan Desny, Michèle Moretti…

ScénarioJacques Nolot, André Téchiné, Michel Grisolia

Photographie : Thierry Arbogast

Musique : Philippe Sarde

Durée : 1h56

Date de sortie initiale : 1991

LE FILM

L’histoire de Pierre qui vient de quitter son Sud-Ouest natal pour tenter fortune à Paris avec pour tout bagage un diplôme de brancardier, et un vague désir de devenir acteur. Il va sombrer dans la prostitution.

Même s’il n’a pas forcément brillé au box-office à sa sortie en novembre 1991 avec 472.000 entrées, ce qui le classe à la neuvième place dans le top 10 du réalisateur, J’embrasse pas d’André Téchiné est considéré à juste titre comme l’un de ses meilleurs et plus grands films. Inspiré de la vie du comédien et cinéaste Jacques Nolot, par ailleurs coscénariste, qui durant son adolescence avait rencontré et fréquenté Roland Barthes, dont est inspiré le personnage de Romain, magnifiquement incarné par Philippe Noiret, J’embrasse pas est empreint de lyrisme propre à la littérature française du XIXè siècle et foudroie le spectateur du début à la fin.

A peine majeur, Pierre Lacaze quitte ses Pyrénées natales pour monter à Paris avec l’idée de devenir comédien. Son seul contact est Evelyne, infirmière d’âge mûr et vieille fille, qu’il a connue alors qu’il était brancardier à Lourdes, et qui ne peut lui trouver d’autre emploi que plongeur à l’hôpital. C’est là qu’il rencontre Saïd, qui l’emmène dîner un soir chez son oncle Dimitri, vieil homosexuel lié à Romain Dumas, producteur d’émissions culturelles à la télévision fréquentant assidûment le monde des jeunes prostitués. Pierre se défie de cet homme et devient l’amant d’Evelyne, qui le cache de sa vieille mère infirme en le logeant dans une chambre sous les toits. Le soir, après le travail, il suit des cours d’art dramatique et s’y révèle peu talentueux, ne comprenant rien au monologue d’Hamlet. Evelyne, fort perturbée et ne se sentant pas aimée comme elle l’attendait, met un terme à sa relation avec le jeune homme, qui se retrouve à la rue. Dormant dans une gare, il s’y fait voler son sac. Démuni de tout, il cherche à se prostituer, mais ne peut finalement s’y résigner. C’est là, au Bois de Boulogne, que Romain l’aperçoit et lui propose de le suivre à Séville le temps d’un reportage. Mais, à peine arrivé, Pierre s’éclipse et rentre à Paris, où il reçoit la visite de son frère Serge, militaire en permission, et où cette fois il se prostitue réellement, sous le nom de… Romain. Un soir de rafle policière, il se laisse volontairement arrêter, car dans le fourgon cellulaire se trouve Ingrid, jeune prostituée précédemment aperçue, qui l’attire au plus haut point. Relâchés au matin, ils ébauchent une idylle que la jeune femme écourte sous la menace de son souteneur.

Avec sa mise en scène frontale, pourtant douce et caressante, André Téchiné dresse le portrait de son jeune personnage, sans porter de jugement, sans désir de réaliser un documentaire sur la prostitution, mais en se focalisant plutôt sur les étapes et rencontres – superbes Hélène Vincent et Roschy Zem – successives qui mènent Pierre vers cette alternative pour pouvoir survivre. Non seulement Pierre fait de son corps un instrument de survie, mais également de plaisir et de jouissance. André Téchiné accompagne Pierre dans sa découverte du vaste monde, un explorateur qui s’engage alors sur un territoire qu’il ne connaît pas et qui se trompe sur ses premiers désirs. Les désillusions font rapidement place au besoin primaire de manger, de dormir et de s’en sortir.

Le choix de confier le premier rôle à Manuel Blanc, qui n’avait alors aucune expérience est donc aussi intelligent qu’ambitieux, puisque le jeune comédien de 23 ans représente l’espoir et la virginité, dont les rêves et les fantasmes vont vite être ruinés. J’embrasse pas est un film certes sombre, mais néanmoins ponctué par des moments d’éclaircies, comme cette confrontation de Pierre avec Ingrid, interprétée par Emmanuelle Béart, au sommet de son art, de son aura érotique et de sa beauté avec son regard azur et sa perruque Louise Brooks. Mais même ce regard lumineux est au bord des larmes et témoigne des coups reçus.

Le récit initiatique de Pierre est difficile, à la fois pour le personnage, mais aussi pour le spectateur, notamment durant l’acte final où le destin se cristallise dans une séquence aussi inéluctable qu’insoutenable, qui tord alors l’estomac et marque encore profondément les esprits longtemps après, tout comme la composition du prolifique Philippe Sarde. Et malgré l’enfer vécu par Pierre, l’espoir demeure malgré tout puisque le film se clôt dans un baptême innocent et vertueux, où tous les horizons semblent possibles. Manuel Blanc a très justement été récompensé par le César du meilleur espoir masculin en 1992.

LE BLU-RAY

Le test du Blu-ray de J’embrasse pas, disponible chez Studiocanal, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal, fixe et muet, reprend une partie du visuel de l’affiche originale.

Cette édition ne contient qu’un seul supplément, mais à ne pas manquer. Il s’agit de l’interview d’André Téchiné (28’), réalisée en 2004, pour la sortie en DVD de J’embrasse pas. Le cinéaste revient sur la genèse du film, né du projet avorté de réaliser un film français au Brésil, qui est finalement devenu un film aux thèmes « brésiliens » transposés en France. André Téchiné aborde ensuite ses intentions, l’écriture du scénario avec Jacques Nolot (basé sur son histoire personnelle, mais aussi sur certains témoignages), les conditions de tournage (l’histoire a été tournée dans sa continuité), le casting, l’évolution du personnage de Pierre et les partis pris.

L’Image et le son

J’embrasse pas nous parvient en Haute-Définition. La copie est propre, immaculée même, les contrastes très élégants font honneur à la très belle photo du chef opérateur Thierry Arbogast, marquée par des couleurs hivernales. Le grain original est heureusement respecté, le cadre large offre son lot conséquent de détails ciselés, la stabilité est de mise. En dehors de quelques sensibles pertes de la définition, ce Blu-ray s’avère solide et permet de redécouvrir J’embrasse pas dans des conditions très satisfaisantes.

Le mixage DTS-HD Master Audio Stéréo instaure un confort acoustique total. Les dialogues sont ici délivrés avec ardeur et clarté, la propreté est de mise, les effets riches et les silences denses, sans aucun souffle. La composition de Philippe Sarde jouit également d’un écrin phonique soigné. Dommage que les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant soient indisponibles.

Crédits images : © Studiocanal / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD, Visages, villages, réalisé par Agnès Varda et JR

VISAGES, VILLAGES réalisé par Agnès Varda et JR, disponible en DVD et Blu-ray le 22 novembre 2017 chez Le Pacte

Avec :  Agnès Varda et JR

Musique : Matthieu Chedid

Durée : 1h25

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Agnès Varda et JR ont des points communs : passion et questionnement sur les images en général et plus précisément sur les lieux et les dispositifs pour les montrer, les partager, les exposer. Agnès a choisi le cinéma. JR a choisi de créer des galeries de photographies en plein air. Quand Agnès et JR se sont rencontrés en 2015, ils ont aussitôt eu envie de travailler ensemble, tourner un film en France, loin des villes, en voyage avec le camion photographique (et magique) de JR. Hasard des rencontres ou projets préparés, ils sont allés vers les autres, les ont écoutés, photographiés et parfois affichés. Le film raconte aussi l’histoire de leur amitié qui a grandi au cours du tournage, entre surprises et taquineries, en se riant des différences.

55 ans les séparent. Pourtant, JR, artiste contemporain né en 1983, spécialisé dans la technique du collage photographique et Agnès Varda, réalisatrice, photographe et plasticienne née en 1928 se ressemblent énormément et sont constamment inspirés par les gens. Ceux dont ils capturent les visages, les gestes, parfois avortés, les héros du quotidien. JR et Agnès Varda décident de sillonner les routes de France à bord de la camionnette-studio du street-artist. Ils désirent aller à la rencontre des gens, leur parler, les photographier, développer les photos et les afficher en grand dans leurs lieux de vie. JR et Varda croisent des ouvriers, des agriculteurs, une serveuse. Agnès Varda voudrait également que JR montre enfin ses yeux, toujours dissimulés derrière des lunettes noires.

Si Agnès Varda a imprimé sur pellicule les yeux et les rides de comédiens professionnels comme ceux des petites gens dans ses documentaires, JR a fait de même avec du papier collé sur des châteaux d’eau, des wagons, des façades vierges, des portes et des escaliers du monde entier. Amoureux de la vie et débordant d’énergie, même si la grande petite dame du cinéma français qui avoisine les 90 ans trottine plus qu’elle ne marche aujourd’hui, les deux complices font preuve d’une réelle alchimie tant dans leur démarche artistique que dans la vie de tous les jours, JR apparaissant finalement comme le petit-fils spirituel de la cinéaste.

« L’art est public » pourrait-on dire en visionnant Visages, villages, bien plus attachant et surtout plus intéressant que les deux derniers longs métrages de Raymond Depardon, Journal de France (2012) et Les Habitants (2016), qui se regardaient filmer en se reposant sur ses lauriers. On peut reprocher à Visages, villages son côté mis en scène, son manque de spontanéité, des propos trop écrits et mollement récités par JR en postsynchronisation, finalement bien plus à l’aise quand il entreprend de coller lui-même des poissons géants en haut d’un échafaudage, sans oublier l’aspect énervant quand Agnès Varda et son acolyte en font trop dans l’émotion que l’on sent factice, gros soucis du dernier acte? Pourtant, le charme n’a de cesse d’agir. Visages, villages, « collage » et road-trip né de la rencontre entre Agnès Varda et JR organisée par Rosalie Varda, la fille de la réalisatrice, emmène JR en territoire inconnu, la campagne française, lui qui oeuvre principalement dans l’environnement urbain. Deux univers opposés, même si Agnès Varda a souvent filmé la ville, ses rues et leurs surprises (Cléo de 5 à 7, Daguerréotypes, Les Dites cariatides), se confrontent, dialoguent et s’apprivoisent immédiatement grâce au même amour pour les gens qu’ils croisent sur la route et sur certains chemins perdus.

Agnès Varda et JR atterrissent donc dans des endroits reculés, tandis que la camionnette customisée en cabine de photomaton géante attire la population, qui se prête ensuite au jeu des projets improvisés des deux artistes, en donnant la parole aux protagonistes, en particulier aux femmes, comme cette formidable séquence avec les épouses des dockers du Havre. C’est ce qui fait la réussite de cette entreprise, qui parvient finalement à trouver le bon équilibre entre la mise en avant des français et l’aspect autobiographique, qui relie finalement Visages, villages aux merveilleuses Plages d’Agnès, comme une fable sur le temps qui passe. Si les souvenirs d’Agnès Varda sont bien vivants dans sa tête et que la cinéaste en emmagasine d’autres avant que ses yeux, qui s’affaiblissent plus chaque jour, ne puissent plus rien imprimer, JR parvient grâce à son art à les ramener de manière éphémère à la réalité. C’est beau, universel, poétique et poignant.

LE DVD

Le test du DVD de Visages, villages, disponible chez Le Pacte, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Une toute petite interactivité pour cette édition.

Dans Visages, villages, Agnès Varda compare JR à Jean-Luc Godard, qui avait accepté d’ôter ses célèbres lunettes fumées pour jouer dans l’un de ses courts-métrages, Les Fiancés du pont Mac Donald ou (Méfiez-vous des lunettes noires), mini-film burlesque extrait de Cléo de 5 à 7 (1961) dans lequel « un jeune homme voit la vie en noir quand il porte des lunettes noires. Il lui suffit de les ôter pour que les choses s’arrangent ». Un extrait est d’ailleurs inséré lors de cette scène. Le Pacte propose de visionner ce court-métrage muet, en N&B et virevoltant dans son intégralité (5’). L’occasion d’admirer encore et toujours les complices d’Agnès Varda, Jean-Luc Godard, Anna Karina, Jean-Claude Brialy, Sami Frey, Danielle Delorme, Eddie Constantine et Yves Robert, sur une improvisation musicale de Michel Legrand.

S’ensuivent deux scènes coupées ou allongées, la cabine de plage (4’) et le Département de lettres modernes (3’30).

Cette section se clôt sur une visite de Matthieu Chedid dans le refuge d’Agnès Varda, rue Daguerre (3’30), le teaser et la bande-annonce du film.

L’Image et le son

Dommage de ne pas avoir reçu l’édition HD, car Visages, villages bénéficie d’une édition DVD déjà soignée, qui parvient à restituer les belles images glanées par Agnès Varda et JR tout au long de leurs pérégrinations. La profondeur de champ impressionne, le cadre est très élégant, la colorimétrie scintillante et le relief omniprésent. L’encodage consolide l’ensemble avec fermeté, le piqué est appréciable, les noirs compacts, les ambiances chaudes et les contrastes denses.

A première vue, ou devrait-on dire plutôt à l’oreille, le choix d’une piste Dolby Digital 5.1 pouvait peut-être déconcerter quelque peu pour un film de cet acabit. Pourtant, force est d’admettre que cette option parvient à mettre Visages, villages en valeur avec de belles ambiances intelligemment spatialisées. Les éléments naturels ne manquent pas (le vent, la mer) quand Agnès Varda et JR s’arrêtent pour rencontrer certains habitants, tandis que les voix des protagonistes demeurent constamment claires. Cette piste est donc bien plus qu’une alternative à la piste Stéréo, également de haute qualité. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont disponibles, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © Le Pacte / Ciné-Tamaris / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

 

Test DVD / Grand froid, réalisé par Gérard Pautonnier

GRAND FROID réalisé par Gérard Pautonnier, disponible en DVD le 7 novembre 2017 chez Diaphana

Acteurs :  Jean-Pierre Bacri, Arthur Dupont, Olivier Gourmet, Féodor Atkine, Sam Karmann, Philippe Duquesne…

ScénarioGérard Pautonnier, Joël Egloff d’après son roman « Edmond Ganglion & Fils » (Gallimard)

Photographie : Philippe Guilbert

Musique : Christophe Julien

Durée : 1h23

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Dans une petite ville perdue au milieu de nulle part, le commerce de pompes funèbres d’Edmond Zweck bat de l’aile. L’entreprise ne compte plus que deux employés : Georges, le bras droit de Zweck, et Eddy, un jeune homme encore novice dans le métier. Un beau matin, pourtant, un mort pointe son nez. L’espoir renaît. Georges et Eddy sont chargés de mener le défunt jusqu’à sa dernière demeure. Mais, à la recherche du cimetière qui s’avère introuvable, le convoi funéraire s’égare et le voyage tourne au fiasco.

Vous savez chez nous c’est très simple ou ça bat, ou ça bat plus et là en l’occurrence, ça bat !

Sans faire de mauvais jeux de mots, Grand froid agit comme un vent de fraîcheur sur le cinéma français ! Venu de la publicité et de la télévision (la série Samantha, oups!) et remarqué en 2015 avec son court-métrage L’Etourdissement, adapté du roman de Joël Egloff et primé dans de nombreux festivals en France et à l’étranger, Gérard Pautonnier signe son premier long métrage Grand froid, également inspiré d’un livre du même auteur. Pour ce film, le réalisateur retrouve les comédiens Arthur Dupont et Philippe Duquesne, mais offre surtout à l’immense Jean-Pierre Bacri l’un de ses meilleurs personnages depuis près de quinze ans. Cocktail insolite entre le Fargo des frères Coen, les films d’Aki Kaurismäki, le western italien à la Sergio Leone et le cinéma inclassable de Bouli Lanners, Grand froid est une comédie-dramatique qui détonne dans le panorama cinématographique hexagonal.

Les affaires ne sont pas bonnes pour Edmond zweck, patron d’une entreprise de pompes funèbres qui périclite dans une petite ville. Il a dû se séparer d’une partie de son personnel. Il est secondé par Georges et Eddy, un jeune homme plein de bonne volonté mais sans expérience. L’embellie survient quand on demande à l’équipe de s’occuper d’un mort. Alors qu’il transporte le corps, direction le cimetière, elle se perd et surtout perd de vue la famille qui suivait le convoi. Edmond, Georges et Eddy vont tout tenter pour retrouver leur chemin et mener à bien leur mission.

La mort, ce n’est pas contagieux, c’est héréditaire.

Cette transposition du premier roman de Joël Egloff, Edmond Ganglion & fils, publié en 1999 chez Gallimard, qui contrairement au film se déroule durant un été caniculaire, est empreint d’un humour noir cynique, typique du cinéma anglo-saxon. Avec ses personnages de croque-morts fatigués, Olivier Gourmet dépassé par les événements et en attente d’un coup de fil de sa fille, Jean-Pierre Bacri moumouté qui passe ses journées à chercher son épitaphe à inscrire sur son caveau, et Arthur Dupont, jeune trentenaire déjà voûté par sa condition, Gérard Pautonnier met en scène un road-movie inattendu en corbillard, joliment absurde et très attachant. En se mettant à la recherche d’un cimetière introuvable, Georges (Bacri), 40 ans de métiers, amer et proche de la retraite et Eddy (Dupont), novice quelque peu paumé, vont faire le point sur leurs situations respectives et surtout apprendre à se connaître, en parlant de la mort, comme d’habitude, mais aussi de la vie, ce qu’ils sont moins habitués à faire.

Il y a deux métiers incontournables : la sage-femme et le fossoyeur. La première accueille, le second raccompagne. Entre les deux, les gens se débrouillent.

Ces récits initiatiques se déroulent lentement – ce qui vaut quelques soucis de rythme – sur l’asphalte glacé qui traverse de vastes paysages enneigés, désolés et boisés (le film a été tourné en Pologne), comme si la route qu’ils suivaient ne menait nulle part, sauf au carrefour de leur propre existence. Mais c’était sans compter la présence du cadavre d’un homme pas vraiment mort. Sur la forme, la photo de Philippe Guilbert (Les Convoyeurs attendent), subjugue avec ses couleurs évidemment froides et grisâtres, tandis que les décors naturels de la Pologne et de la Belgique donnent au film un cachet post-apocalyptique, notamment avec cette petite bourgade non-identifiée composée principalement d’une seule rue, du magasin de pompes funèbres et d’un restaurant chinois, où les habitants s’observent, se scrutent dans l’attente d’un événement qui pourrait relancer les affaires. N’oublions pas la composition tout aussi décalée de Christophe Julien (Au revoir là-haut, 9 mois ferme), composée de blues et de chants amérindiens, qui appuie le caractère bizarre, pour ne pas dire excentrique et intemporel de cette comédie-dramatique, mélancolique et existentielle, aux dialogues très soignés, à voir absolument.

LE DVD

Le test du DVD de Grand froid, disponible chez Diaphana, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

L’éditeur offre une heure de suppléments. On commence par la douzaine de scènes coupées (13’ au total), non mixées et non étalonnées, qui dévoilent les petits bouts de séquences laissés sur le banc de montage, probablement pour des raisons de rythme. Rares sont les scènes qui durent plus de 50 secondes. Nous retiendrons surtout deux génériques de début alternatifs. A noter que ces séquences sont souvent muettes et focalisées sur les réactions des personnages.

Un petit montage de trois minutes montre le travail invisible à l’écran des magiciens des effets spéciaux, notamment pour créer un environnement enneigé alors que la végétation était verte au moment des prises de vue.

Merci à Diaphana de nous permettre de (re)découvrir le court-métrage de Gérard Pautonnier, L’Etourdissement (2015-22’), adapté du roman éponyme de Joël Egloff. Suite au décès accidentel d’un collègue de travail (Nicolas Vaude), Eddy (Arthur Dupont) est chargé, malgré lui, d’aller annoncer la terrible nouvelle à l’épouse (Pascale Arbillot) du défunt. Georges (Philippe Duquesne), un autre collègue, lui propose de l’accompagner pour le soutenir dans cette délicate mission et dans l’idée de rentrer chez lui plus tôt par la même occasion. Arrivés chez la veuve, les deux hommes vont cependant avoir bien du mal à être à la hauteur de la situation. On retrouve déjà dans ce court-métrage, le rapport de la vie avec la mort, ainsi que celui entre deux générations qui s’affrontent et se questionnent sur l’existence. L’humour absurde contraste avec la situation pourtant dramatique et se clôt sur un retournement bouleversant.

Ensuite, nous ne trouvons pas le making of de Grand froid, mais étrangement celui de L’Etourdissement (17’). Dommage que ce documentaire soit si mal réalisé et surtout entièrement musical !

L’interactivité se clôt sur la bande-annonce.

L’Image et le son

En raison de son échec dans les salles (120.000 entrées), Grand froid est privé d’une sortie en Haute-Définition et c’est bien dommage. Malgré cette déconvenue, cette édition DVD s’avère plutôt soignée et claire. La propreté de la copie est assurée, les couleurs désaturées et glaciales sont superbes et bien restituées. Le piqué est aléatoire, mais s’en tire honorablement, surtout que les partis pris esthétiques auraient pu avoir du mal à passer le cap du petit écran. La gestion des contrastes est solide, même si nous pouvions attendre plus de détails. Heureusement, l’encodage consolide l’ensemble avec brio et les nombreuses séquences tournées en extérieur sont très belles.

D’emblée, le mixage Dolby Digital 5.1 impose une spatialisation qui happe le spectateur dans un flot d’ambiances naturelles qui ne se calment que durant les scènes en intérieur, axées sur les dialogues. Le cinéaste fait la part belle aux éléments environnants et la scène arrière ne manque pas l’occasion de briller avec notamment la restitution de la Toccata et Fugue en Ré mineur de Jean-Sébastien Bach. Le souffle du vent détonne sur l’ensemble des baffles. L’éditeur joint également une piste Stéréo de fort bon acabit, sans oublier les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant, ainsi qu’une piste Audiodescription.

Crédits images : © ELZEVIR FILMS / LAURENT THURIN-NAL / Diaphana / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test DVD / Mission Pays Basque, réalisé par Ludovic Bernard

MISSION PAYS BASQUE réalisé par Ludovic Bernard, disponible en DVD le 14 novembre 2017 chez Orange Studio

Acteurs :  Élodie Fontan, Florent Peyre, Daniel Prévost, Nicolas Bridet, Barbara Cabrita, Ludovic Berthillot, Ilona Bachelier, Damien Ferdel, Arielle Sémenoff, Eric Bougnon, Yann Papin…

ScénarioMichel Delgado, Eric Heumann

Photographie : Yannick Ressigeac

Musique : Lucien Papalu, Laurent Sauvagnac

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 2017

LE FILM

Sibylle, jeune Parisienne aux dents longues, entend briller dans ses nouvelles fonctions professionnelles en rachetant une quincaillerie au Pays Basque afin d’y implanter un supermarché. Elle s’imagine avoir « roulé » le vieux propriétaire mais ce dernier est sous curatelle. Sibylle doit donc faire affaire avec Ramon, le neveu, pour récupérer son argent et signer au plus vite. Sinon, c’est le siège éjectable assuré. Elle va rapidement s’apercevoir que les basques n’ont pas l’intention de se laisser faire par une parisienne, si jolie soit-elle.

Bienvenue chez les basques !

A quelques mois d’intervalle, le réalisateur Ludovic Bernard a connu les deux extrêmes. Son premier long métrage, L’Ascension, a été porté par une critique positive, en plus du Grand Prix et du Prix du Jury au Festival de l’Alpe D’Huez, ainsi qu’un bouche-à-oreille très bon, au point de dépasser la barre convoitée du million d’entrées, et ce sans nom véritablement connu au générique à part celui d’Alice Belaïdi. Au début de l’été, son second film sort déjà sur les écrans, Mission Pays Basque. Critique globalement négative de la part de la presse, à peine 150.000 spectateurs au final et film par ailleurs rapidement retiré des salles début juillet. Il faut dire que la bande-annonce n’était guère attractive (euphémisme) et que cela sentait bougrement le nanar made in France. Pourtant, Mission Pays Basque s’avère un divertissement honnête, ni bon ni mauvais, qui repose sur une multitude de clichés, mais qui s’en amuse avec une bonne humeur plutôt contagieuse.

Sybille, jeune cadre parisienne ambitieuse, croit avoir fait l’affaire du siècle en rachetant pour une bouchée de pain la quincaillerie de Ferran Beitialarrangoïta située au Pays basque, pour le compte de son groupe de grande distribution. Or, elle apprend que ce dernier est sous curatelle. Elle doit donc négocier avec Ramuntxo, son neveu, pour obtenir la boutique, censée devenir un supermarché. Mais, Ramuntxo, chanteur à ses heures et Basque jusqu’au bout des ongles, va lui mener la vie dure. Sybille, accompagné de son stagiaire, s’accroche face aux Basques prêts à tout pour garder leur magasin. Il faut qu’elle réussisse sinon elle perdra son travail. Commence alors un jeu du chat et de la souris entre la citadine et l’amoureux de sa terre.

Ecrit par Michel Delgado, réalisateur de Bouquet final en 2008, scénariste de comédies gentiment voire violemment has-been comme La Vengeance d’une blonde et Les Soeurs Soleil de Jeannot Szwarc, Recto/Verso de Jean-Marc Longval, L’Auberge rouge de Gérard Krawczyk, On ne choisit pas sa famille de Christian Clavier, Mission Pays Basque n’a donc pas la prétention de révolutionner le cinéma, mais de jouer sur les décalages culturels chéris par la comédie française. Autant vous dire qu’il n’y a absolument rien de nouveau ici, mais la petite réussite (toutes proportions gardées) de Mission Pays Basque vient essentiellement des comédiens amusants, charismatiques et complices. En premier lieu la ravissante Elodie Fontan, que l’on avait aperçue la première fois toute gamine en 1996, dans l’excellente comédie de Gérard Lauzier, Le Plus Beau métier du monde, aux côtés de Gérard Depardieu. Ayant (bien) grandie, elle est apparue récemment dans le triomphe de Philippe de Chaveron, Qu’est-ce qu’on a fait au Bon Dieu ?, avant de rejoindre la troupe (et les grands succès au box-office) de Philippe Lacheau, Babysitting 2 et Alibi.com. Pétillante et naturelle, elle porte agréablement le film sur ses belles épaules et fait preuve d’une énergie communicative, qui sied évidemment bien à la comédie. Dommage que le film ait été un échec important, car la comédienne prouve qu’elle peut largement prétendre aux premiers rôles.

Elle donne ici la réplique à l’humoriste Florent Peyre, popularisé grâce à l’émission On n’demande qu’à en rire sur France 2 entre 2010 et 2014, qui fait preuve d’une belle présence devant la caméra. Après avoir longtemps fait ses classes en tant qu’assistant-réalisateur auprès de Jean-François Richet sur les deux opus de Mesrine, mais aussi à trois reprises avec Luc Besson (The Lady, Malavita et Lucy), ainsi que sur d’autres productions EuropaCorp (L’Immortel, Les petits mouchoirs, Taken 2 et Taken 3), Ludovic Bernard signe ici son deuxième long métrage avec suffisamment d’efficacité, en insufflant un rythme soutenu, évidemment capital quand on met en scène une comédie et en dirigeant solidement ses acteurs.

Ce serait mentir de dire que Mission Pays Basque n’arrache aucun sourire. Certes, rien n’est crédible ici, mais peu importe puisque le contrat est rempli. On rit en suivant les aventures estivales de cette jeune major de promo d’HEC et Bac+7 plongée dans un environnement totalement étranger, on oublie les soucis du quotidien pendant 1h30, le récit est blindé de bons sentiments et peu importe les digressions inutiles (tout ce qui concerne l’ETA) et si « on connaît déjà la fin » puisque le ton reste léger, sympathique et bon enfant.

LE DVD

Le test du DVD de Mission Pays Basque, disponible chez Orange Studio, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Aucun supplément sur cette édition, et pas de sortie en Haute-Définition.

L’Image et le son

Avec ses 150.000 entrées, il semble qu’Orange n’ait pas jugé bon de sortir Mission Pays Basque en Blu-ray. Il faudra donc se contenter de cette édition standard, mais heureusement la qualité est là. Les couleurs sont bien loties, lumineuses et chaudes pour la partie basque, grisâtres pour les scènes parisiennes, le piqué est suffisamment affûté, la clarté de mise et les contrastes élégants. Les détails ne manquent pas, les noirs sont denses. Que demander de plus ?

Le mixage Dolby Digital 5.1 instaure un excellent confort acoustique en mettant la musique en avant, tout en délivrant les dialogues avec ardeur, sans jamais oublier les effets et ambiances annexes. Quelques basses soulignent également quelques séquences comme la fête au village et l’explosion. La piste Stéréo s’en donne également à coeur joie, se révèle dynamique et même percutante dans son genre. Les sous-titres français destinés au public sourd et malentendant sont également disponibles.

Crédits images : © Claude MEDALE / PARADIS FILMS / Orange Studio / Captures DVD : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / La Nuit du Loup-Garou, réalisé par Terence Fisher

LA NUIT DU LOUP-GAROU (The Curse of the Werewolf) réalisé par Terence Fisher, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs :  Oliver Reed, Clifford Evans, Yvonne Romain, Catherine Feller, Anthony Dawson, Josephine Llewellyn, Richard Wordsworth…

ScénarioAnthony Hinds, d’après le roman Le Loup-garou de Paris (The Werewolf of Paris) de Guy Endore

Photographie : Arthur Grant

Musique : Benjamin Frankel

Durée : 1h33

Date de sortie initiale : 1961

LE FILM

Espagne. XVIIIème siècle. Fils d’un mendiant emprisonné qui avait perdu son humanité et de la servante sourde et muette dont il a abusé, Leon est adopté par un vieux professeur, Alfredo Carido. Mais en grandissant, le jeune homme a de plus en plus de mal à refréner ses pulsions meurtrières, qui le poussent à commettre des atrocités, au point de se transformer les nuits de pleine lune…

Quand la bête pleure…

Suite aux succès « monstres » de leurs réadaptations de la créature de Frankenstein avec Frankenstein s’est échappé (1957) et La Revanche de Frankenstein (1958) réalisés par Terence Fisher, puis Dracula avec Le Cauchemar de Dracula (1958) et Les Maîtresses de Dracula (1960) également mis en scène par Terence Fisher, et enfin la Momie avec La Malédiction des pharaons (1959) mis en scène par, ah bah tiens Terence Fisher encore, la Hammer Films Production se réapproprie l’autre grand mythe des Studios Universal, à savoir le Loup-Garou. Et qui de mieux qu’un certain, comment s’appelle-t-il déjà, Terence Fisher pour ressusciter le lycanthrope ? Une fois de plus, cette résurrection est un miracle cinématographique et La Nuit du Loup-GarouThe Curse of the Werewolf est un autre chef d’oeuvre du réalisateur britannique.

En Espagne, au XVIIIe siècle, le cruel marquis Siniestro humilie un mendiant pendant son repas de noces et le fait jeter au cachot. Il y est rejoint des années plus tard par une servante sourde-muette, qui a eu le tort de repousser les avances du marquis. Rendu fou par la captivité, l’homme se jette sur la malheureuse et la viole. La jeune infirme parvient un jour à s’enfuir et meurt en donnant le jour à un fils, Leon, qui est adopté par un vieux professeur, don Alfredo Carido. De sa conception bestiale, Leon garde en lui une malédiction. L’enfant se transforme en loup-garou quand vient la pleine lune et égorge des chèvres. L’amour de ses beaux-parents parvient à retenir ses envies de sang. Des années après, Leon quitte le domicile familial pour gagner sa vie.

La Nuit du Loup-Garou est divisé en trois actes bien distincts. Les origines de Leon / L’émancipation de Leon / La damnation de Leon. Terence Fisher prend le temps d’installer les conditions sociales de l’Espagne du XVIIIe siècle. A l’origine, le scénario devait suivre le roman Le Loup-Garou de Paris de Guy Endore, mais suite à l’arrêt brutal de la production d’un film que devait mettre en scène James Carreras et qui devait se dérouler en Espagne sous l’Inquisition, le scénariste Anthony Hinds, fils de William Hinds, le fondateur de la Hammer films, est obligé de revoir entièrement sa copie afin d’ancrer le comeback du Loup-Garou au pays des pesetas. Ceci afin d’utiliser les décors déjà construits pour le film avorté de James Carreras, lui-même le fils d’Enrique Carreras, l’autre fondateur du studio. Si l’intrigue est déplacée, le propos reste le même et c’est encore une fois la preuve de tout le génie de la Hammer et de Terence Fisher puisque La Nuit du Loup-Garou est une fable sociale déguisée en film d’épouvante et fantastique, qui aurait pu tout aussi bien se dérouler dans l’Angleterre victorienne.

Leon est interprété par l’illustre Oliver Reed, que Terence Fisher venait de diriger dans Les Deux Visages du Docteur Jekyll. Le comédien porte magnifiquement la tragédie de son personnage, dont le destin était d’ores et déjà scellé par les conditions de sa venue au monde. Fruit d’un viol d’une servante sourde-muette, sa mère, interprétée par la pulpeuse Yvonne Romain, par un mendiant retombé à l’état sauvage à cause du sadisme d’un marquis (le vrai monstre du film), qui a lui-même voulu profiter des charmes de la domestique, Leon est à jamais marqué du sceau de la marginalité, image même de l’être différent et écarté de la société. Seul l’amour, le fait d’aimer et d’être aimé, semble repousser l’envie irrépressible de se repaître de chair et de sang. Jusqu’à ce que les conventions sociales s’en mêlent et annihilent tout espoir de rédemption pour Leon, qui doit alors lutter contre ses envies bestiales. Jusqu’au point de non-retour.

Jack Asher n’étant pas disponible, ou tout simplement trop cher pour les studios, le chef opérateur Arthur Grant signe la photo de The Curse of the Werewolf. Attaché à la Hammer (Le Spectre du chat, et plus tard Le Fascinant capitaine Clegg ou bien encore Le Fantôme de l’opéra), le directeur de la photographie apporte au film une esthétique plus réaliste et moins baroque que son célèbre confrère, notamment dans le dernier acte entre ombre et lumière.

Référence du film de genre, sur le fond comme sur la forme (extraordinaire maquillage de Roy Ashton, inspiré par celui de la Bête du film de Jean Cocteau), La Nuit du Loup-Garou est un film unique au sein des nombreux longs métrages centrés sur un lycanthrope, beau, passionnant, drame violent (le viol hors-champ est vraiment troublant), intelligent, d’autant plus rare qu’il s’agit du seul film de loup-garou produit par la Hammer Films Productions.

LE BLU-RAY

La Nuit du Loup-Garou est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.

Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de véritables auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, véritable érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !

Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation de La Nuit du Loup-Garou (24’30). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production de La Nuit du Loup-Garou. Le journaliste replace donc le film de Terence Fisher dans l’histoire de la Hammer Films, qui souhaitait aborder le célèbre lycanthrope après avoir ressuscité les autres monstres autrefois rendus célèbres par les studios Universal. Le casting, mais aussi et surtout le fond (la dimension sociale du film) comme la forme (le maquillage de Roy Ashton, la photographie d’Arthur Grant, la mise en scène de Terence Fisher) sont abordés avec intelligence et spontanéité.

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.

L’Image et le son

Le film est présenté dans son format respecté et en 16/9. En dépit d’un grain parfois trop prononcé sur chaque plan montrant le ciel, qui entraînent inévitablement de sensibles fourmillements, ainsi que des noirs qui tirent sur le bleu et des décrochages sur les fondus enchaînés, l’image de La Nuit du Loup-Garou a été excellemment restaurée. La définition est souvent exemplaire, la propreté indéniable (à part de petits points noirs), la superbe photo d’Arthur Grant flatte constamment les rétines, la stabilité est de mise et même le piqué est à l’avenant sur certaines séquences, y compris sur les scènes en intérieur où l’on peut apprécier chaque détail des décors. Les couleurs sont claires et vraiment très belles, les contrastes très appréciables. L’apport HD pour ce titre est vraiment indispensable. Un très beau lifting.

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française est tantôt sourde, tantôt criarde, au détriment des ambiances annexes et de la partition de Benjamin Frankel. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer, ni aucun craquement. Le changement de langue est possible à la volée et les sous-titres français non imposés.

Crédits images : © Elephant Films / Unversal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Centurions, réalisé par Mark Robson

LES CENTURIONS (Lost Command) réalisé par Mark Robson, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Sidonis Calysta

Acteurs :  Anthony Quinn, Alain Delon, George Segal, Michèle Morgan, Claudia Cardinale, Maurice Ronet, Grégoire Aslan, Jean Servais…

ScénarioNelson Gidding d’après le roman de Jean Lartéguy

Photographie : Robert Surtees

Musique : Franz Waxman

Durée : 2h10

Date de sortie initiale : 1966

LE FILM

Fait prisonnier en Indochine en 1954, le lieutenant-colonel Raspéguy, qui avait auprès de lui les jeunes capitaines Esclavier et Boisfeuras et le lieutenant d’origine arabe Mahidi, supporte mal l’humiliation de la défaite. Relevé de son commandement pour insubordination, il obtient, grâce à la comtesse de Clairefons, un nouveau poste, cette fois-ci en Algérie…

Quand Hollywood se penche sur l’Histoire française. Si Mark Robson (1913-1978) est un réalisateur inégal, il n’en demeure pas moins un très bon artisan et technicien. Ancien monteur de Jacques Tourneur sur La Féline et Vaudou, mais aussi d’Orson Welles sur La Splendeur des Amberson, ses meilleurs opus demeurent La Septième victime, Plus dure sera la chute (l’un des plus beaux rôles d’Humphrey Bogart), Le Champion, L’Express du colonel Von Ryan, La Vallée des poupées et même Tremblement de terre, un des fleurons du genre catastrophe dans les années 1970. S’il n’est pas un grand film de guerre, Les CenturionsLost Command (1966) reste non seulement l’un des films les plus connus de Mark Robson, mais également un très bon divertissement emblématique du savoir-faire, ainsi que de l’éclectisme du cinéaste.

Après la déroute de Diên Biên Phu et quatre mois de captivité en Indochine, le lieutenant-colonel Raspeguy (Anthony Quinn), secondé par ses fidèles camarades, obtient grâce à l’influence de la comtesse de Clairefons, veuve d’un de ses hommes tué en Indochine, le commandement du dixième régiment de parachutistes en Algérie, Les Lézards, où des troubles viennent d’éclater. Mais, très vite, des conflits, tant idéologiques que stratégiques, éclatent entre ses amis de toujours. Ainsi, Ben Mahidi, l’un de ses anciens officiers passé à la rébellion, a rejoint les rangs du FLN. Il est d’ailleurs devenu le chef des rebelles terroristes.

Ainsi donc, le cinéma américain décide de s’inspirer des guerres de décolonisation. C’est sans doute pour cela que le film est encore aujourd’hui plutôt mal vu dans nos contrées, en dépit d’un gros succès populaire à sa sortie avec 4,3 millions de spectateurs. Les Centurions est la libre adaptation du roman de Jean Lartéguy publié en 1960, par le scénariste Nelson Gidding (Le Coup de l’escalier, La Maison du diable, Le Mystère Andromède). Ancien soldat volontaire en 1939, officier dans les commandos d’Afrique au sein de l’armée française de la Libération, puis blessé en Corée, plusieurs fois décoré (Légion d’honneur, Croix de guerre 1939-1945, Croix de guerre TOE), Jean Lartéguy a connu la guerre de près, puis devient correspondant de guerre pour Paris Match, pour ensuite devenir grand reporter à Paris-Presse à partir de 1952. Il reçoit le Prix Albert-Londres en 1955. L’un de ses sujets de prédilection est la décolonisation, qu’il a longtemps traitée à travers de multiples reportages. Les Centurions, vendu à plus d’un million d’exemplaires, est son roman le plus célèbre et inspiré de son propre vécu en Algérie.

Le personnage du lieutenant-colonel Raspéguy est fortement inspiré de Marcel Bigeard, dont le nom reste associé aux guerres d’Indochine et d’Algérie. Qui de mieux qu’Anthony Quinn pour incarner un soldat buriné ? De par sa stature, son charisme imposant et son timbre grave, le comédien n’a que peu à faire pour incarner l’autorité. L’histoire d’un simple berger du Pays basque qui s’est fait tout seul et grimpé les échelons, en devenant un vrai meneur d’hommes. Production internationale, Les Centurions convoque quelques comédiens français prestigieux, Alain Delon, Maurice Ronet, Jean Servais, Jacques Marin, sans oublier le charme sensuel de Claudia Cardinale. Le duo Quinn-Delon fonctionne très bien, le premier dans le rôle du militaire qui obéit aveuglément aux ordres, dans le but de grimper l’échelle sociale, tandis que l’autre tombe amoureux sans le savoir de la sœur de Mahidi et supporte de moins en moins les pratiques répressives douteuses de ses compagnons d’armes, en particulier l’usage de la torture. Ou comment une histoire d’amitié est gangrenée par le sens du devoir.

Difficile pour Mark Robson de concilier à la fois le divertissement grand public et de rester attacher aux faits tels qu’ils se sont passés. Pourtant, même si le film paraît continuellement hésiter quant au point de vue à adopter, le réalisateur s’en tire fort honorablement en ne prenant finalement pas parti, mais en montrant les deux côtés de la barrière. Si l’on peut déplorer que Mahidi et ses troupes ne soient pas interprétés par des acteurs maghrébins, que le récit prenne forcément quelques libertés avec l’Histoire (mais il ne s’agit pas d’un documentaire) et bien sûr que tout ce beau monde s’exprime dans la langue de Shakespeare, Les Centurions peut compter sur une mise en scène dynamique, un montage vif et surtout de gros moyens pour plonger les spectateurs dans des scènes d’affrontements particulièrement explosifs.

Il serait dommage de ne pas saluer l’entreprise des Centurions, surtout que le personnage d’Alain Delon, qui pourrait passer pour le beau gosse de service sans conscience ni morale, se révèle être le plus humain et réfléchi, face à un Maurice Ronet jusqu’au-boutiste qui ne crache pas sur les moyens les plus abjects pour faire parler l’ennemi. On est donc loin d’un film à la gloire des paras comme certains ont pu le clamer, même si l’on est clairement dans le domaine de la série B gonflée aux hormones.

LE BLU-RAY

Le test de l’édition Haute-Définition des Centurions, disponible chez Sidonis Calysta, a été réalisé à partir d’un check-disc. Le menu principal est animé et musical.

Seul à bord, Patrick Brion prend la défense des Centurions au cours de sa présentation (21’). L’historien du cinéma indique que cette adaptation du roman de Jean Lartéguy, dont il dresse d’ailleurs le portrait, est encore curieusement mal considérée en France. Patrick Brion avance donc des arguments pour soutenir le film de Mark Robson en indiquant que la France est un pays qui a toujours été dans l’incapacité à regarder, à assumer et à parler de sa propre Histoire, et surtout qu’elle a toujours vu d’un mauvais œil qu’un autre pays se permette de le faire. L’historien dresse rapidement un panel de films engagés (R.A.S. d’Yves Boisset) ou plus classiques (Diên Biên Phu de Pierre Schoendoerffer), ainsi que la poignée de films sur la Première Guerre mondiale, avant de se pencher plus sur Les Centurions, dont il dit à plusieurs reprises qu’il s’agit d’un film «très juste et objectif».

L’interactivité se clôt sur une galerie de photos, la bande-annonce et un petit making of d’époque (4’30), en N&B et qualité médiocre, qui insiste sur l’investissement des comédiens dans les scènes d’action réalisées dans des conditions difficiles. C’est aussi l’occasion d’apercevoir Anthony Quinn réaliser son célèbre sirtaki de Zorba le Grec devant ses camarades.

L’Image et le son

Jusqu’alors disponible en DVD chez Sony Pictures, Les Centurions se refait une beauté en Haute-Définition grâce aux bons soins de Sidonis Calysta. Le cadre large retrouve de sa superbe, la clarté est de mise, la restauration de haut niveau et le grain original conservé. Le générique en ouverture semble plus grumeleux, mais cela s’arrange après. En revanche, les contours des visages restent flous, comme si la mise au point n’arrivait pas à se faire. Quelques baisses de la définition sporadiques émaillent cette édition, tout comme une gestion aléatoire des contrastes, ainsi que des pixels (36’40) avec une saute d’image. Le piqué est en revanche vif et acéré sur les séquences diurnes et le relief est très appréciable.

L’éditeur propose les versions anglaise et française en DTS-HD Master Audio Mono 2.0. Cette dernière bénéficie d’un doublage old-school très réussi (les acteurs français se doublent eux-mêmes), et le report des voix s’avère plus mordant qu’en version originale. Sur les deux pistes, les effets annexes sont ardents, surtout sur les séquences d’affrontements avec les rafales et les explosions à foison. Dynamiques et vives, tout comme le score de Franz Waxman, les deux options acoustiques ne déçoivent pas.

Crédits images : © Columbia Pictures / Sidonis Calysta / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr

Test Blu-ray / Les Maîtresses de Dracula, réalisé par Terence Fisher

LES MAÎTRESSES DE DRACULA (The Brides of Dracula) réalisé par Terence Fisher, disponible en DVD et combo Blu-ray+DVD le 7 novembre 2017 chez Elephant Films

Acteurs :  Peter Cushing, Martita Hunt, Yvonne Monlaur, Freda Jackson, David Peel, Miles Malleson, Henry Oscar, Mona Washbourne, Michael Ripper…

ScénarioJimmy Sangster, Peter Bryan, Edward Percy

Photographie : Jack Asher

Musique : Malcolm Williamson

Durée : 1h25

Date de sortie initiale : 1960

LE FILM

Marianne a accepté un poste d’institutrice dans un pensionnat pour jeune fille. Alors qu’elle traverse la Transylvanie, son cocher l’abandonne dans un village, où elle trouve refuge dans une auberge. Malgré les mises en garde du propriétaire des lieux, elle accepte l’invitation de la baronne Meinster à passer la nuit dans son château. Heureusement pour elle, Van Helsing, docteur en philosophie, théologie et professeur de métaphysique, poursuit dans la région sa chasse aux vampires.

Les Maîtresses de DraculaThe Brides of Dracula est et demeure l’un des opus emblématiques de la mythique Hammer. Si le titre est quelque peu mensonger puisque le célèbre Comte n’apparaît pas une seconde à l’écran (pas de Christopher Lee ici) mais laisse sa place à l’un de ses disciples, ce film fantastique, dans tous les sens du terme, reste l’un des plus grands films de vampires, réalisé par l’expert en la matière (mais pas que), le maître Terrence Fisher. Le cinéaste britannique (1904-1980), qui avait auparavant signé Frankenstein s’est échappé (1957), Le Cauchemar de Dracula (1958), La Revanche de Frankenstein (1958), Le Chien des Baskerville (1959) et La Malédiction des pharaons (1959), retrouve à nouveau l’immense Peter Cushing, qui revêt le costume du professeur Van Helsing pour la seconde fois de sa carrière – il l’incarnera au total cinq fois, du Cauchemar de Dracula (1958) à La Légende des sept vampires d’or (1974), dernier film de la saga – dans lequel il crève l’écran une fois de plus, au point de devenir le véritable héros de ce nouvel épisode, pour ne pas dire de la franchise.

L’histoire se passe en Transylvanie. Marianne Danielle (Yvonne Monlaur), une jeune institutrice en route pour occuper un emploi dans un pensionnat pour jeunes filles, est abandonnée dans un village par son cocher. À l’auberge où elle se réfugie, elle ne tient pas compte des avertissements des propriétaires du lieu et accepte l’offre de la baronne Meinster (Martita Hunt) de passer la nuit dans sa demeure. Au château, de la fenêtre de sa chambre, elle aperçoit le fils de la baronne (David Peel). Celle-ci lui déclare qu’il est fou et qu’elle doit le garder prisonnier dans sa chambre. Plus tard, Marianne le rencontre et celui-ci lui déclare que sa mère a usurpé ses terres par jalousie. La jeune fille le croit et décide de l’aider. Elle vole la clé de la chaîne qui le tient prisonnier et la lui donne. La baronne apprend horrifiée ce qui s’est passé. Son fils, délivré, apparaît et lui ordonne de la suivre. Marianne entend les cris hystériques de la servante Greta (Freda Jackson) qui la force à regarder le corps assassiné de la baronne et les marques de perforation sur sa gorge. Marianne s’enfuit dans la nuit. Le lendemain, elle est recueillie par le docteur Van Helsing (Peter Cushing), toujours à la poursuite des non-morts.

Les Maîtresses de Dracula est une référence du genre. Premièrement par ses partis pris stylisés et sophistiqués. La photographie du chef opérateur Jack Asher, complice de Terence Fisher, a su marquer les esprits avec l’utilisation de couleurs baroques, à dominante rose. Une esthétique qui inspirera moult cinéastes à l’instar de Dario Argento pour ses œuvres les plus célèbres. D’autre part, la mise en scène de Terence Fisher, sans cesse inventive, traverse les années sans prendre de rides. Le cadre et le découpage sont constamment au service du récit, ou plutôt du « conte de fées pour adultes » comme aimait le dire le réalisateur. Enfin, le casting est au diapason. Si Peter Cushing, monstre de charisme et de talent, vole toutes les scènes à chaque apparition, Les Maîtresses de Dracula donne également la vedette à la belle Yvonne Monlaur. La comédienne française, révélée dans Le Cirque des horreurs (1960) de Sidney Hayers, est considérée comme l’une des plus grandes Hammer Girls. Son magnétisme et son érotisme innocent ne sont pas pour rien dans la très grande réussite du film. Il en est de même pour le méconnu David Peel, qui interprète ici le fameux Baron Meinster, créature aux dents longues, enchaîné par sa mère, jusqu’à ce que cette dernière se faire mordre par sa progéniture. Il fallait vraiment oser parler de complexe d’Oedipe dans ce contexte !

Terence Fisher utilise la sexualité de son acteur, gay revendiqué, pour apporter sa pierre à l’édifice du genre. Le vampire a toujours été associé au sexe, par l’excitation que la créature exerce souvent auprès des femmes, mais le cinéaste attaque ici frontalement cette facette. Personnage à la fois asexué et pourtant sexuel, beau et repoussant, qui se repaît aussi bien du sang des femmes que des hommes, le Baron Meinster envoûte son entourage, pour mieux les appâter. De son côté, en prenant les choses en main, Van Helsing devient celui qui non seulement s’oppose au vampire, mais également celui qui va traverser toutes les épreuves, y compris celle de revenir quasiment d’entre les morts par son seul courage et son intelligence, pour sauver la jeune femme et débarrasser la planète d’un des non-morts qu’il poursuit sans relâche.

Le final dans le moulin – magnifique décor gothique – éclairé par les rayons de la Lune est anthologique, tout comme le duel final, où la ruse du professeur l’emporte sur l’affrontement physique, en retournant les forces du mal contre le démon. Ou quand les ailes d’un moulin deviennent un crucifix géant ! C’est grand, c’est virtuose, c’est Terence Fisher, qui reviendra au célèbre vampire en 1966 avec Dracula, prince des ténèbres, avec le retour de Christopher Lee dans le rôle-titre.

LE BLU-RAY

Les Maîtresses de Dracula est disponible en DVD et combo Blu-ray/DVD chez Elephant Films. Cette édition contient également un livret collector de 20 pages, ainsi qu’une jaquette réversible avec choix entre facings « moderne » ou « vintage ». Le boîtier Blu-ray est glissé dans un fourreau. Le menu principal est animé et musical.

Bravo à Elephant Films qui nous livre ici l’une de ses meilleures présentations. On doit cette grande réussite à Nicolas Stanzick, auteur du livre Dans les griffes de la Hammer: la France livrée au cinéma d’épouvante. Dans un premier module de 10 minutes, ce dernier nous raconte l’histoire du mythique studio Hammer Film Productions. Comment le studio a-t-il fait sa place dans l’Histoire du cinéma, comment le studio a-t-il réussi l’exploit de susciter un véritable culte sur son seul nom et surtout en produisant de véritables auteurs ? Comment les créateurs du studio ont-ils pu ranimer l’intérêt des spectateurs pour des mythes alors tombés en désuétude ou parfois même devenus objets de comédies ? Nicolas Stanzick, véritable érudit, passionnant, passe en revue les grands noms (Terence Fisher bien évidemment, Christopher Lee, Peter Cushing) qui ont fait le triomphe de la Hammer dans le monde entier, mais aussi les grandes étapes qui ont conduit le studio vers les films d’épouvante qui ont fait sa renommée. Voilà une formidable introduction !

Nous trouvons ensuite une très émouvante et délicate interview de la comédienne Yvonne Monlaur, Marianne Danielle dans Les Maîtresses de Dracula, qui revient avec visiblement beaucoup de plaisir sur son travail avec Terence Fisher (« tellement gentil, cool et relax ! »), Peter Cushing et David Peel (12’). Très élégante, belle et douce, Yvonne Monlaur partage ses souvenirs de tournage, évoque son personnage, les prises de vue aux studios Bray (près de Londres) et se souvient avec émotion de la présentation du film lors d’une rétrospective de la Hammer au musée Orsay en 2011, où elle avait rencontré les fans français. Un carton indique qu’Yvonne Monlaur est décédée le 18 avril 2017, visiblement peu de temps après cet entretien.

Retrouvons ensuite Nicolas Stanzick pour la présentation des Maîtresses de Dracula (26’). Evidemment, ce module est à visionner après avoir vu ou revu le film puisque les scènes clés sont abordées. Comme lors de sa présentation de la Hammer, Nicolas Stanzick, toujours débordant d’énergie et à la passion contagieuse, indique tout ce que le cinéphile souhaiterait savoir sur la production des Maîtresses de Dracula. Autrement dit la genèse compliquée du film en raison de nombreuses réécritures (trois scénaristes crédités), l’évolution de l’histoire, les éléments non retenus mais repris trois ans après dans Le Baiser du vampire de Don Sharp, le casting, les conditions de tournage. Nicolas Stanzick indique que Terence Fisher a su faire fi des incohérences et zones d’ombre du scénario, héritées des réécritures multiples, pour en faire à l’écran des éléments mystérieux et surtout un des plus grands films gothiques de l’époque. Le journaliste abord ensuite le mythe du vampire dans l’oeuvre de Terence Fisher, notamment dans sa trilogie constituée du Cauchemar de DraculaLes Maîtresses de DraculaDracula, prince des ténèbres, ainsi que la place de plus en plus prépondérante de Van Helsing face aux créatures qu’il combat.

Pour finir, Yvonne Monlaur lit une critique des Maîtresses de Dracula, écrite par Michel Caen et publiée dans la revue de cinéma Midi-Minuit à la sortie du film (2’).

L’interactivité se clôt sur un lot de bandes-annonces et une galerie de photos.

L’Image et le son

Le Blu-ray est au format 1080p (AVC) et le film présenté dans son format respecté. L’image des Maîtresses de Dracula a été excellemment restaurée. Le grain est présent mais très bien géré, la définition est souvent exemplaire, la propreté indéniable, aucune scorie à l’horizon à part quelques points noirs, la superbe photo de Jack Asher flatte constamment les rétines, la stabilité est de mise et même le piqué est à l’avenant sur certaines séquences, y compris sur les scènes en intérieur. Les couleurs sont claires et vraiment très belles, les contrastes denses. L’apport HD pour ce titre est vraiment indispensable. Un très beau lifting qui enterre définitivement l’édition DVD éditée par Bach Films en 2007.

Le film est disponible en version originale ainsi qu’en version française DTS HD Master Audio mono d’origine. Sans surprise, la piste anglaise l’emporte haut la main sur son homologue, surtout du point de vue homogénéité entre les voix des comédiens, la musique et les effets sonores. La piste française mise un peu trop sur les dialogues, au détriment des ambiances annexes et de l’habillage musical. Dans les deux cas, point de souffle à déplorer. Les sous-titres français ne sont pas imposés sur la version originale.


Crédits images : © Elephant Films / Unversal Pictures / Captures Blu-ray : Franck Brissard pour Homepopcorn.fr